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Message Publié : 26 Mai 2012 8:31 
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Bonjour,

Je viens de terminer la lecture d'une biographie de Charles Quint dans laquelle est avancée l'idée que Charles Quint attendait de son frère, Ferdinand Ier, qu'en récompense du trône impérial (1556-1558), il fasse de Philippe II d'Espagne le prochain empereur du Saint-Empire romain germanique. J'ai fait quelques recherches, lesquelles mettaient en avant un partage des pouvoirs de Charles Quint, à savoir l'Espagne, les Pays-Bas, la Sicile et Naples pour son fils et le trône impérial pour son frère, expliqué par les personnalités de Philippe II (familier de la cour d'Espagne) et de Ferdinand Ier (familier des princes allemands).

Je cherche à déterminer le moment et les raisons qui ont poussé Ferdinand Ier à choisir son propre fils Maximilien II pour lui succéder à la dignité impériale.

A-t-il toujours été partisan de son fils à sa propre succession ?
Quels ont été les actes de son règne impérial en ce sens ?

Je vous remercie pour votre aide,

Jadis

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Message Publié : 15 Juil 2012 17:46 
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Philippe de Commines
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Jadis a écrit :
Je viens de terminer la lecture d'une biographie de Charles Quint dans laquelle est avancée l'idée que Charles Quint attendait de son frère, Ferdinand Ier, qu'en récompense du trône impérial (1556-1558), il fasse de Philippe II d'Espagne le prochain empereur du Saint-Empire romain germanique. J'ai fait quelques recherches, lesquelles mettaient en avant un partage des pouvoirs de Charles Quint, à savoir l'Espagne, les Pays-Bas, la Sicile et Naples pour son fils et le trône impérial pour son frère, expliqué par les personnalités de Philippe II (familier de la cour d'Espagne) et de Ferdinand Ier (familier des princes allemands).

Les dernières années de Charles Quint (CQ), les "anos aflictivos" (appelées ainsi par R. Grande, historien) furent une suite de désillusions et de souffrances tant physiques que morales...
Désillusions aussi du côté familial avec des relations qui se dégradent avec son frère, l'archiduc Ferdinand, à propos de la future succession.
L'idée de CQ était de maintenir une certaine unité de l'héritage au sein de la dynastie. Fallait-il privilégier la branche aînée de la famille à savoir l'infant Philippe ou bien la branche cadette : Ferdinand tout en essayant de maintenir une collaboration étroite et quid de l'unité de l'Empire qui n'était plus qu'une image depuis la convention de Bruxelles (1522).
Un projet est élaboré en 1550. A la mort de CQ, Ferdinand déjà "roi des Romains" depuis 1531, deviendrait empereur et devrait aussitôt désigner l'infant Philippe comme "roi des Romains" puis au décès de Ferdinand, l'élection ne serait qu'une formalité. Le fils de Ferdinand, Maximilien deviendrait à son tour "rois des Romains" et au décès de Philippe, Empereur. Ce qui ferait une alternance des héritiers de CQ et de Ferdinand.

Citer :
A-t-il toujours été partisan de son fils à sa propre succession ? Quels ont été les actes de son règne impérial en ce sens ?

