Esther a écrit :
J’avoue que la subtilité de Crouzet sur ce point m’échappe un peu.
En revendiquant le massacre, Charles IX reprend le contrôle de la situation qui lui échappe. En effet, rétablir l’ordre en donnant une explication politique aux événements permet de calmer les esprits. Mais dans quel but ? Pour préserver l’autorité royale ou pour sauver les protestants encore en vie ?
Les deux vont peut-être de pair.
L'unique but de la monarchie est de garantir la stabilité du trône. Or en décidant l'exécution de chefs huguenots, le roi et la reine donnaient une raison aux protestants de se soulever et de rétablir la guerre civile. Ils avaient eux-mêmes fragilisé l'harmonie si péniblement constituée et défendue depuis des années. C'est ainsi qu'intervient ce qui semble à tous une contradiction terrifiante. Pour garder leur crédit auprès des protestants, le roi et la reine vont donc faire accepter qu'en dépit du massacre des militaires, il n'y a pas de malveillance de leur part à l'égard de la communauté protestante.
Dans ses lettres du 24 août que le roi adresse aux gouverneurs, Charles IX est on-ne-peut-plus-clair : l'édit de pacification doit être maintenu ; les massacres doivent être arrêtés; l'ordre public doit être maintenu. En revanche, si les protestants s'agitent, il faut les calmer par les armes. Et si le risque d'agitation est élevé, il ne faut pas hésiter à les enfermer. Quant aux chefs huguenots, c'est aux Guise que la monarchie laisse le soin d'éliminer.
Cette position se voit également quand Catherine de Médicis écrit quelques jours après le massacre à la duchesse de Ferrare (à la fois princesse de France et grande protectrice des protestants) pour justifier le massacre. La reine espère garder l'amitié de celle qui par son influence a souvent joué un rôle dans la pacification du royaume.
Il reste toutefois une contradiction de la politique royale qui va la perdre. Cette contradiction est à mon avis beaucoup plus inquiétante que le retournement du 23 aout car elle se justifie beaucoup moins. La monarchie ordonne l'arrêt des massacres et joue son rôle de monarchie protectrice mais en même temps va adopter progressivement pour un abandon de la paix de Saint-Germain. La monarchie va en effet encourager les protestants à se convertir (c'est ce qu'elle va faire avec ses propres partisans) et s'orienter vers une position beaucoup plus ferme à leur égard. C'est peut-être là, la plus grave faute de la monarchie ?! et c'est peut-être là où son discours perd en crédibilité !?
La chose peut évidemment s'expliquer. Il y a la pressions catholique que subit la monarchie mais aussi la croyance (nous sommes au XVIe siècle) que le massacre est le signe envoyé par Dieu que le catholicisme doit être imposé.
Esther a écrit :
Une question qui n’a rien à voir : la Saint Barthélemy, avec l’émigration et le nombre de morts (notamment chez les chefs huguenots) qu’elle a provoqués, a-t-elle affaibli le parti protestant au point d'expliquer, en partie bien sûr, la prééminence du catholicisme en France ?
La première guerre de religion (1562-1563) est le premier élément qui explique l'échec du protestantisme. A l'issue de ce conflit, face aux violences et pressions catholiques et face aux violences et pressions des protestants chez qui se trouvent également des fanatiques, ceux qui hésitent entre les deux religions (et ils sont nombreux) vont revenir et rester définitivement dans le catholicisme. Le protestantisme connaît alors une stabilité jusqu'au massacre de 1572 qui va entériner la prééminence du catholicisme en France.