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Message Publié : 12 Avr 2007 14:57 
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Localisation : Lorraine
Sujet reconstitué (janvier-mars 2007)
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Plantin-Moretus
Une des clés politiques et sociales du XVIIème siècle est le rapport entre la monarchie et la noblesse (ou plutôt les noblesses d’ailleurs). En recul ou en progrès selon les circonstances dynastiques, politiques et diplomatiques, le pouvoir royal semble l’avoir finalement emporté sous le règne de Louis XIV, que l’historiographie a consacré comme le triomphe de l’absolutisme (terme qui peut faire cependant débat).
Comment noblesse et monarchie se concevaient-elles mutuellement ? Quels rapports de force les opposaient, et quels intérêts communs pouvaient les réunir ? Enfin, Louis XIV a-t-il réellement « domestiqué » la noblesse comme on le présente généralement ?

Ethelbert
Vaste sujet que celui proposé à nos cervelles !
Par où commencer ?

Noblesse ? Noblesses ?
Suivant le nombre dont on le dote, le terme ne désigne pas la même chose. La noblesse est le second des trois ordres du royaume (après le clergé et avant le tiers-état en prééminence) tels que Charles Loiseau en parle dans La société d'ordres. Il s'agit de l'un des aspect de la répartition tripartite chère à Dumézil, et constitué par les héritiers (au moins spirituels) des chevaliers, membres de l'ordre médiéval des bellatores.

Cependant, il existe deux noblesses au sein du royaume de France, au moins depuis le XVIe siècle: la noblesse d'épée (dite aussi noblesse de sang), dont les membres se réclament d'un lignage remontant aux temps médiévaux. La caractéristique principale de cette noblesse est qu'elle est octroyée par le don/prix du sang, versé lors du service de guerre dû par tout vassal à son suzerain.
À côté (pour ne pas dire en face) se trouve la noblesse de robe. Ses membres sont en grande majorité des officiers anoblis par leur charge. Certaines charges anoblissaient de manière immédiate (président à mortier de tribunal, par exemple), d'autres nécessitaient que la charge soit transmise sur plusieurs générations avant d'avoir une valeur anoblissante. Il s'agit de la fameuse "savonnette à vilains" raillée par la noblesse d'épée. À partir de 1604 (instauration de la paulette), la vénalité des offices ouvre une voie (royale, bien sûr ) à l'anoblissement de nombreux officiers du royaume.

Quel(s) rapport(s) existe-t-il entre la monarchie et la noblesse au XVIIe siècle ?
Cette période est très riche quant à la question des rapports que la monarchie entretient avec la noblesse. Les nobles sont, à l'exception de riches bourgeois ayant pu acheter un office, les seuls fonctionnaires de l'administration royale. Ils siègent dans tous les organes du pouvoir, et notamment les Parlements.

La question des Parlements
Chaque Parlement provincial était perçu comme une émanation de celui de Paris, lui-même considéré par ses membres comme le descendant de la curia regis médiévale. Les parlementaires disposent à ce titre d'une prérogative à laquelle ils sont très attachés: le droit de remontrance, qui leur permet de refuser d'enregistrer toute loi ou édit pris par le roi. En effet, tant qu'une loi n'a pas été enregistrée par un parlement, elle n'a aucune valeur légale dans le ressort de celui-ci. Le roi peut toutefois imposer sa volonté par deux moyens: une lettre de jussion ou un lit de justice. Le roi, cependant, voit son pouvoir circonscrit dans certaines limites, fixées par les [lois fondamentales du royaume[/i].
Au cours du XVIIe siècle, nombreux seront les conflits qui opposeront le Parlement au pouvoir royal, surtout lors des périodes de régence. La plus importante de ces crises nobiliaires et parlementaires reste la Fronde (1648 - 1653).

La Fronde (1648 - 1653)
Il s'agit d'une révolte d'une partie de la noblesse (ceux que l'on appelle traidtionnellement les Grands) qui n'a en elle-même rien de surprenant puisqu'elle se produit lors d'une régence. Une régence marque toujours un affaiblissement du pouvoir royal: le roi est mineur, et soit la reine-mère, soit des conseillers proches de celle-ci ou du roi exercent le pouvoir. Une telle période est donc propice aux principaux nobles du royaume pour obtenir de nouvelles concession ou de l'influence auprès du roi.
À la mort de Louis XIII (en 1643), le Parlement de Paris refusa d'enregistrer son héritage. Louis XIV, alors âgé de 5 ans, confia par un lit de justice la régence à sa mère, Anne d'Autriche.
En 1648, les Grands (notamment les Condé), s'appuyant sur un fort réseau de clientèle, se révoltent contre la régence d'Anne d'Autriche, mais pas contre le roi. Officiellement, ce genre de soulèvement ne se produit jamais contre le roi, mais contre des personnes qui, exerçant le pouvoir, l'utilise d'une manière nuisible à l'ordre établi. Cela est appelé par les nobles le devoir de révolte.
Tout rentre - difficilement - dans l'ordre à la majorité de Louis XIV en 1651. Mais le jeune roi garde de cette période troublée un souvenir qui l'incite à toujours surveiller la noblesse, et à bien affirmer son autorité sur cet ordre.

