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Message Publié : 30 Avr 2004 1:10 
Bonjour,
Je ne suis pas vraiment « impartial » et assurément encore moins sur ce sempiternel sujet du « génocide vendéen dans les forums de discussion » (les guillemets faisant office de pincettes)
Je ne fais donc que passer, et seulement parce que Crillon a raison de demander des références.
J’en ai choisi une parmi d’autres ; il s’agit ici de Jean-Clément Martin, spécialiste des guerres de Vendée et de la Révolution, historien de grande qualité, reconnu et respecté.
Le passage est un peu long, je le cite in extenso depuis « La Vendée et la France », 1987, au Seuil.
Puisse-t-il éclairer ceux qui connaissent mal le sujet et en freiner d’autres qui, ici ou ailleurs, aiment à en profiter.

Cordialement,
Ph. Royet.


La Vendée et la Révolution
« La compréhension de ces chiffres ne peut pas pourtant s'arrêter à ce bilan comptable, elle doit s'accompagner d'une interprétation de la guerre de Vendée dans l’ensemble de l’histoire de la Révolution. D'abord il n'est pas possible de conclure que ces décès correspondent à autant de meurtres. Aussi importantes qu'aient été les hécatombes provoquées par les terroristes à Nantes et à Angers, aussi fréquents qu'aient été les massacres perpètrés par les colonnes infernales, les unes et les autres ne peuvent pas être tenus pour responsables de la disparition d'autant d'individus. A coté des crimes qui furent commis à ces occasions, en plus des morts causées directement et indirectement par les combats, une surmortalité a été provoquée par la destruction de l’économie régionale et il y a eu, tout simplement, si l'on ose dire, une crise démographique habituelle aux populations rurales de l'Ancien Régime, sensibles aux épidémies, aux famines, aux passages des troupes, trois causes ordinaires de la mortalité que la guerre civile fait coexister avec brutalité dès 1793. Les enfants de la marquise de La Rochejaquelein, ceux de Mme de Bonchamps, pour prendre ces exemples célèbres, meurent d'épuisement et de maladie, au cours de leurs pérégrinations. Même si c'est bien l’occasion de la guerre qui entraîne ces innombrables disparitions, elles ne sont pas toutes à porter au débit de la Révolution ni à celui des terroristes, complaisamment accusés par toute une historiographie.
Ensuite, pour aussi cynique que cela puisse paraître, il convient d'apprécier le bilan démographique sur la longue durée. La saignée qui est provoquée dans l’Ouest est importante, elle n’est pas irrémédiable. La population ne disparaît pas dans les tourments, elle n'est même pas dispersée au point de perdre son unité, son identité ou ses cadres sociaux. On a vu que, bien au contraire, des 1796-1797, la société régionale trouve un équilibre et un dynamisme, autant sociaux que démographiques, qui en assurent la continuité et l’avenir. La Vendée n'a pas connu le sort de l'Arménie de 1915 ni du Cambodge de 1975. Elle a pu résister seule à la pression militaire qui pesait sur elle et elle est sortie renforcée de l’épreuve. Le préfet Dupin avait relevé que les pertes démographiques subies par les Deux-Sèvres correspondaient au gain que le département avait enregistré pendant tout le cours du XVIII° siècle. Aussi effrayant que cela puisse paraître d'un point de vue humanitaire, en terme de comptabilité il y a eu en quelque sorte disparition des intérêts sans que le capital soit écorné. Les chiffres l'attestent, la région est repeuplée, dans les années 1820-1830, à l'identique de ce qu'elle était en 1790. Même si des villages ont perdu la moitié de leurs habitants en ces trois années de guerre, il n'y a pas eu de « génocide » à l'échelle de la région.
