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Message Publié : 15 Mars 2012 10:55 
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Hérodote
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Bonjour à tous,

je suis nouveau sur ce forum, bien que je le lis plus ou moins régulièrement depuis un an ou deux, et je m'excuse par avance si mon topic n'est pas dans la bonne section.

Je me pose une question depuis un certain temps : d'où part les origines de la déchristianisation en France et en Europe ? Au début, je pensais que cela commençait au XVIIIé siècle, sous le règne de Louis XV, mais j'ai finalement appris qu'il existait déjà des athées libertins au XVIIé siècle. Je suis allé à une conférence il y a deux jours, où un prof de philo disait que la base de notre pensée moderne est au XVIIé, avec la découverte de la physique, de la mécanique, avec entre autre Newton etc, ce qui a rendu possible un monde sans Dieu

Pouvez-vous m'éclairer un peu plus sur la question ?

Merci d'avance :wink:


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Message Publié : 15 Mars 2012 11:13 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Je suis bien loin d'être spécialiste de la chose mais à mon sens il serait complétement abusif de présenter les chose de la sorte puisqu'on a l'impression d'une marche vers la déchristianisation comme phénomène inéluctable. Or la piété est très loin d'être morte au coeur du XIXe siècle quand bien même la science se développe énormément. Par contre il est un phénomène tout à fait particulier, celui souligné par Paul Hazard dans la Crise de la conscience européenne où il montre les évolutions de la pensée entre la fin du XVIIe et aux abords du XVIIIe siècle. Vous devriez y trouver certaines réponses à vos questions.

http://classiques.uqac.ca/classiques/ha ... ience.html

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 15 Mars 2012 11:20 
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Eginhard
Eginhard
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Inscription : 04 Juin 2008 20:24
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Le terme de déchristianisation (que l'on doit en France à Michel Vovelle dans Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe s.) n'est plus guère en usage. Il est source de beaucoup de confusions.
Pour ce qui est des institutions, on parle de la sécularisation et pour les attitudes personnelles de détachement.
Ce que vous indiquez relève de l'histoire de l'athéisme. Il est évident qu'il existe des athées au XVIIe s., et parmi les plus illustres Spinoza.
Dans The Death of christian Great Britain de Callum Brown, la thèse retenue est celle d'un cycle de déclin de la religion engagé à la fin du 17e s mais qui est largement interrompu à partir de la miXIXe s et la crise des années 50-60 intervient comme "un accident catastrophique" sur un "patient sain".
La date que retiennent les historiens britanniques pour la contestation de la place sociale de la religion est 1697 avec l'abolition de la censure. Apparaissent alors des auteurs comme John Toland. Ils vont permettre l'apparition en Europe de dirigeants non croyants au XVIIIe s comme Frédéric le Grand en Prusse ou le marquis de Pombal (celui qui reocntruit Lisbonne après le tremblement de terre) au Portugal. Mais c'est là une histoire des élites. Le détachement des populations rurales (en France : la Creuse, l'Yonne, dès 1740-1760) répond à d'autres logiques, liées à la vie paroissiale, l'ecclésiologie et même les relations hommes/femmes dans la communauté villageoise. Ce seront les régions en pointe lors de la "défanatisation" de 1793-1794 (le terme de déchristianisation ne convient pas)
Donc, pour résumer mon propos :
- XVIIe : qq individus ouvertement athées mais cela reste un siècle dévot, où, en terres catholiques, la Contre-Réforme se révèle efficace

- vaste mouvement de sécularisation qui a des temps forts dès le XIIIe s. (Alan Gilbert, The Making of Post-Christian Great Britain : l'Etat l'emporte sur l'Eglise, les rois sur le pape), le XVIe s (le Réforme qui désacralise le pouvoir et prépare la séparation du temporel du spirituel), etc. C'est bien celui de la modernité si on suit Max Weber.
- mais un mouvement non uniforme de détachement. Le dernier 1/3 du XIXe s et les deux premiers 1/3 du XX ont été favorables au Eglise, y compris dans un contexte laïque comme en France (les ordinations sacerdotales culminent en 1947).
PS : je viens de voir le post de Pédro. J'approuve évidemment

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)


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Message Publié : 15 Mars 2012 11:42 
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Hérodote
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Pédro a écrit :
Je suis bien loin d'être spécialiste de la chose mais à mon sens il serait complétement abusif de présenter les chose de la sorte puisqu'on a l'impression d'une marche vers la déchristianisation comme phénomène inéluctable. Or la piété est très loin d'être morte au coeur du XIXe siècle quand bien même la science se développe énormément.


