Clioxviii a écrit : Ils étaient armés mais avaient besoin de poudre . Pour faire quoi en dehors justement de prendre la Bastille? Le peuple a besoin d'armes pour se révolter, pas de se révolter pour avoir des armes. Et puis ça m'étonnerait franchement que dans toutes les armureries pillées la veille, il n'y ait pas eu de poudre. Prendre une forteresse à mains nues pour lui piquer des armes ou de la poudre, ça n'a aucun sens. Ou alors si le sens c'est qu'on ne veut pas qu'elle utilise ses armes contre vous. La Bastille était bien placée pour canonner le faubourg Saint-Antoine. Vous me donnez envie d'une petite citation. Inutile de me dire que ce texte n'est plus à la mode ou qu'il est historiographiquement discutable, je le sais, mais c'est un bon contrepoison contre la morosité antirévolutionnaire ambiante. Michelet : La prise de la Bastille La Bastille, pour être une vieille forteresse, n’en était pas moins imprenable, à moins d'y mettre plusieurs jours et beaucoup d'artillerie ; le peuple n'avait en cette crise ni le temps ni les moyens de faire un siège régulier ; l’eut-il fait, la Bastille n'avait pas à craindre, ayant assez de vivres pour attendre un secours si proche et d’immenses munitions de guerre. Ses murs de dix pieds d'épaisseur eu sommet, des tours de trente ou quarante pas à la base, pouvaient rire longtemps des boulets et ses batteries à elle, dont le feu plongeait sur Paris, auraient pu, en attendant, démolir tout le Marais, tout le faubourg Saint-Antoine .Ses tours percées d'étroites croisées et meurtrières, avec doubles et triples grilles, permettaient à la garnison de faire en toute sûreté un affreux carnage des assaillants. L'attaque de la Bastille ne fut nullement raisonnable. Ce fut un acte de foi . Personne ne proposa, mais tous crurent et tous agirent. Le long des rues, des ponts, la foule criait à la foule : A la Bastille A la Bastille î"; et dans le tocsin qui sonnait, tous entendaient "A la Bastille !" Personne, je le répète, ne donna l'impulsion. . . Que se passe-t-il dans cette courte nuit où personne ne dormit, pour qu'au matin tout dissentiment, toute incertitude disparaissant avec l'ombre, ils eussent les mêmes pensées. , .. . . Là, chacun fit dans son cœur le dernier jugement du passé, chacun, afin de frapper, le condamna sans retour ; l'histoire revint, cette nuit-là, une longue histoire de souffrance, dans l’instinct vengeur du peuple. L'âme des pères qui, tant de siècles, souffrirent, moururent en silence, revint dans les fils et parla. Hommes forts, hommes patients, Jusque là si pacifiques, qui deviez frapper en ce jour, le grand jour de la Providence, la vue de vos familles sans ressource autre que vous n'amo1lit pas votre cœur. Loin de là ; regardant encore une fois vos enfants endormis, ces enfants dont ce jour allait faire la destinée, votre pensée grandie embrassa les libres générations qui sortiraient de leur berceau et sentit dans cette journée tout le combat de l'avenir . . .L'avenir et le passé firent tous deux même réponse ; tous deux, ils dirent : "Va." Et ce qui est hors du temps, hors de l'avenir et hors du passé, l'immuable Droit, le disait aussi. L'immortel sentiment du juste donna une assiette d'airain au cœur agité de l'homme ; il lui dit ; "Va paisible, que t’importe quoi qu’il arrive, mort, vainqueur, je suis avec toi..."... "La Bastille ne fut pas prise, il faut le dire, elle se livra. Sa mauvaise conscience la troubla, la rendit folle et lui fit perdre l'esprit.Jules Michelet, Histoire de la révolution française, 1868. Mes excuses aussi à ceux qui pensent que c'est de l'incompréhensible vieux français, mais cette langue aussi me repose.
_________________ Alceste
Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...
La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII
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