Le terme de génocide ne convient pas pour ces raisons, ni parce qu'il n'y a pas eu volonté de détruire une population déterminée. La destruction de la Vendée, telle qu'elle a été demandée par les révolutionnaires parisiens, exécutée par les terroristes et les soldats des colonnes incendiaires, ne peut pas être assimilée aux aberrations totalitaires qui ont fleuri depuis, même si des analogies peuvent être tentées. Le passage des troupes, l’occupation d'une région avec la mise à sac du pays et les violences contre les habitants n'appartiennent pas exclusivement aux pratiques totalitaires ; elles sont usuelles bien avant la Révolution. Des exécutions militaires ont été régulièrement requises par la monarchie de l’Ancien Régime contre tous les mouvements séditieux, contre tous « les crimes d'Etat » commis par le « peuple grossier et brutal » incapable de comprendre autre chose que « le châtiment et la punition ». Des populations ont été ainsi livrées à la soldatesque à de nombreuses reprises. En Vendée les volontaires se sont conduits de la pire façon des le début des oppositions paysannes ; la répression du soulèvement de Bressuire, en août 1792, en est le meilleur exemple. Les procédés habituels, mis en oeuvre par les détenteurs des pouvoirs politiques et militaires surs de leur bon droit sur des paysans incultes, ont eu cours après 1789 comme ils avaient cours auparavant.
Restent les imprécations de Barère, de Carrier contre la Vendée et les vendéens qui ressortissent à une autre logique. La région est bien vouée a la destruction, les habitants doivent être dispersés (car l’objectif initial est d'évacuer les « bons » habitants pour isoler les réfractaires a la loi républicaine qu'il sera nécessaire de faire disparaître). Les critères retenus pour l’anéantissement ne sont pas déterminés sur des bases ethniques ou géographiques (ce que suppose la définition même du terme génocide) ; ces objectifs relèvent complètement du domaine politique et appartiennent plus précisément à ses registres symboliques. La lutte n'est pas menée contre des individus qui en groupe sont des obstacles à la prise du pouvoir. Elle est conduite contre les incarnations d'idées abstraites, contre les représentants protéiformes de la Contre-Révolution (aux vendéens, seront assimilés les républicains modérés de la région, les généraux suspects...). Elle voue à l'anéantissement physique tous les opposants à la marche de la Révolution, quels qu'ils puissent être. Dans cette dérive politique, que d'aucuns utilisèrent abusivement à leur profit, il n’est pas nécessaire de rechercher particulièrement des responsabilités jacobines ; la tentation d'assimiler les ennemis abstraits d'un régime à un regroupement d'individus désignés comme bouc émissaire s'est couramment pratiquée tout au long de l'histoire du monde. Il ne faut donc pas prendre les gesticulations révolutionnaires pour ce qu'elles ne furent point. Elles sont restées le caractère de petits groupes, elles n’ont pas eu de valeur opératoire effective : Barère comme Carrier ou Turreau furent bien incapables de définir ce qu'était un vendéen, sauf à dire qu'il s'agissait d'un opposant à la Révolution, mais sans donner des définitions identiques de la Révolution et des objectifs révolutionnaires. Si bien que d'autres révolutionnaires dénoncèrent l'imprécision des termes et réussirent à enrayer rapidement le libre cours laissé à la violence militaire en brisant la logique destructrice et en prenant le pouvoir en lieu et place des terroristes. Il est certain que la Vendée doit sa naissance, en tant que région marquée par la guerre menée par la Révolution, à la visée politique que les révolutionnaires ont eue des événements de mars 1793. Il n’est pas possible pour autant d'assimiler à un génocide causé par la Révolution - c'est-à-dire au massacre délibéré d'une population désignée dans le cours même de la Révolution - ce qui ne fut que l’outrance passagère d'un petit groupe d'hommes, greffée sur une vision manichéenne de la vie politique.
Chacun reste libre de penser ce qu'il veut de l’idéologie jacobine. Il est cependant fallacieux d'assimiler l’épisode terroriste en Vendée à l’ensemble de la Révolution, car, en comprenant encore la Révolution comme un bloc, on reproduit les mécanismes de blocage qui ont interdit de prendre conscience du désastre et qui ont provoqué une conspiration du silence facile à dénoncer. L'assimilation des disparitions à des massacres, de ceux-ci à une politique systématiquement menée par l’ensemble des révolutionnaires est une imposture ; comme l’est l’oubli (quand ce n’est pas le refus) des conséquences démographiques qui a été trop fréquent dans toute une historiographie, qui, en sens inverse, défend une révolution abusivement comprise dans une unité qu'elle n'a jamais eue. La prise de conscience du désastre, commencée en 1795, n’est pas encore achevée. »


