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Message Publié : 22 Août 2013 8:56 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Je trouve intéressant l'argument de l'éloignement géographique de Rome. mais je suggère d'y ajouter l'éloignement historique : je pense que les régions qui basculent le plus facilement et définitivement (Scandinavie et Allemagne du Nord et de l'Est) sont des régions qui ont été évangélisées tardivement (entre 800 et 1100) et qui ont été évangélisées sur un mode assez autoritaire par un cergé étranger étroitement soumis au Pape et à l'Empereur. Peut-être en est il resté des traces destabilisantes alors qu'en Europe du Sud, l'évangélisation est ancienne, très enracinée et son rapport à Rome est plus mûr. J'entends par là que l'Eglise n'a pas été implantée par des missions lancées par la Papauté ou le St Empire, que Rome adresse des directives et collecte des fonds certes mais les rois et évêques de France, d'Espagne ou d'Italie ont aussi les moyens de se faire entendre de la curie - ce qui n'était certainement pas le cas d'un prélat suédois ou danois qui devait se sentir parfaitement méprisé à Rome.


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Message Publié : 22 Août 2013 20:31 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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En complément des éléments mentionnés par Aigle, j'ajouterai la frontière politique de l'empire romain de langue latine. Grosso modo, le catholicisme domine sur la rive gauche du Rhin et sur la rive droite du Danube.


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Message Publié : 22 Août 2013 21:29 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Aigle a écrit :
Je trouve intéressant l'argument de l'éloignement géographique de Rome. mais je suggère d'y ajouter l'éloignement historique : je pense que les régions qui basculent le plus facilement et définitivement (Scandinavie et Allemagne du Nord et de l'Est) sont des régions qui ont été évangélisées tardivement (entre 800 et 1100) et qui ont été évangélisées sur un mode assez autoritaire par un cergé étranger étroitement soumis au Pape et à l'Empereur. Peut-être en est il resté des traces destabilisantes alors qu'en Europe du Sud, l'évangélisation est ancienne, très enracinée et son rapport à Rome est plus mûr. J'entends par là que l'Eglise n'a pas été implantée par des missions lancées par la Papauté ou le St Empire, que Rome adresse des directives et collecte des fonds certes mais les rois et évêques de France, d'Espagne ou d'Italie ont aussi les moyens de se faire entendre de la curie - ce qui n'était certainement pas le cas d'un prélat suédois ou danois qui devait se sentir parfaitement méprisé à Rome.


Complètement d'accord Aigle et Caesar Scipio.

Cordialement et avec estime,

Paul.


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Message Publié : 23 Août 2013 0:12 
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PaulRyckier a écrit :
Aigle a écrit :
Je trouve intéressant l'argument de l'éloignement géographique de Rome. mais je suggère d'y ajouter l'éloignement historique : je pense que les régions qui basculent le plus facilement et définitivement (Scandinavie et Allemagne du Nord et de l'Est) sont des régions qui ont été évangélisées tardivement (entre 800 et 1100) et qui ont été évangélisées sur un mode assez autoritaire par un cergé étranger étroitement soumis au Pape et à l'Empereur. Peut-être en est il resté des traces destabilisantes alors qu'en Europe du Sud, l'évangélisation est ancienne, très enracinée et son rapport à Rome est plus mûr. J'entends par là que l'Eglise n'a pas été implantée par des missions lancées par la Papauté ou le St Empire, que Rome adresse des directives et collecte des fonds certes mais les rois et évêques de France, d'Espagne ou d'Italie ont aussi les moyens de se faire entendre de la curie - ce qui n'était certainement pas le cas d'un prélat suédois ou danois qui devait se sentir parfaitement méprisé à Rome.


Complètement d'accord Aigle et Caesar Scipio.

Cordialement et avec estime,

Paul.


Hé bien cela ne correspond pas du tout avec ce qui se passe en Alsace. Précisons pour commencer que quasiment toutes les villes impériales alsaciennes basculeront dans le protestantisme et que les possessions en Haute-Alsace des Hasbourg resteront catholiques. Précisons aussi qu'au départ de leur aventure, les Hasbourg assoient leur puissance par de fortes possessions en Alsace.