Ferdinand accepte l'alternance du bout des lèvres espérant des princes électeurs le choix de son fils Maximilien pour lui succéder, écartant ainsi Philippe.
Il n'y a pas d'acte dans la mesure où le titre est le fruit d'une élection. Les princes électeurs sont au nombre de sept. Pour obtenir la compréhension des princes électeurs dans ces temps troublés, il faut se montre le plus tolérant possible ce que fera Ferdinand face à l'impact de la Réforme et aussi pour préparer l'avènement de son fils. Chacun connaît l'orientation religieuse rigoureuse de l'infant Philippe et la tolérance de Maximilien, fils de Ferdinand.
Le titre est ronflant mais la politique a ses raisons et afin de ramener la paix en Allemagne, Ferdinand fait des concessions aux luthériens, concessions condamnées par Paul IV.
Le règlement successoral est remanié en 1554, lors du contrat de mariage entre l'infant Philippe et Mary Tudor, déjà reine. Si le couple avait un enfant, celui-ci hériterait outre l'Angleterre, les Etats bourguignons et les Pays-Bas, l'héritage espagnol de Charles (don Carlos) -fils de l'infant Philippe-. Dans l'immédiat, Philippe reçoit le royaume de Naples en cadeau de mariage.
Je pense qu'à ce moment Ferdinand "roi des romains" a dû sentir la branche austro-allemande lésée face à la branche hispano-néerlandaise ; ce qui le conforte dans sa politique et l'oppose encore plus à son aîné.
CQ dans une lettre du 12 septembre 1556 fait savoir à Ferdinand qu'il lui transmet la dignité impériale.
En février suivant, Guillaume d'orange, à la tête d'une délégation apporte aux électeurs la renonciation officielle. Après une année de réflexion, le 28 février 1558, le Collège électoral réunit à Francfort prend acte de la décision et le 12 mars, par un vote unanime désigne Ferdinand comme empereur, il devient Ferdinand Ier.
Désormais l'union de la famille se perpétuera par presque uniquement par des liens matrimoniaux.
Ferdinand Ier est face à une Réforme luthérienne qui s'est imposée dans une grande partie de l'Allemagne du nord et domine en Bohême. A Vienne, la moitié de la population est passée à la Réforme. Il faut aussi compter avec des princes tels Frédéric III qui se rallient au calvinisme tout comme une grande partie des sujets hongrois (le luthéranisme est jugé "trop allemand"). Ferdinand Ier applique loyalement les dispositions de la paix d'Augsbourg mais il ne peut faire jouer le principe "cujus regio ejus religio" ; il soutiendra donc la contre-réforme car attaché à la foi catholique.

Il en va tout autre pour son fils Maximilien qui ne cache pas ses sympathies pour les protestants.
Afin de mieux intégrer son fils dans la tradition catholique des Habsbourg, Ferdinand Ier le marie à sa nièce -soeur de Philippe II- rien n'y change. Le Pape manifeste son mécontentement devant le laxisme paternel de Ferdinand Ier en ne le reconnaissant empereur qu'en 1558.
La crise éclate lorsque Maximilien invite un prédicateur protestant à prêcher en l'église des Augustins à Vienne.
Ferdinand Ier se montre ferme : pour être élu "roi des romains" il faut être catholique et le montrer sinon le titre risque d'échoir à d'aucun voyant le principe d'alternance échapper manifestement.
L'archiduc Maximilien se soumet ce qui lui permet d'être élu en 1562. Philippe II n'est pas dupe et exige de Ferdinand Ier que ses deux petits-fils soient envoyés en Espagne (1563-1571) où une éducation catholique rigoureuse leur sera prodiguée. Maximilien s'incline et se sépare de ses deux fils avec les sentiments que l'on peut imaginer.
Peu de temps avant sa mort, Ferdinand Ier rédige un testament qui reprend une ancienne coutume des Habsbourg : le partage de l'héritage entre les descendants mâles. L'aîné Maximilien outre la dignité impériale -pour ainsi dire acquise- reçoit les duchés de basse et haute Autriche, les pays de la couronne de Saint Venceslas (Moravie, Silésie, Lusace) ainsi que la "Hongrie royale".
Le Pape et Philippe II avaient raison de s'inquiéter, devenu Empereur sous le nom de Maximilien II, l'homme reste toujours attaché aux idées de ses précepteurs et s'érige en défenseur de la tolérance :
"Je ne suis ni papiste ni évangéliste mais seulement chrétien" (échange avec le légat du pape cité par Knappich dans son livre "Chronique des Habsbourg")
"Ici les gens se sont entendus pour se tolérer les uns les autres. Dans les communautés mixtes, la question est rarement posée de savoir si quelqu'un est catholique ou protestant. Protestants et catholiques se marient entre eux sans soulever le moindre scandale ni même le moindre commentaire." (échange avec l'ambassadeur de Venise cité par Mac Guiguan dans son livre "Les Habsbourg").
Apprenant la Saint Barthélémy : "Cela n'est ni juste ni justifiable. Les questions de religion ne seront pas résolues par l'épée mais par la parole divine et par une entente et une justice chrétiennes".
Cette tolérance déjà palpable a certainement joué en faveur de Maximilien II face aux électeurs.

