Inscription : 13 Mars 2006 10:38 Message(s) : 2476 Localisation : Lorraine
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Sujet reconstitué (janvier-mars 2007)
Citer : Plantin-Moretus Une des clés politiques et sociales du XVIIème siècle est le rapport entre la monarchie et la noblesse (ou plutôt les noblesses d’ailleurs). En recul ou en progrès selon les circonstances dynastiques, politiques et diplomatiques, le pouvoir royal semble l’avoir finalement emporté sous le règne de Louis XIV, que l’historiographie a consacré comme le triomphe de l’absolutisme (terme qui peut faire cependant débat). Comment noblesse et monarchie se concevaient-elles mutuellement ? Quels rapports de force les opposaient, et quels intérêts communs pouvaient les réunir ? Enfin, Louis XIV a-t-il réellement « domestiqué » la noblesse comme on le présente généralement ?
Ethelbert Vaste sujet que celui proposé à nos cervelles ! Par où commencer ?
Noblesse ? Noblesses ? Suivant le nombre dont on le dote, le terme ne désigne pas la même chose. La noblesse est le second des trois ordres du royaume (après le clergé et avant le tiers-état en prééminence) tels que Charles Loiseau en parle dans La société d'ordres. Il s'agit de l'un des aspect de la répartition tripartite chère à Dumézil, et constitué par les héritiers (au moins spirituels) des chevaliers, membres de l'ordre médiéval des bellatores.
Cependant, il existe deux noblesses au sein du royaume de France, au moins depuis le XVIe siècle: la noblesse d'épée (dite aussi noblesse de sang), dont les membres se réclament d'un lignage remontant aux temps médiévaux. La caractéristique principale de cette noblesse est qu'elle est octroyée par le don/prix du sang, versé lors du service de guerre dû par tout vassal à son suzerain. À côté (pour ne pas dire en face) se trouve la noblesse de robe. Ses membres sont en grande majorité des officiers anoblis par leur charge. Certaines charges anoblissaient de manière immédiate (président à mortier de tribunal, par exemple), d'autres nécessitaient que la charge soit transmise sur plusieurs générations avant d'avoir une valeur anoblissante. Il s'agit de la fameuse "savonnette à vilains" raillée par la noblesse d'épée. À partir de 1604 (instauration de la paulette), la vénalité des offices ouvre une voie (royale, bien sûr ) à l'anoblissement de nombreux officiers du royaume.
Quel(s) rapport(s) existe-t-il entre la monarchie et la noblesse au XVIIe siècle ? Cette période est très riche quant à la question des rapports que la monarchie entretient avec la noblesse. Les nobles sont, à l'exception de riches bourgeois ayant pu acheter un office, les seuls fonctionnaires de l'administration royale. Ils siègent dans tous les organes du pouvoir, et notamment les Parlements.
La question des Parlements Chaque Parlement provincial était perçu comme une émanation de celui de Paris, lui-même considéré par ses membres comme le descendant de la curia regis médiévale. Les parlementaires disposent à ce titre d'une prérogative à laquelle ils sont très attachés: le droit de remontrance, qui leur permet de refuser d'enregistrer toute loi ou édit pris par le roi. En effet, tant qu'une loi n'a pas été enregistrée par un parlement, elle n'a aucune valeur légale dans le ressort de celui-ci. Le roi peut toutefois imposer sa volonté par deux moyens: une lettre de jussion ou un lit de justice. Le roi, cependant, voit son pouvoir circonscrit dans certaines limites, fixées par les [lois fondamentales du royaume[/i]. Au cours du XVIIe siècle, nombreux seront les conflits qui opposeront le Parlement au pouvoir royal, surtout lors des périodes de régence. La plus importante de ces crises nobiliaires et parlementaires reste la Fronde (1648 - 1653).