Des raisons de géopolitique locales expliquent très bien pourquoi certaines terres restent catholiques tandis que d'autres basculent dans le protestantisme. Et le petit peuple, que se soit sur les terres des Hasbourg ou dans les villes de la Décapole n'ont pas voix au chapitre. Dans plusieurs villes, les catholiques seront persécutes et trouveront refuges dans les terres avoisinantes. L'Alsace de l'époque est un tel enchevêtrement de fiefs qu'il suffit souvent de faire quelques kilomètres pour trouver une terre d'asile.

En fait, tout se joue en 2 temps. Voire en 3 si on tient compte de l'opposition entre le pape (soutenus par tout le clergé ou presque) et les empereurs Hohenstaufen. A l'époque, quand le pape jette l'interdit sur une ville, on y interdit tous les rites. Or, les rites religieux sont justement ce qui fait le liant de la société de l'époque. Et je pense que c'est cette histoire d'interdit qui va faire basculer certaines régions vers la Réforme. Surtout que le pape va parfois lancer l'interdit sur toutes les terres dépendant su SERG ou qui reconnaissent l'empereur.

Prenons l'exemple de Mulhouse, en 1330, la vile opte pour l'empereur Louis de Bavière qui est déjà excommunié par le pape Jean XXII. Celui-ci prononce l'excommunion de la ville. Donc, le clergé reçoit l'interdiction de célébrer les messes et les sacrements. Mais l'empereur arrive à convaincre les chevaliers teutoniques (qui avaient une commanderie à Mulhouse) d'assurer le service divin. Pour cela il cède à ceux-ci le rectorat de l'église paroissiale (et les terres qui y sont rattachées ...). Mais l'ordre teutonique devient de plus en plus puissant à Mulhouse puisqu'il accapare presque toutes les églises paroissiales. Les gens critiquent de plus en plus ces chevaliers-moines qui mènent une vie (trop) fastueuse. On dénonce leur vie scandaleuse, leur vie de princes. Mais, le Magistrat de la ville (le Conseil Municipal) fomente une émeute populaire contre l'Ordre en 1527.

Dans un premier temps, l'Ordre teutonique est le "sauveur" de la Ville parce qu'il accepte de ne pas appliquer l'interdit jeté par le Pape sur celle-ci. Il est récompensé par l'empereur qui le dote richement. Mais dans un deuxième temps, la Ville, pour assoir son pouvoir va séculariser son territoire en adhérant à la Réforme, ce qui lui permet de confisquer les possessions des divers ordres religieux. Strasbourg va faire de même à l'encontre de l'évêque de Strasbourg qui possède en fief, une bonne partie de la Basse-Alsace et des terres en Haute-Alsace.

Comment d'ailleurs l'Évêque de Strasbourg a réussi à mettre la main sur tous ces fiefs ? Simple. Lors de divers épisodes de la lutte entre les papes et les empereurs, les divers évêques ont pris fait et cause pour le pape ... et ils n'ont pas hésité à aller combattre et conquérir des terres ou des fiefs qui appartenaient à l'empereur. Par exemple en 1246, Frédéric II est de nouveau excommunié par le pape Innocent IV. Henri de Stahleck, l'évêque de l'époque va assiéger le château de Kaysersberg qui est possession impériale. Le pape déclare qu'il mettra au ban de la chrétienté quiconque empêchera l'évêque de prendre ce château. Et le château tombe en 1247.

Les diverses villes d'Alsace, pour diverses raisons, passent parfois des décennies entières sous l'interdit papal. Petit à petit, elles vont s'en accommoder et la Réforme y trouvera des oreilles attentives.

