Inscription : 13 Mars 2006 10:38 Message(s) : 2476 Localisation : Lorraine
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Sujet restitué (janvier 2007)
DOCUMENTATION FRANCE ESPAGNE 1570-1600
Citer : Oscaribou En préambule je voudrais vous dire simplement mon admiration sincère ; je ne suis qu'un simple amateur mais je me pensais assez ferré en Histoire. Vous lire rend humble : votre (générique) culture combinée à l'absence de toute arrogance dans vos messages force le respect. Ceci étant dit, voici ma requête, pour laquelle l'utilisation du moteur de recherche s'est avérée infructueuse (mais peut-être l'ai-je mal utilisé : si c'est le cas merci d'avance pour votre indulgence). Je suis en quête de documents portant sur la période citée en objet, tant en France qu'en Espagne, et permettant de se faire une idée des techniques militaires (armes employées, stratégies et tactiques utilisées, par exemple aux batailles d'Arques et d'Ivry), des techniques médicales, de la vie quotidienne des différentes couches de la société (nourriture, habillement, mode, habitudes...), le tout si possible avec des illustrations permettant de visualiser. Auriez-vous des ouvrages à me conseiller me permettant d'avancer sur ces sujets ? Je vous en remercie par avance.
Oliviert Pour la médecine, je viens justement de lire une lettre amusante de Rubens qui confirme ce que dit Molière
Rubens, le 13 mai 1625 a écrit : je trouvai M. de Valavez chez lui, blessé au front [... il était en train d'assister à un marriage, quand la tribune, sur laquelle il se trouvait, s'était effondrée...] L’os du crâne n’est pas brisé; la chair seule est atteinte, et s’il n’y avait pas déchirure autour de la plaie, je crois qu’en peu de jours celle-ci serait cicatrisée; du moins, comme les déchirures touchent à la plaie, pourra-t-on sans danger expulser les humeurs par la même ouvertures. Grâce à Dieu, je l’ai trouvé sans fièvre, ayant eu aussitôt recours aux bons remèdes pour prévenir les complications: saignées et clystères. (source : http://www.corpusetampois.com/che-17-ru ... iresc.html) Quand Descartes a attrapé un rhume ou une grippe en Suède, que lui avait passé l'ambassadeur de France chez qui il vivait, tous les médecins lui ont conseillé des saignées. Il a refusé au début, préférant avoir un peu de tabac trempé dans du vin. Finalement, il a accepté les saignées, et il en est mort. Une mésaventure similaire est arrivée à Gassendi, qui se doutait bien que les saignées ne le guériraient pas, mais il s'y est soumis pour faire plaisir aux médecins et il en est décédé. La médecine a très peu évolué entre l'antiquité et le 19e siècle.
Voici trois bons livres sur la médecine ancienne : - François Lebrun, Se soigner autrefois, Le Seuil, collection de poche "Points", 1995. - Marcelle Bouteiller, Médecine populaire d'hier et d'aujourd'hui, Maisonneuve et Larose, 1987. - The Western Medical Tradition, Cambridge University Press, 1995.
Oscaribou Merci pour les références "médicales". Il semble qu'à cette époque Baroque les connaissances des médecins "maures" (Morisques après la Reconquista) aient été bien supérieures à celles de leurs homologues Chrétiens, que ce soit en France ou en Espagne ; quelqu'un peut confirmer ?
Sinon mea culpa il y a sur la mode vestimentaire "Valois" un certain nombre de topics extrêmement fouillés que je suis en train de lire attentivement.
Rien trouvé sur le militaire, en revanche....
