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Message Publié : 27 Nov 2013 17:10 
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Salluste
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Le nombre de légumes provenant d'Amériques et faisant partie de notre gastronomie est assez impressionnant. Une petite liste:

avocat
courge
courgette
citrouille
potiron
haricot
maïs
tomate
physalis
pomme de terre
poivron

Comment ces légumes se sont installés en Europe?
Qui? Quand? Résistances? Spontané ou programmé? ...
Ont-ils mis du temps à s'acclimater en Europe (j'ai lu par exemple que la reine tomate était certes américaine mais qu'elle avait beaucoup évolué en Europe)


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Message Publié : 27 Nov 2013 17:26 
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supertomate a écrit :
Ont-ils mis du temps à s'acclimater en Europe (j'ai lu par exemple que la reine tomate était certes américaine mais qu'elle avait beaucoup évolué en Europe)


En fait, les colons n'ont ramené qu'un nombre limité d'exemplaire des diverses espèces. Souvent, celles qui convenaient le plus à leur goût. Mais parfois, celles qui supportaient le voyage. Les cultivateurs européens ont fait comme depuis la nuit des temps et comme tous les cultivateurs, ils ont sélectionné les légumes qui correspondaient le plus aux goûts et besoins de leur clientèle. Il est donc évident que les légumes ont évolué en Europe de manière différente que leur évolution américaine.

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Message Publié : 27 Nov 2013 19:40 
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Localisation : Nantes
Dans votre longue liste vous pourriez rajouter le dahlia...qui n'est pas un légume mais qui fut rapporté d'Amérique en Europe parce qu'on pensait qu'il en était peut-être un, vu que les Aztèques le consommaient !

La tubéreuse s'avérant non comestible pour les palais européens végéta :wink: quelques temps en Espagne sans succès. On rapporte qu'Hortense de Beauharnais fut la première française à le cultiver dans son jardin et qu'elle fit des envieuses au point que certains n’hésitèrent pas à soudoyer l'une de ses dames de compagnie pour lui voler des tubercules. Elle connut alors un véritable engouement et fit la fortune de quelques uns. Dès lors, cette fleur devint très populaire en France au point qu'elle devint banale (personnellement j'ai d'ailleurs longtemps cru qu'il s'agissait d'une espèce endémique européenne), tomba en désamour au profit de nouvelles plus exotiques et avait quasiment disparu des jardins à la fin du XXe. Elle connaît depuis un nouvel engouement notamment en raison du nombre de cultivars développés par hybridation.

Juste retour des choses, c'est sans doute l'une des fleurs qui est le plus souvent associée désormais dans les potagers.

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"Lisez, éclairez-vous, ce n'est que par la lecture qu'on fortifie son âme." - Voltaire
"Historia vero testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae." De oratore - Cicéron


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Message Publié : 27 Nov 2013 21:17 
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Thucydide
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La plupart de ces légumineux ont été découverts et rapportés en Europe par les conquistadors. Certains ne seront pas directement exportés et introduits en Europe mais feront l'objet de cultures intermédiaires dans les colonies, créées par la suite par les puissances européennes. L'acclimatation et l'implantation en culture des principaux légumes originaires d'Amérique latine en Europe ne se fera qu'au XVIIIe siècle. La tomate par exemple sera longtemps utilisée comme arbre décoratif et le fruit uniquement utilisé en médecine.

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Historicus autodidactus
homines manentes apud Amestelledamme


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Message Publié : 28 Nov 2013 8:17 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Il y a longtemps avait été lancé un sujet intitulé "pourquoi la pomme de terre a mis si longtemps à se répandre".

Voir viewtopic.php?f=60&t=13396&hilit=pomme+terre

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 28 Nov 2013 11:02 
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Je ne sais pas si vous connaissez l’association Kokopelli qui a fait l’objet d’une très violente attaque de l’industrie semencière pour (on est prié de ne pas rigoler) « concurrence déloyale » !!!