Il s'agit pourtant de terres évangélisées dès les V-VIème siècles. L'Empereur germanique s'est opposé au clergé et à la papauté dès le XIIème siècle. La papauté a utilisé l'arme de l'excommunication et de l'interdit à son encontre et à l'encontre de ses soutiens et cela a compte plus qu'on le crois si on se rapporte à la mentalité de l'époque. En Alsace, à travers l'Humanisme, on est aux racines de la Réforme. Et le mouvement qui y mène passe par l'émancipation des villes. Émancipation vis-à-vis des empereurs, mais aussi vis-à-vis des nobles qui avaient ces villes en fief. Or, en Alsace, les évêques de Strasbourg (et aussi de Bâle) avaient de nombreux biens séculiers. L'émancipation se fera d'ailleurs en s'appuyant sur l'empereur contre les évêques parce qu'à certains moments, les empereurs seront heureux de trouver ces appuis et les financements des bourgeois des villes. Dans ces villes se développera un réseau d'universitaires qui adhèreront au mouvement humaniste et nombre de ses humanistes adhéreront à le Réforme. Quant aux villes, elles seront heureuses d'adhérer à la Réforme, cela leur permet de mettre la main sur les fiefs séculiers du clergé et des ordres religieux.

Il faudrait aussi parler de la "guerre des Rustauds". A l'origine de cette émeute populaire, il y a une liste de revendications : "Douze article" pour la justice. Nous sommes en 1515-1525, et quel est le premier des 12 articles en questions ? "Que chaque communauté puisse choisir d'elle-même son pasteur qui enseignera la "vrai foi" et qu'elle puisse également le destituer."
Il faut se rappeler que Martin Luther entre en conflit avec la Papauté vers 1517 et qu'il ne rompt avec l'Église qu'en 1521. Il semblerait donc qu'en 1510-1515, une partie du monde germanique n'est plus en accord avec la Papauté et l'Église catholique et c'est cette partie qui va basculer dans la Réforme. Plus ou moins durablement en fonction des vicissitudes politiques des époques successives.

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Message Publié : 23 Août 2013 1:07 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Ce que vous relevez pour l'Alsace ne relève pas de la même échelle que les autres critères que nous avons soulevés pour déterminer les facteurs de basculement d'un côté ou de l'autre. Vous mettez en évidence un particularisme local. Il y en a eu d'autres, bien sûr. Y compris loin de la "frontière" religieuse.


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Message Publié : 23 Août 2013 1:18 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Avr 2006 23:02
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Localisation : Orne
PAC a écrit :
la volonté des dirigeants n'étaient pas toujours suivie de leurs sujets.
Merci pour vos explications qui enrichissent ce débat.
En effet, je me suis montré un peu provocateur en poussant les sujets dans les orties, alors que j'aurais dû nuancer mon point de vue. C'est l'occasion de le développer un peu plus :

Je ne crois pas aux mouvements spontanés des peuples. Il y a toujours des leaders, des manipulateurs, qui sont à l'origine des choix de l'homme de la rue. Le spécialiste peut se faire une opinion par lui-même. Mais les spécialistes sont peu nombreux. Les autres suivent le mouvement, la mode, plus ou moins consciemment.
Dans le cas précis de la Prusse, la population est essentiellement rurale, et très dispersée sur le territoire. La densité est beaucoup plus faible qu'en Ecosse ou en France. Le niveau intellectuel est aussi plus faible qu'en Ecosse et en France. Il n'y a aucune université, très peu d'écoles, à part des écoles paroissiales pour les enfants, très peu d'imprimeries. La classe intellectuelle est principalement constituée de membres du clergé. Luther ne s'y trompe pas en les ciblant prioritairement. Il est même souvent dit que Luther délaisse les paysans, comme c'est le cas lors de la guerre des paysans allemands qui a lieu entre 1524 et 1526.

PAC a écrit :
Quand à dire que le commerce n'était pas très important, je trouve que c'est allé vite en affaire. Il ne faut pas oublier que de nombreuses villes côtières de la mer Baltique étaient membre de la Ligue Hanséatique. Tous ces territoires ont massivement adhéré aux idées de Luther.
Les Vénitiens restent catholiques et font du commerce. Les Genois aussi. Les Lyonnais catholiques font du commerce comme les Rochelais protestants. Et les Turcs. Etc. Cet argument d'une facilitation du commerce par le protestantisme, qui est avancé généralement par des anglophones protestants, m'a toujours paru contestable.
Par contre, je suis d'accord avec vous sur l'existence d'un lien entre la Ligue Hanséatique et le protestantisme. Mais, je pense qu'il est dû à une mentalité, un état d'esprit qui est commun à ces peuples.

