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Message Publié : 30 Avr 2014 16:10 
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gaete59 a écrit :
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Les nobles décident de bloquer, plutôt tout mettre par terre que de céder.

A quel moment exactement du règne ? Quels nobles ? L'entourage ? Les courtisans ? Les nobles en général ? Et "bloquer" comment ? Bloquer au moment du vote lors des EG ? Mais ce n'est pas déjà trop tard ? Vu le contexte, aucun ne songe à se poser, analyser et se dire que "bloquer" peut amener au pire car il doit exister des nobles qui ne vivent guère mieux que certains députés du Tiers ? Ils se seraient faits alors leur propre fossoyeur ?


Le blocage évoqué se passe en 1788. De nombreux historiens pensent que la Révolution a en fait commencée en 1788 par une révolution nobiliaire. Les nobles présents dans les Parlements refusent d'entériner les actes du gouvernements dont ceux destinés à lever les impôts. Le Roi, dont le gouvernement se retrouve bloqué, décide donc de convoquer les États Généraux pour passer au-dessus des parlements. On connait la suite.

Donc, "quels nobles ?", c'est tous les nobles présents dans les divers parlements. C'est la haute et basse noblesse locale via ses représentants.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 30 Avr 2014 16:49 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Merci Narduccio. :wink:
Je vais donc ressortir :
- La chute de la monarchie : 1787-1792 / M. Vovelle / Le Seuil.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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Message Publié : 30 Avr 2014 19:34 
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Georges Duby
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Annie Jourdan dans La révolution française une exception, 2004, explique bien le processus en marche en 1788, dès que Louis rappelle les Parlements sur la suggestion de Brienne qui veut un compromis.
" Dès leur retour en 1788 les magistrats entreprennent une vaste campagne d'opinion pour discréditer les nouveaux édits. Necker revient; l'assemblée des Notables énonce son 2è refus et oblige à réunir les EG.
" Cette première phase constitue pour le moins une insoumission; une révolte, voire une rebellion. Les premiers ordres du royaume s'opposaient aux volontés du roi très chrétien. Leurs récriminations avaient enflammé le royaume. ... Les Parlements sont parvenus à se la concilier (l'opinion publique) : ils se disent la voix de la nation et agissent comme s'ils en défendaient seuls les intérêts. " L'opinion elle-même est hostile."