La royauté et la noblesse: la question de l'absolutisme royal
De Henri IV à Louis XIV, la conception du pouvoir royal (qui était en fait en gestation depuis le XVIe siècle, a connu une évolution remarquable (au sens étymologique du terme): alors que Henri IV a dû acheter la soumission des Grands de son temps pour instaurer la paix dans son royaume, Lousi XIV les a progressivement "domestiqués" (pour reprendre une expression courante). Pendant son règne (au moins les années passées à Versailles), les nobles avaient l'obligation d'être à la Cour s'ils souhaitaient obtenir faveurs et privilèges. Mais il est douteux que tous les nobles (notamment les plus modestes) aient passé leur vie à la Cour.
Sur le plan politique, Louis XIV se passe dès 1661 de premier ministre. Il s'appuie sur des secrétaires d'Etat dont un grand nombre sont issus de la noblesse de robe (Colbert, Louvois). Les pouvoirs des commissaires royaux et de sintendants est renforcés au détriment de ceux des officiers et parlementaires. A contrario des officiers, les comissaires sont nommés par le roi et directement révocables par lui. Les officiers représentent donc une source de revenus non négligeable pour le roi, mais en limitant leurs pouvoirs, Louis XIV s'assure un calme relatif dans les provinces de son royaume.

En résumé :
Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe). La remise en cause systématique (et non permanente) de leurs privilèges constitue un aspect nécessaire sur le chemin de l'absolutisme royal.
Cette question, née au siècle précédent, trouvera son aboutissement sous Louis XIV et fera l'objet de nombreuses remises en question sous Louis XV (notamment avec les Lumières) et sous Louis XVI.
Malgré tout, l'absolutisme royal reste limité par les lois fondamentales du royaumes.

Voilà, c'est le peu qu'il me reste de mes années de fac. Difficile d'être plus précis sans mes bouquins sous le nez. Mais je pense que beaucoup d'habitué(e)s de ce forum pourront compléter, voire réviser, mon point de vue sur la question. Si vous m'avez lu jusqu'au bout, merci.
P.S.: pour celles et ceux qui seraient intéressé(e)s, je pourrai chercher les textes de la Société d'ordres de Charles Loiseau (un classique de l'Ancien Régime) et les Lois fondamentales du royaume de France.

Tonnerre
Intéressant exposé.
''Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe).''
Mais cette opposition robe/épée est plus formelle et affirmée que réelle et pratiquée; les alliances par mariage entre membres des familles de noblesse d'extraction et de riches robins anoblis ne sont pas si rares au XVIIe siècle.

Ethelbert
En effet, les mariages d'interêt sont monnaie courante dans ce milieu; et les nobles qui sont en difficulté financière se marient souvent (ou marient leurs enfants) aux héritières (ou héritiers) de riches familles bourgeoise (anoblies ou non).
Cette oopération matrimoniale s'appelle "redorer son blason", expression devenue proverbiale depuis lors...

Plantin-Moretus
Citer :
''Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe).''

C’est une façon d’aborder le problème intéressante en effet ; l’épée se donne la mission de défendre le royaume, la robe celui de l’administrer, chacun d’entre eux jugeant sa mission comme la plus importante, et les princes du sang défendant leurs droits inviolables qui seraient une synthèse de ces deux rôles. Face à cet « impérialisme nobiliaire » le roi doit-il être un arbitre et coordinateur, en gouvernant sans premier ministre, mais assisté d’un conseil étroit de grands seigneurs et du Parlement ? C’est le gouvernement idéal de la noblesse.
Chacune de ces noblesses n’existe cependant que par le roi, l’épée parce qu’il est le garant d’un certain ordre du royaume, la robe parce que le parlement n’existe vraiment qu’en présence du roi.
Donc ces prétentions sont incohérentes et contradictoires : tout se passe comme si les noblesses reconnaissaient la nécessité d’un roi suffisamment puissant pour imposer ses arbitrages, mais refusaient son efficacité.

Citer :
les Grands (notamment les Condé), s'appuyant sur un fort réseau de clientèle, se révoltent contre la régence d'Anne d'Autriche, mais pas contre le roi. Officiellement, ce genre de soulèvement ne se produit jamais contre le roi, mais contre des personnes qui, exerçant le pouvoir, l'utilise d'une manière nuisible à l'ordre établi

Dans ce schéma déjà source de conflits, mais finalement assez habituel depuis le XVIème siècle et les premiers pas de la monarchie administrative sous François Ier intervient en effet un trublion : Mazarin, qui confisque le pouvoir au détriment de l’épée et de ses chefs les princes du sang (tyran d’usurpation) et gouverne aux dépens de la robe (tyran d’exercice).
Scandale car chaos politique et social : violation des coutumes, rôle de l’argent dans une hiérarchie qui doit l’ignorer, mais dont tous tirent profit cependant, puisqu’il devient le moteur des ralliements ou des trahisons.

Citer :
Tout rentre - difficilement - dans l'ordre à la majorité de Louis XIV en 1651. Mais le jeune roi garde de cette période troublée un souvenir qui l'incite à toujours surveiller la noblesse, et à bien affirmer son autorité sur cet ordre

La noblesse d ‘épée en sort en effet discréditée par ses volte-face permanentes et sa vénalité (voir les Longueville et certains parlementaires), et ruinée car aux dégâts de ces guerres civiles s’ajoute la baisse des rentes foncières.

Citer :
Louis XIV les a progressivement "domestiqués"

Oui, c’est le premier souci du roi, mais pas seulement l’épée, comme on le présente souvent, la robe aussi est réduite à l’obéissance : les « Cours souveraines » perdent cette appellation et deviennent « Supérieures », ce qui n’est pas un détail dans cette société où le titre fait tout.

Citer :
Les parlementaires disposent à ce titre d'une prérogative à laquelle ils sont très attachés: le droit de remontrance, qui leur permet de refuser d'enregistrer toute loi ou édit pris par le roi.

Et justement, les enregistrements se font sans remontrances à partir de 1665, et le roi sera impitoyable pour le Parlement de Rennes, exilé à vannes de 1675 à 1690, après l’affaire du papier timbré.
La noblesse d’épée est contrôlée (chasse aux faux nobles, qui répondait aussi en fait à un voeu de la noblesse, soucieuse aussi de légitimité) ses assises locales ébranlées (les Grands Jours d’Auvergne montrent un roi protecteur de son peuple contre l’arbitraire seigneurial).