Certes, il y a périodes pieuses et périodes sceptiques qui s'enchaînent. Mais il doit y avoir certainement un début à cette notion de déchristianisation, ou s'il on préfère de détachement du christianisme. Là était le sens de ma question. Et aussi la question du "pourquoi" ça a été possible ?

Sans volonté de ma part de caricaturer le Moyen-Age, y existait-t-il des gens qui ne se réclamaient pas du christianisme à l'époque ? Je ne pense pas. Quant au XVIé siècle, je ne sais pas. Mais le XVIIé siècle me paraît une date importante pour essayer des comprendre les choses.

En tout cas, merci pour la référence.


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Message Publié : 15 Mars 2012 12:00 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Le foi est une chose extrêmement complexe à saisir et qui échappe totalement à l'uniformité. On présente à loisir le Moyen Âge comme une époque de bigots béats suivant à la lettre les préceptes de l’Église toute puissante. Or si vous lisez n'importe quelle histoire du fait religieux à cette époque vous verrez combien cette notion est à nuancer. Prenez par exemple Francis Rapp, L'Eglise et la vie religieuse, pages 155 à 162.
Citer :
"L'Histoire nous présente de véritables rebelles, Jacques d'Artevelde par exemple, qui désertait les offices presque avec ostentation. Cas exceptionnels, dira-t-on ; mais, à coté de ces personnages célèbres, ne se trouvait-il pas, dans la masse anonyme, des opposants tout aussi fermes que ces vedettes à la pratique religieuse élémentaire. Les préceptes moraux furent sûrement traités avec plus de désinvolture encore que l'obligation de participer aux cérémonies." p. 156

Imaginez la piété d'un soudard d'une compagnie d'écorcheurs... ou en tout cas son alignement sur les préceptes de l’Église.

D'ailleurs autre fait troublant ; en 1981 seul environ 10% de la population française se déclarait sans religion. Aujourd'hui le chiffre avancé et qui est le plus élevé est d'environ 34%. Le rapport au divin est complexe et met en jeu également la tradition, les valeurs... De plus il ne me semble pas que nous représentions la fin de l'Histoire ; des évolutions futures dirons si notre époque est bien celle de la fin dans notre pays du fait religieux ou une simple parenthèse.

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Message Publié : 15 Mars 2012 12:29 
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Eginhard
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Inscription : 04 Juin 2008 20:24
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Citer :
Sans volonté de ma part de caricaturer le Moyen-Age, y existait-t-il des gens qui ne se réclamaient pas du christianisme à l'époque ? Je ne pense pas.

Euh... oui : les juifs !
Pourquoi des régions se détachent au XVIIIe s.? Je prends ce siècle car on observe alors un comportement quantifiable : le fait que des hommes ne vont plus à la messe (baisse du taux de messalisants + dimorphisme sexuel).
- apparition d'une nouvelle forme de prêtres, marqués par le jansénisme. Dans l'Yonne, ils ont été favorisés par un archevêque de Sens lui-même janséniste. Ils veulent purifier la religion et partent en guerre contre toutes les pratiques populaires (pèlerinages, saints douteux, prières pour les moissons ou les animaux, etc). Résultat : grève des messes ! Est-ce que les gens croient moins ? Impossible à savoir.
- lutte des sexes au village. Au XVIIIe, on tolère moins certaines pratiques (viol) alors que l'âge au mariage recule. Le prêtre est assez systématiquement du côté des jeunes filles. Il fait pression pour qu'il y ait réparation. L'église (avec ses confréries) est du reste le seul lieu de sociabilité féminine au village (avec le lavoir). Les jeunes gens voient dans le curé un ennemi et se détachent de l'office.
Bref, le curé, auparavant immergé dans la communauté rurale devient de plus en plus un étranger à cette communauté. Evidemment, ce schéma (bien schématique !) ne s'applique partout.