Dès 1595, Ferdinand II engagera une politique d'éradication totale du protestantisme dans ses états.
J'ai été un peu longue : j'ai toujours quelque mal à synthétiser :oops: tout me semble important... :rool:

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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Message Publié : 15 Juil 2012 19:38 
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Jean Froissart
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Voici ce qu'en dit l'historien Henri Sacchi, dans "La guerre de Trente Ans", Paris, 1991, tome 1, page 46 :

"Par son testament politique, Charles-Quint réserva à son fils Philippe la plus belle part de ses domaines, ceux du moins auquels il était le plus attaché, pour des raisons politiques autant que sentimentales. C'est ainsi qu'il lui légua, non seulement l'Espagne et ses immenses colonies, mais également les Pays-Bas, la Franche-Comté et le Milanais, afin de lui permettre de surveiller la France plus étroitement. Cette division favorisait évidemment la branche espagnole de la Maison de Habsbourg. [...] Charles-Quint, en remettant l'Espagne à son fils et l'Allemagne à son frère, n'avait nullement fait éclater son empire. Il avait seulement voulu répartir l'immense puissance des Habsbourg entre plusieurs membres de sa propre famille, car il jugeait au fond de lui-même, que personne après lui ne pouvait assumer, comme il l'avait fait, le gouvernement du gigantesque domaine"


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Message Publié : 15 Juil 2012 22:44 
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Philippe de Commines
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Re: Message du 15 juillet 18h45.

Gaete,

un grand merci pour cet exellent message.

"J'ai été un peu longue : j'ai toujours quelque mal à synthétiser tout me semble important..."
Vous avez complètement raison...autrement ce n'est pas si clair...

En cherchant pour Ferdinand II j'étais d'abord confus avec le Ferdinand II archiduc...mais immédiament concluant que c'était
le Ferdinand II empéreur de la sainte empire, qui était une des causes de la guerre de trente ans...

Intéressé dans les Habsbourg depuis quelques années. Sur le territoire de la Belgique contemporaine on a eu pas mal des Habsbourgs. Un Maximilien d'Autriche, un Philippe le Beau, un Charles Quint, un Philippe II, (une Isabelle?), une Maria-Thérèse, un Joseph II.

Et dans mes recherches d'aujourd'hui je pense que j'ai résolu une vielle question concernant Marie-Thérèse...elle n'était pas impératrice comme j'ai appris dans mon cours d'histoire d'antan...elle était archiduchesse d'Autriche et c'était son mari qui était empéreur de la sainte empire...ce n'était qu'en 1804 que le titre empereur d'Autriche est établi et en 1806 le saint empire cesse d'exister...de ça le Doppelkaiser (le double empéreur?)...

Cordialement et avec estime,

Paul.


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Message Publié : 16 Juil 2012 9:02 
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Grégoire de Tours
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J'avais lu dans le classique de Braudel "La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II" que Charles Quint céda la couronne impériale à son frère Ferdinand sous la pression des princes allemands. Ceux-ci ainsi que l'opinion publique allemande auraient été opposés au couronnement d'un empereur espagnol que serait, selon eux, le futur Philippe II. L'archiduc Ferdinand aurait donc eu la faveur des électeurs allemands car plus germanique.
Par ailleurs, je pense qu'il ne faut pas s'étonner de la dispersion par Charles Quint de son empire entre son fils et son frère. Charles Quint reste un homme de son époque et il était courant lors des successions royales que plusieurs héritiers se partagent titres et possessions. Ce qui peut par contre étonner, c'est le rattachement de l'héritage bourguignon des Habsbourg à la couronne espagnole, ce qui montre que Charles Quint a bien privilégié son fils lors de sa succession.

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"I do not know with what weapons World War III will be fought, but World War IV will be fought with sticks and stones."

Albert Einstein


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Message Publié : 16 Juil 2012 19:06 
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Philippe de Commines
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PaulRyckier a écrit :
En cherchant pour Ferdinand II j'étais d'abord confus avec le Ferdinand II archiduc...mais immédiament concluant que c'était le Ferdinand II empéreur de la sainte empire, qui était une des causes de la guerre de trente ans...

Je suis désolée :oops: De mon côté lorsque j'évoque CQ simplement pour des problèmes territoriaux concernant l'Espage, je préfère employer Charles Ier.