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 30 Avr 2014 20:11 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Bon, voyons...
Il existe déjà des sujets sur Louis XVI. La question qui est posée ne peut trouver solution. A-t-il laissé des écrits ? D'aucuns étaient-ils dans sa tête ? Quid de son QI ? etc. La question est même un tantinet ahurissante. Avant "la révolution", le peuple comprenait-il la monarchie ? Comprenait-il l'absolutisme ? Avait-on des repères ? Non et des orientations ? Pas plus.
On savait ce que l'on ne voulait plus sans trop savoir quoi mettre à la place.
On évoque la politique de Louis XVI avec toujours les mêmes mots : noblesse, clergé, paysan, féodalité etc.
Qui peut dire avec exactitude sans faire le procès d'un homme, l'état de la France à ce moment ? Pire ou mieux qu'en 1715 ?
Et l'économie ? Quid du "glorieux" XVIIIème siècle ? France des villes (industrie, négociants), France des villages ? Personne n'évoque les tensions et mutations...
On prend un homme et on l'évalue. C'est facile. On peut faire dans un peu plus complexe.
Dans "La révolution française", Furet et Richet écrivent : "Des réformes ? Voici où se noue le drame. Car voilà l'époque où s'éteint la vocation réformiste de l'absolutisme royal". On ne peut imputer l'invention du concept d'absolutisme à ce tyran sanguinaire de Louis XVI, il était trop mou pour être "absolu". Trop douteux aussi. Trop humain certainement. On pourrait discuter pour savoir s'il y a eu vraiment "tournant" et dans quelles limites était "la capacité d'arbitrage" de la monarchie absolutiste avec un investissement progressif de l'Etat par des privilégiés qui en font un instrument au service de leurs intérêts de classe et le rôle des corps intermédiaires (parlements) qui se font les défenseurs de ces personnes (l'exemple le plus troublant sera lors de l'affaire du collier par exemple). Montesquieu avait annoncé le programme, à celui-ci se substitue pernicieusement une autre attaque, celle de l'idéologie bourgeoise partie en guerre pour la conquête de "ses libertés".
Entre une bourgeoisie qui veut tout de la noblesse et une noblesse qui exècre la bourgeoisie, les deux se retrouvent pour montrer le pouvoir au doigt. Que devrait faire Louis XVI ? Réconcilier les deux élites : celle du passé et celle de l'avenir, justement dans le cadre d'une "gentry" (un sujet existe) dont il aurait été le monarque "à l'anglaise". C'est lui donner une indépendance qu'il n'avait pas et une forme de gouvernement que très certainement n'aurait pas fait long feu. C'est sous estimer l'importance de l'attaque menée contre l'Ancien Régime (social et politique) par les forces montantes de la bourgeoisie.
Exit donc une bonne fois pour toutes.
On ne va pas s'attarder sur le poids d'un héritage séculaire, sur l'intercycle de régression des paysans, sur le Paris révolutionnaire, sur la montée du mouvement sectaire dans certaines villes mais on pourrait faire un bilan du serment constitutionnel (succès et échecs).
J'ai lu que d'aucun avancent des noms "Vincent, François, Paul et les autres" qui auraient pu endiguer le phénomène. C'est faire fi de ce que l'on nomme "l'absolutisme à la française" qui est très différent de ce qui se passe en Russie ou chez le propriétaire de "Sans Souci".
Exit aussi ce style de phrase qui n'a pas même l'avantage de nous faire comprendre les différences et les convergences de ces "absolutismes".
Maintenant, à coup de chiffres et autres choses non négociables, on peut évoquer Louis XVI, les évènements etc.
Dès que nous évoquerons les "nobles", il sera bon de rappeler le féodalisme sous l'Ancien Régime, l'originalité du système français (si, si, il est unique...), le réseau des droits seigneuriaux et autres joyeusetés qui porte le nom de "Lainoble". Il faudra aussi nous atteler à cette société d'ordre car pour estimer si Louis XVI pouvait ou non comprendre la révolution, il faut être bien certain de nous mêmes en savoir les tenants et les aboutissants sans noyer le tout sous un vocable.
1788 : comment est le roi ? Comment est la cour ? Que peut-on dire du gouvernement royal et de l'administration locale ? Quel est le poids du passé ? Le Tiers est représentatif de qui très exactement car ceci varie grandement d'un département à l'autre et en ceci, tout ballot qu'il est, Louis XVI n'y peut rien.
La joyeuse France des Lumières vue par Monsieur Hugo : "si je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau..." (paroles de prolétaire !). Comment comprendre une bourgeoisie voltairienne, une rousseauiste et on peut décliner pour les idéaux. Forte tout à coup, elle saura se repentir avec Taine de l'action décapante des philosophes. Faut le faire...
Le plus intéressant est le bilan de la culture dans les classes populaires : ont-elles compris la révolution ? Si non, pas plus ce qui suivra inévitablement, c'est dire...
Quel écart entre "analphabètes" et "élites" ? Les nantis du moment sont-ils bien ceux que l'on croit ? Evidemment on ressort les privilèges mais justement, les nantis du moment ne voudraient-ils pas en "croquer un peu" voir s'établir bref, ils boudent faute de particules parce-que c'est eux qui font tourner la France ? C'est eux qui conceptualisent et qui soudain commencent à se dire qu'au bout d'un moment on est en déveine d'invention, alors il vaut mieux peut-être profiter de celles que l'on possède pendant un temps, avant que ce temps ne soit révolu...
Louis XVI, comme chacun sait, pas trop adepte de rencontres dans les tavernes ou autres lieux d'échanges plus chics n'entend pas tout ceci. Autour de lui, on ne sait que "courtiser". Risque-t-il de sauter ? On adorera le prochain... Pour les "privilégiés" le roi est un pion interchangeable (idem en Russie avec les tsars excepté qu'on les interchange assez violemment et au saut du lit bien souvent ensuite le "couvent" n'étant plus assez sûr, on en termine vite : pas d'état d'âme). Ce qui crée une ambiance familiale d'enfer et les soutiens inégalables (on verra ceci avec Nicolas II mais en plus "propre" : on ne soutient plus mais on l'annonce tout de même une génération auparavant). Les heureux élus se voient donc "doublé" par des arrivés aux dents longues. Instruits tout de même de l'ambiance, ils vont vite comprendre qu'il vaut mieux courir que tenir. Ceci tiendra un certain temps. Ceci Louis XVI aurait certainement pu et le prévoir et l'annoncer. C'est peut être pour ceci qu'à l'instar d'un autre : il ne lâchera rien. Et lorsqu'il lâchera, comme d'aucun, pour garder sa place il devra alors tout donner. Il ne faut pas voir un homme obtus là où peut être était un politique qui avait compris et qui, lui, avait une descendance considérée comme "légitime". Le problème en est démultiplié.
Lorsque l'on vient de rien et que l'on retourne à rien : on peut s'accommoder ; ceci est plus difficile dans le cas de Louis XVI et pourtant, il s'accommodera et finira comme chacun le sait, non pas en se montrant en victime mais encore en espérant que la France et les Français se tirent bien de ce créneau.
On a vu le tournant du créneau et ce qui suivra avant un début de stabilité, enfin de silence lassé...
Concernant les parlements -chausse-trappes de la royauté- ce n'est pas le sujet, on ne peut se raccrocher aux branches, trop tard : le sujet est "Louis XVI et la révolution : pouvait-il la comprendre ?". Laquelle au fait ? Comment nait une "révolution" ? Il semble y avoir une pré-révolution ou une révolte aristocratique (86 à 88). On peut le lire chez Lefebvre, Mathiez, Soboul ou encore comme l'évoque Egret une Révolution des "notables" qui s'insère. On notera le vocabulaire changeant, un gros marqueur puisqu'il induit le problème de l'interprétation de la période 87/89. Mais comment structurer le désordre organisé, comment exactement trouver les causes "profondes" et les "immédiates" ? Aurait-on pu déboucher sur une révolte sans révolution par accord des notables sur un programme commun (on a vu ce qu'il en est des "programmes communs") ;) . Le véritable déclencheur fut une crise économique récupérée ensuite. Le déficit n'est pas à charge de Louis XVI, il en hérite tout comme son aïeul a hérité des ors et des caisses vidées.
La fois prochaine, il serait bon de se pencher sur ce déficit, ses chiffres avant que de nouveau accabler un Calonne trop sympa avec les notables, un Brienne trop coulant pour apaiser les mêmes. Qu'aurait-il donc fallu faire lors de l'automne 88, après les édits de Lamoignon en mai et le rappel de Necker en août ? Pourquoi le fameux "exemple dauphinois" ?

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Message Publié : 30 Avr 2014 22:08 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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gaete59 a écrit :
Il existe déjà des sujets sur Louis XVI.[...] A-t-il laissé des écrits ?
Il y en a sur Wikipedia. Ainsi, après la nuit de 4 août, le roi écrit à l'archevêque d'Arles (les gras sont de moi) ;
Louis XVI a écrit :
Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient ; c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque.
Je trouve particulièrement significatif la phrase que j'ai graissée : Louis XVI était conscient des accusations à son encontre.

Alain.g a écrit :
Louis XVI n'arrive pas à envisager une solution dure, en passant outre. Il sait les réformes à faire: une assemblée noblesse-clergé-bourgeoisie, qui vote l'impot , les lois et l'imposition des nobles et du clergé, qui est un point essentiel.
Les nobles décident de bloquer, plutôt tout mettre par terre que de céder.
Je me méfie du concept de "Réforme à faire". La période que nous vivons actuellement - si je peux me permettre le parallèle et cette incursion au-delà de la borne du forum ;) - est pleine de "réformes évidentes et nécessaires", malheureusement, personne n'a les mêmes :wink:
Il devait en être de même à l'époque. Plus que la question d'une assemblée pour voter, qui devait être abstraite pour une bonne partie du peuple, c'était la question des impôts existants -les droits féodaux - qui posait problème.
De ce côté, Louis XVI écrit une autre chose intéressante.
Louis XVI a écrit :
[i]J'invite l'Assemblée nationale à réfléchir si l'extinction du cens et des droits de lods et ventes [droits de mutation] convient véritablement au bien de l'État ; ces droits, les plus simples de tous, détournent les riches d'accroître leurs possessions de toutes les petites propriétés qui environnent leurs terres, parce qu'ils sont intéressés à conserver le revenu honorifique de leur seigneurie. Ils chercheront, en perdant ces avantages, à augmenter leur consistance extérieure par l'étendue de leurs possessions foncières ; et les petites propriétés diminueront chaque jour ; cependant il est généralement connu que leur destruction est un grand préjudice pour la culture./i]
Comme on le voit, on pouvait trouver des objections pertinentes à une opération "table rase".