PAC a écrit :
Le choix du grand maître de l'Ordre Teutonique est essentiellement venu de ce qu'il était déçu de l'attitude de Charles Quint qui n'a pas voulu (parce qu'il ne pouvait pas) l'aider à s'affranchir de la tutelle Polonaise. Du coup, il décidera de travailler pour lui. Mais sur les terres de Prusse (qui deviendra bien plus tard la Prusse Orientale), le protestantisme faisait déjà de nombreux émules.
Oui.

Aigle a écrit :
les rois et évêques de France, d'Espagne ou d'Italie ont aussi les moyens de se faire entendre de la curie - ce qui n'était certainement pas le cas d'un prélat suédois ou danois qui devait se sentir parfaitement méprisé à Rome.
Je ne crois pas. D'ailleurs, ça m'a moi-même étonné quand j'ai constaté que le clergé Prussien a beaucoup de contacts avec l'Italie. D'abord, beaucoup de jeunes vont faire leurs études là-bas avant d'entrer dans les ordres. Ensuite, les Prussiens ont des délégués permanents à Rome. De plus, des envoyés de la curie romaine visitent régulièrement la Prusse. La correspondance épistolière n'est pas négligeable non plus.

Aigle a écrit :
Je trouve intéressant l'argument de l'éloignement géographique de Rome. mais je suggère d'y ajouter l'éloignement historique : je pense que les régions qui basculent le plus facilement et définitivement (Scandinavie et Allemagne du Nord et de l'Est) sont des régions qui ont été évangélisées tardivement (entre 800 et 1100) et qui ont été évangélisées sur un mode assez autoritaire par un cergé étranger étroitement soumis au Pape et à l'Empereur. Peut-être en est il resté des traces destabilisantes
Tout à fait. Et un point qui en découle, et que l'on a pas encore mentionné, est que le catholicisme en Europe du Nord est beaucoup plus monolithique que dans l'Europe du Sud. Par exemple, en Italie et en France, le catholicisme a de nombreux courants : Dominicains, Franciscains, Augustins, etc. Alors qu'en Europe du Nord, la diversité est beaucoup moins grande, et un intellectuel qui se retrouve en désaccord sur certains sujets religieux, ne peut pas se tourner vers un ordre catholique alternatif. Il est obligé de rompre avec le catholicisme.


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Message Publié : 23 Août 2013 6:28 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Juin 2013 18:20
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Débat très riche et très instructif, je trouve...
Quelques remarques critiques :

@PAC a écrit : "Quid du petit peuple ? Quantité négligeable ? Je ne pense pas que se soit si simple. Si on prend l'exemple de l'Écosse, ce royaume conservera très longtemps une monarchie et un gouvernement catholique, alors que le peuple, lui, s'est massivement converti au protestantisme. Quant à la France, des régions entières deviendront protestante ou resteront catholique malgré la répression et la religion du seigneur local. 80 à 90 % de la population française est restée catholique, alors que 40 % de la noblesse est devenue protestante. Tout ceci qui démontre, selon moi, que la volonté des dirigeants n'étaient pas toujours suivie de leurs sujets."

Un noble français avait un pouvoir négligeable, au contraire de ce qui était le cas pour un prince territorial allemand.

@Caesar Scipio a écrit : "En complément des éléments mentionnés par Aigle, j'ajouterai la frontière politique de l'empire romain de langue latine. Grosso modo, le catholicisme domine sur la rive gauche du Rhin et sur la rive droite du Danube."

