Aigle a écrit :
je crois tout de même que le tour à la paix sous le consulat est largement du au concordat.
Bonaparte comprit bien vite toute l’importance de la question religieuse dans le cadre de la pacification de l’Ouest.
Le 27 décembre 1799, il recevait au Luxembourg d’Andigné, l’émissaire des insurgés, accompagné d’Hyde de Neuville. Ces derniers ont rapporté dans leur Mémoires l’entretien en question :
« Le point sur lequel je devais particulièrement insister était le libre exercice de la religion catholique, sans que nos pasteurs fussent assujettis à aucun serment ni à une soumission quelconque. Quand nous en fûmes à cet article « La religion, dit-il, je la rétablirai, non pas pour vous, mais pour moi. Ce n'est pas que, nous autres nobles, nous ayons beaucoup de religion; mais elle est nécessaire pour le peuple, et je la rétablirai. »
(D’Andigné, Mémoires)
« A propos du rétablissement de la religion, le premier Consul émit quelques objections de détail sur lesquelles cependant il céda dès que M. de Talleyrand se fut prononcé dans le même sens que nous.
[…]
Du reste, il ne cessa de parler des royalistes avec estime, et des prêtres fidèles à la religion avec respect.« Moi aussi, je veux de bons prêtres », nous dit-il. (Et M. de Talleyrand était à ses côtés ! « Je veux, pour le pays, pour moi, que la religion soit respectée, protégée ;sous ce rapport, nous nous entendrons aisément. »
(Hyde de Neuville, Mémoires et Souvenirs)
Dès le lendemain, les deux arrêtés suivants étaient pris :
« Les Consuls de la République, vu l'avis motivé du Conseil d'Etat, instruits que quelques administrations, forçant le sens des lois qui constituent l'annuaire républicain, ont, par des arrêtés, ordonné que des édifices destinés au culte ne seraient ouverts que le décadi, considérant qu'aucune loi n'a autorise ces administrations à prendre de pareilles mesures, arrêtent ce qui suit.
Art. 1er. Lesdits arrêtés sont cassés et annulés.
Art. 2. Les lois relatives à la liberté des cultes seront exécutées selon leur forme et teneur.
Art. 3. Les ministres de la justice et de la police générale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois. »
« Les Consuls de la République, vu l'avis motivé du Conseil d'Etat, arrêtent ce qui suit:
Les citoyens des communes qui étaient en possession, au premier jour de l'an II, d'édifices originairement destinés à l'exercice d'un culte, continueront à en user librement sous la surveillance des autorités constituées et aux termes des lois des 11 prairial an III et 7 vendémiaire an IV, pourvu, et non autrement, que lesdits édifices n'aient point été aliénés jusqu'à présent; dans le cas de l'aliénation, les acquéreurs ne pourront être troublés ni inquiétés, sous les peines de droit.
Les ministres de la justice et de la police sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois. »
Le même jour, Bonaparte lançait cette proclamation aux habitants de l’Ouest :
« Une guerre impie menace d'embraser une seconde fois les départements de l'Ouest. Le devoir des premiers magistrats de la République est d'en arrêter les progrès et de l'éteindre dans son foyer; mais ils ne veulent déployer la force qu'après avoir épuisé les voies de la persuasion et de la justice.
[…]
Des lois injustes ont été promulguées et exécutées; des actes arbitraires ont alarmé la sécurité des citoyens et la liberté des consciences
[…]
Les Consuls déclarent encore que la liberté des cultes est garantie parla Constitution; qu'aucun magistrat ne peut y porter atteinte; qu’aucun homme ne peut dire à un autre homme : Tu exerceras un tel culte ; tu ne l'exerceras qu'un tel jour.
La loi du 11 prairial an III, qui laisse aux citoyens l'usage des édifices destines au culte religieux, sera exécutée.
[…]
Les ministres d'un Dieu de paix seront les premiers moteurs de la réconciliation et de la concorde; qu'ils parlent au cœur le langage qu'ils apprirent à l'école de leur maître; qu'ils aillent, dans les temples qui se rouvrent pour eux, offrir avec leurs concitoyens le sacrifice qui expiera les crimes de la guerre et le sang qu'elle a fait verser. »
Le lendemain, Bonaparte notifiait ses intentions à Berthier :
« Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, une proclamation et plusieurs actes du Gouvernement relatifs à la situation de la Vendée. Vous y verrez, 1e que les habitants auront le libre exercice du culte; 2e que les églises non vendues sont mises à la disposition des communes; 3° que les prêtres ne seront tenus de prêter d'autres serments que celui de fidélité à la Constitution [encore un arrêté en date du 28 décembre]; 4e que les prêtres diront la messe quand ils le voudront.
Le général Hédouville paraissait désirer, 1e qu'on leur accordât que les biens curiaux non vendus fussent destinés au salaire des prêtres; 2e qu'ils pussent faire des processions hors des églises; 3° qu'on ne dérangeât pas l'ordre des foires pour les mettre aux jours de décades.
Faites connaître au général Hédouville que ces trois objets sont impossibles à accorder, parce qu'ils ne se concilient pas avec les intérêts généraux de la République.
Le général Hédouville laissera espérer aux prêtres que, lorsque le Gouvernement sera sûr qu'ils n'emploient leur influence que pour le consolider, et qu'ils sont fidèles aux principes de l'Évangile, qui leur prescrit de ne point se mêler des affaires temporelles, il pourra alors faire davantage pour eux.
[…]
Le général Hédouville doit faire afficher et répandre la proclamation et les différents arrêtés. Il est autorisé à prendre toutes les mesures de police qu'il jugera utiles. Il pourra, s'il le croit nécessaire, convoquer des assemblées de curés et faire faire des proclamations dans le style apostolique. »
Le 30 décembre 1799, Bonaparte écrivait à d’Andigné :
« Dites donc bien à vos concitoyens que les lois révolutionnaires ne viendront plus dévaster le beau sol de la France, que la révolution est finie, que la liberté de conscience sera entière et absolue »