En tous cas voici la richesse de la biodiversité et de son catalogue grâce à l’apport de milliers de jardiniers amateurs .

Source wiki.
« …En 2007, elle distribuait 550 variétés de tomates, 300 variétés de piments, 130 variétés de laitues, 150 variétés de courges, 50 variétés d'aubergines… »

Toutes ces plantes sont naturellement reproductibles et leurs graines peuvent être ressemées (c’est bien ça qui coince les boyaux des autres !=


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Message Publié : 28 Nov 2013 15:32 
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Prisma a écrit :
Je ne sais pas si vous connaissez l’association Kokopelli qui a fait l’objet d’une très violente attaque de l’industrie semencière pour (on est prié de ne pas rigoler) « concurrence déloyale » !!!


Et si on s'en tenait au débat historique sans considérations actuelles qui sont interdites par la charte ?

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Message Publié : 28 Nov 2013 15:33 
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Prisma a écrit :
« …En 2007, elle distribuait 550 variétés de tomates, 300 variétés de piments, 130 variétés de laitues, 150 variétés de courges, 50 variétés d'aubergines… »

Toutes ces plantes sont naturellement reproductibles et leurs graines peuvent être ressemées


Mais, pour que ce soit une intervention pertinente, il faudrait savoir si ces graines proviennent seulement de variétés européennes ou aussi de variétés locales américaines.

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Message Publié : 28 Nov 2013 19:56 
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Jules Michelet
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Clio a écrit :
Dans votre longue liste vous pourriez rajouter le dahlia...qui n'est pas un légume mais qui fut rapporté d'Amérique en Europe parce qu'on pensait qu'il en était peut-être un, vu que les Aztèques le consommaient !

Il est peut être comestible... L'on a un autre exemple avec le topinambour... dont l'on consomme le tubercule et qui s'y on le laisse fleurir ressemble à une fleur de jardin que l'on appelle hélianthus... en fait le tampinambour et l'hélianthus ornementale sont des variantes d'une même plante d'origine.
http://www.binette-et-jardin.com/module ... rod_id=435

Pour ce qui est des pommes de terre, tomates, pommier d'amour, physalis, piments, poivrons, tabacs, etc... sont tous de la famille des solanacées. l'on trouve dans cette famille de nombreuses espèces qui sont toxiques... sans compter que souvent les fruits sont de couleur rouge... l'on comprend tout de suite ce qui a déjà été un frein à leur diffusion.

Il me semble qu'il y'a un an ou deux est sorti un excellent livre parlant de l'arrivée en Europe des plantes du nouveau monde... et également des échanges microbiens. Je pensais que le titre était "1492" mais je n'ai pas retrouvé l'ouvrage en question. Si vous avez l'info je suis preneur.

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Skipp


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Message Publié : 29 Nov 2013 10:50 
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Skipp a écrit :
...Pour ce qui est des pommes de terre, tomates..... sont tous de la famille des solanacées.

Au point que on vient de "fabriquer" une nouvelle plante : la tomtato .
sur le même pied des pommes de terre dans le sol et des tomates sur la tige .
Ce n'est pas un cochonerie OGM !
C'est le résultat d'une greffe ,ce qui prouve l'ingéniosité et la maîtrise de l'Homme pour diffuser et controler les choses de la nature .
Dans ce cas il y a encore un gros hic : c'est un hybide ... donc ses graines sont stériles et on est obligé de repiquer un plan greffé .
http://citizenpost.fr/tomtato-plante-hy ... mes-terre/


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Message Publié : 29 Nov 2013 11:04 
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Pour le maïs, voir Georges Frêche dans sa thèse, qui montre que le maïs s'est installé sur les terres désertées par le pastel.