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Message Publié : 30 Avr 2004 6:19 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Bonjour,

Je ne vous cache pas que je ne partage pas l’avis de M. Martin et me perds un peu dans sa manière de tout mélanger.
Voici ce que j’écrivais il y a plus d’un an :

« Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre des membres de ce groupe, l’un des actes suivants : atteinte volontaire à la vie, atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique… » Art. 211-1 du Code Pénal.

Si comparer les régimes totalitaires du XXe siècle à la 1ère République est un anachronisme dangereux et illusoire, définir les crimes commis en Vendée au début de l’année 1794 à la lumière de l’article susdit (et vers lequel nous renvoie d’ailleurs le Dictionnaire de l’Académie) ne l’est cependant en aucun cas. S’il est, en effet, notoire que le terme génocide est né au XXe, il n’en demeure pas moins vrai que la définition aujourd’hui reconnue ne fait aucune allusion à de quelconques conditions militaro-techno-idéologiques et se place de fait à un niveau universel dépassant largement le siècle passé.
M’appuyant sur l’universalité de la notion en question, je tenterai donc, à défaut de vous convaincre, d’apporter de l’eau au moulin de ce débat dont l’objectif, n’en déplaise à certains, est bien loin d’être vain.

L’élaboration du plan d’extermination de Turreau fut le fruit d’un long processus commencé au lendemain de l’insurrection vendéenne, le 19 mars 1793, jour à partir duquel tout brigand pris les armes à la main devait être passé par les armes dans les vingt-quatre heures.
Ce décret fut suivi par celui du 1er août suivant qui, tout en restant exceptionnel de par sa violence au regard des pratiques de l’époque, n’exigeait cependant en rien ce qui le sera en janvier 1794. Outre la destruction des brigands par le fer ou la faim et la ruine entière du pays, l’article 8 préconisait, en effet, l’évacuation des femmes, des enfants et des vieillards, frange de la population sensée étrangère (du moins directement) à la guerre.
Une telle acceptation fut progressivement combattue. Ainsi Barère affirma le 1er octobre, à la barre de la Convention : « les brigands depuis l’âge de 10 ans jusqu’à 66 sont en réquisition par la proclamation des chefs. Les femmes sont en vedette. La population entière du pays révolté est en rébellion et en armes. »
Faut-il voir ici encore une fois le fruit d’un délire rhétorique ? Il convient tout de même de préciser que cette déclaration n’est pas issue d’une énième diatribe sans conséquence directe mais d’un long rapport du Comité de salut public qui aboutit à une proclamation de la Convention à l’armée de l’Ouest exigeant l’extermination des brigands avant la fin du mois. Si la dite proclamation ne rendait pas caduc le décret du 1er août, il y avait tout de même de quoi trembler…
Pour la raison qu’en Vendée, jusqu’à la bataille de Cholet, la guerre ne laissait que peu de place à la répression, le décret du 1er août ne fut donc que très partiellement appliqué (exécutions sommaires et incendies pratiqués de façon discontinue et dans la continuité de ceux qui marquaient la Vendée depuis le mois juillet).
Au contraire, au cours de la campagne d’Outre Loire, les massacres touchèrent les insurgés sans distinction d’âge ni de sexe. Inspirées par la proclamation du 1er octobre, ces atrocités ne peuvent cependant être associées à la notion de génocide puisque aucun groupe humain n’était alors clairement visé.
Il n’y avait donc pas à cette date de plan génocidaire, seulement des lois d’une rigueur extrême. Ce dernier cependant allait naître, non pas à la Convention nationale ou au Comité de salut public, mais dans l’esprit du général Turreau. Le commandant en chef de l’armée de l’Ouest était loin d’être le seul révolutionnaire désireux d’en finir avec la Vendée par les mesures les plus terribles. Mais lui seul, au sein d’un contexte stratégique favorable, en avait véritablement les moyens : une armée.
Inspiré par les décrets précédemment décrits et par sa propre conception de l’insurrection vendéenne, Turreau lança ses Colonnes infernales avec les instructions suivantes : « Tous les brigands, qui seront pris les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises pour se révolter, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants, qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées ».
Ce plan, contrairement à ceux en vigueur à Lyon ou Toulon, était bien de nature génocidaire puisqu’il ne s’agissait plus de châtier seulement les rebelles mais de détruire tout un groupe humain dont la caractéristique identitaire était d’appartenir au pays connu sous le vocable de Vendée militaire (l’incertitude relative aux frontières de cette zone fut d’ailleurs responsable de l’incendie de bien des villages patriotes). Dans l’esprit de Turreau et de ses sbires, l’immense majorité de la population était en effet coupable sinon suspecte, ainsi, les massacres furent systématiques et n’épargnèrent pas les républicains revenus au pays. On ne traquait plus les insurgés comme pouvaient le stipuler les décrets, la chasse était ouverte à l’habitant, à un groupe humain de nature géographique.
Si la responsabilité du Comité de salut public, de par ses déclarations, sa passivité et son soutien à Turreau (soutien plus ou moins guidé d’ailleurs par l’ignorance) est grande dans la conduite des évènements évoqués, il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’a jamais explicitement ordonné de pareils agissements. Mais ce fait n’influence en rien la nature des crimes commis en Vendée. Peu importe l’origine des ordres, qu’ils soient formulés au niveau des autorités supérieures ou bien à des échelons secondaires, seul compte la volonté génocidaire et sa mise en oeuvre. En se référant continuellement à l’absence de preuves formelles dans les tiroirs de Robespierre ou consorts, on en viendrait à oublier l’évidence : les instructions données aux généraux des Colonnes infernales, le 19 janvier 1794 : un plan, un groupe humain désigné…