Thèse qui avait été soutenue par exemple par l'historien Jacques Pirenne. Le problème est que ça ne marche pas pour l'Angleterre et la partie protestante des Pays-Bas, et pas non plus pour la Pologne et pour la partie catholique de la Hongrie (très majoritaire), si l'on compte que l'appartenance de l'actuelle Hongrie à l'Empire romain a été très brève - tout ça faisant beaucoup d'exceptions. Et qu'on ne voit pas très bien le lien de cause à effet. Et que, pour ce qui est du partage entre catholiques et protestants en Allemagne, l'explication essentielle me semble être celle de la puissance de l'Empereur.

@Le bonapartiste a écrit : "Peut-être même que l'anthropologie (voir Todd) est l'un des facteurs, les familles nucléaires absolues qui prône l'individu sont ainsi séduit par le message de la Réforme. Tandis que les systèmes familiaux plus égalitaires et communitaires restent prôche de l'église catholique."

Ce n'est pas ça, l'explication de Todd : l'inégalitarisme de la famille souche (où l'aîné hérite) consonnerait avec l'inégalitarisme à la naissance de la doctrine calviniste de la prédestination : sauvés ou damnés dès la naissance dans le calvinisme consonnerait avec privilégié ou inférieur de par l'ordre à la naissance dans la famille souche (et la transcendance du Dieu terrible du calvinisme serait à rapprocher de la transcendance du père autoritaire de la famille souche). Pour le lien entre luthéranisme et famille souche, son explication est plus douteuse encore. Si je ne me trompe, elle est celle-ci : le catholique peut "avoir droit" au salut par ses oeuvres, tandis que chez les luthériens Dieu sauve celui à qui il accorde librement sa grâce. Cela aussi consonnerait respectivement avec la familles nucléaire égalitaire (tout le monde a droit à l'héritage), et avec la famille souche (seul l'aîné hérite).
Todd a pas mal de problèmes : L'Angleterre et les Pays-Bas, classés par lui comme à familles nucléaires et qui sont largement protestants (il s'en tire en disant que ce sont des pays à famille nucléaires inégalitaires (le testament peut attribuer une part plus grande d'héritage à un enfant), l'Allemagne partagée entre catholicisme et protestantisme alors qu'elle est pour lui entièrement de familles souches, le Nord de l'Espagne et Pays Basque français catholiques alors que ce sont pour lui des pays de familles souches (et que le Pays Basque est même, Todd mis à part, certainement un pays de famille souche).
A part ce problèmes, et le caractère très acrobatique et ténu du lien qu'il effectue entre types de famille et confessions, on peut douter énormément de la répartition de l'Europe en quatre types de famille, et ce depuis deux mille ans au moins, et des conséquences permanentes que cela aurait sur les mentalités.


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Message Publié : 23 Août 2013 12:37 
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Caesar Scipio a écrit :
Ce que vous relevez pour l'Alsace ne relève pas de la même échelle que les autres critères que nous avons soulevés pour déterminer les facteurs de basculement d'un côté ou de l'autre. Vous mettez en évidence un particularisme local. Il y en a eu d'autres, bien sûr. Y compris loin de la "frontière" religieuse.


Ce que je relève pour l'Alsace se passe sur tout le territoire du Saint Empire Romain Germanique, il faut bien en tenir compte. Les personages qui interviennent en Alsace sont souvent des personnes qui sont dans la suite des empereurs du SERG. Ils ont des terres dans le pays de Bade, en Suisse alémanique, en Bavière, en Autriche, en ... En fait dans de nombreuses régions du SERG.

Et c'est le même phénomène qui s'y passe. Dans certaines régions, on détecte déjà 1 siècle avant celles qui vont basculer du coté de la réforme et celles qui vont rester dans le giron de l'Église. Il y a un très vif débat théologique, mais aussi social et politique. Sur le plan religieux, ce débat va cristalliser sur quelques points qui seront repris assez généralement dans les thèses du luthéranisme.