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Message Publié : 29 Nov 2013 15:55 
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Prisma a écrit :
elle distribuait 550 variétés de tomates


Wikipédia a écrit :
Dans les catalogues européens des espèces et variétés, figurent plus de 2 600 variétés inscrites de tomates, dont plus de 430 dans le catalogue français. Ces catalogues comprennent une majorité de variétés modernes, souvent des hybrides F1, mais aussi des variétés traditionnelles. En outre, en France, pour répondre aux critiques formulées à l'égard des catalogues officiels par des jardiniers amateurs, plus de cent variétés traditionnelles ont été ajoutées dans une « liste annexe des variétés anciennes pour amateurs ».


Il y a donc, au moins, 2600 variétés européennes de tomates. Ces variétés ont été en partie inventées par les agriculteurs en faisant des sélections à partir des variétés importées.

Pour ce qui concerne la France :
Wikipédia a écrit :
De nombreux collectionneurs cultivent des variétés anciennes, le plus important étant le conservatoire de la tomate, situé au château de la Bourdaisière à Montlouis-sur-Loire, qui conserve plus de 600 variétés anciennes, en continuant à les cultiver.


Je me suis contenté du cas de la tomate. En fait, la plupart des légumes cultivés connaissent ce phénomène de multiplication des cultivars. Plus une espèce est cultivée, plus elle à un poids économique et plus on va multiplier les cultivars pour répondre à des usages spécifiques de la clientèle. On fait actuellement la différence entre espèces "anciennes" et espèces modernes. Certains voulant montrer par là que seules les variétés anciennes seraient dignes d'intérêt. Mais, en fait, c'est toujours le même phénomène qui est en œuvre : le volonté du producteur de satisfaire son client. Il se trouve que la goûts ont changé, mais aussi certaines conditions. Si on regarde au XIXème siècle, avant la généralisation des chemins de fers. La tomate ne peut qu'être un produit de production locale. Il n'est pas question de la charroyer pendant des jours pour amener au marché un produit invendable. On privilégie donc des espèces qui ne tiennent pas sur de longues périodes et on invente des méthodes de conservation et de distribution que sont la sauce tomates ou les tomates séchées. Il faut donc des tomates adaptées à cet usage.

Une tomate qui a peu de goût donnera une sauce fade. Alors qu'un peu verte et en salade, elle passera très bien. Quand l'on se met à maitriser les transports à longue distance, on commence à faire des tomates qui tiennent plus longtemps. Mais aussi des tomates qui résistent aux manipulations. Il faut les cueillir, les mettre sur des plateaux, trimbaler ces plateaux en train, les décharger des trains, les mener au marché, les proposer à la vente sur les étals, ... Bref, des fruits trop fragiles se retrouvent exclus de la production. Puis, on va vers l'industrialisation, qui a des besoins plus spécifiques.

Il se trouve malheureusement que le ou les gènes qui commandent le goût se sont perdus en chemin et qu'on s'en rend compte un peu tard. Il y a des recherches pour redonner du goût aux tomates modernes. Mais, pour l(instant, elles n'ont pas abouti à des produits commercialisables. Il y a aussi le retours vers des tomates anciennes qui ont sût garder leur goût. Mais, elles présentent les défauts qui les ont fait écarter lors de cette période : elles sont plus fragiles et restent donc des produits d'amateurs avertis. J'aime les tomates qui ont du goût. Les meilleures que j'ai dégustées poussent en Italie du Sud dans le potager d'un de mes cousins : il ne les arrose pas et ne poussent que grâce à la brume qui vient de la mer. Elles sont succulentes.

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Message Publié : 30 Nov 2013 15:07 
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Pierre de L'Estoile
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je crois que Parmentier n'est pas pour rien dans la diffusion de la pomme de terre en Europe.

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et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 30 Nov 2013 16:37 
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Jean Maurel est un ingénieur des Ponts et chaussées à la retraite , un fasciné de grands chemins , qui a perdu son temps à fouiner dans les archives départementale et a publié le résultat de ses trouvailles dans 4 ou 5 livres .

Voici un passages qui nous intéresse .
C’est un peu long , mais je n’aurai pas l’incorrection ni de le couper , ni de le résumer .
Le texte est entrecoupé de citations d’archives que je ne peux pas surligner en italique mais que vous saurez bien reconnaître .