Salutations respectueuses.


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Message Publié : 30 Avr 2004 7:45 
Bonjour Cyril,

dites donc, vous m'épatez, là : vous aviez conservé vos messages dans les histoforums! Bravo :D ! Mais nous sommes bien d'accord, il me semble, ce qui selon vous serait de nature "génocidaire", ce sont les instructions de Turreau aux colonnes infernales, rien d'autre? La responsabilité du CSP et de la COnvention serait purement passive...
Il faut que je reprenne un peu ma documentation pour vous répondre avec précision, car je ne suis pas aussi prévoyante que vous, moi! Je n'ai rien gardé des anciens débats. Mais je vais le faire assez rapidement et je remettrai un mot. De mémoire, il me semble qu'il y a chez Turreau lui-même quelques phrases, que vous ne citez pas, destinées à "protéger" une partie de la population civile, donc à éviter que la destruction soit totale. Mais je vais vérifier.

Cordialement,
CC


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Message Publié : 30 Avr 2004 7:57 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 08 Mai 2002 9:54
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Je cite Crillon:

"Certes mais que penser alors des directives se répercutant du sommet de l'executif jusqu'à l'armée, interessant certes les combattants mais aussi les populations non combattantes et se traduisant en pratique par une politique délibéree et systématique d'annihilation ?

"Le Comité de salut public a préparé des mesures qui tendant à exterminer cette race rebelle des Vendéens, à incendier leurs forets, à couper leurs récoltes...": Même sans prendre ces mots au sens littéral du terme cela me parait être une volonté nette de la part du pouvoir révolutionnaire dirigée contre une population donnée non ?
Quand Turreau écrit à Carnot "que doit-on faire des femmes, des enfants, des suspects, des prisonniers ?"
La réponse sera "Extermine les brigands jusqu'au dernier"
Le Comité de Salut Publique encore "Combiner avec le général Turreau les moyens les plus assurés de tout exterminer de cette race de brigands"

Un autre général (Grignon) "je vous donne l'ordre immédiat de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d'être brulé et de passer au fil de la baionnette tout ce que vous rencontrez d'habitants sur votre passage. Je sais qu'il peut y avoir des patriotes dans ce pays: c'est égal nous devons tout sacrifier..."
Carrier: "Nous ferons de la France un cimetierre plutôt que de ne pas la régénerer à notre façon" Fin de citation.

