Comme je ne suis qu’un rapporteur je mets la note de l’auteur (il faudrait approfondir tous ces sujets juridiques)
« 24 - L'inceste, on sait ce que c'est. L'inceste spirituel était, par exemple, un rapport entre un parrain et sa filleule, ou encore entre une paroissienne et son curé, celui-ci étant réputé être le père spirituel de ses ouailles, qu'il confesse. »
L’auteur suppose que cette affaire a pris une telle dimension par le fait que dans les années 1720-1730 l'évêché de Rodez était, dit-on, imbibée de jansénisme (doctrine qui prônait une vertu rigoureuse et austère)
Pour nous elle a le mérite de montrer l’enchevêtrement des juridictions et le poids de l’Eglise (et de la religion) sur la société.
D’abord il ressort de l’enquête que la fille est consentante et qu’elle a essayé d’aboutir à un « arrangement ». Comme le curé ne veut rien savoir le 24 décembre 1727 Marie dépose plainte devant Antoine de Ricomé, juge de la baronnie de CastelnauPeyralès.Elle déclare être enceinte et désigne le curé comme le père . ( note de l’auteur : »Cette situation est encadrée par le fameux édit de Henri II de 1556. Si une fille non mariée accouche d'un enfant sans avoir déclaré sa grossesse au préalable, et si son bébé meurt à la naissance sans être baptisé, elle est réputée infanticide et punie de mort. » )
Très vite l'officialité (justice de l'évêché : un religieux ne peut être jugé que par le tribunal religieux) se saisit de l’affaire et nomme un curé enquêteur . C’est l’officialité qui va mener l’enquête , entendre les témoins , faire par 2 fois crier dans les rues pour une saisie à corps du curé en fuite, etc. Ensuite l'affaire est transmise par la justice épiscopale au sénéchal-présidial de Villefranche-de-Rouergue qui juge .
On voit dans les déclarations et récriminations des témoins qui ont défilés devant le curé enquêteur le vrai poids d’un homme (d’église) dominant une petite communauté rurale (c’est 60 ans avant la Révolution !)
« …vont défiler devant le curé de Sauveterre plus de vingt-cinq témoins, pour l'essentiel des paroissiens de Lardeyrolles pleins de rancoeur envers Me Vassal, dont ils dessinent un portrait vraiment peu flatteur. Tout d'abord, disent-ils, c'est un fou de chasse, avec fusil et chiens, et il fait passer ce plaisir avant son devoir. Quand il s'adonne à sa passion, inutile de venir le déranger pour ses fonctions pastorales. Plusieurs paroissiens, au Fayet-Bas, à Lacam, à Saiettes... sont en conséquence morts sans sacremens, bien que, chaque fois, le curé ait été requis par leurs proches. Ce pasteur est en outre particulièrement rancunier : dans l'exercice de son ministère, il a refusé de confesser certaines de ses ouailles, et refusé aussi la communion pascale, ayant retiré la nappe (..) à la sainte table, bien que certains paroissiens soient allés en confession ailleurs et lui en aient porté un certificat. Il est de plus capable de terribles colères lorsque quelqu'un lui résiste. Il a souffleté plusieurs hommes et femmes de la paroisse, et en a même menacé certains de mort. M. le curé, ajoutent certains témoins, n'a aucun respect pour le bien d'autrui. Lui porte-t-on une barrique de vin valant douze livres ? Il n'en paye que la moitié ! Chassant dans le temps prohibé pour la chasse (..) les bleds étant en tuyau, il répond par des menaces au paysan qui lui demande de sortir de son champ. Un jour, en manque de réserve de bois pour se chauffer, il fait abattre un chêne, sans en dédommager le propriétaire ; et lorsque celui-ci proteste, le curé lui dérobe sa cognée et va l'enterrer. Un paroissien raconte aussi qu'ayant emprunté trente livres à Me Vassal, il a eu toutes les peines du monde à récupérer sa reconnaissance de dette, lorsqu'il a eu remboursé ; pour y parvenir, il a fallu que le curé de Boussac joue les médiateurs. A une autre occasion, Me Vassal s'est saisi de gerbes de seigle à la récolte, alors qu'il est seulement « curé » de Lardeyrolles, et non « prieur », et qu'il n'a donc aucune qualité pour lever la dîme, l'impôt de l'Eglise. Et lorsqu'il a fallu refondre une cloche de l'église, les marguilliers ont confié à leur pasteur l'argent récolté auprès des fidèles, au fur et à mesure de la collecte ; mais il a truqué les comptes à son profit. Il a aussi contrefait des écritures. On n'en finirait pas... Bref, un citoyen de Lardeyrolles résume le sentiment général en disant que la paroisse étoit malheureuse parce qu'elle avoit un méchant curé… »
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