J'ai retrouvé le fil de discussion que j'évoque plus haut.
Plantin-Moretus a écrit :
Le piège qui allait se refermer sur Fouquet n’a que peu à voir avec Vaux-le-Vicomte et se préparait depuis longtemps : en 1653, au lendemain de la Fronde, 3 personnes ont la main sur les finances : Mazarin, Fouquet et Colbert, qui est l’intendant du Cardinal. Celui-ci accumule dès cette date des faits et des chiffres contre Fouquet. En 1659, à la mort d’Abel Servien, lorsque Fouquet reste seul en poste, Colbert lance une première offensive en tentant de discréditer Fouquet aux yeux de Mazarin ; mais celui-ci n’a aucun intérêt a trop remuer les choses : formidablement enrichi, il veut avant tout garder sa fortune, et Fouquet ne fait après tout que la même chose que lui... et que Colbert.
Fouquet a rempli le trésor royal en faisant ce qu’on fait tous ses prédécesseurs : affermer l’impôt, ce qui a un double avantage : assurer des rentrées régulières et préserver le roi de l’impopularité ; de temps en temps, on dénonce le scandale des fermiers cupides, on leur fait rendre gorge, et tout repart jusqu’à la prochaine fois.
Mais en 1661, Colbert prépare un double piège : le cardinal n’est pas éternel, il est bien malade, et le grand déballage approche. Dès 1659, on l’a dit, il prend ses distances. Alors, à la mort du ministre, il convainc le roi d’ajouter Fouquet aux fermiers, en l’accusant de toutes les prévarications passées.
Pourquoi réussit-il ? Le roi n’y connaît rien en finances, et Colbert a gagné sa confiance ; de plus Fouquet l’agace car il ne tient pas compte de la déclaration du 10 mars 1661 où le roi affirme sa volonté de gouverner ; pour lui (comme pour beaucoup), ça lui passera. Le 4 mai, trois mois avant la fête, le sort de Fouquet est scellé.
La fête de Vaux-le-Vicomte, le 17 août, n’est donc pas la cause de son arrestation, c’est seulement une imprudence de plus de Fouquet, dont la candeur (plus qu’un manque de psychologie) est désarmante dans toute cette affaire. On l’incite à céder son office de procureur général, qui le protégeait quasiment de toute poursuite, il n’y voit que du feu ; on l’attire loin de Paris pour saisir ses papiers, il tombe dans le panneau. J’avoue avoir toutes les peines du monde à voir en Fouquet un comploteur, il propose même au roi de vendre Belle-Isle pour obtenir du comptant à offrir au roi, et néglige tous les avertissements pourtant nombreux de ses amis qui le mettent en garde contre Colbert. A Nantes, alors que les signes inquiétants se multiplient et qu’il peut facilement rallier Belle-Isle, il ne croit pas à son arrestation.
Même pour les travaux de Belle-Isle et la flotte de navires armés, il semble que Fouquet n’avait en vue que la mise en place d’un juteux commerce colonial ; c’est le clan Colbert (Colbert du Terron) qui insinue des visées militaires. Malheureusement pour lui, le rapprochement de ces préparatifs avec des plans écrits en vue d'une subversion de l’autorité royale l’accable, alors qu’il paraît probable qu’ils n’étaient qu’une chimère.
Les débats de la Chambre Royale de justice sont effectivement comme vous le dites un véritable déni de justice, et pourtant Fouquet prend souvent l’avantage, déstabilise la Cour et gagne même la bataille de l’opinion. Mais le roi veut sa tête... à défaut, comme vous le dites, il aggrave la peine.
Un livre sur ce personnage me parait indispensable, c'est le Fouquet de Daniel Dessert dans les bios de chez Fayard.