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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Message Publié : 01 Mai 2014 2:24 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Nebuchadnezar a écrit :
...c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse... Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque.

Il y a l'homme et son parcours et le monarque.
Avant que d'être Louis XVI, c'est un enfant solitaire. Partout il sera celui qui n'est pas à la bonne place. Il est négligé et raillé par son aïeul car il ne prise pas le libertinage. On va donc le chercher seulement pour la chasse. Il est taiseux contrairement à ses frères, solitaire. Sa vie semble une spirale d'échecs : il n'a pas été un bon enfant puisque ses parents sont morts, il n'est pas un bon frère puisque on le laisse de côté, il n'est pas non plus un bon neveu pour ses tantes qui voient dans le mariage autrichien une erreur. Il n'est pas un bon mari. Peut-il penser être un bon père au moment où d'évidence il conclut qu'il n'a pas été un bon roi. Faut-il pour ceci que son aîné en paie le prix ? Il a déjà perdu un enfant à un moment charnière. Non, il n'est pas un bon père et la Providence vers laquelle il se tourne, lui fait soudain savoir que même là, il n'a pas su être un bon chrétien. La sanction est devant lui.

Les mots "injustice" et "faiblesse" ne peuvent avoir le même sens chez un roi lorsqu'il évoque le peuple et chez le peuple lorsqu'il évoque le roi. Là est le problème. Il voit dans les ordres des hommes aussi intègres que lui et si parfois d'aucuns se montrent faibles comment pourrait-il se montrer juge ? Lui dont les faiblesses sont impardonnables alors qu'il était "investi". Lui qui a tant de fois fermé les yeux. Il n'est plus crédible et il le sait. Il sait aussi qui va tirez les marrons du feu. Ce n'est pas tant pour les privilèges de la noblesse qu'il se bat mais parce-que sans peut être trop comprendre les aboutissants, il sent que ceci n'apportera rien.

On teste sa résistance et s'il lâche alors tout sera monnayable. Au jeu de la loi du plus fort, il ne comprend pas. Il ne peut pas comprendre, il n'a jamais été le plus fort. Personne ne le lui a jamais dit. Il n'a jamais pu faire ses preuves sur un champ de bataille ou ailleurs. On ne veut pas de lui. On veut Calonne, il donne Calonne. On veut Brienne, il donne Brienne. On veut Necker, quoi qu'il lui en coûte, il rappelle Necker. C'est la spirale sans fin. Il sent le sol se dérober et s'accroche. C'est un réflexe normal. Il est roi, il a donc un peuple à protéger. Il est homme, il a une famille à éloigner du tourment.
Autour de lui, Provence comme Artois demandent de la fermeté : ils tiennent à récupérer un trône. Le temps joue pour les autres. Vers qui se tourner ? On ne pourra que lui reprocher d'avoir été honnête à sa manière, d'avoir connu ses limites. D'autres seront plus aveugles et pourtant on verra de la grandeur dans le fait de brader le sang. A ce moment, si Louis XVI avait donné la troupe -ce qui aurait été faire reculer pour mieux tomber de toutes les manières- l'aurait-on trouvé plus "grand" ?
Citer :
Je me méfie du concept de "Réforme à faire".

En ceci l'analyse de Furet a été mise à mal. Les "réformes" sont une marotte. C'est le problème de ceux qui héritent d'un royaume gouverné trop longtemps par le même souverain. Celui qui suit, reste dans les rails et il arrive un moment où c'est trop.

Les réformes, bien sûr il y en a à faire et de nombreuses mais désormais ce ne sera que dans la forme et non le fond car le temps manque. Le fond est donc pointé au doigt par ceux qui lorgnent un pouvoir quel qu'il soit. Lorsque les "nobles" vont se sentir lâchés, ils vont se rallier à ce qui semble le plus fort. "On" prend pour un moment, tant que le besoin s'en fait sentir, ensuite on éliminera. C'est le propre de toutes les révolutions. On optimise ce dont on a besoin et ensuite à la trappe. Un nouveau monde ne peut être que créé sur de nouvelles bases donc les "assimilés" servent un moment. C'est aussi comme les extrêmes, ceux-ci servent le temps de la "balance" du pouvoir. Le but est de ne plus avoir qu'un problème en face, une faction. Ensuite on rafle la mise et l'on établit un "ordre nouveau" basé sur des "fondements nouveaux" etc. mais tout est un éternel recommencement. On ne change que la forme. La grande majorité, elle, respire et s'adapte. Puis lasse du gré, on la fait s'adapter de force. Le procédé est insidieux mais il fonctionne à chaque fois.

Vous évoquez nos jours, bien sûr il y a des réformes à faire. Personne ne peut l'ignorer et chacun de bien dire qu'il est prêt à mettre la main à la poche. Il peut le faire mais avant il s'avise que le voisin soit totalement dénudé...

Citer :
Comme on le voit, on pouvait trouver des objections pertinentes à une opération "table rase".