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Message Publié : 15 Mars 2012 18:23 
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Salluste
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Inscription : 20 Déc 2010 21:48
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Citer :
Au début, je pensais que cela commençait au XVIIIé siècle, sous le règne de Louis XV, mais j'ai finalement appris qu'il existait déjà des athées libertins au XVIIé siècle.


La déchristianisation est un phénomène qu'il faut remettre en cause, et ce, pour plusieurs raisons. Pédro fait le constat que "la piété est très loin d'être morte au coeur du XIXe siècle", ce qui est tout à fait visible dans la renaissance et le renouveau, bien plus, des pèlerinages (ex: le culte marial à Lourdes et La Salette).
Certains historiens comme Roger Chartier (Les origines culturelles de la Révolution française) vont jusqu'à mettre en cause l'idée même de déchristianisation en remarquant que la déchristianisation n'eût été possible que dans une France qui eût au préalable été christianisée (ce qui ne serait pas évident, et il cite à cet égard Jean Delumeau qui pense dans ce sens).
Au XVIIIe siècle, l'attitude devant la mort et devant les grands rites de la vie tend à changer. Je ne crois pas judicieux d'analyser la force de l'idée de déchristianisation en étudiant la crise des vocations sacerdotales ou la contestation philosophique de certains aspects de l'Eglise. Si déchristianisation il y eut, elle tint sans doute davantage dans la perte progressive des grilles de lecture chrétiennes du monde. C'est pourquoi l'étude de l'opinion populaire et de ses sensibilités me semble le plus à même de répondre à cette interrogation, qui laissera toutefois aux nuances un ensemble de contrastes et de disparités régionales (c'est une des caractéristiques des sociétés traditionnelles d'être beaucoup moins uniformes que les sociétés industrielles, conséquence principalement de la conscience géographique accrue que les individus possèdent dans celles-ci et des processus d'imitation qui se mettent alors en place, ainsi que d'une offre uniformisante par nécessité commerciale).


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Message Publié : 15 Mars 2012 18:39 
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Eginhard
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Les dernières lignes de Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe s. de Michel Vovelle :
Citer :
Pour les Provençaux du XVIIIe siècle, l'image de la mort a changé. Le réseau des gestes, des rites dans lesquels ce passage se trouvait assuré, comme des visions auxquels ils répondaient, s'est profondément modifié. On ne sait si l'homme s'en va plus seul, moins assuré de l'au-delà, en 1780 qu'en 1710 : mais il a décidé de ne plus en faire confidence. Cette modification essentielle d'un geste vital constitue peut-être l'apport le plus important de cette enquête.

Ces lignes mesurées me semblent très éclairantes : les formes changent, mais cela ne doit pas autoriser l'historien à sur-interpréter ces mutations. On ne peut pas postuler une évolution linéaire qui irait vers moins de croyance du fait d'un monde toujours plus moderne. C'est simpliste.
Pour la période contemporaine, je conseille vivement la lecture du Pélerin et du converti de Danièle Hervieu-Léger. En voici un substantiel compte rendu : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _41_2_5283

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Message Publié : 16 Mars 2012 13:24 
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Hérodote
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Inscription : 15 Mars 2012 10:44
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Aponie a écrit :
La déchristianisation est un phénomène qu'il faut remettre en cause, et ce, pour plusieurs raisons. Pédro fait le constat que "la piété est très loin d'être morte au coeur du XIXe siècle", ce qui est tout à fait visible dans la renaissance et le renouveau, bien plus, des pèlerinages (ex: le culte marial à Lourdes et La Salette).
Certains historiens comme Roger Chartier (Les origines culturelles de la Révolution française) vont jusqu'à mettre en cause l'idée même de déchristianisation en remarquant que la déchristianisation n'eût été possible que dans une France qui eût au préalable été christianisée (ce qui ne serait pas évident, et il cite à cet égard Jean Delumeau qui pense dans ce sens).


J'ai lu le livre de Chartier, et également Le catholicisme entre Luther et Voltaire de J.Delumeau. Effectivement, il y a une tendance pour les historiens d'aujourd'hui à remettre en cause le terme de déchristianisation, car le christianisme des masses est jusqu'au concile de Trente et même plus tard teinté de paganisme (n'est-ce pas au fond la nature du catholicisme ?).