Citer :
Pendant son règne (au moins les années passées à Versailles), les nobles avaient l'obligation d'être à la Cour s'ils souhaitaient obtenir faveurs et privilèges. Mais il est douteux que tous les nobles (notamment les plus modestes) aient passé leur vie à la Cour.

Deux citations pour évaluer le résultat. D’abord le marquis de Vardes : « Sire, loin de vous, on n’est pas seulement malheureux, on est ridicule ». Et bien sûr l’incontournable Saint-Simon (Mémoires tome V, p. 524, Gallimard, la Pléiade):

« C’était un démérite aux uns de ne pas faire de la Cour son séjour ordinaire, aux autres d’y venir rarement, et une disgrâce sûre pour qui n’y venait jamais. Quand il s’agissait de quelque chose pour eux : « Je ne le connais point », répondait-il fièrement. Sur ceux qui se présentaient rarement : « C’est un homme que je ne vois jamais » ; et ces arrêts-là étaient irrévocables ».

La cour fournit cependant à la noblesse un moyen de survivre comme modèle social, en montrant aux sujets des exemples de fidélité et de hiérarchie bien ordonnée, tout en coupant la grande noblesse de ses clientèles provinciales, car comme vous le notez, un grand nombre de nobles trop pauvres ne peuvent venir à la Cour où il faut soutenir son rang ; dans une perpétuelle surenchère, que note merveilleusement bien la fine observatrice qu’est la princesse palatine, cette dépendance économique fait que le roi acquiert pour lui-même les clientèles en les confisquant aux Grands.

Mais cette « domestication » doit être complétée par une « mise au service » : soit à la Cour, où la commensalité empêche une trop grande oisiveté, soit à l’armée ; c’est ce que dit Louvois à Nogaret, d’après Mme de Sévigné, dans un dialogue impitoyable (Correspondance, tome III, Gallimard la Pléiade, p. 496) :

«- Monsieur, votre compagnie est en fort mauvais état.
- Monsieur, dit-il, je ne le savais pas.
- Il faut le savoir, dit Monsieur de Louvois ; l’acez-vous vue ?
- Non, dit Nogaret.
- Il faudrait l’avoir vue, Monsieur.
- Monsieur, j’y donnerai ordre.
- Il faudrait l’avoir donné. Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier ».


Quant on sait d’où vient Louvois (d’un correcteur puis maître des comptes sous Henri IV) et Nogaret, dont la famille est seigneur de Calvisson depuis au moins le XIIIème siècle, on comprend le retournement des valeurs en cette fin de XVIIème siècle. Saint-Simon lui-même connaîtra une relative disgrâce quand il renoncera à sa carrière militaire après 1701.

La guerre en effet permet au roi de corriger la naissance par le mérite, et à la noblesse seconde d’assurer ses moyens d’existence, comme d’ailleurs les charges ecclésiastiques, qui sont une autre option du service, et qui ont l’avantage d’enfermer des rameaux nobles dans une stérilité lucrative. Dans le même ordre d’idées, la guerre elle-même ne serait-elle pas un moyen aussi (mais le roi est-il aussi cynique ?) d’affaiblir les trop importantes familles ?
Le roi est aussi maître de l’anoblissement, donc de l’ouverture ou de la fermeture de l’ordre, mais ce levier va lui échapper quand les nécessités financières l’emporteront sur la stratégie de régulation sociale, et que la politique d’anoblissement deviendra inflationniste.

Citer :
Louis XIV se passe dès 1661 de premier ministre. Il s'appuie sur des secrétaires d'Etat dont un grand nombre sont issus de la noblesse de robe (Colbert, Louvois). Les pouvoirs des commissaires royaux et de sintendants est renforcés au détriment de ceux des officiers et parlementaires. A contrario des officiers, les comissaires sont nommés par le roi et directement révocables par lui

C’est là la version « robe » si l'on peut dire, de la mise au service, et effectivement, le roi l’impose au premier rang du pouvoir, mais aussi de la richesse ; par exemple, dans le tarif de la capitation de 1695, le secrétaire d’Etat émarge dans la première classe d’imposition, les intendants dans le seconde, les conseillers d’Etat dans la quatrième, les maîtres des requêtes dans la cinquième (voir : La véritable hiérarchie sociale de l’Ancienne France, le tarif de la première capitation, F. Bluche et J.F. Solnon, Droz, 1983). De véritables dynasties se créent, parallèles et concurrentes des parentèles d’épée, mais celles-ci doivent tout au roi, sont dégagées de la « robe » commune, et donc des tentations frondeuses.

Méandre
Citer :
le roi l’impose au premier rang du pouvoir

Politiquement oui, mais socialement non, cela va être très préjudiciable à la monarchie...

Les intendants, formaient par l'administration centrale, ne devaient pas seulement "avoir l'oeil" comme leurs prédécesseurs, les commissaires royaux. Intendants de justice, police et finances, ces nouveaux agents de la monarchie ont pratiquement compétence sur toute l'administration en place : réviser les procédures, meme au niveau des parlements, reprendre les jugements, renvoyer d'une chambre à une autre, solliciter une intervention directe de Versailles lorsque les résistances s'avèrent trop fortes ; organiser ou contrôler les polices urbaines, la sécurité des routes, le fonctionnement de la maréchaussée en cours d'installation ; prendre en main le contrôle des finances royales, voire de l'économie régionale : assiette et perception de l'impôt, gestion des fonds royaux, surveillance des marchés, des foires et de la mercuriale.
Ces "nouveaux agents" de la monarchie rencontrent de grandes difficultées pour mener à bien leur lettre de mission. Lors de la fronde parlementaire de 1648, la première revendication du parlement de Paris a été la suppression des intendants. Cette longue guerre d'usure n'épargne aucune province, même lorsque l'intendant est originaire de la région, possède des relations familiales dans la robe ou la finance. En fin de compte, cette lutte a terriblement amenuisé la fonction. La centralisation projetée par la monarchie est plus politique que sociale. Colbert a négocié pas à pas au nom du roi avec les parlements. A la centralisation de la noblesse d'épée, il faudrait opposer la réalité d'une "décentralisation des provinces" malgré la volonté d'uniformisation de la loi sur tout le royaume. En effet, les parlementaires des provinces ont probablement acquis l'expérience de la confrontation et du crédit aux yeux de sa clientèle. L'absolutisme du roi louis XIV a fragilisé l'assise de la noblesse d'épée au sein de sa province d'origine et favorisé la cohésion des parlementaires régionaux. Cette cohésion a dû se renforcer lorsque les déçus de Versailles et les humiliés du roi rentrent dans leur province avec un grand besoin de réconfort. Nous passons, dès lors, dans le domaine des idées.