Citer :
Intéressé dans les Habsbourg depuis quelques années. Sur le territoire de la Belgique contemporaine on a eu pas mal des Habsbourgs. Un Maximilien d'Autriche, un Philippe le Beau, un Charles Quint, un Philippe II, (une Isabelle?), une Maria-Thérèse, un Joseph II.

Il n'est rien que j'ai pu vous apporter sans le concours d'un livre :
- Histoire des Habsbourg - Henry Bogdan - Tempus

Il est aisé à lire, peut être un peu fastidieux. Cependant pour exemple de chapitre, il existe :
- La puissance des Habsbourg à l'époque de Charles Quint : mythes et réalités
L'héritage de Charles Ier est conséquent avec le côté Autriche par son père Philippe le Beau, Bourgogne (comté), Alsace, seigneuries en Allemagne du sud, les appendices en direction de l'Adriatique, une partie de l'Istrie et le port de Trieste.
Par sa mère Jeanne la folle, fille d'Isabelle la Catholique, il hérite des royaumes de Castille, des provinces basques, de Grenade, des presidios d'Afrique du Nord, des colonies des Indes occidentales.
Avec le décès de son grand-père Ferdinand d'Aragon : les royaumes d'Aragon, de Navarre, de Valence, la principauté de Catalogne, le Roussillon, les Baléares, les royaumes de Naples, de Sardaigne et de Sicile ainsi que quelques points sur la côte toscane.
Aux Habsbourg donc de contrer la poussée ottomane et en ceci Charles Quint ne saura s'allier les autres puissances d'Europe. Si l'Empereur était riche de possessions, son règne ne fut pas aussi facile que l'on croit bien souvent. Il est étonnant d'apprendre que les Pays-Bas étaient ses lieux favoris de résidence, que l'homme fut très complexe : il y a "plusieurs" Charles Quint et la réalité est loin de l'image d'un monarque absolu et tout puissant.

Citer :
Et dans mes recherches d'aujourd'hui je pense que j'ai résolu une vielle question concernant Marie-Thérèse...elle n'était pas impératrice comme j'ai appris dans mon cours d'histoire d'antan...

Son père Charles VI avait établi de son vivant une succession qui aurait pu être délicate. Avec la "Pragmatique Sanction", Marie-Thérèse est "considérée comme un homme" et devient impératrice.
La réserve était que Marie-Thérèse n'épousât pas un prince issu d'une grande maison. Elle épousera François-Etienne duc de Lorraine. Je pense donc que si mais synthétiser ceci en quelques lignes m'est impossible. :oops:

Pour la petite histoire, je ne pense rien vous apprendre en écrivant que les fameux portraits d'Arcimboldo concernant les quatre saisons avaient pour modèle l'Empereur Maximilien.

Tout le plaisir fut pour moi.
Isabelle.

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Message Publié : 17 Juil 2012 20:27 
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Philippe de Commines
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Gaete,

un grand merci pour les références sur les Habsbourgs, spécialement sur Marie-Thérèse.

Cordialement et avec estime,

Paul.


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Message Publié : 17 Juil 2012 22:00 
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Pierre de L'Estoile
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Yughurtha a écrit :
J'avais lu dans le classique de Braudel "La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II" que Charles Quint céda la couronne impériale à son frère Ferdinand sous la pression des princes allemands. Ceux-ci ainsi que l'opinion publique allemande auraient été opposés au couronnement d'un empereur espagnol que serait, selon eux, le futur Philippe II. L'archiduc Ferdinand aurait donc eu la faveur des électeurs allemands car plus germanique..

Justement, en quoi Ferdinand est-il plus germanique, sachant que contrairement à Charles Quint, Ferdinand a été élevé en Espagne. Des deux frères, Ferdinand était le seul à être véritablement espagnol (culturellement). A l'origine, c'est lui qui était appelé à hériter de la couronne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon...
On sait ensuite comment Charles V a dégagé son frère...


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Message Publié : 17 Juil 2012 22:18 
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Grégoire de Tours
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Je ne comparais pas Ferdinand à son frère Charles Quint en disant plus allemand, mais par rapport au futur Philippe II considéré comme prince espagnol par l'opinion allemande. Voici ce qu'en dit Braudel :
Citer :
L'empereur tenta, en effet, d'assurer à son fils, Philippe d'Espagne, la direction éventuelle de l'Allemagne, donc de lier l'héritage allemand à l'héritage bourguignon et espagnol. Ceci contre l'évidente volonté de l'opinion allemande.


