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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 10:02 
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Un échange intéressant, je ne sais pas s'il a été mentionné, est celui de Jean-Clément Martin avec Marcel Gauchet dans l'émission Répliques sur Radio France. C'est disponible en podcast et ici:
https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/robespierre


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 10:30 
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MM. Gauchet et Martin s'accordent sur le fait que Robespierre, sans être un "monstre total", porte bel et bien de lourdes responsabilités dans la tragédie qu'est la Révolution: l'avocat a demandé que Louis soit exécuté "sans jugement", a soutenu les massacres de septembre, a laissé faire et soutenu les sans-culottes en Vendée jusqu'en décembre 93, il est l'avocat qui a fait sortir les avocats des prétoires avec la loi de Prairial qui supprime l'instruction, il concentrait le contrôle entier des institutions parisiennes au Printemps 94, ce qui faisait peur à ses ennemis politiques, contre lesquels il préparait d'ailleurs une "épuration" (terme de JC Martin).

JC Clément insiste sur les points suivants:
- le climat complotiste
- la responsabilité de Tallien dans le fait de faire porter à Robespierre seul la responsabilité des massacres, le coup de génie politique de le faire passer non pour un tyran ou un despote, mais un "monstre"
- le fait que Robespierre n'était pas seul au pouvoir et n'est pas le seul responsable. Il a pendant quelques mois juste avant sa chute, eu davantage de pouvoir.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 11:43 
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Fustel de Coulanges
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Dalgonar a écrit :
a laissé faire et soutenu les sans-culottes en Vendée jusqu'en décembre 93


Il n'existe sur la question pas grand chose de concret fixé sur le papier à se mettre sous la dent.
On peut citer néanmoins quelques discours :

Discours de Robespierre aux Jacobins (8 mai 1793 ; à cette date on n'était cependant pas encore aux grandes mesures législatives et militaires) :
"Afin qu'il ne reste aucun doute sur mon système, je déclare qu'il faut non seulement exterminer tous les rebelles de la Vendée, mais encore tout ce que la France renferme de rebelles contre l'humanité et contre le peuple.
[...]
Il n'y a plus que deux partis en France, le peuple et ses ennemis. Il faut exterminer tous ces êtres vils et scélérats, qui conspireront éternellement contre les droits de l'homme et contre le bonheur de tous les peuples. Voilà l'état où nous sommes.
[...]
J'ai dit ce matin à la Convention que les patriotes de Paris iraient au devant des scélérats de la Vendée, qu'ils entraîneraient sur leur route tous leurs frères des départements, et qu'ils extermineraient tous... oui, tous les rebelles à la fois."


Discours de Robespierre aux Jacobins (12 mai 1793) :
« Exterminez les brigands de la Vendée, et que tous les tyrans disparaissent du sol de la liberté »


Discours de Robespierre à la Convention (16 juin 1793) :
« Sortez de la léthargie où vous êtes. Ecrasons tous nos ennemis. Bientôt nous serons forcés de faire lever la France entière pour détruire les rebelles de la Vendée. »


Discours de Robespierre aux Jacobins (23 juin 1793) :
« II n'y a rien de si mortel pour la patrie que de lui parler de choses inutiles et insignifiantes
[…]
Occupons-nous du soin […] d'écraser les ennemis de la Vendée. »


Proclamation du Comité de salut public aux armées (23 octobre 1793), signée par Robespierre :
« Les défenseurs de la République viennent de détruire les rebelles de la Vendée ; ils ont exterminé leurs cohortes sacrilèges. Cette terre coupable a dévoré elle-même les monstres qu'elle a produits. Le reste va tomber sous la hache populaire. »

A noter que cette proclamation était une réponse au rapport fait au Comité par Bourbotte, Turreau, Choudieu et Francastel, le 21 octobre ; missive où la guerre est dépeinte de manière effroyable et dans la droite ligne des ordres du Comité et de la Convention :
« La Convention nationale a voulu que la guerre de la Vendée fût terminée avant la fin octobre, et nous pouvons lui dire aujourd’hui qu’il n’existe plus de Vendée, encore bien que tous les rebelles ne soient pas entièrement exterminés. Une solitude profonde règne actuellement dans le pays qu’ils occupaient. On ferait beaucoup de chemin dans ces contrées avant de rencontrer un homme et une chaumière, car à l’exception de Cholet, de Saint-Florent et de quelques petits bourgs où le nombre des patriotes excédait de beaucoup les contre-révolutionnaires, nous n’avons laissé derrière nous que des cendres et des monceaux de cadavres. »