La littérature du XVIIe siècle est révélatrice du clivage entre la noblesse de Versailles et la noblesse de province ou rurale, cette dernière étant régulièrement tournée en ridicule par le théâtre et la satire.

Edmée

Citer :
En effet, les mariages d'interêt sont monnaie courante dans ce milieu; et les nobles qui sont en difficulté financière se marient souvent (ou marient leurs enfants) aux héritières (ou héritiers) de riches familles bourgeoise (anoblies ou non).
Cette oopération matrimoniale s'appelle "redorer son blason", expression devenue proverbiale depuis lors...

Aurais-tu quelque exemple intéressant d'hypogamie?
La descendance de ces lignages ne s'en trouve t-elle pas marquée de manière indélébile par ce qui était considéré comme une souillure?

Tonnerre
C'était sans doute considéré comme une souillure mais d'un autre côté les plus grandes familles recouraient à cette méthode éprouvée--on disait aussi ''fumer ses terres''--pour consolider leur assise économique. Et ces apports roturiers s'oubliaient vite, la réussite triomphe de tous les scrupules.
Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, l'auteur des mémoires, si à cheval sur les privilèges de la haute noblesse et pointilleux sur les questions de rang et de préséance, a épousé Marie-Gabrielle de Durfort de Lorge, fille aînée du maréchal-duc de Lorge, dont la mère, née Frémont, venait d’une famille roturière mais avait apporté une dot importante à son mari.

Florian
Je crois comme Ethelbert qu'on ne peut aborder un tel sujet sans distinguer les différentes noblesses, sans pour autant les considérer toujours en opposition (bien des familles sont présentes dans la robe et dans l'épée à la fois).

Quant à la thèse de la "domestication" de la noblesse par l'absolutisme louis-quatorzien, elle est aujourd'hui très nuancée. Il y a bien domestication en ce sens que la noblesse est au service du roi, mais cette domestication ne se fait pas sans contrepartie.

Tout cela est très bien démontré à partir du cas des Condé dans la thèse de Katia Béguin: elle montre que les Condé se sont d'autant plus enrichis qu'ils ont joué le jeu de l'absolutisme royal et que la Fronde condéenne n'était pas une réaction à cette domestication de la noblesse mais à l'éviction du clan condéen par un autre.

Le mot "domestication" est donc très problématique car tous les textes de l'époque montrent que pour les nobles en question, le service du roi n'est pas vécu comme une contrainte mais comme un honneur. On a donc affaire à une relation donnant-donnant et pas à une soumission des uns (les nobles) par les autres (le roi).
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Ericc
Citer :
Les intendants, formaient par l'administration centrale, ne devaient pas seulement "avoir l'oeil" comme leurs prédécesseurs, les commissaires royaux. Intendants de justice, police et finances, ces nouveaux agents de la monarchie ont pratiquement compétence sur toute l'administration en place : réviser les procédures, meme au niveau des parlements, reprendre les jugements, renvoyer d'une chambre à une autre, solliciter une intervention directe de Versailles lorsque les résistances s'avèrent trop fortes ; organiser ou contrôler les polices urbaines, la sécurité des routes, le fonctionnement de la maréchaussée en cours d'installation ; prendre en main le contrôle des finances royales, voire de l'économie régionale : assiette et perception de l'impôt, gestion des fonds royaux, surveillance des marchés, des foires et de la mercuriale.

Attention aux termes utilisés. Les intendants sont des commissaires royaux. Ils sont pour la plupart passés par les parlements, leur formation est celle de tous les officiers de judicature du royaume, ce sont des magistrats. On ne peux pas considérer qu'ils aient été formés par une administration centrale. Ceci signifie notamment qu'il n'y a pas une grande différence de mentalité, puisque le parlement de Paris reste la pépinière qui permettra de recruter les maîtres des requêtes, conseillers d'Etat et intendants, ministres et secrétaires d'Etat. Les Pontchartrain, les La Vrillière, Chamillart, Croissy, Desmaretz, Voysin pour les ministres et SE. Pour les intendants : Barrillon d'Amoncourt, Morangis, Bauyn d'Angervilliers, Bazin de Bezons, Bechameil de Nointel, Jérôme III Bignon, Boucher d'Orsay, Charron de Menars, les Chauvelin, de Creil de Bournezeau, Feydeau de Brou, Dugué de Bagnols, Harlay de Cély, Harlay de Bonneuil, Harrouys, La Briffe, Lambert d'Herbigny, les Lefebvre d'Ormesson et d'Eaubonne, laugeois d'Imbercourt... j'arrête là pour ne pas lasser.