La Fronde (1648 - 1653) Il s'agit d'une révolte d'une partie de la noblesse (ceux que l'on appelle traidtionnellement les Grands) qui n'a en elle-même rien de surprenant puisqu'elle se produit lors d'une régence. Une régence marque toujours un affaiblissement du pouvoir royal: le roi est mineur, et soit la reine-mère, soit des conseillers proches de celle-ci ou du roi exercent le pouvoir. Une telle période est donc propice aux principaux nobles du royaume pour obtenir de nouvelles concession ou de l'influence auprès du roi. À la mort de Louis XIII (en 1643), le Parlement de Paris refusa d'enregistrer son héritage. Louis XIV, alors âgé de 5 ans, confia par un lit de justice la régence à sa mère, Anne d'Autriche. En 1648, les Grands (notamment les Condé), s'appuyant sur un fort réseau de clientèle, se révoltent contre la régence d'Anne d'Autriche, mais pas contre le roi. Officiellement, ce genre de soulèvement ne se produit jamais contre le roi, mais contre des personnes qui, exerçant le pouvoir, l'utilise d'une manière nuisible à l'ordre établi. Cela est appelé par les nobles le devoir de révolte. Tout rentre - difficilement - dans l'ordre à la majorité de Louis XIV en 1651. Mais le jeune roi garde de cette période troublée un souvenir qui l'incite à toujours surveiller la noblesse, et à bien affirmer son autorité sur cet ordre.
La royauté et la noblesse: la question de l'absolutisme royal De Henri IV à Louis XIV, la conception du pouvoir royal (qui était en fait en gestation depuis le XVIe siècle, a connu une évolution remarquable (au sens étymologique du terme): alors que Henri IV a dû acheter la soumission des Grands de son temps pour instaurer la paix dans son royaume, Lousi XIV les a progressivement "domestiqués" (pour reprendre une expression courante). Pendant son règne (au moins les années passées à Versailles), les nobles avaient l'obligation d'être à la Cour s'ils souhaitaient obtenir faveurs et privilèges. Mais il est douteux que tous les nobles (notamment les plus modestes) aient passé leur vie à la Cour. Sur le plan politique, Louis XIV se passe dès 1661 de premier ministre. Il s'appuie sur des secrétaires d'Etat dont un grand nombre sont issus de la noblesse de robe (Colbert, Louvois). Les pouvoirs des commissaires royaux et de sintendants est renforcés au détriment de ceux des officiers et parlementaires. A contrario des officiers, les comissaires sont nommés par le roi et directement révocables par lui. Les officiers représentent donc une source de revenus non négligeable pour le roi, mais en limitant leurs pouvoirs, Louis XIV s'assure un calme relatif dans les provinces de son royaume.
En résumé : Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe). La remise en cause systématique (et non permanente) de leurs privilèges constitue un aspect nécessaire sur le chemin de l'absolutisme royal. Cette question, née au siècle précédent, trouvera son aboutissement sous Louis XIV et fera l'objet de nombreuses remises en question sous Louis XV (notamment avec les Lumières) et sous Louis XVI. Malgré tout, l'absolutisme royal reste limité par les lois fondamentales du royaumes.
Voilà, c'est le peu qu'il me reste de mes années de fac. Difficile d'être plus précis sans mes bouquins sous le nez. Mais je pense que beaucoup d'habitué(e)s de ce forum pourront compléter, voire réviser, mon point de vue sur la question. Si vous m'avez lu jusqu'au bout, merci. P.S.: pour celles et ceux qui seraient intéressé(e)s, je pourrai chercher les textes de la Société d'ordres de Charles Loiseau (un classique de l'Ancien Régime) et les Lois fondamentales du royaume de France.
Tonnerre Intéressant exposé. ''Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe).'' Mais cette opposition robe/épée est plus formelle et affirmée que réelle et pratiquée; les alliances par mariage entre membres des familles de noblesse d'extraction et de riches robins anoblis ne sont pas si rares au XVIIe siècle.
Ethelbert En effet, les mariages d'interêt sont monnaie courante dans ce milieu; et les nobles qui sont en difficulté financière se marient souvent (ou marient leurs enfants) aux héritières (ou héritiers) de riches familles bourgeoise (anoblies ou non). Cette oopération matrimoniale s'appelle "redorer son blason", expression devenue proverbiale depuis lors...
