Bonjour

J'aimerais échanger sur cet événement particulier que je laisse le roi décrire :

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre,
à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut :

(..) Le premier et principal objet que nous nous sommes proposé et celui auquel (..) nous avons destiné tous nos soins
a été de faire régner la justice et de régner par elle dans notre Etat,
persuadé qu’il n’y a rien dont nous soyons plus redevables à Dieu, de qui seul relève notre couronne ;
(..) Nous sommes averti que (..) dans les provinces éloignées (..) les gentilshommes abusent souvent de leur crédit pour commettre des actions indignes de leur naissance (..)
A ces causes, savoir faisons qu’après avoir mis cette affaire en délibération en notre conseil, où assistoient la reine notre très-honorée dame et mère, le duc d’Orléans notre très-cher et très-aimé frère unique, autres princes de notre sang et plusieurs grands notables de notre royaume, (..)

Nous avons ordonné et ordonnons, voulons et nous plaît,
(qu’une) cour et juridiction, vulgairement appelée les Grands-Jours,
soit tenue et exercée l’année présente en notre ville de Clermont (..)

En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes, données à Paris le dernier jour d’août, l’an de grâce 1665, et de notre règne le vingt-troisième.

Louis

Ds commissaires extraits du Parlement de Paris allaient ainsi juger et comdamner, au nom du Roi, des nobles de province.

Je ne saurais trop vous conseiller le document suivant. Esprit Fléchier, contemporain de l’événement, l’aborde avec un humour délicieux et une très belle plume :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k200313s/f4.image

Bob

Les grands jours ont abouti à de nombreuses condamnations de nobles et on est surpris de constater les abus impunis de la noblesse, leur gravité, si j'ai bonne mémoire de lectures anciennes.
Autre surprise, il ne s'agit plus pour la royauté de poursuivre les empiètements de seigneurs sur la souveraineté royale, comme jusqu'ici, mais sur leur vie privée. Un autre objectif mais il s'agit toujours de limiter les privilèges des nobles et d'autre part de renforcer le pouvoir royal.
Troisième surprise, le pouvoir royal est suffisamment puissant pour passer par dessus le système judiciaire avec ses règles de comptétence, le système d'appel, qui est écarté pour une justice exceptionnelle dans l'ordre privé, ce qui prouve que tout était possible dans ce domaine à un pouvoir fort.
Il y a enfin la sanction, on rasait parfois le chateau, les biens étaient saisis en plus de la sanction pénale habituelle !

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Les Grands Jours, succédant à la déchéance de Fouquet, furent un événement national, marquant la reprise en main du pouvoir royal par Louis XIV. Ils virent aussi émerger une formidable personnalité du droit, le seul juriste français d'envergure avant le 19ème siècle, Jean Domat, ami très proche de Blaise Pascal.

Nota : beaucoup de condamnations à mort le furent en fait par contumace : le boureau tranchait publiquement un bâton auquel était fixé le portrait du condamné !

Un article intéressant ici :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/VI-La-justice-du-roi-les-Grands-jours-d-Auvergne-9000.html

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"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.

Les Grands Jours d'Auvergne furent suivis en 1666 par les Grands Jours du Languedoc, le Parlement de Toulouse refusant que celui de Paris n'empiète sur son ressort.

Ces déplacements de magistrats dans les provinces étaient une tradition, même les tribunaux inférieurs connaissaient ce type de procédure : c'étaient les assises. Elles tombèrent en désuétude au cours du XVIIe siècle.

Le texte d'Esprit Fléchier rencontra des oppositions à sa publication au XIXe siècle, car certaines familles citées n'appréciaient pas la publicité posthume des exploits de leurs ancêtres. Ce fut pourtant souvent la seule sanction réelle contre les turpitudes de ces petits tyranneaux de banlieue !

De banlieue, fichtre, déjà ?

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)

Au sens féodal et par rapport au Parlement de Paris ! (surtout volontairement anachronique)

Mais ces zones frontières, ces limites, que représentaient les zones trop éloignées du centre de décision (en l'occurence le Parlement de Paris) ne souffraient-elles pas d'une insuffisance d'infrastructures ?