Citer :
A l'origine, c'est lui qui était appelé à hériter de la couronne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon...
On sait ensuite comment Charles V a dégagé son frère...
Je ne le savais pas. Pourriez-vous donner plus de précisions sur ce point ?

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Message Publié : 17 Juil 2012 23:14 
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Jean Froissart
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Oliviert a écrit :
Voici ce qu'en dit l'historien Henri Sacchi, dans "La guerre de Trente Ans", Paris, 1991, tome 1, page 46 :

"Par son testament politique, Charles-Quint réserva à son fils Philippe la plus belle part de ses domaines, ceux du moins auquels il était le plus attaché, pour des raisons politiques autant que sentimentales. C'est ainsi qu'il lui légua, non seulement l'Espagne et ses immenses colonies, mais également les Pays-Bas, la Franche-Comté et le Milanais, afin de lui permettre de surveiller la France plus étroitement. Cette division favorisait évidemment la branche espagnole de la Maison de Habsbourg. [...] Charles-Quint, en remettant l'Espagne à son fils et l'Allemagne à son frère, n'avait nullement fait éclater son empire. Il avait seulement voulu répartir l'immense puissance des Habsbourg entre plusieurs membres de sa propre famille, car il jugeait au fond de lui-même, que personne après lui ne pouvait assumer, comme il l'avait fait, le gouvernement du gigantesque domaine"


Un petit hors-sujet vite fait pour souligner l'exceptionnel ouvrage en question, édité chez l'Harmattan. C'est massif (trois tomes bon poids), incroyablement précis et complet, et ca se lit comme un roman, parce qu'en plus c'est très bien écrit !

:wink:

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Message Publié : 18 Juil 2012 13:16 
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Philippe de Commines
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Châtillon a écrit :
Justement, en quoi Ferdinand est-il plus germanique, sachant que contrairement à Charles Quint, Ferdinand a été élevé en Espagne. Des deux frères, Ferdinand était le seul à être véritablement espagnol (culturellement). A l'origine, c'est lui qui était appelé à hériter de la couronne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon...
On sait ensuite comment Charles V a dégagé son frère...

Je pense qu'en ces temps où la Réforme touche les princes allemands et l'Autriche, la tolérance de Ferdinand fut appréciée à sa juste valeur.
Il serait donc "plus germanique" dans la mesure où il n'impose pas la religion de celui qui règne à savoir lui et le catholicisme. La situation est toute autre en Espagne de par son unité, lorsque certaines possessions réclameront le droit d'honorer leur culte, les possessions hispano-néderlandaise éclateront.
La force de Ferdinand est de prendre un peu de latitude avec les remontrances du pape et celles de Philippe II.
Il eut été suicidaire d'espérer "catholiciser" à tout va si l'on voulait maintenir une certaine hégémonie.
Avec Ferdinand II la donne va changer et les Habsbourg n'en sortiront pas renforcés, loin de là.
Il est à noter que l'intervention de Charles III d'Espagne ne fera qu'agiter les choses. Les Habsbourg retrouveront une certaine grandeur lorsque vraiment l'Autriche et l'Espagne ne feront plus commerce d'idées ni de politique mais simplement en échange d'unions.
L'Espagne avait la fâcheuse tendance depuis Philippe II à s'ériger en tutrice.

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Message Publié : 18 Juil 2012 15:43 
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Philippe de Commines
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Yughurtha a écrit :
A l'origine, c'est lui qui était appelé à hériter de la couronne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon...On sait ensuite comment Charles V a dégagé son frère...

