Le 30 juillet 1683 la reine Marie-Thérèse expirait plongeant la Cour de France dans l'expectative autour de la question du remariage du roi. Versailles évoluait alors depuis trois ou quatre ans à travers la disgrace feutrée de Madame de Montespan et la faveur de plus en plus visible de Madame de Maintenon.
A l'automne, vraisemblablement le 9 ou le 10 octobre 1683, Louis XIV épousait dans le plus grand secret l'ex-gouvernante de ses batards légitimés. Il n'est pas dans notre propos d'évoquer les raisons qui ont conduit le roi à ce choix crucial, mais au contraire d'en prendre le contre-pied.

En effet, le laps de quelques semaines, il apparait que la question du remariage de Louis XIV fut orientée vers une union avec une princesse royale, alors que le roi lui-même n'en precevait que les inconvénients ! Sur le plan dyanstique, le souverain considérait que sa situation familiale ne le contraignait pas à donner une nouvelle reine à la France. En 1683, il avait alors un fils, le Grand Dauphin, marié à Marie-Anne de Bavière, et deux petits-fils les ducs de Bourgogne et d'Anjou.
A l'inverse, ses ministres, en particulier Colbert, et surtout Louvois avançaient une autre opinion. Ils pensaient que la position de la France sortirait renforcée en Europe par une nouvelle union monarchique du roi et de surcroît par une alliance avec une petite nation, malléable à circonvenir sur le plan diplomatique.
Deux familles souveraines furent retenues : les Bragance du Portugal et les Médicis de Toscane. Il semble cependant qu'une alliance avec le Grand-Duché de Toscane fut rapidement abandonnée, mais la dynastie des Bragance de Portugal resta à l'étude. Au centre de la trame, c'est Louvois opposé à un mariage clandestin du roi avec Madame de Maintenon qui prit contact avec la Cour de Lisbonne, peut-être même sans l'assentiment formel de Louis XIV.
Pourtant, décidèment, le roi-soleil ne désirait pas une nouvelle reine à ses cotés, fut-ce une jeune et charmante infante de Portugal ! Dans son for intérieur, il voulait conserver son élue de coeur, la marquise de Maintenon et l'épouser afin de se mettre en règle avec l'Eglise et secondement le monarque arguait qu'un second mariage avec une princesse était susceptible de provoquer de grâves dissenssions au sein de la famille royale au cas ou il lui naitrait des héritiers d'un second lit.

Pour ma part, je souhaîte savoir pourquoi les intérêts français furent dirigés vers les Bragance de Portugal ?
Et qui était l'infante au coeur de ce projet matrimonial du reste illusoire puisque Louis XIV n'y croyait pas et n'en voulait pas ?
S'agissait-il d'une fille des rois Alphonse VI ou Pierre II ?

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Dominique Poulin

A ma connaissance, Alphonse VI n'a pas eu d'enfants de son épouse Marie-Jeanne de Savoie celle-ci même qui épousa son frère cadet Pierre II. De cette union naquit une fille, Isabelle-Louise-Josèpha de Bragance, Infante du Portugal en 1669. Elle avait alors 14 ans en 1683 lors du veuvage de Louis XIV. Je pense que c'est bien d'elle qu'il s'agit. Bien qu'elle fut très jeune par rapport à Louis XIV qui comptait alors presque 45 ans, l'Infante Isabelle était en âge de se marier. Pour information, elle ne contracta jamais d'union et mourut à 21 ans.

Vous m'avez devancé Adélaide, mais pour ma part je présente ce que j'ai trouvé ces derniers jous à ce sujet :

L'ouverture de cette enquête nosu oblige à des recherches croisées, et nous plonge dans un premier temps dans l'univers de la Cour de Portugal. Toutefois, quelques rappels historiques paraissent nécessaires pour une évolution cohérente de notre sujet.

Sous toute réserve, l'infante de Portugal en question pourrait être la princesse Elisabeth-Marie-Louise de Bragance.
Cette infante née en 1669 était la fille du Régent de Portugal qui monta sur le trône sous le nom de Pierre II en 1683. Sa mère d'origine française portait le nom de Marie-Jeanne-Elisabeth de Nemours dite Mademoisselle d'Aumale.
Les épisodes de la vie de la mère d'Elisabeth-Marie-Louise ne manquent pas de piquant. Ses origines la plaçait parmi les premiers rangs de la haute noblesse française. En effet, elle descendait des amours de Henri IV et de Gabrielle d'Estress qui avaient fondé la branche des Bourbon-Vendôme. Pour simplifier, la petite-fille de Henri IV par la main gauche épousa le prince Charles-Amédée de Savoie-Nemours dont les deux filles épousèrent la première, le duc de Savoie Charles-Emmanuel et la deuxième le roi Alphonse Henri VI de Portugal.
Cette reine de Portugal semble avoir été une femme dotée d'un fort tempérament. L'historien Jean-Paul Desprat la qualifie "d'effroyable" ! Car selon les apparences, les scrupules ne l'ont pas étouffée. Mariée à Alphonse Henri VI en 1666, elle tomba rapidement amoureuse de son beau-frère l'infant Pierre et une révolution de palais déboucha un an plus tard sur l'internement du roi Alphonse et la proclamation de la régence présidée par l'infant Pierre. Mais il y a mieux encore ! La reine Marie-Jeanne-Elisabeth réussit à faire déclarer nul son mariage en Cour de Rome avant d'épouser très vite son beau-frère promu régent.