A la veille de la Révolution la société socio-économique dominante est la féodalité. Ceci peut paraître énorme mais les juristes de la Constituante en avaient une idée claire (complexum feudale). Tout ce qui porte sujétion privée, d'un individu à l'autre ; tout ce qui est prélèvement économique en travail, en nature ou en argent. Cette définition explosera vers 92 avec un élargissement péjoratif : le terme de "féodalité" sera associé puis substitué à ceux de "régime tyrannique", "gouvernement oppressif" et bien sûr "royauté" ("Sur la Révolution française" p. 119-134). Plus qu'un système défini par rapports de sujétion, ce terme en vient à désigner l'ensemble du système économique, social et institutionnel de l'Ancien Régime.
La "table rase" n'a servi qu'une minorité. Prenez le paysan. Il est propriétaire d'une partie non négligeable du sol, il ne subit plus la corvée que comme une charge relativement très légère. Le régime juridique de la propriété foncière exprime, dans sa diversité, cette situation intermédiaire : il n'y a plus beaucoup de "tenues serviles" mais inversement la terre libre de toute charge et de toute entrave "l'alleu" reste minoritaire : elle a reculé au nom de l'axiome "nulle terre sans seigneur".
Chez le seigneur, il existe la "réserve" et la "mouvance" sanctionnés par le paiement de redevances. La condition juridique des paysans est celle-ci : 95% de paysannerie libre. Il subsiste des serfs et des "mainmortables" (autour d'un million). Le "serf de corps" est en voie de disparition. L'ancien "vassal" est devenu "bourgeois". Il peut vendre ou transmettre par héritage, il paie des droits de mutation.
Les terres ont leur charges spécifiques. Certaines sont périodiques comme le "cens" perçu en argent et bien souvent, de ce fait, réduit par le mouvement des prix. Il n'en va pas de même pour les droits en nature calculés en fonction de la récolte (ceci peut aller du vingtième au cinquième de la récolte). A côté, il existe les droits casuels, périodiques, perçus lors des mutations. Les "lods et ventes" en font partie. Ces droits sont lourds car les "mutations" rares. Cependant en abolissant le cens et certains droits casuels ceci ne peut qu'entraîner la recherche d'autres impôts. C'est impossible, le roi ne peut aller vers un mécontentement des Grands dont il serait bien sûr la cible mais aussi les paysans. Ce chemin conduit donc à une instabilité intérieure à court terme vu le contexte du moment.
" ...En gommant les contrastes régionaux, la noblesse dispose de 20 à 25 % du terroir français, le clergé de 6 à 10 %, la bourgeoisie 30 % et les paysans de 40 à 45 %." ("La crise de l'économie française" - Labrousse).
Le "peuple" on imagine bien souvent par ce mot les "paysans" est donc loin de l'image souvent véhiculée. D'ailleurs sera-t-il le premier bénéficiaire de cette révolution autrement que dans les mots ? ;)

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Message Publié : 01 Mai 2014 12:56 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Le problème ce n'est ni le QI de Louis XVI, ni le fait qu'il ait laissé ou non des traces écrites de ses intentions et volontés supposées.

Personne ne doute que Louis XVI était un homme instruit au plus haut degré dans de multiples domaines. Ni qu'il était un homme profondément bon sur le plan humain, sur ce point en avance sur son temps mais mal taillé pour les mœurs de son époque.

Mais tous les faits historiques constituent un tel faisceau d'indices qu'il n'y a plus aucun doute sur le fait que Louis XVI n'avait pas les compétences pour exercer le métier de roi, et que son incompétence et son incapacité à tenir fermement un cap l'a empêché de contrôler un tant soit peu les événements.

Ce qui compte ce sont les faits et les résultats, et non pas les intentions affirmées ou supposées.


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Message Publié : 01 Mai 2014 13:32 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Caesar Scipio a écrit :
Mais tous les faits historiques constituent un tel faisceau d'indices qu'il n'y a plus aucun doute sur le fait que Louis XVI n'avait pas les compétences pour exercer le métier de roi, et que son incompétence et son incapacité à tenir fermement un cap l'a empêché de contrôler un tant soit peu les événements.

Ce qui compte ce sont les faits et les résultats, et non pas les intentions affirmées ou supposées.


En 1788, Louis XVI se retrouve dans une situation qu'avait connu certains de ses ancêtres : les parlements, tenus par les nobles, bloquent l'application des actes du gouvernement, dont les moyens de réforme de son mode de financement. Ses ancêtres ont réagi de 2 manières différentes. Une manière forte qui consiste à exiler ou à embastiller quelques meneurs. Ensuite, on demande aux parlements de se reprononcer sur les textes concernés. Mais, à l'époque, on se retrouve dans une situation où tout les parlements et la population nobiliaire des diverses régions semblent solidaires. Louis XVI n'est donc pas totalement sûr que ces éventuels ordres de proscription soient exécutés. Ce qui pourrait conduire à une situation telle que vécue lors de la Fronde.

Il y a eu des souverains qui ont eu recours à une seconde méthode : contourner les parlements en requérant la réunion des États Généraux. Bref, se retourner vers une instance supérieure. Ce fut un recours classique, quand la situation était bloquée avec les nobles, la royauté s'appuyait sur les bourgeois pour obtenir une union roi-peuple contre nobles. Généralement cela fonctionnait en échange de quelques libéralités envers les bourgeois.

Mais là, les bourgeois avaient pas mal de demandes de libéralisation. La société était restée figée trop longtemps et les tensions s'étaient accumulées. D'où d'ailleurs le blocage des parlements. Les nobles n'étaient pas si unis que cela, et on le verra plus tard. Certains étaient pour une libéralisation de la société, tandis que d'autres voulaient revenir à une époque où le système fonctionnait mieux.

Louis XVI se retrouve dans une situation inédite : les États-Généraux s'instituent en Assemblée souveraine et contestent son pouvoir. En fait, ce qui devait être sa bouée de sauvetage se retourne contre lui. Et il se retrouve dans l'option où il doit essayer de faire alliance avec les nobles qui contestaient son pouvoir pour essayer de restaurer le-dit pouvoir.

Effectivement, à ce moment-là, un roi à poigne ou meilleur manœuvrier aurait peut-être réussi à sortir la royauté de l'ornière. Il s'en serait sorti avec un régime parlementaire. Mais, il perd très vite de nombreux appuis. Dès le 14 juillet de nombreux nobles émigrent. Dont une bonne partie des meneurs de la fronde parlementaire. Ce sont eux les premiers perdants de la Révolution. Après, il y a le 10 août, puis tout le reste et Louis XVI a de plus en plus de mal à contrôler le cheval fougueux de la Révolution. De nombreux meneurs de la Révolution seront dans le même cas et se retrouveront à certains moments à devoir choisir entre la fuite ou la mort. Certains attendront trop longtemps et n'auront même pas le choix.