Claudine Cavalier a parlé de "montage" dans sa réponse: ces déclarations ne sont-elles pas authentiques ? Serait-ce donc des faux ?Voilà un point capital à éclaircir ! 8O


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Message Publié : 30 Avr 2004 8:03 
Bonjour Crillon,

je mets un second message pour répondre à votre demande de références, sans être moi-même beaucoup plus impartiale que Philippe Royet d'ailleurs, mais bon, il faut faire avec ce qu'on a :D !

Si vous souhaitez vraiment réfléchir à la question, je vous conseillerais de lire des ouvrages de plusieurs bords, présentant des thèses différentes. Il en existe de récents, je vous donne les deux prinicipaux.
La Vendée et la France, de J.-C. Martin constitue actuellement "la " référence moderne sur la Vendée. Il est, vous l'avez compris, opposé à l'emploi du mot génocide, et à celui de la notion de crime contre l'humanité, et propose de recourir à celle de crimes de guerre, en comparant les atrocités commises en Vendée à celles que vit mettre en oeuvre la colonisation de l'Algérie, sous Louis-Philippe. C'est, à mon avis, très convaincant, à cause de la grande rigueur du traitement des faits, dont aucun n'est occulté. Philippe n'a cité que la conclusion, mais elle est précédée de centaines de pages d'études de détail précises : c'est vraiment du très beau travail.
Favorable au "crime contre l'humanité", vous avez le livre d'Alain Gérard, Par principe d'humanité, la Terreur et la Vendée (1999). Je pense pour ma part que la lecture des deux livres est très édifiante. Là, je suis peut-être partiale :D , mais Gérard ne tient pas la route face à Martin. Il ne fournit pas d'argumentation cohérente, et sa thèse d'ensemble (la destruction de la Vendée résulterait d'un plan concerté par le CSP et mis en route à partir de faux documents fabriqués pour prouver l'existence de réseaux royalistes) me paraît être un renversement très maladroit de la thèse "républicaine" qui attribuait le soulèvement vendéen à un complot. Ici, c'est le CSP qui complote pour détruire la Vendée... Comme ça n'est pas très sérieux, Gérard est obligé de procéder à des raccourcis énormes, de mettre en relation des épisodes très éloignés dans le temps, etc. A mon avis, son ouvrage, quoiqu'intéressant, est faible par sa conception d'ensemble.

Sinon, je sais qu'un thèse a été soutenue récemment, à Paris-I je crois, sur la pratique de la répression. Je vais voir si je trouve des précisions, et je remets un message.

Cordialement,
CC


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Message Publié : 30 Avr 2004 8:14 
Troisième message, pour Bruno Roy-Henry, très court cette fois-ci.

Non, ce ne sont pas des faux, personne n'a jamais dit cela. Le problème, c'est que pour montrer qu'il y a eu génocide, il faudrait montrer qu'il y a eu un plan général, élaboré au plus haut niveau, visant à détruire l'ensemble des Vendées indépendamment de toute action de leur part, ce que des citations ponctuelles, hors contexte, ne permettent pas de faire. Le CSP cherchait à détruire les "brigands", c'est-à-dire les combattants de la guerre civile, pas le reste de la population.

Pour finir, je vous prierai de bien vouloir argumenter sur une base personnelle, pas avec les messages des autres participants : on ne copie pas, SVP! :lol: :lol:
Et si ça vous est possible, évitez la polémique... Mais ça c'est plus dur, j'ai l'impression :lol:
Cordialement,
CC


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Message Publié : 30 Avr 2004 8:43 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 08 Mai 2002 9:54
Message(s) : 1923
Claudine Cavalier a écrit :
Troisième message, pour Bruno Roy-Henry, très court cette fois-ci.