Plantin-Moretus Citer : ''Les rapports entre monarchie et noblesse sont complexes pendant tout le XVIIe siècle. Tantôt oppposés, tantôt partisans et soutien du pouvoir royal, les nobles sont eux-mêmes opposés entre eux (épée / robe).'' C’est une façon d’aborder le problème intéressante en effet ; l’épée se donne la mission de défendre le royaume, la robe celui de l’administrer, chacun d’entre eux jugeant sa mission comme la plus importante, et les princes du sang défendant leurs droits inviolables qui seraient une synthèse de ces deux rôles. Face à cet « impérialisme nobiliaire » le roi doit-il être un arbitre et coordinateur, en gouvernant sans premier ministre, mais assisté d’un conseil étroit de grands seigneurs et du Parlement ? C’est le gouvernement idéal de la noblesse. Chacune de ces noblesses n’existe cependant que par le roi, l’épée parce qu’il est le garant d’un certain ordre du royaume, la robe parce que le parlement n’existe vraiment qu’en présence du roi. Donc ces prétentions sont incohérentes et contradictoires : tout se passe comme si les noblesses reconnaissaient la nécessité d’un roi suffisamment puissant pour imposer ses arbitrages, mais refusaient son efficacité.
Citer : les Grands (notamment les Condé), s'appuyant sur un fort réseau de clientèle, se révoltent contre la régence d'Anne d'Autriche, mais pas contre le roi. Officiellement, ce genre de soulèvement ne se produit jamais contre le roi, mais contre des personnes qui, exerçant le pouvoir, l'utilise d'une manière nuisible à l'ordre établi Dans ce schéma déjà source de conflits, mais finalement assez habituel depuis le XVIème siècle et les premiers pas de la monarchie administrative sous François Ier intervient en effet un trublion : Mazarin, qui confisque le pouvoir au détriment de l’épée et de ses chefs les princes du sang (tyran d’usurpation) et gouverne aux dépens de la robe (tyran d’exercice). Scandale car chaos politique et social : violation des coutumes, rôle de l’argent dans une hiérarchie qui doit l’ignorer, mais dont tous tirent profit cependant, puisqu’il devient le moteur des ralliements ou des trahisons.
Citer : Tout rentre - difficilement - dans l'ordre à la majorité de Louis XIV en 1651. Mais le jeune roi garde de cette période troublée un souvenir qui l'incite à toujours surveiller la noblesse, et à bien affirmer son autorité sur cet ordre La noblesse d ‘épée en sort en effet discréditée par ses volte-face permanentes et sa vénalité (voir les Longueville et certains parlementaires), et ruinée car aux dégâts de ces guerres civiles s’ajoute la baisse des rentes foncières.
Citer : Louis XIV les a progressivement "domestiqués" Oui, c’est le premier souci du roi, mais pas seulement l’épée, comme on le présente souvent, la robe aussi est réduite à l’obéissance : les « Cours souveraines » perdent cette appellation et deviennent « Supérieures », ce qui n’est pas un détail dans cette société où le titre fait tout.
Citer : Les parlementaires disposent à ce titre d'une prérogative à laquelle ils sont très attachés: le droit de remontrance, qui leur permet de refuser d'enregistrer toute loi ou édit pris par le roi. Et justement, les enregistrements se font sans remontrances à partir de 1665, et le roi sera impitoyable pour le Parlement de Rennes, exilé à vannes de 1675 à 1690, après l’affaire du papier timbré. La noblesse d’épée est contrôlée (chasse aux faux nobles, qui répondait aussi en fait à un voeu de la noblesse, soucieuse aussi de légitimité) ses assises locales ébranlées (les Grands Jours d’Auvergne montrent un roi protecteur de son peuple contre l’arbitraire seigneurial).
Citer : Pendant son règne (au moins les années passées à Versailles), les nobles avaient l'obligation d'être à la Cour s'ils souhaitaient obtenir faveurs et privilèges. Mais il est douteux que tous les nobles (notamment les plus modestes) aient passé leur vie à la Cour. Deux citations pour évaluer le résultat. D’abord le marquis de Vardes : « Sire, loin de vous, on n’est pas seulement malheureux, on est ridicule ». Et bien sûr l’incontournable Saint-Simon (Mémoires tome V, p. 524, Gallimard, la Pléiade):
« C’était un démérite aux uns de ne pas faire de la Cour son séjour ordinaire, aux autres d’y venir rarement, et une disgrâce sûre pour qui n’y venait jamais. Quand il s’agissait de quelque chose pour eux : « Je ne le connais point », répondait-il fièrement. Sur ceux qui se présentaient rarement : « C’est un homme que je ne vois jamais » ; et ces arrêts-là étaient irrévocables ».