Il faut quand même se rappeler que l'Auvergne était un "domaine royal". Ce statut, proche de l'annexion par le roi, fut justement la base de la tenue des Grands Jours et surtout de la réorganisation juridique et fiscale.
Cela engendra quand même pas mal d'avantages, notamment en matière de transports fluviaux, de ponts et de routes, permettant l'exportation du bois et du vin vers Paris, donc que des liens particuliers et durables s'établissent avec la capitale (Henri IV appréciait plus le vin rouge de Châteaugay que la piquette des vignes parisiennes).

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"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.

Si j'en crois les publicités diverses et variées, la liste des vins appréciés par le Vert Galant aurait du lui valoir une cirrhose carabinée

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)

En effet, voici un exemple d’acte :

"Condamné d'avoir la tête tranchée par l'exécuteur de haute justice sur un échafaud qui sera par lui dressé à cet effet (..),
si appréhendé pouvoit être, sinon en effigie"

La variété de l’éventail des peines de l’époque est surprenant, elle semble aussi plus conditionnée par l’intelligence que la barbarie.
Je cite une condamnation pour exemple :

"Condamné d'avoir la tête tranchée,
ses bien sis en pays de confiscation furent déclarés acquis et confisqués (..)
Les bois servant d'ornement coupés à trois pieds de hauteur "

La coupure des bois à trois pied les rends inutilisable mais rend également le dessouchage très difficile. L’endroit n’est plus un bois et ne peut devenir un champ.



Voici l'illustration d'un cas où le Roi a déjugé le tribunal, avec, vous le concéderez, un argument massue :

"pour ce regard seulement et sans tirer à conséquence,
nous avons dérogé et dérogeons par ces mesmes présentes,
car tel est notre plaisir"

L’acte le plus surprenant est selon moi celui-ci :

(..) les habitants et les témoins furent mis sous la protection et sauvegarde du Roi, de la cour et des accusés.

Comment mieux protéger un témoin d’un éventuel « accident » que de le placer sous a protection de l’accusé ?
Nous aurions peut-être des idées à prendre dans la justice de l’époque.

Bob

(Je peux essayer de retrouver le nom des nobles concernés par ces actes si vous le souhaitez.)

Des condamnés pour des faits relevant d'un crime de lèse-majesté (humaine ou divine) perdaient leurs privilèges et voyaient leurs biens confisqués. C'est ce qui a fait dire à certains juristes que le duel n'atait pas considéré en réalité comme crime de lèse-majesté puisque les biens des condamnés pouvaient être dévolus à leur famille.

Les bois de haute fûtaie étaient une marque sociale importante: les coupes étaient très espacées (40 ans) et la protection de ce type de bois ne pouvait qu'icomber à des familles financièrement solides. Les couper, en dehors du fait que le terrain était pour un temps inutilisable, symbolisait avec une violence très perceptible (très visuelle en tout cas), la déchéance que les méfaits de leur propriétaire induisaient.

L'exécution en effigie suit toujours une condamnation par contumace, tout simplement parce qu'elle allonge à 30 ans la période pendant laquelle la condamnation est active. Sans exécution par effigie, après 20 ans il y avait prescription.

Interressant, je pense que c'est aussi très bien pour le peuple qui voit une conséquence concrette de la condamnation, ça nous manque certainement de nos jours.

voici un extrait de jugement des Grands Jours :
"Condamné d'avoir la tête tranchée par l'exécuteur de haute justice sur un échafaud qui sera par lui dressé à cet effet (..), si appréhendé pouvoit être, sinon en effigie"

et aussi un extrait du livre de Fléchier qui donne une idée de la variété des reproches faits :

" ll y a un droit qui est assez commun en Auvergne qu'on appelle le droit de noces.
Autrefois on ne l'appelloit pas si honnêtement;
mais la langue se purifie dans les pays même les plus barbares.
Cet usage ne se pratique plus aujourd'hui,
(..) parce que cette coutume étoit un peu contraire à l'honnêteté,
et qu'elle exposoit les gentilshommes qui avoient l'autorité et qui n'avoient pas toujours la modération,
à des tentations assez dangereuses lorsqu'il trouvoient quelques beaux sujets.
(..) (le prévenu) trouvoit que les anciennes coutumes étoient les meilleures,lorsque quelque belle villageoise alloit épouser (..) on le tenoit assez redoutable sur ce sujet "

Bob

Je ne me souvenais pas avoir déjà cité la première phrase, désolé.