Revenons à l'élection de Charles de Bourgogne aussi Charles Ier d'Espagne en 1519.
Au décès de Maximilien Ier, le trône impérial a toujours été occupé par un prince Hasbourg. Les électeurs prennent conscience de cette dérive de 150 ans et annoncent haut et fort que la couronne est élective. A ce moment, les électeurs ne souhaitent pas élire un souverain espagnol afin de ne pas être mêlés à des conflits extérieurs (Italie). Mais tout vote peut s'acheter et il se trouve que Maximilien est à cours d'argent.
"Il ne faut pas se prévaloir de sa parenté pour faire pencher la balance du bon côté, il n'y a que l'argent." (échange entre Maximilien et Charles de Bourgogne, le 18 mai 1518 – Brandi "Charles Quint")
"Il y a deux voies qui mènent à la couronne, l'une est l'argent, l'autre est la force." (échange entre Marguerite d'Autriche et Charles de Bourgogne – Schick – "Jacob Fugger...")
L'Empereur ne dispose que de pouvoirs limités à l'intérieur du Saint Empire mais la couronne vaut au détenteur un prestige considérable dans toute la chrétienté occidentale. L'icônographie de l'époque place l'Empereur au même niveau que le pape.
Charles de Bourgogne devenu Charles Ier d'Espagne l'évoque à la veille des élections :
"...ce que notre... grand-père roi d'Aragon a fait en plusieurs années contre les Infidèles, par l'aide et la puissance de cette noble nation germanique, nous ferions un grand exploit sur les dits Infidèles en bref temps, avec l'aide des sujets des royaumes et autres pays que nous possédons à présent." (Bérenger - "Histoire de l'Empire des Habsbourg")
Plusieurs personnes sont en lice pour la couronne : Henry VIII marié à Catherine d'Aragon (fille des rois catholiques), François Ier qui bénéficie du soutien papal, Frédéric de Saxe et le cadet de Charles, Ferdinand.
Les deux candidats sérieux sont François Ier et Charles Ier d'Espagne.
François Ier utilise les moyens prônés par Marguerite d'Autriche : la force en suscitant des troubles en Saxe et l'argent (on parle de 400 000 écus d'or). Les banquiers d'Anvers surenchérissent en passant par Fugger (846 000 florins or) en lettre de change, payables après élection ! [La France avait payé avant d'être servie, alors que les paiements de la banque au service des Habsbourg ont été effectués après livraison de la "marchandise"]. Il n'y eu pas que l'argent qui fit la différence. Charles accède au trône impérial, François reste un étranger aux yeux de l'opinion publique.

Citer :
L'empereur tenta, en effet, d'assurer à son fils, Philippe d'Espagne, la direction éventuelle de l'Allemagne, donc de lier l'héritage allemand à l'héritage bourguignon et espagnol. Ceci contre l'évidente volonté de l'opinion allemande.

L'empereur ne peut que souhaiter et parallèlement passer avec son frère Ferdinand un pacte d'alternance qui peut très bien ne pas convenir aux princes électeurs ni même à Ferdinand qui -lorsqu'il aura la couronne- ne souhaitera qu'une chose, la transmettre à son fils : oubliée l'alternance et de fait le fils de Ferdinand Ier, Maximilien, de part sa tolérance raflera la couronne du Saint Empire.
Avec Ferdinand II du Saint Empire et sa volonté forcenée d'étendre le catholicisme, la maison des Habsbourg y perdra beaucoup et pas simplement au niveau des possessions.

Citer :
A l'origine, c'est lui qui était appelé à hériter de la couronne d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon...
On sait ensuite comment Charles V a dégagé son frère...Je ne le savais pas. Pourriez-vous donner plus de précisions sur ce point ?