Oliviert Sur la France et l'Espagne aux 16e et 17e siècles, je recommande vivement la lecture de Fernand Braudel, La Méditerrannée, Armand Colin, Livre de Poche, en 3 volumes. Par exemple, vous pourrez y lire ceci (tome 2, pages 580 à 585):
Citer : Si nous sommes décidés à ne point grossir l'importance de l'histoire-bataille, nous ne songeons pas à écarter la puissante histoire de la guerre, formidable, perpétuel remous de la vie des hommes. [...] Parle-t-on de grande guerre en Méditerannée, aussitôt s'évoquent les fines et puissantes sillhouettes des galères, leur vie endormie l'hiver, leurs courses l'été au long des rivages. Les documents abondent en détails sur leurs déplacements, leur entretien, leur luxe coûteux. Cent discours de spécialistes disent, essaient de dire ce qu'elles coûtent de soins, de vivres, d'hommes, d'argent. Et l'expérience montre aussitôt qu'il est difficile de les regrouper pour des mouvements d'ensemble, d'autant qu'en grosses formations, elles doivent s'adjoindre des bateaux ronds qui porteront les ravitaillements volumineux. Après ces lents préparatifs, les départs sont brusques et les voyages en somme rapides. Tout point du rivage peut être atteint. Cependant n'exagérons pas la portée des coups que frappent les escadres de galères. Les troupes qu'elles débarquent, le cas échéant ne s'éloignent guère des rivages. En 1535, Charles Quint s'empare de Tunis et ne va pas plus loin [...] Parler de guerre, c'est songer tout aussi vite à ces armées nombreuses qui avec le XVIe siècle, nous frappent par le gonflement de leurs effectifs. Les déplacer et, au préalable, les assembler, autant de gros problèmess. Il faut des mois à Lyon pour réunir mercenaires et pièces de cannons, afin qu'un beau jour, le roi de France "saute à l'improviste par dessus les monts". En 1567, le duc d'Albe réalise l'exploit de conduire ses troupes de Gênes à Bruxelles, mais ce sont là des transports pacifiques, non pas une série de combats. De même, il faut l'énorme potentiel turc pour jeter les armées du Sultan d'Istambul au Danube, ou d'Istambul à l'Arménie et pour engager la lutte si loin des bases de départ sont prouesses coûteuses, hors série. Et dès qu'il fat s'opposer à l'ennemi, tout mouvement un peu long dépasse les possibilités ordinaires.
Dernière image à évoquer, celle des places fortes, décisives déjà au XVIe siècle, et qui seront tout ou presque tout au XVIIe siècle. Face aux Turcs et aux corsaires, la Chrétienté s'est hérissé de protections [...] De la grande guerre oui. Or que celle-ci soit suspendue, aussitôt des formes secondes la remplacent -course maritime et brigandage terrestre- qui bien entendu, existaient déjà, mais qui, proliférant alors, occupent la place devenue vide, comme la haute futaie, une fois détruite, laisse la place aux formes dégradées des sous-bois ou du maquis. Il y a donc des guerres à des "paliers" différents [...]
La guerre, ce sont toujours des armes et des techniques. Celles-ci changent et bouleversent le jeu. L'artillerie ainsi a brusquement transformé les conditiens de la guerre, en Méditerranée comme ailleurs. Son apparition, sa propagation, ses modifications -car l'artillerie ne cesse de se modifier- sont une suite de révolutions techniques. Resterait à les dater. Quand, de quelle façon prend-elle ainsi possession des ponts étroits des galères, quand fait-elle la redoutable fortune des grosses galères, les galéasses, avec leur énorme puissance de feu, puisdes galions et des navires ronds à hauts bords ; quand s'installera-t-elle sur les ramparts et plates-formes des forteresses ; enfin comment suit-elle les déplacments des armées ? Il y a eu, sans soute, avec le raid de Charles VII en septembre 1494, et dès avant les conquêtes de Soliman le magnifique, une brusque et large fortune de l'artillerie de campagne. Des âges successifs de l'artillerie se devinent -artillerie de bronze, artillerie de fer, artillerie renforcée- et non moins des âges géographiques, selon la localisation des industries productrices. La politique de Ferdinand le Catholique s'appuie sur les fonderies de Malaga et Medina del Campo, celle-ci créée en 1495, celle-là en 1499, appelées l'une et l'autre à décliner vite : le matériel qu'elles auront construit s'usera en Italie, s'immobilisera en Afrique ou sur les frontières, face à la France. Plus long sera le règne des fonderies de Milan et de Ferrare. Puis, très tôt, la primauté reviendra aux fonderies allemandes, françaises et plus encore, en ce qui concerne le ravitallement de l'Espagne et du Portugal, aux Flandres. Dès les premières décennies du XVIe siècle se dessine une suprématie de l'artillerie et peut-être de la poudre nordique. Toutes questions d'importance. Qu'une centaine de pièces d'artillerie arrivent en 1566, des Flandres à Malaga, l'événement est aussitôt noté par les correspondances diplomatiques [...]
