Qui déborde un peu le cadre strictement chronologique de la Renaissance, puisqu'il court de la fin du XVe au début du XVIIe siècle,
Le Pouvoir contesté. Souveraines d'Europe à la Renaissance, de Thierry Wanegffelen.
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Elles sont trente-trois. Trente-trois reines, princesses et régentes qui ont bravé les conventions masculines de leur temps et gouverné dans les États d'Europe les plus unifiés et les mieux structurés - France, Navarre, Angleterre, Écosse, Espagne, Pays-Bas - entre le milieu du XVe et le début du XVIIesiècle. Elles se nomment Anne de Bretagne, Louise de Savoie, Catherine et Marie de Médicis, Jeanne d'Albret, Marie Tudor, Élisabeth Ier, Marie Stuart, Isabelle de Castille, Marie de Hongrie, Marguerite d'Autriche... À travers leurs exemples, ce livre d'histoire comparée traite de la spécificité de l'exercice féminin du pouvoir à la Renaissance, de son acceptation et des limites qui lui sont assignées, ainsi que de l'émergence d'une identité féminine, dans une Europe où les contraintes collectives pèsent de plus en plus fortement sur les femmes, plus que jamais reléguées dans la sphère privée. Comment s'exerce ce pouvoir au féminin ? Quel regard la société masculine, et particulièrement les élites qui les entourent, dominées par de séculaires préjugés phallocrates, porte-t-elle sur ces souveraines ? Comment elles-mêmes se perçoivent-elles et adaptent-elles leur discours, leur image et leur gestuelle à cet univers largement misogyne ? Sont-elles femmes encore, et dans quelle mesure ? Existe-t-il un art de gouverner typiquement féminin qui irait, selon l'exemple symbolique d'Élisabeth Ier, à la fois reine et roi d'Angleterre, jusqu'à retourner les codes en vigueur ?
Thierry Wanegffelen pose ici des questions majeures d'histoire politique, des mentalités et des représentations qui trouvent un écho troublant dans notre monde actuel, où de plus en plus de femmes président à la destinée de leur pays.
Mon avis personnel : il ne s'agit pas d'un nouveau livre descriptif sur la situation des femmes dans l'époque Moderne, notamment des reines, princesses et favorites, comme c'était le cas avec les livres de Bennassar et d'une universitaire italienne (Craveri, il me semble). C'est une réflexion sur l'exercice du pouvoir dans la Renaissance (au sens large), qui prend pour centre d'étude des femmes qui l'ont exercé de fait, de droit, ou étaient censées l'exercer.
Et à travers le "cas limite" (expression de l'auteur dans son introduction) des souveraines, T Wanegffelen se penche ainsi sur la construction des genres féminin et masculin comme identités "naturelles" propre à chacun des sexes, au début de l'époque moderne, genres dont nous ne sommes pas encore vraiment sortis.
Cette réflexion centrée sur les femmes au pouvoir éclaire autant l'histoire de la construction du sujet féminin que celle du sujet masculin.
C'est dense, agréable à lire et lisible au-delà du cercle des spécialistes, ce qui ne veut pas dire que c'est de l'histoire au rabais, bien au contraire !
En bref, j'en conseille la lecture