La cour fournit cependant à la noblesse un moyen de survivre comme modèle social, en montrant aux sujets des exemples de fidélité et de hiérarchie bien ordonnée, tout en coupant la grande noblesse de ses clientèles provinciales, car comme vous le notez, un grand nombre de nobles trop pauvres ne peuvent venir à la Cour où il faut soutenir son rang ; dans une perpétuelle surenchère, que note merveilleusement bien la fine observatrice qu’est la princesse palatine, cette dépendance économique fait que le roi acquiert pour lui-même les clientèles en les confisquant aux Grands.
Mais cette « domestication » doit être complétée par une « mise au service » : soit à la Cour, où la commensalité empêche une trop grande oisiveté, soit à l’armée ; c’est ce que dit Louvois à Nogaret, d’après Mme de Sévigné, dans un dialogue impitoyable (Correspondance, tome III, Gallimard la Pléiade, p. 496) :
«- Monsieur, votre compagnie est en fort mauvais état. - Monsieur, dit-il, je ne le savais pas. - Il faut le savoir, dit Monsieur de Louvois ; l’acez-vous vue ? - Non, dit Nogaret. - Il faudrait l’avoir vue, Monsieur. - Monsieur, j’y donnerai ordre. - Il faudrait l’avoir donné. Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier ».
Quant on sait d’où vient Louvois (d’un correcteur puis maître des comptes sous Henri IV) et Nogaret, dont la famille est seigneur de Calvisson depuis au moins le XIIIème siècle, on comprend le retournement des valeurs en cette fin de XVIIème siècle. Saint-Simon lui-même connaîtra une relative disgrâce quand il renoncera à sa carrière militaire après 1701.
La guerre en effet permet au roi de corriger la naissance par le mérite, et à la noblesse seconde d’assurer ses moyens d’existence, comme d’ailleurs les charges ecclésiastiques, qui sont une autre option du service, et qui ont l’avantage d’enfermer des rameaux nobles dans une stérilité lucrative. Dans le même ordre d’idées, la guerre elle-même ne serait-elle pas un moyen aussi (mais le roi est-il aussi cynique ?) d’affaiblir les trop importantes familles ? Le roi est aussi maître de l’anoblissement, donc de l’ouverture ou de la fermeture de l’ordre, mais ce levier va lui échapper quand les nécessités financières l’emporteront sur la stratégie de régulation sociale, et que la politique d’anoblissement deviendra inflationniste.
Citer : Louis XIV se passe dès 1661 de premier ministre. Il s'appuie sur des secrétaires d'Etat dont un grand nombre sont issus de la noblesse de robe (Colbert, Louvois). Les pouvoirs des commissaires royaux et de sintendants est renforcés au détriment de ceux des officiers et parlementaires. A contrario des officiers, les comissaires sont nommés par le roi et directement révocables par lui C’est là la version « robe » si l'on peut dire, de la mise au service, et effectivement, le roi l’impose au premier rang du pouvoir, mais aussi de la richesse ; par exemple, dans le tarif de la capitation de 1695, le secrétaire d’Etat émarge dans la première classe d’imposition, les intendants dans le seconde, les conseillers d’Etat dans la quatrième, les maîtres des requêtes dans la cinquième (voir : La véritable hiérarchie sociale de l’Ancienne France, le tarif de la première capitation, F. Bluche et J.F. Solnon, Droz, 1983). De véritables dynasties se créent, parallèles et concurrentes des parentèles d’épée, mais celles-ci doivent tout au roi, sont dégagées de la « robe » commune, et donc des tentations frondeuses.
Méandre
Citer : le roi l’impose au premier rang du pouvoir Politiquement oui, mais socialement non, cela va être très préjudiciable à la monarchie...
