Shaman a écrit :
J'ai un souvenir lointain et flou d'une phrase :"Pétain sous l'occupation, avait plus de pouvoir que Louis XIV".
Cette comparaison n'a pas assez de sens pour faire comprendre combien la monarchie même du temps de Louis XIV n'était pas aussi absolutiste qu'on ne le croit, en raison des nombreux contre-pouvoirs établis dans le pays.
Vichy était en effet une dictature personnelle, où Pétain profitant des circonstances avec l'entregent de Laval, s'était approprié rien de moins que le pouvoir constituant, qu'il exercera, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, par les pleins pouvoirs. Et en faisant prêter serment à sa personne aux magistrats, ainsi qu'en épurant la magistrature, il s'était assuré de son soutien. Il avait donc le maximum.
Louis XIV avait l'exécutif et le législatif sauf remontrances et, pour passer outre, ainsi qu'à un jugement, il devait observer la procédure du lit de justice, venir en personne, dans chaque Parlement souverain. Une lourde procédure.
Les contre-pouvoirs étaient innombrables et tenaient en partie à la complexité assez incroyable du
régime politique et administratif de l'ancien régime qui n'était pas centralisé car preque toute l'administration était dans la main de notables lointains ayant acheté leur office. Il suffit de voir le système fiscal qui remettait le sort de la monarchie au bon vouloir de fermiers et de financiers tout puissants, pour comprendre le peu de pouvoirs du roi, souverain en théorie, faible dans la réalité. Que dire aussi dans le fait que le roi ne devait pas en principe régir le droit privé et que le clergé était un pouvoir indépendant en grande partie et pourvu de ressources et de taches innombrables dont l'éducation et le secours.
L'aristocratie tenait une partie de l'administration en province. Elle pouvait résister sur la base de ses privilèges, de juridiction notamment (les parlements), de ses droits. Bien sur le Roi avait des moyens mais à chaque fois il devait discuter, menacer, prendre des mesures. Rien à voir avec une administration moderne qui est obligée d'applliquer les instructions de Paris immédiatement, ad nutum.
La comparaison du pouvoir de Louis XIV avec celui d'une démocratie parlementaire me semble plus appropriée. Prenez le régime anglais: le Premier MInistre disposant de sa majorité aux Communes, est à la fois exécutif en droit et détenteur
de facto du pouvoir législatif, un paradoxe peu relevé. On peut dire que Mme Thatcher a eu plus de pouvoir dans son premier mandat que Louis XIV empêtré dans les contre-pouvoirs et les ordres.
Voilà pourquoi les rois réformaient relativement peu au regard des nécessités de réforme. Ils ne le pouvaient,
la condition des personnes notamment leur échappait totalement.
Voyez ce pauvre Louis XVI, il avait beaucoup d'idées en tête, mais rien ne passait. Parlements et notables ont pu tout bloquer assez aisément. Même s'il avait eu plus de caractère, il n'est pas certain qu'il aurait pu faire aboutir ses projets sans un consensus minimum autour de lui. Il ne l'avait pas.
Quelques réflexions sur le sujet, au fil de la plume et bien entendu discutables.