Attention encore à ne pas se laisser impressionner par cette liste de compétence que l'on connaît par leur commission. Sur le terrain, les choses ne se présentent pas exactement de cette façon. Il faut répondre à cette question : comment M. de Pomereu, arrivant en Bretagne comme 1er intendant va t'il s'y prendre pour administrer à lui tout seul la province ? C'est mission impossible car même avec quelques subdélégués, le pouvoir réel de l'intendant reste limité dans les faits, en dehors de la question des impositions où il est obligé de faire avec les officiers de finances et celle des villes. Sans les officiers, il lui est impossible de conduire ses missions. D'ailleurs tous les subdélégués sont titulaires d'un office. Là encore attention aux schémas trop simplistes d'un autre temps.

Citer :
Aurais-tu quelque exemple intéressant d'hypogamie?
La descendance de ces lignages ne s'en trouve t-elle pas marquée de manière indélébile par ce qui était considéré comme une souillure?

C'est en effet l'opposition tranchée robe et épée, qui est à reconsidérer. La seconde partie du règne de Louis XIV voit en effet les frontières se dissoudre par le jeu des alliances.
Concernant les cas d'hypogamie et d'hyper gamie, il y a d'abord les exemples ministériels : Charlotte Madeleine Le tellier, fille de louvois épouse François de La Rochefoucauld, duc de La Roche-Guyon, la cadette, épouse François de Neufville, duc de Villeroy. Barbézieux épouse une Crussol. Les gendres de Colbert sont le duc de Luynes et de Chevreuse, Beauvilliers, et le duc de Mortemart. Seignelay épouse une thorigne, son frère une Rochechouart- Vivonne . Jérôme de Pontchartrain une La Rochefoucauld-Roye. Chamillart a pour gendre le duc de la Feuillade. Question : toutes ces familles de la haute noblesse française auraient elles contracté de telles alliances si les ministres de louis XIV avaient été considéré comme étant issus de la "vile bourgeoisie" pour reprendre l'expression de Saint Simon.
Concernant les unions épée-robe :
Parmi les ducs et pairs, on peut signaler dès le règne de Louis XIII, l'union des La Vieuville avec une Bouhier, celle du comte de Charost (futur lignage de duc et pair) avec une Lescalopier. En 1640 Louis de La Trémoille épouse une Aubery, en 1645, c'est une Noailles qui épouse un autre magistrat Robert Aubery. Le mouvement s'accentue durant tout le règne de louis XIV et à tous les niveaux de l'échelle nobilière, au point qu'au XVIIIe siècle la plupart des familles parlementaires parisiennes sont alliées aux plus grands noms de l'épée : les d'Aguesseau aux Noailles , aux Saux Tavannes, les Amelot aux Saux-Tavannes et aux Caumont, les Bérulles Aux Latour du Pin, les feydeau aux talhouet, les Hocquart aux cossé Brissac et aux Ségur, les Mesmes aux Rochechouart et aux Durfort , etc...
Il ne faut pas oublier que certains nobles dits de robe sont déjà d'extraction chevaleresque, ce à quoi ne peuvent prétendre tous les ducs et pairs : les d'Argouges, noblesse chevaleresque depuis 1223, tout comme le sont les La Bourdonnaye, les Montaignac, les Lefèbvre de Laubrière. certains robins sont nobles depuis le XIVe siècle comme les Longueil, les quinson, les Voyer d'Argenson les Le Prestre de Lézonnet.
Le XVIIe siècle est également l'époque où les cadets de la robe se mettent à conquérir l'armée : que devient dès lors la frontière robe- épée , amorçant le mouvement inverse, certes moins fréquent du XVIIIe siècle.

Citer :
Je crois comme Ethelbert qu'on ne peut aborder un tel sujet sans distinguer les différentes noblesses, sans pour autant les considérer toujours en opposition (bien des familles sont présentes dans la robe et dans l'épée à la fois).

Quant à la thèse de la "domestication" de la noblesse par l'absolutisme louis-quatorzien, elle est aujourd'hui très nuancée. Il y a bien domestication en ce sens que la noblesse est au service du roi, mais cette domestication ne se fait pas sans contrepartie.

Tout cela est très bien démontré à partir du cas des Condé dans la thèse de Katia Béguin: elle montre que les Condé se sont d'autant plus enrichis qu'ils ont joué le jeu de l'absolutisme royal et que la Fronde condéenne n'était pas une réaction à cette domestication de la noblesse mais à l'éviction du clan condéen par un autre.

Le mot "domestication" est donc très problématique car tous les textes de l'époque montrent que pour les nobles en question, le service du roi n'est pas vécu comme une contrainte mais comme un honneur. On a donc affaire à une relation donnant-donnant et pas à une soumission des uns (les nobles) par les autres (le roi).

La vision de Florian me semble être celle qui traduit le mieux les réalités de l'époque, et c'est vrai que les travaux de Katia Béguin nous livrent une approche très renouvelée de la question. Suivant en cela Mazarin, louis XIV a tout fait pour rallier, stabiiliser puis renforcer la haute noblesse dont il ne peut se passer et inversement. Le respect des rangs et des hiérarchies a été un élément de sa politique, il a laissé la haute noblesse approprier l'essentiel des charges de gouverneur, cumuler les dignités, à commencer par les grands offices de la Cour qui représzentent des sommes considérables. Une charge de capitaine des Gardes du Corps coûte dix fois plus qu'un régiment d'infanterie, pareil pour un gouvernement de province. Que les grands nobles acceptent de payer de telles hommes, montre que les revenus qu'ils en tirent sont énormes. Entre le tiers et les deux tiers des revenus des ducs et pairs viennent ainsi du "service du roi". La Cour peut rapporter très gros, les "domestiques" sont chers payés, les études des fortunes dont on dispose montrent globalement des accroissements importants durant le règne personnel de Louis XIV. Pour ceux qui bénéficient des "bienfaits du Roi", pas de risque de se ruiner à la Cour comme on l'a prétendu souvent. La plus haute noblesse n'apparaît elle pas parmi les principaux bailleurs de fond de la moarchie ? Faut il rappeler l'exploitation des droits et impôts divers mis en lumière par Dessert ? C'est une manne financière que procure le service du Roi et les titulaires des grands offices ne sont tenus qu'à trois mois de présence à la Cour. Quand au service aux armées, il n'est pas obligatoire : Rohan, Ventadour ou Brissac sont peu scrupuleux dans ce domaine.