Non, ce ne sont pas des faux, personne n'a jamais dit cela. Le problème, c'est que pour montrer qu'il y a eu génocide, il faudrait montrer qu'il y a eu un plan général, élaboré au plus haut niveau, visant à détruire l'ensemble des Vendées indépendamment de toute action de leur part, ce que des citations ponctuelles, hors contexte, ne permettent pas de faire. Le CSP cherchait à détruire les "brigands", c'est-à-dire les combattants de la guerre civile, pas le reste de la population.


Je suis totalement en désaccord avec vous sur la nécessité de démontrer qu'il y a eu un plan concerté au plus haut niveau pour qualifier des massacres de génocide. Ceci peut très bien s'analyser sur un plan régional en enquêtant sur l'autorité ayant les pleins pouvoirs.

Car, à ce compte-là, il n'y aurait pas de génocide arménien ! On ne retrouve pas un seul ordre formel des autorités ottomanes d'éradiquer toute la population arménienne: il y a simplement des instructions visant à la déportation des populations quel qu'en soit le prix. Mais des témoignages ont montré qu'à Istanbul, on se souciait peu des conséquences et qu'il était recommandé de faire usage de la force et de procéder à des exemples en rasant des villages entiers. Ce que les exécutants ont compris comme un blanc-seing pour avoir la main lourde (c'est un euphémisme)!

Citer :
Pour finir, je vous prierai de bien vouloir argumenter sur une base personnelle, pas avec les messages des autres participants : on ne copie pas, SVP! :lol: :lol:


Je ne vois pas en quoi il serait interdit de citer quelqu'un, Crillon, en l'occurence, du moment que la référence est explicite. N'oubliez pas que nous ne sommes pas vos élèves... (:8:)

Citer :
Et si ça vous est possible, évitez la polémique... Mais ça c'est plus dur, j'ai l'impression :lol:


La polémique pointe toujours son nez sur les sujets sensibles...Vous même n'en êtes pas exempte!


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Message Publié : 30 Avr 2004 9:33 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 24 Avr 2004 22:12
Message(s) : 10
Sans vouloir porter atteinte aux privilèges du modérateur, puis-je proposer un armistice provisoire, jusqu'à la prochaine intervention de Claudine Cavalier :
1/ en acceptant la conclusion de la citation faite par Philippe ROYET reprise de l'ouvrage cité :
<<... La prise de conscience du désastre, commencée en 1795, n’est pas encore achevée. »
2/ en essayant d'explorer les chemins qui permettraient d'achever cette "prise de conscience du désastre" ... et de sortir de notre guerre civile intellectuelle, car il faudra bien en sortir un jour ou l'autre ? Oui ou non ?
3 / je laisse au modérateur le privilège de la synthèse ...
CB


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Message Publié : 30 Avr 2004 13:24 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8170
Localisation : Provinces illyriennes
Je viens bien tard sur le sujet "vendéen", mais j'aimerais néanmoins ajouter que la mise en place de cette politque, ne visait pas que des "brigands". Le fait de brûler des villages, de déporter des populations, de rendre légal certaines "noyades" est un phénomène plus ample que le simple fait de mettre fin à du brigandage...
L'on peut me rétorquer l'impérieuse raison d'Etat, soit ! mais cela demeure quand même une série de crimes odieux contre une région entière.
Les révoltes vendéennes et fédéralistes répondaient à des sentiments, que je pense plus majoritaires dans le pays que ceux qui sévissaient dans les Comités parisiens. Je reste persuadé que ces gens-là sont allés trop loin, mais il est vrai que la guerre y a fait pour beaucoup... :cry:

duc de Raguse.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 30 Avr 2004 17:26 
Bonsoir à tous,

je remets encore un message, pour quelques précisions, puis je me retirerai un moment de la discussion, le temps de faire les vérifications annoncées ce matin, et afin de ne pas monopoliser l'espace de débat au profit d'un discours qui finirait par paraître autoritaire... Or je ne tiens pas à être confondue avec le charmant personnage qui me sert d'avatar :lol:, même s'il était moins autoritaire qu'on ne le dit parfois :wink: .