*******
CITATION
« … La culture de la pomme de terre est affaire autrement plus importante que tous les écarts de langage, et c'est le nouvel évêque de Rodez, Mgr Champion de Cicé, qui, à sa façon, s'en préoccupe. Peu de temps après son arrivée, le 8 août 1771, ce prélat lance une enquête qui fournit la meilleure panoplie d'informations sur les débuts de cette culture, ici.
Soucieux de progrès, l'évêque, demande notamment à chacun de ses curés : « Y a-t-il des fruits dont le terrain permettroit la culture, quoiqu'elle ne soit pas introduite dans [votre] paroisse ? » Belle occasion de faire le point sur l'arrivée de la pomme de terre comme culture vivrière en Rouergue, et sur la « vraie » révolution que cela va produire.

Dire le moment précis où on a mis en terre le premier de ces tubercules, en pays de Rodez, est chose impossible, mais c'est probablement entre 1760 et 1770 que la pomme de terre a commencé à être prise au sérieux, ici. On sait qu'ailleurs cela s'est fait de façon plus précoce, le produit étant connu en Europe depuis le XVIe siècle et cultivé dans d'autres régions de France depuis des décennies.

A l'évêque, plus de neuf curés sur dix, tout d'abord, répondent qu'ils ne voient pas quelle innovation frumentaire pourrait améliorer le sort de leurs ouailles, ce qui montre qu'en 1771 la culture de la pomme de terre est loin d'être généralisée. A Lapanouse-deSévérac, par exemple, le curé répond : on ne cognoit point la culture des pommes de terre. Ailleurs, des tentatives ont dû décevoir, le curé de Meyran écrivant : après les essais qu'on en a fait, on ne connaît pas d'autres fruits [que ceux de la tradition] dont le terrain permet la culture ; le pasteur de Soulages-Bonneval dit aussi : je ne crois pas [que] les pommes de terre s'introduisent avec succès. D'autres curés semblent plus positifs vis-à-vis de ce produit nouveau, celui de Lanhac, par exemple, estimant que dans sa paroisse on pourroit introduire les pomes de terre.
Mais il est des lieux où ce pas a été déjà franchi. A Salles-Curan, on les cultive depuis quelques années. A Sainte-Juliette, introduites depuis quelques années, [elles] n'y réussissent pas mal. Au Neyrac, dit le curé, dans l'insuffisance de la récolte du bled, on n'a pour ressource que les pommes de terre dont on fait une assés grande quantité depuis quelques années. A Marcillac, le curé indique qu'il y a quelque quartier où elles ont réussy. A Naucelle, la pomme de terre n'est présentée que comme une culture de jardin. Elles sont également évoquées à Laguiole, à Entraygues, à Bessuéjouls, à Campuac... et plus au sud à Taurines et dans les environs de Réquista ou de Lédergues. La culture de ce tubercule apparaît donc diffuse en cette année 1771, avec à l'avant-garde, semble-t-il, les zones du Rouergue où les humbles souffrent du caractère capricieux, d'une année à l'autre, des récoltes de châtaignes. Mais la méfiance reste vive ; à Caplongue, par exemple, le curé estime que la dizette des grains a fait introduire depuis quelques années la culture des pommes de terre, ce qui est un grand soulagement pour les pauvres gens qui manquent de pain ; mais aussi, d'autre cotté, on éprouve déjà que cette culture nuit à celle du bled, soit parce qu'on l'étend trop, soit parce qu'elle épuise beaucoup les terres ou parce qu'on y employe le meilleur engrais, et que le misérable n'a pas de quoy pourvoir à celui des terres à préparer pour le bled ; à Prades-de-Ségur, même son de cloche : les pommes de terre demandent dans ce terrain beaucoup de fiant, ce que tout le monde n'a pas. Le curé de Carcenac-Salmiech donne, lui, une clé : il est bon de n'en user [de la pomme de terre] que quand on juge que le reste de la récolte [celles des blés] a été prise mal en hiver ; alors on peut en semer au printemps.

