Drouet Cyril a écrit :
Pour revenir à l’objet de ce fil, on dit souvent, mais malheureusement sans le moindre début de démonstration, que la citation en question (qui apparaît pour la première fois dans un texte de Lénine : «Moins nombreux mais meilleurs ») aurait été prononcée par Napoléon à Sainte-hélène à l’occasion de la visite à Longwood de lord Amherst, revenant de son ambassade en Chine.
Alain Peyrefitte dans « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera » évoque l'article de Lénine en ces termes :
« Lénine a repris ce pronostic à son compte dans son dernier texte, dicté le 2 mars 1923, Moins nombreux mais meilleurs. »
Je viens de vérifier et lire l’article en question (paru dans la Pravda, le 4 mars 1923). Et force est de constater que contrairement à ce qu'affirme Peyrefitte, on n'y trouve pas les mots attribués à Napoléon, mais cette réflexion :
« L'issue de la lutte dépend finalement de ce fait que la Russie, l'Inde, la Chine, etc., forment l'immense majorité de la population du globe. Et c'est justement cette majorité de la population qui, depuis quelques années, est entraînée avec une rapidité incroyable dans la lutte pour son affranchissement ; à cet égard, il ne saurait y avoir une ombre de doute quant à l'issue finale de la lutte à l'échelle mondiale. Dans ce sens, la victoire définitive du socialisme est absolument et pleinement assurée. »
On est quand même loin de la citation dite napoléonienne.
Pas la peine donc de se référer à Lénine, d’autant plus qu’avant l’article de 1923, on avait déjà pu lire la fameuse phrase. Ainsi, trois ans plus tôt, dans le volume 65 (avril 1920) du « Bible Society Record », au sein de l’article « The Word of God in a New Form », Margaret Sangster rapporte les propos de William Ingraham Haven, de l’American Bible Society :
« Il y a longtemps, j'ai entendu un missionnaire célèbre faire un sermon sur la Chine :
« La Chine, dit-il, est un géant endormi, un géant endormi qui ne rêve même pas de sa propre force. Mais la Chine, un jour, se réveillera. Et alors le reste du monde tremblera, à moins que… »
Le missionnaire s'arrêta un instant. Et puis, tout à coup, sa voix retentit à travers la pièce :
« La Chine, dit-il, se réveillera soudainement. Et quand elle se réveillera, nous devrons envoyer nos hommes – pour essayer de la maîtriser – avec des fusils. A moins qu'on les envoie, avant qu'elle ne se réveille, avec des bibles ! » »
Reste à savoir à partir de quand cette citation a été attribuée à Napoléon. Le film des 55 jours de Pékin (sorti dix ans avant l'ouvrage de Peyrefitte avec Niven prêtant ces mots à l'Empereur) semble être une bonne piste.