Duc de Raguse, je suis d'accord avec vous, sauf en ce qui concerne le terme de "brigand" : les révolutionnaires l'employaient au sens classique, qui est beaucoup plus fort que le sens actuel. Autre chose, je ne crois pas que les tristement célèbres noyades aient jamais été considérées comme légales. Mais que les révolutionnaires soient allés trop loin dans la répression ne fait de doute, je pense, pour personne. L'expression de "crimes odieux" pour qualifier les pratiques en Vendée me va très bien, de même que celle de "désastre" pour définir leur résultat, que souligne Charles Barbanes.

Mais le débat porte sur la notion plus délicate de "génocide", et là je maintiens mon désaccord. Bruno, je comprends votre argumentation, mais la difficulté à la mettre en oeuvre dans la pratique serait grande, dans la mesure où en Vendée, justement, personne n'avait réellement "les pleins pouvoirs"... Turreau lui-même ne les a jamais eus, contrairement à ce qu'on lit parfois.

Je précise un peu, pour finir, une des causes majeures de ma réticence devant l'emploi des termes de "génocide" ou "crimes contre l'humanité" : il faut se souvenir qu'il s'agit d'outils essentiellement juridiques, forgés dans le cadre du droit international pour qualifier et juger des crimes de notre temps. C'est à ce titre que leurs définitions sont larges, afin de laisser une marge de manoeuvre suffisante aux juridictions modernes. Mais si on essaie de les employer comme critères d'appréhension du passé, donc comme outils historiques, à mon avis on risque de confondre historiens et juges, alors même que leurs travaux se situent dans des champs entièrement différents. Le mot "génocide" peut alors être utilisé pour qualifier, selon les convictions et les tendances, de très nombreux types de massacres perpétrés au fil du temps, du herem biblique à la destruction des Indiens d'Amérique, en passant par les massacres des guerres musulmanes et les atrocités commises contre les Indiens Caraïbes... J'avoue être gênée par ce type d'usage du mot, qui marque davantage une intention moralisante (d'ailleurs bien compréhensible) que la volonté de rigueur intellectuelle que réclame l'histoire...
Mais encore une fois, je ne prétends convaincre personne.

Cordialement,
CC

PS Bruno, mon message était une blague, vous savez? Je vous taquinais. Je reconnais que mon humour est calamiteux, c'est bien pour ça que j'avais mis des smilies partout... Quant à la notion de polémique, faisons une trêve : je n'emploie plus le mot, et vous évitez la chose, d'accord? :lol:


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Message Publié : 30 Avr 2004 23:14 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 14 Avr 2003 8:06
Message(s) : 750
Localisation : N Canada / Montréal / Québec
Est-il possibe de trouver des livres impartials sur la Vendée,et si oui,pouvez-vous me donner les titres ? Sinon,donnez moi les titres des meilleures livres,selon vous,écrits sur le sujet.

_________________
Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.

F.Nietzsche


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Message Publié : 01 Mai 2004 3:29 
Pardonnez-moi d'insister, mais je pense que Jean Clément-Martin fait aujourd'hui autorité sur la question, et que ces travaux qui ne montrent aucune complaisance, ni pour l'historiographie "justificatrice" ni pour l'historiographie "anathémique", sont incontournables sur la question des guerres de Vendée.
Sincèrement je le vois aujourd'hui comme l'historien le plus "complet" sur le sujet. Il allie à son sérieux et à son talent l'avantage sur d'autres d'avoir écrit récemment, et donc d'avoir assimilé dans ses travaux les lectures (plus ou moins) modernes qui font les polémiques ou les débats (là aussi plus ou moins politiques) d'aujourd'hui.

Maintenant effectivement, le sujet étant sensible, d'un extrême à l'autre, le lecteur a un large choix et une large palette de travaux.

Faucheux, Bois, Vachon, Tilly, il faudrait tout lire. A titre personnel, je conseille, sinon Martin, le sérieux, l'érudition et l'honnêteté d'Emile Gabory, "Les guerres de Vendée", en prenant en considération le fait que son livre écrit dans les années 30 apparaît aujourd'hui un peu vieilli, mais que son mode de narration présente des facilités appréciables pour l'amateur.