Mais, il y a aussi un autre fait : dans certaines régions, tout cela se double de révoltes sur fond d'accusations d'hérésies. Lors de la guerre des rustauds, dans certaines régions, c'est un tiers des paysans qui va être exterminé et ce seront les meneurs : souvent les plus riches, les plus lettrés. Ces régions resteront fidèles au catholicisme, simplement parce que ceux qui auraient pu basculer dans la Réforme ont déjà été tués !

Le basculement dans le luthéranisme n'est pas une question de foi inculquée de force. Il faut voir les débats qui précèdent le basculement. La Réforme n'est pas née comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Le débat théologique dure depuis un certain temps et il est sous-jacent. Dans certaines régions ont rejette la richesse et la puissance de l'Église et on veut revenir vers la chrétienté originelle : justement celle que les premiers évangélisateurs leur ont inculqué. Certains prédicateurs vont très loin en voulant une société égalitaire basée sur les Actes des Apôtres. Une espèce de communisme avant l'age où tout le surplus devrait être réparti envers ceux qui possèdent moins. Il n'y a pas tentative d'aller vers les anciennes croyances avec un retour vers les anciens dieux. Il y a au contraire un rejet de certaines pratiques de l'Église qui pourraient rappeler les anciens cultes. On rejette le culte des reliques et on rejette le culte marial. Il y a une seul Dieu et on n'a pas besoin d'une kyrielle de saints puisque le chrétien doit discuter de seul à seul avec Dieu. Plus d'enrichissement avec les pèlerinages, plus d'enrichissement avec la vente des reliques, avec la vente des indulgences, plus de processions avec forces statues qui pourraient représenter autant de divinités. Non! un seul dieu et le chrétien qui se tient devant lui et lui seul avec déférence. Pas besoin d'intermédiaires.

Ce débat n'a pas lieu en Alsace seulement, il a lieu dans tout l'empire. Plutôt que de prétendre que l'évangélisation aurait été mal faite, il faudrait prétendre qu'elle a été trop bien faite, au point que ces gens se sentent plus chrétiens que les prêtres aux riches habits, les évêques avec leurs terres et leurs privilèges, les cardinaux ou les papes. Si on regarde les valeurs fondatrices de la Réforme, elles seraient un rejet virulent de tout ce qui pourrait rappeler les anciens cultes : pléthore de divinités (même s'il y a un Dieu suprême et une litanie de saints); un clergé seul apte à comprendre le dogme et qui sert d'intercesseur unique, ... Je m'arrête là puisqu'on est sur un forum d'histoire. Mais, il faut dépasser le point de vue anecdotique du fait que ce sont les terres éloignées qui ont basculées vers le luthéranisme puisqu'elles se rêvent plus chrétiennes que les terres catholiques.

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Message Publié : 24 Août 2013 7:35 
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Jean Mabillon
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je me demande si tout ce débat ne pourait pas être envisagé sous un autre angle , non pas pourquoi le luthéranisme a triomphé au Nord mais symétrqiement pourquoi a-t-il échoué au Sud. Je propose donc une autre question : pourquoi l'Empereur est il resté catholique alors qu'il aurait pu avoir de multiples avantages matériels à soutenir Luther ? faut il penser que la partie espagnole (et donc les richesses d'Amérique en pleine exploration vers 1520) a pesé d'un poids décisif ? ou bien que charles Quint craignait que François Ier devienne le favori de l'Eglise contre lui ? ou bien la foi persnnelle de l'Empereur était elle fortement ancrée dan sle catholicisme ?

Peut-être faut il poser la même question au sujet de François Ier - qui n'était pas fermé par principe aux innovations, loin de là ?

Parce que finalement si l'Empereur et le Roi de France avaient opté pour la réforme, l'Eglise catholique aurait eu bien du mal à survivre ...


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Message Publié : 24 Août 2013 11:40 
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Eginhard
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Aigle a écrit :
Peut-être faut il poser la même question au sujet de François Ier - qui n'était pas fermé par principe aux innovations, loin de là ?


Il est fermement catholique (il combattra plusieurs fois les réformés en France) et le peuple l'est dans son écrasante majorité. Henri IV devra bien se convertir pour régner. La France n'est pas un petit état du SERG, un roi n'aurait jamais imposé une autre religion que le catholicisme par la force.


