Je travaille sur la colonisation française aux Antilles sous Colbert, et je peux vous assurer qu'il n'y a pas que les flibustiers et quelques personnages insolites à s'installer et à vivre sous le soleil des "isles d'Amérique". Les flibustiers sont en tout cas les premiers Français à sillonner les Caraïbes, dès le milieu du XVIe siècle. Je vous engage à lire le journal d'Un flibustier français dans la mer des Antilles en 1618-1620, publié par Jean-Pierre Moreau, qui donne une petite idée de la vie flibustière. En ce qui concerne la colonisation, la source principale est l'Histoire générale des Antilles habitées par les Français du Père Jean-Baptiste Du Tertre, qui fut l'un des artisans de la première colonisation, sous le patronage de Richelieu (années 1630). Les premières familles à s'installer dans les îles sont principalement des Normands, des Angevins, des Rochelais. La colonisation passe par plusieurs étapes. Après le temps des premiers aventuriers, puis celui des premiers colons, se met en place le système des engagés afin de favoriser à la fois le peuplement des colonies et la culture des terres : les "engagés" sont recrutés par les principaux propriétaires terriens des îles, s'engagent pour un contrat de trois ans (principalement des travaux agricoles, avec l'essor de la culture du tabac, de l'indigo) et reçoivent à la fin de ce laps de temps un petit pécule et un lopin de terre. La Compagnies des Indes occidentales a également pour objectif de grossier les colonies, même si celle-ci périclite rapidement après la mort de Richelieu et doit vendre les colonies aux principaux propriétaires terriens des îles. Avec le rachat des Antilles par Louis XIV sous l'impulsion de Colbert, un nouvel essor - relatif - s'enclenche, principalement du fait des débuts de la traite négrière, qui sert à l'essor de la culture du sucre.
En cette fin de XVIIe siècle, si les flibustiers sont une part importante de la population, il y a, en plus de la population noire, toute une manne de petits ouvriers agricoles, les "Petits Blancs" (voir la thèse de Charles Frostin, Les révoltes blanches à Saint-Domingue), les mulâtres, les affranchis, qui côtoient les grands propriétaires de plantation, les marchands (notamment Hollandais, malgré les tentatives de Colbert de lutter contre l'interlope) etc. Quant à ce qui a pu motiver ces phénomènes de migrations, il y a peut-être un certain goût pour l'exotisme et l'aventure (on peut penser à Bertrand d'Ogeron, flibustier angevin et premier gouverneur de la partie française de Saint-Domingue), mais cela reste principalement des motivations économiques : nombreux sont les engagés qui, au terme de leur contrat, revendent leur terrain pour rentrer en France. Pour les Noirs, inutile de mentionner les migrations forcées.
Le peuplement des îles françaises reste un processus lent tout au long du XVIIe siècle : la première cause est, il en va sans dire, géographique (nous sommes sur des îles). La monarchie française a toutefois été peu attachée à ses colonies, en tout cas au XVIIe siècle : pas de grande politique de peuplement, à la manière des anglo-saxons. L'Histoire de la colonisation française (T.1) de Pierre Pluchon me semble être une bonne première approche sur le sujet.
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