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Message Publié : 15 Nov 2007 9:44 
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Message(s) : 2476
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Ezéchiel Spanheim a été ambassadeur du Grand Electeur de Brandebourg à Versailles dans les années 1680.
On trouve dans sa Relation de la Cour de France (Mercure de France, mais malheureusement épuisé, je crois) quelques réflexions sur la situation de la grande noblesse au moment où il écrit, au début des années 1690. Je vous les livre comme l’observation d’un témoin privilégié, car il était très introduit dans le cercle étroit des grands seigneurs, en particulier ceux qui gravitaient autour de la Palatine.

"On peut même ajouter en dernier lieu l’état particulier des grands seigneurs et des courtisans qu’on y voit, qui, pour la plupart et hors un fort petit nombre comme le prince de Condé, n’y subsistent presque que des bienfaits du Roi et des appointements de leur charge, et ainsi qui en sont plus réservés dans la dépense, moins élevés dans les manières, et d’ailleurs dans une dépendance soumise et aveugle dans les volontés de la Cour. Il n’en étoit pas de même sous le feu règne et au commencement de celui-ci, qu’il y avait de grands seigneurs en France, et d’un grand air, comme entre autres (et sans parler du feu prince de Condé), le feu duc de Longueville, le duc de Guise, le duc d’Epernon, et après eux le duc de Candale, son fils, et le duc de Beaufort, qui, ou par l’élévation de leur génie et la fierté de leur naturel, ou par le nombre de leurs créatures et de leurs pensionnaires qu’ils avoient soin de s’attirer et d’entretenir, ou par les grands biens qu’ils possédoient, ou enfin par la faveur des peuples et les agréments particuliers de leurs personnes, soutenoient avec hauteur et avec fierté dans les occasions la dignité de leur rang, de leurs emplois ou de leur naissance. Ce qui a cessé après leur mort, par le défaut d’héritiers ou de descendants qui puissent remplir leur place et satisfaire aux mêmes engagements. Il n’y a eu après eux, et d’ailleurs avec quelque différence, que le feu prince de Turenne et le maréchal duc de Gramont, et en dernier lieu le feu duc de Lesdiguières, qui surent se distinguer à la Cour et s’y attirer une considération particulière par les manières, par la dépense et par le bon accueil qu’ils faisoient également aux François et aux étrangers".

Il y constate donc l’effacement des Grands, qu’il explique par plusieurs raisons: les difficultés financières et donc la dépendance économique par rapport à la monarchie, qui induit une dépendance politique, et la disparition des clientèles (noblesse seconde et popularité dans le petit peuple), mais aussi une appréciation personnelle sur les personnalités plus fades, plus transparentes des héritiers des grandes maisons, ou simplement une extinction des lignées.

On trouve aussi dans Les caractères de La Bruyère cette autre réflexion :
"Un noble, s’il vit chez lui dans sa province, y vit libre, mais sans appui ; s’il vit à la Cour, il est protégé, mais il est esclave. Le meilleur de tous les biens, s’il y a des biens, c’est le repos, la retraite, et un endroit qui soit son domaine".

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Message Publié : 15 Nov 2007 9:59 
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Fustel de Coulanges
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N'est-il pas d'ailleurs curieux de constater qu'une fois domptée la grande noblesse frondeuse, les rébellions du siècle suivant viendront de la noblesse de robe, théoriquement plus soumise encore à la Couronne, car lui devant tout?

On constate je pense, un double mouvement assez étonnant: La monarchie met en place les charges annoblissantes certes pour se faire de l'argent, mais également pour avoir sur place, dans les cours souveraines provinciales, une "clientèle" docile, occupée de ses petits honneurs, ses petites mesquineries et d'enregistrer les actes royaux, simple formalité. Dans les mêmes temps, la monarchie est aux prises avec sa grande noblesse, qu'elle ne peut combattre ouvertement, et qui finit par enfler de la façon que nous connaissons sous la Fronde. Louis XIV entreprend, comme il a été dit, de domestiquer la haute noblesse, et y parvient tout à fait. Mais d'une façon à la fois étonnante et logique, la noblesse de robe s'affranchit rapidement de la reconnaissance qu'elle doit au monarque, pour elle-même, au siècle suivant, s'enfler de façon démesurée, jusqu'à se prendre (et devenir) une réelle opposition politique, tenace, pointilleuse et presqu'arrogante. C'est étonnant de voir une telle "fronde parlementaire" de la part qui doivent tout à la monarchie; d'un autre côté, comment ces gens se sentiraient redevables au-delà du raisonnable d'une charge qu'on ne leur a octroyé que contre argent sonnant? De là à s'ériger en opposition politique...

Connaît-on un tel mouvement dans les autres pays, ou le roi de France est-il le seul à provoquer une telle crise parmi sa "petite" noblesse au XVIIIe?

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Message Publié : 15 Nov 2007 18:31 
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Thucydide
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Alfred Teckel a écrit :
N'est-il pas d'ailleurs curieux de constater qu'une fois domptée la grande noblesse frondeuse, les rébellions du siècle suivant viendront de la noblesse de robe, théoriquement plus soumise encore à la Couronne, car lui devant tout?