Les intendants, formaient par l'administration centrale, ne devaient pas seulement "avoir l'oeil" comme leurs prédécesseurs, les commissaires royaux. Intendants de justice, police et finances, ces nouveaux agents de la monarchie ont pratiquement compétence sur toute l'administration en place : réviser les procédures, meme au niveau des parlements, reprendre les jugements, renvoyer d'une chambre à une autre, solliciter une intervention directe de Versailles lorsque les résistances s'avèrent trop fortes ; organiser ou contrôler les polices urbaines, la sécurité des routes, le fonctionnement de la maréchaussée en cours d'installation ; prendre en main le contrôle des finances royales, voire de l'économie régionale : assiette et perception de l'impôt, gestion des fonds royaux, surveillance des marchés, des foires et de la mercuriale. Ces "nouveaux agents" de la monarchie rencontrent de grandes difficultées pour mener à bien leur lettre de mission. Lors de la fronde parlementaire de 1648, la première revendication du parlement de Paris a été la suppression des intendants. Cette longue guerre d'usure n'épargne aucune province, même lorsque l'intendant est originaire de la région, possède des relations familiales dans la robe ou la finance. En fin de compte, cette lutte a terriblement amenuisé la fonction. La centralisation projetée par la monarchie est plus politique que sociale. Colbert a négocié pas à pas au nom du roi avec les parlements. A la centralisation de la noblesse d'épée, il faudrait opposer la réalité d'une "décentralisation des provinces" malgré la volonté d'uniformisation de la loi sur tout le royaume. En effet, les parlementaires des provinces ont probablement acquis l'expérience de la confrontation et du crédit aux yeux de sa clientèle. L'absolutisme du roi louis XIV a fragilisé l'assise de la noblesse d'épée au sein de sa province d'origine et favorisé la cohésion des parlementaires régionaux. Cette cohésion a dû se renforcer lorsque les déçus de Versailles et les humiliés du roi rentrent dans leur province avec un grand besoin de réconfort. Nous passons, dès lors, dans le domaine des idées.
La littérature du XVIIe siècle est révélatrice du clivage entre la noblesse de Versailles et la noblesse de province ou rurale, cette dernière étant régulièrement tournée en ridicule par le théâtre et la satire.
Edmée
Citer : En effet, les mariages d'interêt sont monnaie courante dans ce milieu; et les nobles qui sont en difficulté financière se marient souvent (ou marient leurs enfants) aux héritières (ou héritiers) de riches familles bourgeoise (anoblies ou non). Cette oopération matrimoniale s'appelle "redorer son blason", expression devenue proverbiale depuis lors... Aurais-tu quelque exemple intéressant d'hypogamie? La descendance de ces lignages ne s'en trouve t-elle pas marquée de manière indélébile par ce qui était considéré comme une souillure?
Tonnerre C'était sans doute considéré comme une souillure mais d'un autre côté les plus grandes familles recouraient à cette méthode éprouvée--on disait aussi ''fumer ses terres''--pour consolider leur assise économique. Et ces apports roturiers s'oubliaient vite, la réussite triomphe de tous les scrupules. Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, l'auteur des mémoires, si à cheval sur les privilèges de la haute noblesse et pointilleux sur les questions de rang et de préséance, a épousé Marie-Gabrielle de Durfort de Lorge, fille aînée du maréchal-duc de Lorge, dont la mère, née Frémont, venait d’une famille roturière mais avait apporté une dot importante à son mari.
Florian Je crois comme Ethelbert qu'on ne peut aborder un tel sujet sans distinguer les différentes noblesses, sans pour autant les considérer toujours en opposition (bien des familles sont présentes dans la robe et dans l'épée à la fois).
Quant à la thèse de la "domestication" de la noblesse par l'absolutisme louis-quatorzien, elle est aujourd'hui très nuancée. Il y a bien domestication en ce sens que la noblesse est au service du roi, mais cette domestication ne se fait pas sans contrepartie.
Tout cela est très bien démontré à partir du cas des Condé dans la thèse de Katia Béguin: elle montre que les Condé se sont d'autant plus enrichis qu'ils ont joué le jeu de l'absolutisme royal et que la Fronde condéenne n'était pas une réaction à cette domestication de la noblesse mais à l'éviction du clan condéen par un autre.