Reste que le sujet est sensible par essence, qu'il offre assez naturellement prise à toutes les passions, à tous les débordements et à tous les raccourcis ; qu'à ce titre les collections documentaires (plus difficile d'accès) sont à connaître avant les analyses synthétiques. J'encourage alors la consultation d'un coté (républicain) de Chassin (Etudes documentaires sur la Rf, 11 vol, 1891-1900) et de l'autre de l'abbé Deniau (Histoire de la Vendée, 6 vol, 1876-1878).

Les Chassin sont consultables sur Gallica.

Je crois que les lecteurs doivent accorder de l'importance au fait que les guerres de Vendée offrent un plateforme idéale à des questions politiques ou idéologiques aux résonances très actuelles. Pour cette raison, par exemple, la question de savoir s'il y a eu génocide ou non en Vendée, toute candide et attachée à des thématiques historiennes qu'elle se présente être, n'est pas une question à traiter avec la légèreté qui est celle qui permet l'erreur sur le comptage des boutons de chemise des officiers des armées de l'an II.
Elle doit donc être traitée de façon rigoureuse, et dans son champ d'étude.
A ce titre le traitement de la question ne doit pas partir d'une définition juridique laissée volontairement vague (et dont Keikoz a parfaitement souligné les limites) pour adopter un jugement historique, parce que la passerelle entre les deux champs d'exploitation n'existe pas ; et parce que si elle existait, elle ne permettrait pas plus de se contenter d'une suite de présomptions (en l'occurrence comme l'a justement noté Claudine Cavalier : de citations détachées) pour conclure péremptoirement à l'issue de leur seul énoncé.
Quant aux jugements personnels qui se passent de toutes sortes de précautions ; quant à ces jugements-là qui considèrent qu'en fait on s'en fiche un peu, et que comme les guerres de Vendée ont été horribles et que des bouchers locaux ont mis en place un massacrage délibéré de tous les vendéens sur leur passage et que donc c'est un génocide, plan concerté à haut niveau ou non ; hé bien qu'il soit clair que ces raisonnements n'ont aucune valeur historique si ce n'est celle, à venir, qui permettra dans quelques années d'apprécier ce qui pouvait constituer le fonds de réflexion d'un amateur d'histoire de la Révolution en 2004.

Cordialement,
Philippe Royet.


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 Sujet du message :
Message Publié : 01 Mai 2004 8:18 
Bonjour à tous,

C’est encore moi, mais juste pour compléter en deux mots la liste fournie par Philippe, que je remercie au passage :D .

Peut-être est-il juste de signaler que les travaux de Chassin et de Gabory sont des travaux certes très honnêtes et très précis (surtout Chassin puisqu’il s’agit de recueils de documents) mais qu’ils sont engagés : Chassin en faveur des Bleus, Gabory en faveur des Blancs. Dans les deux cas l’engagement est modéré et le propos se veut rationnel. Deniau, lui, est carrément « contre-révolutionnaire », ce qui n’ôte rien à l’immense valeur de son oeuvre : c’est une irremplaçable collection de documents, à laquelle il avait consacré sa vie.

Mais dans tous les cas il s’agit de très gros ouvrages, plus analytiques que synthétiques. J’ajouterai volontiers à la liste deux ouvrages qui ont le mérite d’être courts et très objectifs : La Vendée et les Vendéens, de J.-C. Petitfrère (dans la collection Archives de chez Julliard) et le livre passionnant, et je crois authentiquement novateur de R. Dupuis, De la Révolution à la chouannerie. Je sais, c’est sur la Bretagne et pas sur la Vendée, mais... il y a des rapports entre les deux.

Cordialement,
CC


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 Sujet du message :
Message Publié : 01 Mai 2004 9:31 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Bonjour,

Engagement "modéré" de Chassin ?
Hum...hum...

Salutations respectueuses.


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 Sujet du message :
Message Publié : 01 Mai 2004 10:32 
Par rapport à Deniau ou Billaud, par exemple, oui, je maintiens "modéré". Par rapport aux approches plus modernes, évidemment il paraît très partisan. Mais il était de son temps, pas la peine de reprocher leur époque aux historiens du XIXème siècle, d'un bord comme de l'autre.

Cordialement,
CC


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