On constate je pense, un double mouvement assez étonnant: La monarchie met en place les charges annoblissantes certes pour se faire de l'argent, mais également pour avoir sur place, dans les cours souveraines provinciales, une "clientèle" docile, occupée de ses petits honneurs, ses petites mesquineries et d'enregistrer les actes royaux, simple formalité. Dans les mêmes temps, la monarchie est aux prises avec sa grande noblesse, qu'elle ne peut combattre ouvertement, et qui finit par enfler de la façon que nous connaissons sous la Fronde. Louis XIV entreprend, comme il a été dit, de domestiquer la haute noblesse, et y parvient tout à fait. Mais d'une façon à la fois étonnante et logique, la noblesse de robe s'affranchit rapidement de la reconnaissance qu'elle doit au monarque, pour elle-même, au siècle suivant, s'enfler de façon démesurée, jusqu'à se prendre (et devenir) une réelle opposition politique, tenace, pointilleuse et presqu'arrogante. C'est étonnant de voir une telle "fronde parlementaire" de la part qui doivent tout à la monarchie; d'un autre côté, comment ces gens se sentiraient redevables au-delà du raisonnable d'une charge qu'on ne leur a octroyé que contre argent sonnant? De là à s'ériger en opposition politique...

Connaît-on un tel mouvement dans les autres pays, ou le roi de France est-il le seul à provoquer une telle crise parmi sa "petite" noblesse au XVIIIe?


Mais il n'y a aucun rapport entre la vénalité des offices et une quelconque clientèle qui devrait une quelconque reconnaissance ! les officiers sont propriétaires de leurs charges désormais héréditaires, et ils sont inamovibles. Mousnier a bien montré que la monarchie met en place avec la vénalité un système qu'elle ne contrôle absolument pas ! Ces officiers ont en outre leurs intérêts et leurs ambitions qui ne se réduisent pas au commentaire plutôt caricatural et daté qui est fait ici. La seule fidélité et la seule reconnaissance vis à vis du Roi est conditionnée à la protection et à la garantie de ces intérêts. Tant que les intérêts du roi convergent avec ceux de la "robe" et que ses bienfaits se déversent sur elle comme ils se déversent sur la noblesse de cour, la reconnaissance peut être acquise. Tout le système louis quatorzien repose ainsi sur le compromis permanent avec les élites. Ce qu'il retire du côté politique, il le rend de l'autre en accentuant et favorisant l'emprise sociale de ces élites. En accentuant cette prééminence sociale des élites, en favorisant l'accroissement des fortunes, il n'a pas seulement la paix politique, il s'assure aussi et surtout la possibilité du financement de sa politique, ces élites étant les principaux bailleurs de fond de la monarchie.
A partir du moment où la politique royale mettra en danger l'équilibre des fortunes par le recours abusif à la vénalité, qui entraine l'effondrement du marché des offices et amoindrit ainsi les positions sociales, on passe du compromis au conflit.


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Message Publié : 15 Nov 2007 18:39 
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Ericc a écrit :
Mais il n'y a aucun rapport entre la vénalité des offices et une quelconque clientèle qui devrait une quelconque reconnaissance ! les officiers sont propriétaires de leurs charges désormais héréditaires, et ils sont inamovibles. Mousnier a bien montré que la monarchie met en place avec la vénalité un système qu'elle ne contrôle absolument pas !


Absolument, je ne dis pas autre chose. Qu'elle aimerait contrôler tout de même et qu'elle contrôle en théorie.

Citer :
Ces officiers ont en outre leurs intérêts et leurs ambitions qui ne se réduisent pas au commentaire plutôt caricatural et daté qui est fait ici.


Merci de me remettre à ma place de telle façon, je l'ai bien mérité... :roll:


Pouvez-vous répondre à ma question plutôt que de disqualifier ce que j'essaye de comprendre?

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Message Publié : 15 Nov 2007 21:05 
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Nous vous lisons avec intérêt, Ericc, mais le savoir n'exclut pas la convivialité... :wink:

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Message Publié : 16 Nov 2007 0:39 
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Thucydide
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Est-ce le fait de qualifier de caricatural et de daté un props tel que celui-ci : une "clientèle" docile, occupée de ses petits honneurs, ses petites mesquineries et d'enregistrer les actes royaux, simple formalité. qui constitue un manquement à la convivialité ?
A titre tout à fait personnel, si un intervenant venait à qualifier de la sorte mes propos, je le prendrais comme une invitation à me pencher sur de plus récents travaux relatifs au sujet en me disant que peut être, l'approche en a été profondément renouvelée. Démarche que je n'aurais peut-être pas eu, si l'on s'était contenté de m'interpeler en disant je ne suis pas d'accord...
Je suis également surpris par l'emploi du vocable "disqualifier" qui traduit à mon sens, un état d'esprit qui n'est pas le mien.
J'espère pouvoir à l'avenir, parvenir à éviter de froisser les susceptibilités.

Cher Alfred Teckel, comme vous l'avez constaté, ce n'est pas en réponse à votre question que je suis intervenu. Pour deux raisons. La première, c'est que mon savoir (pour reprendre l'expression de Plantin), est très limité quant à la situation des noblesses anglaises, espagnoles ou suédoises à cette époque, et dans ces conditions, je ne vois pas bien ce que je pourrais apporter au débat, sinon recopier ce qui est dit dans les manuels de préparation aux concours.
La seconde raison, et c'est pourquoi je suis intervenu, c'est qu'il m'avait semblé, que votre analyse de la situation française qui aboutit à votre questionnement, n'était pas... comment dire... si on peut considérer que l'expression "pertinente" à laquelle je rajoute le smilies suivant :lol: peut être utilisée sans que l'on y voit un manquement à la convivialité, c'est cette expression là, que j'utiliserais... Une analyse qui effectivement ne se révèlerait pas pertinente, peut-elle induire une question pertinente ?