Mais il y a des aussi des relents de dédain face à un produit qui n'est pas dans la tradition, le curé de Lunet répondant à propos de sa paroisse : l'on y cultive à peu près tous les fruits dont on peut espérer une récolte passable, jusques aux pommes de terre ; même tonalité à Ségonzac : on y met tout en usage, jusques aux pommes de terre.

Les variétés connues au XVIII' siècle n'étaient pas particulièrement sapides, dit-on, et la pomme de terre garde mauvaise réputation, celle d'un produit pour les pauvres, d'où le nom qui lui est parfois donné : le « gonfle-bougre. » Pour l'évolution de l'image de ce tubercule, il faut évidemment évoquer Antoine Augustin Parmentier, un pharmacien militaire qui, prisonnier en Allemagne, y avait apprécié ce « végétal. » Il en fait activement la promotion dès 1763. Mais ce n'est qu'après 1780 qu'il réussit son coup de maître : utiliser le roi Louis XV' comme « vedette de pub ». Il fait semer deux hectares de pommes de terre à Neuilly et fait garder l'endroit par des soldats comme un lieu précieux où nourriture du roi. Bien sûr, il se commet des vols, la garde du champ intentionnellement fictive. Et ce fruit, précédemment réputé suspect, vénén, jugé de bon goût. Pensez donc ! Un aliment dérobé au roi. Les Parisiens prennent dès lors l'habitude de manger des pommes de terre.

L'histoire est-elle vraie ? C'est du moins ce que l'on raconte partout. En l'occurrence, constatons que les habitants du pays de Rodez ont été plus dégourdis que ceux de la capitale : la pomme de terre, certains ici la cultivaient plusieurs années avant que Louis XVI ne monte sur le trône, en 1774.

En Ségala, plus précisément, il faudra attendre une trentaine d'ans, autrement dit l'époque où un certain Napoléon Bonaparte est aux affaires, pour voir la pomme de terre un peu partout. Si des chicanes à propos de ce produit, consécutives à des larcins, à des destructions de plants par un cochon, etc., sont repérables en 1779, 1781, 1783, à Carcenac-Peyralès, au Lac, à Sainte-Juliette...,' ce n'est guère qu'après 1800 que l'on trouve des mentions répétées de pommes de terre dans des contrats de bail.

Mais quelle révolution que cette culture, ici ! On a ci-devant conté plusieurs épisodes montrant la « dictature » du grain pour la survie des hommes, au temps des Lumières, et on pourrait en conter nombre d'autres. Et voilà qu'en une cinquantaine d'années, un tubercule, la pomme de terre, va faire basculer cet état des choses... »


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Message Publié : 30 Nov 2013 23:01 
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Jules Michelet
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Message(s) : 3419
Prisma a écrit :
Pour l'évolution de l'image de ce tubercule, il faut évidemment évoquer Antoine Augustin Parmentier, un pharmacien militaire qui, prisonnier en Allemagne, y avait apprécié ce « végétal. »

Décidément, les allemands semblent avoir fortement appréciés la pomme de terre... ils ont donc dû la cultiver à grande échelle avant nous. Pendant la 1ère guerre mondiale, ils nourrissaient leurs troupes avec du pain KK... Kartoffelkriesggbrot soit pain de pomme de terre de guerre.

Sait on comment la pomme de terre s'est diffusée dans les pays germaniques ?

Skipp a écrit :
Il me semble qu'il y'a un an ou deux est sorti un excellent livre parlant de l'arrivée en Europe des plantes du nouveau monde... et également des échanges microbiens. Je pensais que le titre était "1492" mais je n'ai pas retrouvé l'ouvrage en question. Si vous avez l'info je suis preneur.

Je viens de retrouver le titre. Il s'agit de 1493 de Charles C. Mann. :wink:

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