Le mot "domestication" est donc très problématique car tous les textes de l'époque montrent que pour les nobles en question, le service du roi n'est pas vécu comme une contrainte mais comme un honneur. On a donc affaire à une relation donnant-donnant et pas à une soumission des uns (les nobles) par les autres (le roi). http://ec1.images-amazon.com/images/P/2 ... SCLZZZZZZZ
Ericc
Citer : Les intendants, formaient par l'administration centrale, ne devaient pas seulement "avoir l'oeil" comme leurs prédécesseurs, les commissaires royaux. Intendants de justice, police et finances, ces nouveaux agents de la monarchie ont pratiquement compétence sur toute l'administration en place : réviser les procédures, meme au niveau des parlements, reprendre les jugements, renvoyer d'une chambre à une autre, solliciter une intervention directe de Versailles lorsque les résistances s'avèrent trop fortes ; organiser ou contrôler les polices urbaines, la sécurité des routes, le fonctionnement de la maréchaussée en cours d'installation ; prendre en main le contrôle des finances royales, voire de l'économie régionale : assiette et perception de l'impôt, gestion des fonds royaux, surveillance des marchés, des foires et de la mercuriale. Attention aux termes utilisés. Les intendants sont des commissaires royaux. Ils sont pour la plupart passés par les parlements, leur formation est celle de tous les officiers de judicature du royaume, ce sont des magistrats. On ne peux pas considérer qu'ils aient été formés par une administration centrale. Ceci signifie notamment qu'il n'y a pas une grande différence de mentalité, puisque le parlement de Paris reste la pépinière qui permettra de recruter les maîtres des requêtes, conseillers d'Etat et intendants, ministres et secrétaires d'Etat. Les Pontchartrain, les La Vrillière, Chamillart, Croissy, Desmaretz, Voysin pour les ministres et SE. Pour les intendants : Barrillon d'Amoncourt, Morangis, Bauyn d'Angervilliers, Bazin de Bezons, Bechameil de Nointel, Jérôme III Bignon, Boucher d'Orsay, Charron de Menars, les Chauvelin, de Creil de Bournezeau, Feydeau de Brou, Dugué de Bagnols, Harlay de Cély, Harlay de Bonneuil, Harrouys, La Briffe, Lambert d'Herbigny, les Lefebvre d'Ormesson et d'Eaubonne, laugeois d'Imbercourt... j'arrête là pour ne pas lasser.
Attention encore à ne pas se laisser impressionner par cette liste de compétence que l'on connaît par leur commission. Sur le terrain, les choses ne se présentent pas exactement de cette façon. Il faut répondre à cette question : comment M. de Pomereu, arrivant en Bretagne comme 1er intendant va t'il s'y prendre pour administrer à lui tout seul la province ? C'est mission impossible car même avec quelques subdélégués, le pouvoir réel de l'intendant reste limité dans les faits, en dehors de la question des impositions où il est obligé de faire avec les officiers de finances et celle des villes. Sans les officiers, il lui est impossible de conduire ses missions. D'ailleurs tous les subdélégués sont titulaires d'un office. Là encore attention aux schémas trop simplistes d'un autre temps.
Citer : Aurais-tu quelque exemple intéressant d'hypogamie? La descendance de ces lignages ne s'en trouve t-elle pas marquée de manière indélébile par ce qui était considéré comme une souillure? C'est en effet l'opposition tranchée robe et épée, qui est à reconsidérer. La seconde partie du règne de Louis XIV voit en effet les frontières se dissoudre par le jeu des alliances. Concernant les cas d'hypogamie et d'hyper gamie, il y a d'abord les exemples ministériels : Charlotte Madeleine Le tellier, fille de louvois épouse François de La Rochefoucauld, duc de La Roche-Guyon, la cadette, épouse François de Neufville, duc de Villeroy. Barbézieux épouse une Crussol. Les gendres de Colbert sont le duc de Luynes et de Chevreuse, Beauvilliers, et le duc de Mortemart. Seignelay épouse une thorigne, son frère une Rochechouart- Vivonne . Jérôme de Pontchartrain une La Rochefoucauld-Roye. Chamillart a pour gendre le duc de la Feuillade. Question : toutes ces familles de la haute noblesse française auraient elles contracté de telles alliances si les ministres de louis XIV avaient été considéré comme étant issus de la "vile bourgeoisie" pour reprendre l'expression de Saint Simon. Concernant les unions épée-robe : Parmi les ducs et pairs, on peut signaler dès