Il y a déjà 20 ans, François Bluche s'offusquait du recours permanent à l'expression "domestication" de la noblesse. Il me semble en effet que l'acceptation d'une telle approche occulte une très grande partie de la réalité et induit de nombreux contre-sens.

Et puisque Plantin affirme ici me lire avec intérêt :o , je voudrais reprendre son commentaire sur les propos attribués à Spanheim, qui apparaissent de plus en plus comme ceux d'un porte-parole, que d'un témoin privilégié (le débat reste ouvert)... Difficultés économiques ? dépendance économique ? disparition des clientèles ? En êtes vous sûr ?
Dépendance économique de la monarchie vis à vis des "Grands" et de plusieurs autres, difficultés économiques de la monarchie, cela nous en sommes désormais certains... mais pour le reste, de qui parlez vous ? de St Simon, d'accord. mais à part lui ? Quant aux clientèles, et autres réseaux de patronnage, il suffit de lire les correspondances aux ministres, ou au premier président du parlement de Paris, pour se rendre compte, que contrairement à l'analyse succinte de Monsieur Petitfils, le système continue de fonctionner à plein rendement...


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Message Publié : 16 Nov 2007 0:51 
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Pour expliciter les choses, je n'ai que peu lu sur ce sujet, et mon analyse "datée" n'est en réalité qu'une impression que je retire de la fréquentation des archives. Que je me trompe est tout à fait possible, mais ce n'est pas dû à un retard historiographique de ma part, mais purement d'une impression personnelle.

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Message Publié : 16 Nov 2007 9:35 
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Thucydide
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Alfred Teckel a écrit :
Pour expliciter les choses, je n'ai que peu lu sur ce sujet, et mon analyse "datée" n'est en réalité qu'une impression que je retire de la fréquentation des archives.


Vous ne nous en dites pas assez cher Alfred quant à vos recherches en archives ! Vous vous doutez bien que mon analyse repose également sur la fréquentation des archives.
L'étude des noblesses, notamment de la noblesse consacrée par l'expression 'de robe", est effectivement en plein renouvellement depuis quelques années et a permis de nuancer, et parfois d'infirmer bien des affirmations constuites à partir de généralisations souvent hâtives de situations particulières. Or, nous savons tous la diversité de ces situations, à nous de ne pas tomber à notre tour dans l'excès inverse : ce qui est valable à Toulouse ne l'est sûrement pas à Rennes, ce qui est valable pour tel duc et pair ne l'est pas forcément pour tel autre.
Chaque étude nouvelle amène ses nuances et permet de corriger certaines appréciations...


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Message Publié : 16 Nov 2007 10:53 
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Localisation : Lorraine
Citer :
Ces officiers ont en outre leurs intérêts et leurs ambitions qui ne se réduisent pas au commentaire plutôt caricatural et daté qui est fait ici.

Citer :
Est-ce le fait de qualifier de caricatural et de daté un props tel que celui-ci : une "clientèle" docile, occupée de ses petits honneurs, ses petites mesquineries et d'enregistrer les actes royaux, simple formalité. qui constitue un manquement à la convivialité ?

Citer :
L'étude des noblesses, notamment de la noblesse consacrée par l'expression 'de robe", est effectivement en plein renouvellement depuis quelques années

Et bien voilà ! :wink:
Donc, pour me faire mieux comprendre, je vous livre un exemple de version plus « conviviale » de cette première remarque, qui ne trahit pas, je crois, votre pensée :
Les intérêts et les ambitions de ces officiers ont fait l’objet de travaux plus récents qui remettent en cause cette interprétation.

D'autre part, votre remarque sur le sens à donner au texte de Spanheim est très intéressante, mais comme la développer serait ici hors-sujet, j’ai ouvert une discussion qui élargit ce thème dans le forum « Historiographie » : Pourquoi un mémorialiste écrit-il ?

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Message Publié : 16 Nov 2007 14:54 
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Fustel de Coulanges
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Pour ma part, je n'ai rien à ajouter, sinon que vous avez fini par me faire dire presque le contraire de ce que je pense. J'avais écrit:
Citer :
La monarchie met en place les charges annoblissantes certes pour se faire de l'argent, mais également pour avoir sur place, dans les cours souveraines provinciales, une "clientèle" docile, occupée de ses petits honneurs, ses petites mesquineries et d'enregistrer les actes royaux, simple formalité.

C'était donc la monarchie qui souhaitait avoir des gens à sa solde préoccupés de ses petits honneurs... Et certains le furent, d'autres non, etc... Je suis bien d'accord là dessus, et cela transparait clairement au travers des archives, d'où il ressort tout de même beaucoup d'engagements individuels forts et très politiques (qui conduisent souvent à condamnation ou exil d'ailleurs) mais aussi un "esprit" de corps.
Du moins, je le rappelle, n'est-ce qu'une "impression", un ressenti personnel.

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Message Publié : 08 Mars 2010 5:36 
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Jean Mabillon
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A propos de la domestication de la noblesse par Louis XIV, on pourra lire avec intérêt cette étude:
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _19_4_2132

Où l'on voit, chiffres à l'appui, que loin d'avoir mis au pas les Grands de manière vélléitaire, le solaire les a au contraire confortés dans leurs charges et gouvernements de province.

En voici le résumé:
La prise du pouvoir de Louis XIV, en 1661, est habituellement considérée comme le prélude à la mise au pas de l'aristocratie. En fait, le règne a largement restauré une stabilité perdue par les grandes familles pendant l'administration de Richelieu et de Mazarin. Louis XIV s'est montré soucieux de réguler la distribution des gouvernements de provinces et des offices de la Couronne. Il a ainsi consolidé, et non anéanti, la domination sociale et la prééminence politique de la haute noblesse. C'est en ce sens que 1661 inaugure véritablement une rupture et le début de relations pacifiées qui expliquent la disparition des soulèvements aristocratiques importants.


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