Si on ne comprend pas l'enchaînement des faits depuis 1788, on a du mal à comprendre la Révolution. Or, dans de nombreux messages, on réagit comme si la Révolution commençait le 14 juillet 1789. Du coup, on a du mal à comprendre les réactions de Louis XVI. Mais, si on remet les choses dans le contexte, elles ne sont pas si simples et il faut étudier les options que louis XVI avait à chaque fois pour voir que la situation lui échappe très tôt. Chaque fois, il essaye de trouver la réponse adaptée dans le contexte de l'époque. Par exemple, la proscription des meneurs de la fronde parlementaire ne peut réussir que si les responsables militaires, civils et judiciaires des régions concernées acceptent d’exécuter les ordres du roi. Or, dans certains cas, s'ils ne sont pas les meneurs, ils se sont clairement mis de leur coté. Et, à Versailles, dans l'entourage du roi, des conseillers semblent proches du mouvement nobiliaire. Pour faire un coup d'état, il faut des forces militaires ou policières qui obéissent aux ordres du meneur. Sur quelles forces peut s'appuyer Louis XVI en 1788 pour mettre au pas les parlements ?

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Message Publié : 01 Mai 2014 15:48 
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Georges Duby
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Si l'impot est le sujet brulant avant 1789, ce qui permet au Parlement de mettre à genoux la royauté en raison de la dette et du déficit, c'est bien une réforme de structure qui était la priorité, en mettant en place un mode nouveau de partage du pouvoir qui puisse diminuer les tensions et la crise de régime.
L'idée de structures neuves était dans l'air parmi l'élite éclairée. C'est l'ancien régime qui a donc inventé la Tabula rasa révolutionnaire, indique Furet. Il faut tout rebâtir et éliminer à cette occasion les Parlements repaires d'une noblesse qui entend imposer son pouvoir, en reconstruisant un système qui associe les classes en partant des propriétaires.
Le type même du projet opportun dans les années 80 est fourni par Du Pont de Nemours, physiocrate inspiré par les idées de Turgot. Il s'agit de mettre en place un ensemble d'assemblées représentatives de la société, celle des propriétaires, ceux qui payeront l'impôt.
Du Pont imagine une pyramide d'assemblées élues de la municipalité de paroisse à la "municipalité générale" du royaume, avec deux intermédiaires.
Chaque assemblée gère, réforme et notamment assied la fiscalité. Toutes sortes de variantes étaient possibles mais l'idée était en avance sur son temps et propre à faire repartir le régime, un régime dans lequel le roi était devenu le prisonnier de sa Cour et de sa noblesse.
Les successeurs de Turgot reprendront le système Du Pont, mais sans assemblée nationale, avec les trois ordres, sans élection. Mieux le Roi décidera la mise en place d'assemblées provinciales, montrant qu'il avait compris. Trop tard et trop timidement, sans généralisation.
Louis XVI n'était pas homme à opérer une réforme de cette importance. Il s'était démis de son pouvoir, démissionnant devant son aristocratie selon la formule de Furet.

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Message Publié : 01 Mai 2014 15:57 
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La Révolution a commencé bien insidieusement avec des réflexes humains. On voulait transmettre plus à la génération suivante. La bourgeoisie veut une place de choix, c'est elle le moteur du pays. Il arrive donc un moment où elle est en position d'imposer sa volonté et ses idées mais pour un moment, il lui faut l'aval de la noblesse et du clergé.
Les nobles n'ont que l'aura de la particule (qui faisait écumer d'envie un Voltaire). L'évolution par le haut (alphabétisation, nouvelle élite, etc) fait que "noble" est un statut et les statuts du moment sont comme leurs homonymes, un peu figés. ;)
La situation n'est donc pas tout à fait la même. Le pouvoir n'est plus craint car on "sait" décrypter désormais les schémas. On connait le pouvoir des mots face à une noblesse qui s'est sclérosée dans les plaisirs ou autres chemins obligatoires, il fut un temps puis l'obligatoire est devenu réflexe et même revendication, c'est dire si elle est bien domptée : prête à passer d'un patron à un autre. 8-|
Les nobles bloquent mais bien incapables d'offrir une autre piste. C'est donc un va et vient "parlement" / "Etat". Nous sommes toujours dans le même style...
En bloquant, c'est la stagnation et certaines choses ne peuvent plus attendre. Au juste qu'est-ce qui ne peut plus vraiment attendre ? On fait monter la pression. Il suffit par jeux de mettre la noblesse dans une situation anxiogène (perte de pouvoir, perte d'argent, vous avez les solutions ? Il suffit de bloquer et nous allons vous montrer). Quoi faire ? Arrêter les meneurs ? Mais où donc est la Fronde ? Le Parlement refuse et le temps n'est plus à embastiller un ordre qui optimise ses privilèges octroyés par la royauté pour obtenir une paix intérieure. A mais non, on est comme Scapin, cette fois c'est le maître qui, sans savoir qui tient le bâton, va goûter du rossage et compter les coups. Beaumarchais l'avait annoncé : "les maîtres n'ont que les valets qu'ils méritent et plus d'un bon maître ferait un bien mauvais valet...". On en riait à ce moment, on en rit un peu moins tout à coup. :-$
Va-t-on aller à un conflit avec la noblesse ? Sur quelles bases ? En lui demandant d'oublier ce sur quoi la royauté l'a toujours fait vivre depuis la nuit des temps ? Ce qui a été rappelé durement avec l'absolutisme : on vit de sa richesse, celle-ci est augmentée d'autant que l'on sait rester à sa place ou courtiser et voilà. Ce n'est pas le mérite qui fait l'homme mais la distinction par le roi. Un bon mot suffit. Alors pour la créativité, l'optimisation et le reste, une "classe" est là pour ceci. Cependant cette classe va devenir incontournable et être les poumons de la France. A tous les niveaux, tous les étages. Quel noble sous Louis XIV aurait pu prévoir qu'en fin de siècle le petit-fils de son paysan le plus productif allait lui montrer comment optimiser le rendement de ses terres moyennant un pourcentage, ou encore élaguer pour lui les questions juridiques, parfois se pencher sur la progéniture à particule et trouver l'origine du mal qui la fait passer de vie à trépas ?