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Message Publié : 24 Août 2013 11:54 
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Y avait il des abbés laïcs dans les futurs pays protestants, car la sécularisations des abbayes a procuré beaucoup de biens aux seigneurs convertis. Il y a un aspect économique qui n'est pas à négliger.

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Message Publié : 24 Août 2013 16:20 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Y avait il des abbés laïcs dans les futurs pays protestants, car la sécularisations des abbayes a procuré beaucoup de biens aux seigneurs convertis. Il y a un aspect économique qui n'est pas à négliger.


Le peu que j'ai lu sur la Moyen-âge alsacien ne me permet pas d'être affirmatif. Je n'ai pas lu que telle ou telle terre appartenait à un abbé laïc. Mais, il y avait des terres d'Église données en fief à des non-clercs pour permettre des remboursements de prêts. Quand l'évêque de Strasbourg ou de Bâle vont à la guerre, celle-ci coûte de plus en plus cher. Il doit donc emprunter à des préteurs. Ce sont souvent des nobles qui acceptent d'avancer ces sommes. En contrepartie, ils reçoivent la terre en fief pendant une certaine durée. Ce sont les revenus du fief qui permettent au préteur de récupérer sa mise. Mais dans certains cas, on a promis en fief les terres qu'on comptait conquérir. Les lois de la guerre étant ce qu'elles sont, on ne gagne pas à tous les coûts.

En fait, j'ai l'impression que la situation change pendant le grand Interrègne. Avant, il suffit que le Pape menace d'interdit celui qui s'opposerait à l'évêque pour que la résistance cesse. Mais pendant l'Interrègne, des villes, des régions entières restent plusieurs décennies sous le régime de l'interdit. Et là, on voit souvent que les bourgeois, les nobles préfèrent parfois s'arranger avec leur foi plutôt que de permettre aux évêques d'agrandir leurs territoires. Les évêques perdent plus souvent qu'à leur tours. Ce qui les contraint à vendre une partie des terres de l'évêché pour permettre le remboursement des emprunts. Mais, ils ont aussi tendance a augmenter la pression fiscale pour maintenir, voire augmenter leurs revenus. Ce qui conduit les bourgeois des villes à réclamer des exemptions ou des aménagements. Divers empereurs sauront jouer avec cela en donnant à certaines villes des statuts qui les rendent réellement indépendantes des pouvoirs locaux. C'est le cas en Alsace des villes de la Décapole. Mais, le mouvement n'est pas limité à l'Alsace. L'indépendance des villes diminue souvent les revenus des nobles (et dans ce cas, les évêques sont des nobles comme les autres). Parfois ce n'est que transitoire, les bourgeois revenants plus riches, ils investissent dans les campagnes et les revenus ruraux augmentent. Dans les périodes propices, on va planter de la vigne partout où cela est possible et le commerce du vin est très lucratif.

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Message Publié : 24 Août 2013 17:12 
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Il n'est donc pas impossible que les nobles aient vu l'intérêt du protestantisme par la confiscation des biens catholiques situés dans leur secteur, ce qui leur permettait de se refaire une santé financière par ce biais, alors que les familles nobles, en France, pouvait bénéficier d'un abbatiat laïc, ce qui ne les incitait pas à passer à la Réforme.

Attention, je ne crois pas que ce soit généralisé, mais cela a pu jouer. Albert de Brandebourg, dernier grand-maître de l'ordre teutonique en Prusse, sécularisa l'ordre et se tailla ainsi une principauté comme duc de Prusse.

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Message Publié : 24 Août 2013 17:16 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Attention, je ne crois pas que ce soit généralisé, mais cela a pu jouer. Albert de Brandebourg, dernier grand-maître de l'ordre teutonique en Prusse, sécularisa l'ordre et se tailla ainsi une principauté comme duc de Prusse.


Mais juste avant, l'Ordre Teutonique avait perdu des terres en Alsace. Terres qui ont été sécularisées quand Mulhouse est devenue protestante.

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