le règne de Louis XIII, l'union des La Vieuville avec une Bouhier, celle du comte de Charost (futur lignage de duc et pair) avec une Lescalopier. En 1640 Louis de La Trémoille épouse une Aubery, en 1645, c'est une Noailles qui épouse un autre magistrat Robert Aubery. Le mouvement s'accentue durant tout le règne de louis XIV et à tous les niveaux de l'échelle nobilière, au point qu'au XVIIIe siècle la plupart des familles parlementaires parisiennes sont alliées aux plus grands noms de l'épée : les d'Aguesseau aux Noailles , aux Saux Tavannes, les Amelot aux Saux-Tavannes et aux Caumont, les Bérulles Aux Latour du Pin, les feydeau aux talhouet, les Hocquart aux cossé Brissac et aux Ségur, les Mesmes aux Rochechouart et aux Durfort , etc... Il ne faut pas oublier que certains nobles dits de robe sont déjà d'extraction chevaleresque, ce à quoi ne peuvent prétendre tous les ducs et pairs : les d'Argouges, noblesse chevaleresque depuis 1223, tout comme le sont les La Bourdonnaye, les Montaignac, les Lefèbvre de Laubrière. certains robins sont nobles depuis le XIVe siècle comme les Longueil, les quinson, les Voyer d'Argenson les Le Prestre de Lézonnet. Le XVIIe siècle est également l'époque où les cadets de la robe se mettent à conquérir l'armée : que devient dès lors la frontière robe- épée , amorçant le mouvement inverse, certes moins fréquent du XVIIIe siècle.
Citer : Je crois comme Ethelbert qu'on ne peut aborder un tel sujet sans distinguer les différentes noblesses, sans pour autant les considérer toujours en opposition (bien des familles sont présentes dans la robe et dans l'épée à la fois).
Quant à la thèse de la "domestication" de la noblesse par l'absolutisme louis-quatorzien, elle est aujourd'hui très nuancée. Il y a bien domestication en ce sens que la noblesse est au service du roi, mais cette domestication ne se fait pas sans contrepartie.
Tout cela est très bien démontré à partir du cas des Condé dans la thèse de Katia Béguin: elle montre que les Condé se sont d'autant plus enrichis qu'ils ont joué le jeu de l'absolutisme royal et que la Fronde condéenne n'était pas une réaction à cette domestication de la noblesse mais à l'éviction du clan condéen par un autre.
Le mot "domestication" est donc très problématique car tous les textes de l'époque montrent que pour les nobles en question, le service du roi n'est pas vécu comme une contrainte mais comme un honneur. On a donc affaire à une relation donnant-donnant et pas à une soumission des uns (les nobles) par les autres (le roi). La vision de Florian me semble être celle qui traduit le mieux les réalités de l'époque, et c'est vrai que les travaux de Katia Béguin nous livrent une approche très renouvelée de la question. Suivant en cela Mazarin, louis XIV a tout fait pour rallier, stabiiliser puis renforcer la haute noblesse dont il ne peut se passer et inversement. Le respect des rangs et des hiérarchies a été un élément de sa politique, il a laissé la haute noblesse approprier l'essentiel des charges de gouverneur, cumuler les dignités, à commencer par les grands offices de la Cour qui représzentent des sommes considérables. Une charge de capitaine des Gardes du Corps coûte dix fois plus qu'un régiment d'infanterie, pareil pour un gouvernement de province. Que les grands nobles acceptent de payer de telles hommes, montre que les revenus qu'ils en tirent sont énormes. Entre le tiers et les deux tiers des revenus des ducs et pairs viennent ainsi du "service du roi". La Cour peut rapporter très gros, les "domestiques" sont chers payés, les études des fortunes dont on dispose montrent globalement des accroissements importants durant le règne personnel de Louis XIV. Pour ceux qui bénéficient des "bienfaits du Roi", pas de risque de se ruiner à la Cour comme on l'a prétendu souvent. La plus haute noblesse n'apparaît elle pas parmi les principaux bailleurs de fond de la moarchie ? Faut il rappeler l'exploitation des droits et impôts divers mis en lumière par Dessert ? C'est une manne financière que procure le service du Roi et les titulaires des grands offices ne sont tenus qu'à trois mois de présence à la Cour. Quand au service aux armées, il n'est pas obligatoire : Rohan, Ventadour ou Brissac sont peu scrupuleux dans ce domaine.
_________________ Tous les désespoirs sont permis
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