Oscaribou Merci OlivierT pour vos réponses. Je possède le Tome 3 de "La Méditerrannée..." qui est effectivement un monument dans son genre. Mais, est-ce du à une construction extrêmement rigoureuse ne laissant aucune place à la distraction du lecteur, toujours est-il que j'ai le plus grand mal à "rentrer" dans l'ouvrage... Je m'incline platement devant l'immensité de l'oeuvre mais je reste dubitatif devant son accessibilité. "Le XVIe siècle" de Benassar me semble, dans le genre ouvrage d'érudit, plus facilement compréhensible pour le béotien qui veut se soigner (notez bien que je me garde de porter tout jugement sur le fond).
Oliviert Bartolomé Benassar et Fernand Braudel ont en commun de s'interesser à une vue d'ensemble. Mais à part ça, il sont très différents. Benassar est du sud. Braudel est du nord. Benassar est rempli d'une vigueur languedocienne et d'un romantisme espagnol. Braudel est au contraire plein de désillusions après que la guerre de 14-18 a ravagé sa Lorraine natale et a montré la stupidité des actes de bravoure. Benassar aime le sensationnel, l'utopie, comme le montre le titre de ses ouvrages "Cortes, le conquérant de l'impossible", "Un voyage extraordinaire au XIXe siècle". Braudel aime les choses humbles comme les fonderies et les bateaux ronds qui apportent le ravitaillement. Benassar dramatise, par exemple, il déclare que les reines sont soumises à un "harcèlement procréateur", alors que Braudel dira qu'on demande aux reines de donner des héritiers males comme on le demande aussi à des paysannes du Berry ou de Macédoine. Personnellement, je préfère Braudel parce que je suis un homme du nord de la Loire, mais il faut de tout pour faire un monde.
André Sanphrapé Le Tome 3 de La Méditerranée est celui qui m'a le moins convaincu, qui a le plus vieilli. Il s'agit ni plus ni moins que d'une histoire politique événementielle de la Méditerranée de 1550 à 1598. Braudel en était lui-même bien conscient puisqu'il avait écrit dès les premières lignes de l'édition de 1966 (et des suivantes) : « J'ai beaucoup hésité à publier cette troisième partie sous le signe des événements ; elle se rattache à une histoire franchement traditionnelle. Léopold von Ranke y reconnaîtrait ses conseils, sa façon d'écrire et de penser. »
Maharbbal Pour ce qui est des relations entre la France et l'Espagne un (gros) volume est paru sur l'espionage espagnol en france après les guerres de religions. C'est une sujet rigolo donc je vous donne la référence: Hugon, Alain (2004). Au service du roi catholique : "honorables ambassadeurs" et "divins espions" : représentation diplomatique et service secret dans les relations hispano-françaises de 1598 à 1635, Madrid : Casa de Velázquez, XII-700 p.
Sinon toujours pour le plaisir, puisque c'est paraillement du début du XVIIe dont il s'agit, il y a toujours les passionantes et véridiques aventures du capitaine Alonso de Contreras. Si vous lisez l'espagnol, ça a tout simplement un charme indescriptible. Braudel disait que c'était le meilleur morceau de littérature picaresque.
Il y a par ailleurs des tripotés de livres sur les guerres de Philipe II (pas toujours en français il faut dire).
Oscaribou Sincères remerciements pour ces références ; je vais essayer de dénicher le Hugon. Bien d'accord pour la difficulté de trouver des livres en français : j'ai le même problème avec les Morisques (en particulier la révolte de 1568-1571 "matée" par Dom Juan d'Autriche) et la "Mora de Ubeda", sans parler de Lucrèce de Leon dont je fais mention dans un autre message : quasi-impossible de trouver livre ou article en français ! J'aurais vraiment mieux fait de choisir l'espagnol plutôt que le latin... regrets, regrets....
_________________ Tous les désespoirs sont permis
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