La fête est finie, la ronde terminée et on est bien à "embrassez qui vous voudrez". On embrasse donc ses intérêts et ceux qui savent comment les faire fructifier, d'où le ministre qui est dans la visée. Celui-là même qui s'occupe des finances. Des "grandes lignes" parce-que le manque de blé ou les mauvaises récoltes ne sont pas un "problème" pour la bourgeoisie qui peut spéculer. Mais on saura se servir en temps et en heure de cette masse immense dans les départements et surtout à Paris, dernier servi à ce niveau.
Si des rouages ont coincé antérieurement, jamais il n'y a eu un faisceau ouvrant un tel boulevard à une classe "nouvelle". Le tout est de prendre le train et d'aller petit à petit vers les wagons de tête : on viendra supplier pour que la locomotive soit conduite par d'autres, sans trop réfléchir mais dans un réflexe de possession. La bourgeoisie a compris qu'une fortune est fluctuante. La noblesse reste figée dans ses acquis, sont-ils l'image d'une peau de chagrin, pas grave, on la peau... seulement dans peu de temps il ne restera plus que le chagrin... ;)

Des moments comme la Fronde où les EG sous Henri III sont autres. Il y a encore un ciment qui est l'Eglise qui se montre comme une diva récalcitrante mais qui sait où sont ses intérêts. L'appui de l'Eglise est incontournable pour faire espérer. Catherine II l'a bien compris en Russie et ceci durera longtemps ainsi.
Il suffit de lire et compter approximativement, que sortirait-il de bon d'EG ? Rien. C'est donc la dernière solution. L'Etat voit cette bourgeoisie attentiste, prête déjà à négocier ses droits, de nouveaux droits, pris à la noblesse pour faire avancer la locomotive.
Les nobles ne comprennent toujours pas de qui ils sont les otages et croient avoir la main. Le bourgeois n'en est plus à négocier des libéralités mais une liberté basée sur une refonte de l'Etat. A commencer du haut. Ce sera toujours le problème des révolutions. On préfère commencer par le haut et à force d'attendre, c'est soudain la masse qui s'exprime et c'est le débordement par le bas.
Les fronts pionniers sont les villes. Cette France des villes trahit les structures du monde qui l'a fait naitre. Qui détient les denrées revenant des îles (sucre, coton, mélasse, café etc.) ? Les ports de grands commerce (Marseille, Bordeaux, Nantes, Rouen etc.) et qui est aux manettes ? Formidable, les industries mais encore faut-il abonder. Par exemple la métallurgie pour l'essentiel au bois. Elle éparpille la foule de ses fourneaux et ateliers suivant une diagonale (Ardennes, Quercy, Périgord) mais il est d'autres pôles de la basse Normandie aux Pyrénées, un même éparpillement se retrouve dans le textile et l'industrie lainière encore prépondérante intéresse de vastes zones rurales (nord du bassin parisien, Languedoc). L'économie connait une mutation que les droits anciens ne peuvent gérer. Ajoutez à ceci un XVIIIè qui voit une poussée démographique (six millions en moins d'un siècle). Le take off peut être expliqué par l'espacement des grandes mortalités de crise qui auparavant presque tous les dix ans venait rafler les excédent cumulés de la période écoulée (Goubert : "Beauvais et Beauvaisis de 1600 à 1730"). Le flux des hommes augmente et l'économie ne "décolle" pas.
Si le roi est tant réticent pour les EG c'est qu'il a anticipé ce qui sera. Les hommes n'ont pas vocation au suicide si une autre voie peut s'ouvrir. Avant la réunion des trois ordres, Louis XVI est déjà l'otage d'une noblesse qui compte monnayer chèrement son dernier atout.
Comment le pouvoir royal sans se décrédibiliser davantage, peut refouler un état dont il a lui-même instauré les règles. On voulait une noblesse enrubannée et dansante. C'était bien avec Lully mais entre temps certains se sont penchés avec un microscope et ont bien vite montré les limites d'un tel ballet. L'accusé est le mauvais roi mais celui du moment. Va-t-on songer à vouer un Louis XIV aux gémonies, un certain temps et puis le blason se redore : on ne prête qu'aux riches.

La noblesse pouvait-elle comprendre -à l'extrémité où elle se trouvait- les rouages d'une royauté parlementaire ? Autre que leur nom, qu'ont à offrir les nobles perdus dans la flatterie et les bons mots ? Vont-ils savoir conceptualiser une monarchie parlementaire "à la française" ? Non. Faire un C/C de l'Angleterre qui a déjà su mettre au pas le benjamin d'Henry II et alléger Charles Stuart d'un tête, ceci est ancré dans le temps, c'est devenu réflexe. A tous niveaux on "pense" parlementaire depuis belle lurette.
Pour établir un chemin bâtard -en attendant mieux- là encore les bourgeois sont incontournables : pendant que l'on dansait à Versailles, une nouvelle couche sociale se créait. Le maître est dépassé, plus de lapins à sortir du chapeaux et plus de parterres pour applaudir sur ordre. Ce que les nobles ne vont pas comprendre est de dans cette nouvelle répartition, ils n'ont pas de place mais pour l'instant on va les faire marcher au virtuel.
Une Révolution est le mot que l'on met à une structuration initiée depuis déjà un certain temps. Le moment venu chacun étale ses cartes et la bourgeoisie en a dans la manche. On a laissé se déliter un pouvoir, on l'a même via la noblesse et ses demandes "saboté" pour arriver au point de non retour. Le but : se rendre incontournable puis prendre les rênes.

Le reste est ce qui accompagne ce genre de mutation : des chutes bruyantes, ciblées et représentatives, on peut décliner.

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Message Publié : 01 Mai 2014 16:23 
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Philippe de Commines
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Alain.g a écrit :
Si l'impot est le sujet brulant avant 1789

Avant d'aller outre, quels impôts évoquez-vous ? Lesquels sont les plus lourds ? Et pour quelle classe ?

