Il est effectivement intéressant de réunir Cassan et Petitfils: dans son dernier ouvrage sur
La grande peur de 1610, le premier accuse implicitement le second de tomber dans le piège du sensationnel et préfère en rester à Mousnier.
Bergerac a écrit :
Reste que les évènements extérieurs au royaume , qui ont coûté la vie au roi, n'ont toujours pas l'honneur d'un article.
C'est justement que Roland Mousnier a bien démonté les ressorts psychologiques de l'acte de Ravaillac et a montré (de façon convaincante à mon avis) que c'était plutôt le contexte politico-religieux que diplomatique qui a armé le régicide. Vouloir à tout prix charger les Espagnols, ou d'autres étrangers (à travers les jésuites notamment), c'est oublier que le meurtre est un événement franco-français. Certes, le jésuite espagnol Mariana a écrit un traité irresponsable sur le tyrannicide, mais les racines ligueuses de la pensée de Ravaillac sont assez évidentes pour que l'on n'essaie pas de trouver des coupables ailleurs.
Bergerac a écrit :
Et dire en reprenant mot pour mot la remarque de E. Leroy Ladurie, que le couteau de Ravaillac n'a rien changé parce que l'édit de nantes est confirmé, n'est pas exact.
La vision de Le Roy Ladurie est pour le moins contestable en effet. Certes, il ne faut pas tomber dans le piège de la téléologie: nous savons que Louis XIII, dans la suite de son règne, va entamer le processus de rétrécissement des libertés accordées aux protestants en 1598. Mais, dès 1610, on sent parfaitement dans les écrits protestants (notamment les actes des assemblées politiques, et parfois même dans ceux des synodes) que l'atmosphère n'est plus du tout la même avant et après 1610. Les réformés avaient confiance en Henri IV et ils savaient (ou pensaient, car nul ne peut prévoir ce qu'aurait fait Henri IV s'il avait vécu plus longtemps) que le roi tiendrait ses promesses. Avec la régence de Marie de Médicis et un jeune roi élevé dans un catholicisme strict, ces assurances disparaissaient. Il faut se rappeler qu'une bonne partie des concessions faites aux réformés en 1598 sont des brevets, donc non enregistrés en Parlement et dépendant uniquement du bon vouloir royal.
Ces craintes sont d'ailleurs justifiées: dès les années 1610, l'argent promis annuellement par les brevets n'est plus distribué, ou avec beaucoup de retard.
Michel Cassan, lui, insiste dans son ouvrage sur le fait que les réformés sont rapidement rassurés par la confirmation de l'édit dès le 22 mai 1610. Mais il arrête son analyse à l'été 1610. Et les craintes protestantes renaissent très vite.