PAC a écrit :
la volonté des dirigeants n'étaient pas toujours suivie de leurs sujets.
Merci pour vos explications qui enrichissent ce débat.
En effet, je me suis montré un peu provocateur en poussant les sujets dans les orties, alors que j'aurais dû nuancer mon point de vue. C'est l'occasion de le développer un peu plus :
Je ne crois pas aux mouvements spontanés des peuples. Il y a toujours des leaders, des manipulateurs, qui sont à l'origine des choix de l'homme de la rue. Le spécialiste peut se faire une opinion par lui-même. Mais les spécialistes sont peu nombreux. Les autres suivent le mouvement, la mode, plus ou moins consciemment.
Dans le cas précis de la Prusse, la population est essentiellement rurale, et très dispersée sur le territoire. La densité est beaucoup plus faible qu'en Ecosse ou en France. Le niveau intellectuel est aussi plus faible qu'en Ecosse et en France. Il n'y a aucune université, très peu d'écoles, à part des écoles paroissiales pour les enfants, très peu d'imprimeries. La classe intellectuelle est principalement constituée de membres du clergé. Luther ne s'y trompe pas en les ciblant prioritairement. Il est même souvent dit que Luther délaisse les paysans, comme c'est le cas lors de la guerre des paysans allemands qui a lieu entre 1524 et 1526.
PAC a écrit :
Quand à dire que le commerce n'était pas très important, je trouve que c'est allé vite en affaire. Il ne faut pas oublier que de nombreuses villes côtières de la mer Baltique étaient membre de la Ligue Hanséatique. Tous ces territoires ont massivement adhéré aux idées de Luther.
Les Vénitiens restent catholiques et font du commerce. Les Genois aussi. Les Lyonnais catholiques font du commerce comme les Rochelais protestants. Et les Turcs. Etc. Cet argument d'une facilitation du commerce par le protestantisme, qui est avancé généralement par des anglophones protestants, m'a toujours paru contestable.
Par contre, je suis d'accord avec vous sur l'existence d'un lien entre la Ligue Hanséatique et le protestantisme. Mais, je pense qu'il est dû à une mentalité, un état d'esprit qui est commun à ces peuples.
PAC a écrit :
Le choix du grand maître de l'Ordre Teutonique est essentiellement venu de ce qu'il était déçu de l'attitude de Charles Quint qui n'a pas voulu (parce qu'il ne pouvait pas) l'aider à s'affranchir de la tutelle Polonaise. Du coup, il décidera de travailler pour lui. Mais sur les terres de Prusse (qui deviendra bien plus tard la Prusse Orientale), le protestantisme faisait déjà de nombreux émules.
Oui.
Aigle a écrit :
les rois et évêques de France, d'Espagne ou d'Italie ont aussi les moyens de se faire entendre de la curie - ce qui n'était certainement pas le cas d'un prélat suédois ou danois qui devait se sentir parfaitement méprisé à Rome.
Je ne crois pas. D'ailleurs, ça m'a moi-même étonné quand j'ai constaté que le clergé Prussien a beaucoup de contacts avec l'Italie. D'abord, beaucoup de jeunes vont faire leurs études là-bas avant d'entrer dans les ordres. Ensuite, les Prussiens ont des délégués permanents à Rome. De plus, des envoyés de la curie romaine visitent régulièrement la Prusse. La correspondance épistolière n'est pas négligeable non plus.
Aigle a écrit :
Je trouve intéressant l'argument de l'éloignement géographique de Rome. mais je suggère d'y ajouter l'éloignement historique : je pense que les régions qui basculent le plus facilement et définitivement (Scandinavie et Allemagne du Nord et de l'Est) sont des régions qui ont été évangélisées tardivement (entre 800 et 1100) et qui ont été évangélisées sur un mode assez autoritaire par un cergé étranger étroitement soumis au Pape et à l'Empereur. Peut-être en est il resté des traces destabilisantes
Tout à fait. Et un point qui en découle, et que l'on a pas encore mentionné, est que le catholicisme en Europe du Nord est beaucoup plus monolithique que dans l'Europe du Sud. Par exemple, en Italie et en France, le catholicisme a de nombreux courants : Dominicains, Franciscains, Augustins, etc. Alors qu'en Europe du Nord, la diversité est beaucoup moins grande, et un intellectuel qui se retrouve en désaccord sur certains sujets religieux, ne peut pas se tourner vers un ordre catholique alternatif. Il est obligé de rompre avec le catholicisme.