Citer :
L'idée de structures neuves était dans l'air parmi l'élite éclairée.

En général un élite est éclairée mais j'ai peut être mal compris ce que vous voulez évoquer. :oops:

Citer :
C'est l'ancien régime qui a donc inventé la Tabula rasa révolutionnaire, indique Furet. Il faut tout rebâtir et éliminer à cette occasion les Parlements repaires d'une noblesse qui entend imposer son pouvoir, en reconstruisant un système qui associe les classes en partant des propriétaires.

Vous avez le passage de Furet ? La noblesse imposer quel pouvoir excepté le blocage en se montrant docile à qui offre un raisonnement nouveau à une classe figée. :rool:
Pour les exemples, il faut croire que ceci ne pouvait fonctionner même initié par un Du Pont de Nemours avec les mânes de Turgot en bandoulière.
"Assemblées représentatives" mais c'est justement aller droit à la perte de l'Etat comme Nabucco nous le montre via la confession de Louis XVI. On ne restructure pas une société à coup d'observation de boites de Pétrie ou de rêves. Pas à ce moment.
Citer :
Mieux le Roi décidera la mise en place d'assemblées provinciales,... Louis XVI n'était pas homme à opérer une réforme de cette importance. Il s'était démis de son pouvoir, démissionnant devant son aristocratie selon la formule de Furet.

Si Furet l'a dit... Voici le type même de raisonnement qui -à l'époque- vous aurait fait perdre la tête, Alain. ;) Dans quel état économique est la province ? Furet le dit ? Bref c'est un peu comme regarder une partie de squash et s'exclamer : "c'est chouette le jokari".

Citer :
Personne ne doute que Louis XVI était un homme instruit au plus haut degré dans de multiples domaines... Mais tous les faits historiques constituent un tel faisceau d'indices qu'il n'y a plus aucun doute sur le fait que Louis XVI n'avait pas les compétences pour exercer le métier de roi, et que son incompétence et son incapacité à tenir fermement un cap l'a empêché de contrôler un tant soit peu les événements...Ce qui compte ce sont les faits et les résultats, et non pas les intentions affirmées ou supposées.

Tiens, changement de braquet ? Louis XVI n'est plus le chamallow de service ?
Quels "tous les faits historiques" ? On a vu de multiples fois que des faisceaux d'indices mènent à un innocent, il suffit de les créer les indices et de les montrer outrageusement.
Un cap, quel cap ? Et à quel moment très exactement parce-qu'ensuite même les révolutionnaires les plus aguerris ne le suivront plus... le cap et pourtant ce n'est pas faute d'avoir récupéré une France qui n'en demandait pas tant... de caps : un seulement aurait suffi. J'en déduis donc que d'après vous, ceux qui ont suivi ont été tout autant inaptes et incompétents excepté au moment de faire valoir leur ego.
Je suis bien d'accord avec vous : les faits et résultats quels sont-ils sous une France en phase d'apaisement, phase nommée Directoire ? Parce-qu'ensuite ce sera une autre chanson...

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Message Publié : 01 Mai 2014 16:35 
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gaete59 a écrit :
Alain.g a écrit :
Si l'impot est le sujet brulant avant 1789

Avant d'aller outre, quels impôts évoquez-vous ? Lesquels sont les plus lourds ? Et pour quelle classe ?


Plus que leurs poids, je pense que c'est une certaine injustice. Sans aller chercher du coté des nobles, 2 paysans travaillant à quelques lieux l'un de l'autre, gagnant sensiblement la même somme pouvait fort bien payer des impôts très différents parce qu'ils étaient d'un coté différent de l'une des innombrables frontières intérieures. Il y avait une contrebande généralisée sur le sel, mais aussi sur d'autres produits.Puisque les taxations étant différentes, il pouvait être plus intéressant d'aller les vendre de l'autre coté de la frontière administrative locale.

Puis, il y a les nobles dispensés de l'impôt. A certaines période, cette dispense correspondait à une réalité. Le noble devait un service à la collectivité et la dispense d'impôt correspondait à la réalité de ce service. Mais, il y avait des nobles qui étaient dispensé de service et ils continuaient à être dispensés d'impôts ... Ce que de nombreuses personnes, de plus en plus nombreuses d'ailleurs trouvaient injuste. Très injuste.

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Message Publié : 01 Mai 2014 17:47 
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gaete59 a écrit :
Alain.g a écrit :
Si l'impot est le sujet brulant avant 1789

Avant d'aller outre, quels impôts évoquez-vous ? Lesquels sont les plus lourds ? Et pour quelle classe ?
Le sujet de la fiscalité était brulant en raison des besoins de financement d'un Roi qui ne pouvait plus face au remboursement des emprunts pour financer le budget. Brulant aussi par la vétusté d'un système compliqué, comportant de nombreuses exemptions en faveur des nobles (pas dans tous les cas), et du clergé et dernier point, un système dont le rendement ne correspondait plus à l'ampleur des besoins. Les principaux impôts directs étaient la taille et le vingtième qui étaient des impôts de répartition affermés avec une assiette imprécise.
Pour l'élite éclairée capable de discuter de réformes de structures, il est facile de comprendre qu'il s'agit de nobles et de bourgeois éclairés sur les sujets. A cette époque, on parle réformes nécessaires en permanence. Tout ministre a son projet et les controleurs financiers qui défilent sous Louis XVI, une trentaine, de même, car le système fiscal n'est plus tenable à tous égards.
Quand à Furet, c'est une référence comme une autre. J'aime citer des extraits d'auteurs précis afin d'éviter le bavardage d'ordre général. Vous pouvez citer les vôtres sans problème. C'est enrichissant dans un forum d'histoire, sinon c'est vite n'importe quoi en oubliant de se placer à l'époque en question.
Pour Furet et la tabula rasa demandée sous la fin de l'ancien régime, avec insistance, par des réformateurs, lire La Révolution I, page 44, j'ai repris presque mot à mot l'essentiel.

