Jadis a écrit :
Je viens de terminer la lecture d'une biographie de Charles Quint dans laquelle est avancée l'idée que Charles Quint attendait de son frère, Ferdinand Ier, qu'en récompense du trône impérial (1556-1558), il fasse de Philippe II d'Espagne le prochain empereur du Saint-Empire romain germanique. J'ai fait quelques recherches, lesquelles mettaient en avant un partage des pouvoirs de Charles Quint, à savoir l'Espagne, les Pays-Bas, la Sicile et Naples pour son fils et le trône impérial pour son frère, expliqué par les personnalités de Philippe II (familier de la cour d'Espagne) et de Ferdinand Ier (familier des princes allemands).
Les dernières années de Charles Quint (CQ), les "
anos aflictivos" (appelées ainsi par R. Grande, historien) furent une suite de désillusions et de souffrances tant physiques que morales...
Désillusions aussi du côté familial avec des relations qui se dégradent avec son frère, l'archiduc Ferdinand, à propos de la future succession.
L'idée de CQ était de maintenir une certaine unité de l'héritage au sein de la dynastie. Fallait-il privilégier la branche aînée de la famille à savoir l'infant Philippe ou bien la branche cadette : Ferdinand tout en essayant de maintenir une collaboration étroite et quid de l'unité de l'Empire qui n'était plus qu'une image depuis la convention de Bruxelles (1522).
Un projet est élaboré en 1550. A la mort de CQ, Ferdinand déjà "
roi des Romains" depuis 1531, deviendrait empereur et devrait aussitôt désigner l'infant Philippe comme "roi des Romains" puis au décès de Ferdinand, l'élection ne serait qu'une formalité. Le fils de Ferdinand, Maximilien deviendrait à son tour "rois des Romains" et au décès de Philippe, Empereur. Ce qui ferait une alternance des héritiers de CQ et de Ferdinand.
Citer :
A-t-il toujours été partisan de son fils à sa propre succession ? Quels ont été les actes de son règne impérial en ce sens ?
Ferdinand accepte l'alternance du bout des lèvres espérant des princes électeurs le choix de son fils Maximilien pour lui succéder, écartant ainsi Philippe.
Il n'y a pas d'acte dans la mesure où le titre est le fruit d'une élection. Les princes électeurs sont au nombre de sept. Pour obtenir la compréhension des princes électeurs dans ces temps troublés, il faut se montre le plus tolérant possible ce que fera Ferdinand face à l'impact de la Réforme et aussi pour préparer l'avènement de son fils. Chacun connaît l'orientation religieuse rigoureuse de l'infant Philippe et la tolérance de Maximilien, fils de Ferdinand.
Le titre est ronflant mais la politique a ses raisons et afin de ramener la paix en Allemagne, Ferdinand fait des concessions aux luthériens, concessions condamnées par Paul IV.
Le règlement successoral est remanié en 1554, lors du contrat de mariage entre l'infant Philippe et Mary Tudor, déjà reine. Si le couple avait un enfant, celui-ci hériterait outre l'Angleterre, les Etats bourguignons et les Pays-Bas, l'héritage espagnol de Charles (don Carlos) -fils de l'infant Philippe-. Dans l'immédiat, Philippe reçoit le royaume de Naples en cadeau de mariage.
Je pense qu'à ce moment Ferdinand "roi des romains" a dû sentir la branche austro-allemande lésée face à la branche hispano-néerlandaise ; ce qui le conforte dans sa politique et l'oppose encore plus à son aîné.
CQ dans une lettre du 12 septembre 1556 fait savoir à Ferdinand qu'il lui transmet la dignité impériale.
En février suivant, Guillaume d'orange, à la tête d'une délégation apporte aux électeurs la renonciation officielle. Après une année de réflexion, le 28 février 1558, le Collège électoral réunit à Francfort prend acte de la décision et le 12 mars, par un vote unanime désigne Ferdinand comme empereur, il devient Ferdinand Ier.
Désormais l'union de la famille se perpétuera par presque uniquement par des liens matrimoniaux.
Ferdinand Ier est face à une Réforme luthérienne qui s'est imposée dans une grande partie de l'Allemagne du nord et domine en Bohême. A Vienne, la moitié de la population est passée à la Réforme. Il faut aussi compter avec des princes tels Frédéric III qui se rallient au calvinisme tout comme une grande partie des sujets hongrois (le luthéranisme est jugé "trop allemand"). Ferdinand Ier applique loyalement les dispositions de la paix d'Augsbourg mais il ne peut faire jouer le principe "
cujus regio ejus religio" ; il soutiendra donc la contre-réforme car attaché à la foi catholique.
Il en va tout autre pour son fils Maximilien qui ne cache pas ses sympathies pour les protestants.
Afin de mieux intégrer son fils dans la tradition catholique des Habsbourg, Ferdinand Ier le marie à sa nièce -soeur de Philippe II- rien n'y change. Le Pape manifeste son mécontentement devant le laxisme paternel de Ferdinand Ier en ne le reconnaissant empereur qu'en 1558.
La crise éclate lorsque Maximilien invite un prédicateur protestant à prêcher en l'église des Augustins à Vienne.
Ferdinand Ier se montre ferme : pour être élu "
roi des romains" il faut être catholique et le montrer sinon le titre risque d'échoir à d'aucun voyant le principe d'alternance échapper manifestement.
L'archiduc Maximilien se soumet ce qui lui permet d'être élu en 1562. Philippe II n'est pas dupe et exige de Ferdinand Ier que ses deux petits-fils soient envoyés en Espagne (1563-1571) où une éducation catholique rigoureuse leur sera prodiguée. Maximilien s'incline et se sépare de ses deux fils avec les sentiments que l'on peut imaginer.
Peu de temps avant sa mort, Ferdinand Ier rédige un testament qui reprend une ancienne coutume des Habsbourg : le partage de l'héritage entre les descendants mâles. L'aîné Maximilien outre la dignité impériale -pour ainsi dire acquise- reçoit les duchés de basse et haute Autriche, les pays de la couronne de Saint Venceslas (Moravie, Silésie, Lusace) ainsi que la "Hongrie royale".
Le Pape et Philippe II avaient raison de s'inquiéter, devenu Empereur sous le nom de Maximilien II, l'homme reste toujours attaché aux idées de ses précepteurs et s'érige en défenseur de la tolérance :
"
Je ne suis ni papiste ni évangéliste mais seulement chrétien" (échange avec le légat du pape cité par Knappich dans son livre "
Chronique des Habsbourg")
"
Ici les gens se sont entendus pour se tolérer les uns les autres. Dans les communautés mixtes, la question est rarement posée de savoir si quelqu'un est catholique ou protestant. Protestants et catholiques se marient entre eux sans soulever le moindre scandale ni même le moindre commentaire." (échange avec l'ambassadeur de Venise cité par Mac Guiguan dans son livre "
Les Habsbourg").
Apprenant la Saint Barthélémy : "
Cela n'est ni juste ni justifiable. Les questions de religion ne seront pas résolues par l'épée mais par la parole divine et par une entente et une justice chrétiennes".
Cette tolérance déjà palpable a certainement joué en faveur de Maximilien II face aux électeurs.
Dès 1595, Ferdinand II engagera une politique d'éradication totale du protestantisme dans ses états.
J'ai été un peu longue : j'ai toujours quelque mal à synthétiser
tout me semble important...