Sujet reconstitué (février-mars 2007), merci Res Publica Citer :
Achille
Pourriez vous me dire qu'elles étaient les fonctions des intendants de province à cette époque par rapport aux communautés villageoises?
Merci d'avance !
Plantin-Moretus
Ce sont essentiellement des compétences financières : depuis un règlement du 22 août 1642, ils se substituent peu à peu, et non sans heurts, aux officiers de finances pour la répartition et la levée de la taille, et même en assurent parfois le recouvrement ; ils ont donc souvent affaire aux syndics des communautés et aux asséeurs-collecteurs (puisque répartition et perception étaient fusionnées depuis Henri IV).
Une ordonnance de 1662 leur attribue ensuite la vérification des dettes des communautés, et un arrêt de février 1665 leur confie la liquidation de ces dettes. Une des conséquences de ces attributions a été un formidable accroissement de leurs pouvoirs car c’était une tâche très longue tant les gestions locales étaient embrouillées, malhonnêtes et en piteuse situation, donc ils étaient maintenus de plus en plus longtemps en place, jusqu’à exercer une véritable tutelle administrative en plus de la tutelle financière.
Edmée
N'ont-ils pas aussi un rôle de juge en première instance et en appel, auprès de ces mêmes communautés villageoises, supplantant ainsi la justice seigneuriale?
Brisbout
D'après mes cours, les intendants sont des hommes de loi de formation et de fonction mais ils ne supplantent pas le justice seigneuriale, ils doivent juste collaborer avec les gouverneur et lieutenants généraux, ils se complètent dans leur fonction en quelque sorte, il ont un rôle de maintient de l'ordre.
Plantin-Moretus
Nicolas de Lamoignon de Basville, intendant du Languedoc de 1685 à 1718 a rédigé pour l’instruction du dauphin, sur ordre de Louis XIV, des mémoires dans lesquelles il explique le rôle de l’intendant ; voici le passage qui concerne ses rapports avec les communautés, où on voit bien que l’essentiel de la tutelle concerne la surveillance des dépenses et des actions en justice des communautés :
[i]« Pendant toute l'année, l'intendant reçoit un grand nombre de lettres des communautés de la province : il y en a 2500 ; pas une ne peut faire aucune affaire que ce ne soit par ordre de l'intendant, ce qui donne lieu aux lettres qu'on reçoit continuellement de toutes parts. Cette même règle produit aussi un grand nombre de requêtes. Comme les communautés ne peuvent pas faire aucune dépense de quelque nature qu’elle soit, soit pour réparer des chemins ou des églises, soit pour tous les besoins qu'elles peuvent avoir, sans une ordonnance de l'intendant, cela donne lieu à beaucoup de requêtes : mais ce sont des affaires légères. dont la question est toujours de savoir si la dépense que les communautés veulent faire est utile ; l'intendant est comme un tuteur à l'égard des communautés qui refuse ou accorde suivant l'utilité que les communautés en reçoivent ; et ne peuvent pas même plaider sans la permission de l'intendant. Cela a été introduit pour remédier au penchant que les communautés avaient de se ruiner par des procès et empêcher ceux qui les aiment de ne plus suivre leur inclination aux dépens de la communauté. Quand elle veut plaider et députer, elle en demande permission à l'intendant qui examine si le procès est bien fondé autant qu'il le peut par la nature de l'affaire ou par des consultations d'avocats qu'on lui rapporte, et il décide s'il convient à la communauté d'entreprendre ou non le procès. Quand les habitants veulent plaider, ou faire une députation sans sa permission, la peine est que la dette n'est pas vérifiée, que les dépens n'en sont point supportés par toute la communauté, mais seulement par ceux qui en ont pris la délibération. »[/i]