De ces relations compliquées, naquit en 1669 l'infante Elisabeth-Marie-Louise. S'agit-il bien de l'infante suggérée par Louvois afin de l'unir à Louis XIV en secondes noces ? c'est possible, mais les rares historiens comme Jean-Paul Desprat ayant effleuré la question parlent d'une princesse portugaise, mais sans jamais citer son nom.

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Dominique Poulin

Des informations viennent documenter notre dossier, mais pour l'instant, elles concernent plus directement les affaires intérieures de la monarchie portugaise au XVIIe siècle. Elles éclairerons je l'espère l'enjeu du projet de mariage avorté entre Louis XIV et la princesse de Bragance.

1) Après recoupement, il semble que l'infante de Portugal en question avait pour prénom Isabelle-Marie et non pas Elisabeth-Marie. On n'est jamais trop précis en histoire.

2) Isabelle-Marie fut déclarée héritière de la Couronne par les Cortes et échappa à la menace de batardise. En effet, comme on l'a vus, sa mère après avoir fait déposer son époux Alphonse VI, épousa très vite dans la foulée son beau-frère Pierre promu régent.
Isabelle-Marie naquit de ce deuxième mariage en 1669, mais les historiens pensent que ses parents entretenaient déja des relations charnelles alors qu'Alphonse VI était toujours officiellement l'époux de sa femme...
Pour viter une crise de succession et la crainte de la France devant les convoitises anglaises aux fins de revendiquer l'héritage portugais -Catherine, soeur de Alphonse VI avait été mariée au roi Charles II, roi d'Angleterre en 1662-, Louis XIV intervint en Cour de Rome pour éviter une crise de succession au Portugal. Les intérêts essentiels de l'intervention de l'Etat français auprès du pape reposaient sur une situation de compromis avec les Bragance de Portugal et le maintien du catholicisme dans ce pays.
Alphonse VI resterait roi de Portugal mais son frère Pierre présiderait la régence. La reine "coupable" de sa seconde union entachée d'irrégularité avec Pierre, était lavée de tout soupçon et leur fille Isabelle-Marie déclarée fille et héritière légitime.

3) Dans son livre "La Société des princes" Lucien Bély parle d'un projet de mariage très avancé entre Isabelle-Marie et le jeune duc de Savoie Victor-Amédée II. Ce projet est antérieur aux vagues négociations qui concernèrent l'infante et Louis XIV en 1683.
Cette combinaison était l'oeuvre de la mère du souverain savoyard, Marie-Jeanne-Baptiste de Nemours, duchesse douairière et régente de Savoie et de sa soeur Marie-Jeanne-Elisabeth, reine de Portugal.
Néanmoins, les relations difficiles entre la régente de Savoie et le jeune Victor-Amédée II ne permirent pas la conclusion de ce mariage. La régente aurait souhaité éloigner son fils au Portugal afin de gouverner à sa guise l'Etat savoyard. A aucun prix, Victor-Amédée ne voulut faire ce cadeau à sa mère et malgré la signature des articles du mariage Portugal-Savoie signés le 25 mai 1681 et le déplacement de la flotte portugaise jusqu'à Nice pour embarquer le prince de Savoie, les noces d'Isabelle-Marie échouèrent lamentablement.

4) La question cette-fois ci du remariage royal de Louis XIV avec l'infante Isabelle-Marie ne parait pas à y regarder de plus près si chimérique que cela.
Le marquis de Louvois, Secrétaire d'Etat à la Guerre était sans doute le plus chaud partisan de cette union. C'est lui qui tenta de capter l'esprit du roi en présentant des arguments susceptibles de destabiliser le peu de motivation du souverain.
Vers le 12 aout 1683, soit douze jours seulement après la mort de la reine Marie-Thérèse, la question du mariage portugais est à l'étude, mais elle est encore loin d'etre acquise. Louvois prend les devants soit en entrant en contact avec l'ambassadeur de Portugal à Versailles soit en amorçant une correspondance diplomatique avec la cour de Lisbonne. Pour le moment, c'est le seul élément probant qui me soit parvenu sur cette question qui constitue le centre de notre sujet.

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Dominique Poulin