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Message Publié : 01 Mai 2014 21:03 
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Narduccio a écrit :
Plus que leurs poids, je pense que c'est une certaine injustice. Sans aller chercher du coté des nobles, 2 paysans travaillant à quelques lieux l'un de l'autre, gagnant sensiblement la même somme pouvait fort bien payer des impôts très différents parce qu'ils étaient d'un coté différent de l'une des innombrables frontières intérieures. Il y avait une contrebande généralisée sur le sel, mais aussi sur d'autres produits.Puisque les taxations étant différentes, il pouvait être plus intéressant d'aller les vendre de l'autre coté de la frontière administrative locale.

C'est tout à fait vrai. Il y a une économie parallèle et des régions démunies. Sur certains dessins de la France, on peut déjà voir les parlements. La France est coupée en deux. Avec l'inégalité des charges fiscales sur une autre planche on peut voir l'impopularité de la gabelle et les divisions (salines, gabelles de salines, grandes gabelles, petites gabelles, provinces rédimées etc.). Une autre planche encore montre une carte des privilèges des Frances périphériques et une autre l'irrégularité dans le découpage des diocèses. C'est proprement ahurissant.
Ceci montre aussi que les provinces côtières sont plus nanties car d'elles partent justement le commerce parallèle qui est l'addition d'une entente tacite entre la noblesse et la bourgeoisie du lieu.
C'est à ceci que l'on voit qu'au final, le fameux regroupement des "trois ordres" n'avait plus qu'à être officialisé car il fonctionnait déjà officieusement dans certains endroits.
Citer :
Mais, il y avait des nobles qui étaient dispensé de service et ils continuaient à être dispensés d'impôts ... Ce que de nombreuses personnes, de plus en plus nombreuses d'ailleurs trouvaient injuste. Très injuste.

C'est vrai. La France respire un peu cependant la Cour ne "fait pas son travail" (sous Louis XV ce fut un dérivatif). Pas de conflits, la noblesse n'est plus en rien représentative. On l'occupe donc et elle se donne la gloire qu'elle peut. Faute de fronder, elle reprend ses anciens réflexes : elle bloque en creusant par là-même sa fosse.
Alain.g. a écrit :
Le sujet de la fiscalité était brulant en raison des besoins de financement d'un Roi qui ne pouvait plus face au remboursement des emprunts pour financer le budget.

La France vit sur un déficit qui date d'avant 1715. Cependant c'est toujours le même problème, tant que les conflits amènent panache et victoires, on se tait. En ceci NB sera rattrapé de manière identique.
Citer :
Brulant aussi par la vétusté d'un système compliqué, comportant de nombreuses exemptions en faveur des nobles (pas dans tous les cas), et du clergé et dernier point, un système dont le rendement ne correspondait plus à l'ampleur des besoins.

C'est vrai. Il faut une totale refonte du système mais qui va oser l'évoquer ? Il se trouve que le souverain est tout de même "éclairé" et de plus "bon chrétien" ; c'est justement ce qu'à flairé la bourgeoisie qui a eu le temps de la Régence pour réfléchir et voir. Les "rustines" se succèdent, ce qui est enduré sous Louis XV va bloqué sous son petit-fils. Les souverains changent, mais le peuple aussi. On gonflera quelque peu l'impact des Lumières car qui lit Montesquieu, qui s'intéresse à une redistribution sinon ceux dont l'étoile monte.
Citer :
Les principaux impôts directs étaient la taille et le vingtième qui étaient des impôts de répartition affermés avec une assiette imprécise.

Etrangement pour certains départements, la fluctuation de l'assiette est une bonne chose mais d'autres s'en tiennent vraiment à une féodalité moyenâgeuse et crispée.
Citer :
A cette époque, on parle réformes nécessaires en permanence. Tout ministre a son projet et les controleurs financiers qui défilent sous Louis XVI, une trentaine, de même, car le système fiscal n'est plus tenable à tous égards

Vous êtes du vrai car une ré-forme (une forme ramenée au goût du jour) amène une autre pour la consolider etc. Il aurait fallu aller au fond mais le peuple français est-il près à ceci et quels que soient les ordres ?
La noblesse et le clergé vont passer d'un otage à l'autre. D'abord le roi, ensuite le Tiers et c'est là que l'on va vite s'apercevoir qu'il faut négocier. La noblesse n'a rien à offrir, le clergé peut combler certains déficits, il vaut mieux donc s'allier. Une fois chacun pressé, il faudra avaler la soupe à la grimace si tant est qu'il reste encore des têtes pour grimacer.
Pour mes sources, alors :
- Narduccio - P/Histoire ---> pour bien me montrer la balise temporelle sinon je pars en sucette... :P
- "Sur la Révolution française" - C. Mazauric
Rien à voir mais ceci m'a aidée :
- "La Crise de l'économie française" - E. Labrousse / "Les hiérarchies sociales" - R. Mousnier / "La société française en 1789" - R. Robin / "L'Europe des princes éclairés - L. Gershoy mais je n'ai lu pour l'instant que l'introduction de Richet :oops: des extraits de "La Révolution française" de Furet et Richet. Pour l'Angleterre, je n'ai rien pris sinon ce que je savais :oops: Pour la Russie, idem car avant Pierre le Grand, je ne comprends pas, je n'ai pas les bases. :oops: Et puis vous, pour vos pistes que j'ai essayé d'exploiter : ce n'est pas tellement honnête mais j'ai du mal avec les synthèses. :oops: Ah si quelques livres anglais. Ce sont de vieux bouquins mais j'ai l'espoir d'anticiper le train de la mutation et pour l'instant on peut marcher tranquille sur le ballast : on ne risque pas d'être distancé. C'est l'avantage du "figisme à la française"... :wink:

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Message Publié : 29 Déc 2014 15:53 
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Je souhaite relancer ce sujet pour le dévier un peu... Une question me taraude sur Louis XVI... Quel était son projet politique après les évènements des Etats- généraux ? On sait qu'il n'a accepté que tout ça à contre-coeur... Sa fuite ultérieur à Varennes en 1791 le prouve... Il a toujours louvoyé entre plusieurs factions sans attacher à aucune- Dans l'hypothèse où sa fuite à Varennes aurait réussi- quel était son projet politique ? Quel compromis voulait-il obtenir de l'assemblée ? Il devait savoir qu'un retour à la situation initiale était impossible, mais que voulait-il obtenir ?


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