Il est vrai également que la foi est quasiment impossible à quantifier...seulement, ce n'est vraiment qu'au XVIIé siècle que certains se proclament athées, on assiste donc à une nouvelle contestation de l'Eglise, contestation qui jusqu'alors était chrétienne (Huss, puis Luther) ou qui se pensait l'être (les cathares). Et c'est cette nouvelle contestation, en gros celle du déisme et de l'athéisme, que j'aimerais comprendre. Comment l'idée qu'il n'y ait pas de Dieu a pu naître au XVIIé ?


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Message Publié : 16 Mars 2012 23:32 
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Jean Froissart
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Inscription : 28 Avr 2006 23:02
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Localisation : Orne
1. Le doute sur l'existence de Dieu (ou des dieux) a toujours existé, et c'est normal. La bible est pleine d'histoires d'incroyants. Parmi un millier d'exemples, il y a, le disciple Pierre qui renie trois fois Jésus. Donc, cela n'est pas apparu au 17e siècle.
Et la religion n'est pas qu'une affaire de croyance en Dieu. On peut douter, et se délcarer malgré tout adepte d'une religion. Ce n'est pas incompatible, et au contraire, cela fait la différence, selon moi, entre les sectes et les religions, les premières exigeant une adhésion très forte, et les secondes ne demandant que du respect.

2. On est naturellement plus religieux dans un environnement rural que dans un environnement urbain. Cela s'explique par plusieurs raisons. Et cela se ressent aussi assez fortement, en tous cas pour moi, quand on est amené à vivre quelques temps dans un autre milieu que le sien. Or la France du 17e siècle reste très rurale, mais voit aussi un développement des villes. Donc, inévitablement, on commence à y renconter plus d'athées qu'avant, mais ce sont des exceptions urbaines.

3. Il faut se méfier de certains pièges au sujet du 17e siècle. Le titre d'un livre a eu beaucoup de succès "Le libertinage érudit". Il a été écrit pendant la seconde guerre mondiale. Pour le vendre, on a eu l'idée de lui donner ce titre accrocheur. Ce livre a été réimprimé en 2000. J'en ai un exemplaire, que je consulte de temps en temps. Il ne contient absolument rien de scandaleux. Le mot "libertinage" est excessif. C'est du marketing. Mais le titre du livre doit beaucoup plaire parce qu'on le retrouve très souvent. Alors que les "Historiettes" de Tallement des Réaux, sont pleines de scandales, mais le titre n'accroche pas.
De plus, un certain nombre d'historiens anti-cléricaux (communistes, francs-maçons, etc.) aiment bien réécrire l'histoire à leur façon. Ils imaginent que Galilée n'aurait pas été chrétien, que Descartes ne l'aurait pas été non plus, et ils passent totalement sous silence le fait que Copernic (je suis spécialiste de Copernic et mon avatar est son portrait) était chanoine, ou bien ils font croire qu'un chanoine serait une fonction obscure et minime alors que c'est juste en-dessous de l'évèque. Certains de ces historiens désinforment par conviction. D'autres, parce qu'ils y étaient obligés pour survivre à l'époque du communisme.
Ils constatent que la science s'est développée au 17e siècle, et ils affirment que la science n'a pas besoin de l'hypothèse de Dieu. Faire ce rapprochement est une manoeuvre habile. Mais ils oublient de dire que presque tous les savants le sont devenus après avoir été formés dans les écoles, qui étaient tenues par des religieux. Apprendre aux élèves à se méfier des illusions était un point important du programme, apprendre aux élèves à débattre du pour et du contre avec des arguments, était un autre point important du programme. Or ces deux éléments sont essentiels pour le développement de la science.

Pour aller plus loin, je crois qu'il faudrait prendre des exemples précis.


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Message Publié : 16 Mars 2012 23:59 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Localisation : Limoges
Oliviert a écrit :
les premières exigeant une adhésion très forte, et les secondes ne demandant que du respect.


Heu... j'ai le souvenir de quelques hérétiques qui nuanceraient volontiers une telle affirmation. Plus que respect les religion ne supportent pas la remise en question du système socio-religieux.