Si vous parlez de l'infant Philippe, il hérite de son père.
Charles Ier d'Espagne fut nanti par le mariage de sa mère Jeanne, infante de Castille et d'Aragon avec l'archiduc Philippe le Beau qui amenait Bourgogne et Pays-Bas (en gros). Cette union sera en effet charnière et bien choisie.
Au décès de sa mère, Jeanne ira réclamer son héritage castillan et au décès de son père, elle deviendra effectivement reine de Castille et d'Aragon. On peut désormais parler d'Espagne, la Castille et l'Aragon sont réunis avec une seule héritière, Jeanne Ière. Son état de santé fera en sorte que Charles, appuyé par les Cortes devienne le tuteur de sa mère puis le roi effectif.
Maintenant la couronne du Saint Empire est élective et l'isolement de Philippe II dans son absolutisme et sa centralisation ne donne pas franchement envie de privilégier l'homme lorsqu'en face existe le fils de Ferdinand Ier, Maximilien reconnu pour sa grande tolérance vis à vis de la religion réformée.
Je ne vois pas comment Charles Ier d'Espage, devenu Empereur "dégage son frère". Qu'il nantisse son fils c'est une chose, qu'il "impose" un pacte dans un souci familial d'alternance à Ferdinand de son vivant, pacte acté du bout des lèvres par son cadet, la réponse est toujours dans la main des princes électeurs qui -dans le contexte du moment- préféreront Maximilien à Philippe II.
C'est ainsi que sur bien des points, Charles Quint a échoué dans sa politique familiale, extérieure (France, Angleterre, Italie etc.) et autres.
Je reviens sur l'élection impériale de 1519. Après lui se dessinera vraiment les deux branches, il y aura les Habsbourg d'Espagne et les Habsbourg d'Autriche.
A la différence de son père qui avait été un grand voyageur au sein de son Empire, qui avait l'effort d'apprendre la plupart des langues parlées par ses sujets, Philippe II est un Espagnol et plus encore un "Castillan" et c'est en castillan qu'il s'exprimera toute sa vie. Il est né à Valladolid, passe son enfance et son adolescence en Espagne entouré de précepteurs en majorité castillans. A la demande de son père, il fera un périple qui le conduira en Allemagne, un crochet en Angleterre afin d'y épouser la reine Mary, un passage aux Pays-Bas pour participer aux cérémonies d'abdication de son père et retour définitif dans son Espagne en 1559 après avoir mis fin aux guerres contre la France par la paix du Cateau-Cambrésis.
C'est avec lui que le choix de Madrid est arrêté pour capitale en lieu et place de Valladolid. Madrid est au coeur de la Castille qui à cette fin de siècle est dominante (plus de 6 milllions d'habitants pour un million et demi au reste de l'Espagne).
Les Habsbourg de Vienne sont eux face à des difficultés entre Réforme et Contre Réforme et j'imagine que les électeurs n'ont pas hésité un seul instant quant au choix de l'Empereur à savoir Maximilien.
La cuisine familiale de Charles Quint ne les regarde en rien. Ils ont vu les échecs de l'Empereur, constatent ceux du roi d'Espagne Philippe et ne souhaitent qu'une chose : la paix et la tolérance.
On verra d'ailleurs ce qu'amènera le successeur de Matthias, Ferdinand II : trente années de conflits. :'(

Encore désolée pour le pavé... :oops: J'ai essayé plus court, il manquait toujours -à mon avis- un "petit quelque chose". :wink:

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Message Publié : 18 Juil 2012 16:19 
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Grégoire de Tours
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Bravo pour cette excellente synthèse, Gaete. On comprend mieux les tenants et les aboutissants de la politique familiale de Charles Quint et en fin de compte son échec avec la séparation définitive entre les Habsbourg d'Espagne et Habsbourg d'Autriche.

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"I do not know with what weapons World War III will be fought, but World War IV will be fought with sticks and stones."

Albert Einstein


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Message Publié : 18 Juil 2012 18:40 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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gaete59 a écrit :
Je ne vois pas comment Charles Ier d'Espage, devenu Empereur "dégage son frère". Qu'il nantisse son fils c'est une chose, qu'il "impose" un pacte dans un souci familial d'alternance à Ferdinand de son vivant, pacte acté du bout des lèvres par son cadet, la réponse est toujours dans la main des princes électeurs qui -dans le contexte du moment- préféreront Maximilien à Philippe II.

Je parlais des évènements antérieurs à 1519. Ferdinand d'Aragon avait élevé Ferdinand comme un probable héritier au trône de Castille et d'Aragon. Élevé comme un espagnol, Ferdinand était appelé à devenir régent, au mieux roi. A la mort de Ferdinand d'Aragon, les regards espagnols se cristallisent sur le petit Ferdinand. Charles étant considéré comme un étranger, la noblesse espagnole était peu enthousiaste à l'idée de l'accepter pour roi. Sur ce Charles débarque en Espagne, prend le pouvoir avec autorité et envoie/exile le petit Ferdinand âgé de 14 ans aux Pays-Bas...


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Message Publié : 18 Juil 2012 19:46 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 26 Déc 2005 21:13
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Tout à fait Châtillon, tout dans leurs prénoms et dans leur lieu et mode d'éducation destinait le petit Ferdinand à recueillir l'héritage espagnol et Charles l'héritage bourguignon et allemand.

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(Martin Luther)


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