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Message Publié : 17 Mars 2012 14:41 
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Eginhard
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La capacité d'imaginer un monde sans Dieu d'une façon socialement significative (je ne parle pas d'athées isolés, sans poids sur la réalité sociologique d'une époque) me semble bien remonter au XVIIe. Le XVIIIe l'amplifie et se renforce d'un détachement de la pratique manifeste.
Il me semble que Max Weber a décrit avec beaucoup d'acuité le phénomène, qui se confond en partie avec la modernité.
La religion est englobante au MA (surtout au moment de la réforme dite grégorienne). On ne peut imaginer l'économie, la politique, la culture et l'art hors de la religion. Mais l'homme occidental est fondé sur une rationalité que l'on peut dire utilitariste, ou pragmatique. La religion chrétienne notamment est très rationnelle comme l'a démontré Max Weber. La Somme de Thomas d'Aquin, le droit canonique ou la construction administrative de l'Eglise illustrent bien cela. Or, les différentes sphères découvrent qu'elles sont plus efficaces en obéissant à une logique propre. La première, c'est évidemment l'Etat et la politique. On en vient donc à un éclatement de la civilisation en sous-systèmes qui cohabitent. La religion ne dicte plus ses règles à l'art, à l'économie (§ Karl Polanyi), à la politique (Vittoria vs Machiavel), à la science (Galilée) etc. Ces quelques lignes prennent évidemment quelques siècles ! Et l'évolution n'a rien d'un mouvement rectiligne et uniforme
Mais cet éclatement permet également de penser la religion comme objet en soi. Lorsqu'elle englobe tout, qu'elle est la grammaire universelle du déchiffrement du monde, on ne peut l'analyser. Avec cet éclatement, et notamment la séparation de la philosophie et de la théologie (Descartes, Spinoza), l'athéisme devient une possibilité socialement réaliste pour quelques individus "éclairés"
Dans ce mouvement, Max Weber insiste évidemment beaucoup sur la Réforme (surtout celle de Calvin) qui est tournée vers une approche rationnelle de la religion : fin du culte de la tradition, des saints, des reliques, des pratiques de dévotion, ... Dieu est renvoyé au Ciel ("désemplir le monde de la présence anxiogène de Dieu" écrit Denis Crouzet). La nature n'est plus l'expression d'une surnature. La société n'est plus un reflet de la hiérarchie céleste. On entre dans un monde contractuel et individualiste. La notion de communauté (liée à la religion) s'efface derrière celle de société d'individus (gemeinschaft/gesellschaft pour les germanistes). Les 2 Glaives de Luther sont une préfiguration de la séparation de l'Eglise et de l'Etat (en fait du profane et du religieux). Il suffit au siècle suivant de séparer la religion de la philosophie pour arriver à concevoir l'athéisme. Désolé pour le simplisme qui fera hurler certains et l'aspect bien peu historique de ce survol sans nuance. J'essayais de rassembler mes lectures récentes en un paragraphe ! On trouve un excellent résumé des thèses de Max Weber dans l'ouvrage suivant : D. Hervieu-Léger et JP Willaime, Sociologies et religion, approches classiques, PUF, 1998
Mais encore une fois, on est là dans une histoire des idées. Le détachement populaire de l'Eglise, c'est autre chose.

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Message Publié : 29 Mars 2012 17:02 
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Inscription : 03 Mars 2010 11:03
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Le mot "libertinage" est excessif. C'est du marketing


Avez-vous bien compris l'utilisation du mot "libertinage" par René Pintard ? C'est le terme qui était utilisé au XVIIe siècle pour qualifier des personnes prenant leurs distances avec la religion et/ou la foi. Nous l'employons aujourd'hui avec une forte connotation sexuelle, ce n'est pas le sens qui lui était donné au XVIIe et qui fut repris dans la thèse de M. Pintard, qui effectivement parue en 1942.

Désolé ce n'est pas du "marketing" comme vous dîtes (même si la connotation péjorative associée au mot rendait plus acceptable la publication d'études sur des esprits qui auraient bien ri des pitreries maréchalistes, (pour se vautrer dans l'anachronisme!)) c'est juste de la culture (de la part de Pintard et de son éditeur, bien sûr).


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