Concernant la Vendée, on peut aussi se rappeler des interventions de Robespierre dans les affaires des généraux Macé, Biron et Rossignol :
Le 23 mars 1793, Barère, au nom des Comités de défense et de sûreté générale, présenta à la Convention un projet de décret relatif aux mesures à prendre en Vendée. Les premier et troisième articles (respectivement portant sur l’envoi de nouvelles troupes et sur la rédaction d’une adresse aux habitants des zones insurgées) furent adoptés sans discussion (un quatrième article invitant le Conseil exécutif a présenter un rapport journalier sur la situation des départements touchés par la rébellion fut ajouté suite aux débats). L’article 2, lui, fut contesté. Ce dernier visait à former à la Rochelle une cour martiale chargée de juger le général Marcé qui venait d’être, quatre jours plus tôt, lourdement battu à la Guérinière. Ce fut à cette occasion, suite à la prise de parole d’Albitte qui, lui aussi rejetait le deuxième article, que Robespierre intervint :
« La trahison du général Marcé doit être jugée par le tribunal révolutionnaire, parce que je suis convaincu que les crimes commis contre la liberté, que les crimes de lèse-nation, ne peuvent être travestis en simples délits militaires. Dans les combats des citoyens, contre les citoyens révoltés dans l'intérieur, il y a autre chose que les relations des républicains avec les ennemis extérieurs ; il y a combat de la liberté contre la tyrannie ; il y a la cause de la révolution ; et un citoyen qui, sous le titre de général, se met à la tête des défenseurs de la liberté, pour les trahir, n'est pas seulement un homme coupable de délits militaires, n'est point simplement un soldat, un général, qui manque aux lois militaires, c'est un scélérat qui commet un attentat envers la patrie, c'est un citoyen qui trahit la cause de la liberté. Je vois là, enfin, un crime de lèse-majesté, un crime de lèse-nation, et j'estime que c'est suivant les principes de la République qu'il faut punir cet espèce de criminel. J'en conclus que ce n'est point par les cours militaires, mais par un tribunal civil, qu'il faut juger ceux qui ont trahi la chose publique dans le combat qui s'est engagé entre les bons citoyens et les ennemis de la liberté.
Je sais que le rapporteur du comité a pu être entraîné par les principes mêmes de la liberté. Il a pensé que la formule qu'il propose était plus expéditive ; et qu'un tribunal révolutionnaire pourrait plutôt absoudre que la cour martiale.
Je réponds que si cela est possible, c'est la faute de l'institution et non de mes principes ; c'est à nous de réformer les abus ; c'est à nous de prendre de grandes mesures. Les principes veulent que le général Marcé soit jugé ; qu'il ne soit pas réputé un soldat infidèle, mais un général coupable du crime de lèse-nation, un citoyen traître envers la patrie, traître envers la liberté. D'après cela, c'est devant le tribunal institué pour punir les crimes de lèse-nation qu'il doit être traduit. Si le tribunal ne le juge pas suivant la loi, suivant les principes de salut public, selon les principes civils, vous êtes là pour le punir : car si ce tribunal ne dirige pas l'autorité qu'on lui confie pour punir les ennemis de la liberté, il sera lui-même coupable, et c'est à vous à en faire justices. S'il n'est pas suffisant, c'est à vous enfin d'établir une autorité capable de réprimer tous les traîtres et punir tous les ennemis de la liberté.
Je m'attache donc aux principes qui sont la base de la liberté et je demande que le général Marcé soit poursuivi comme contre-révolutionnaire, coupable de haute trahison contre la liberté, et qu'il soit renvoyé au tribunal révolutionnaire instituée par vous pour punir les crimes de lèse-nation. »

L’article 2 fut finalement adopté dans les termes proposés par Barère.
Ce n’était cependant que partie remise : un mois plus tard, le 24 avril, sur proposition de Garnier de Saintes, la Convention décrétait en effet que Marcé devait jugé par le tribunal révolutionnaire. Le 11 mai, ce dernier était écroué à la prison de l’Abbaye et subit un premier interrogatoire le 26 juillet. Marcé fut finalement condamné à mort 28 janvier 1794 pour avoir « pratiqué des manœuvres tendantes à favoriser la révolte et les progrès des révoltés dans [le département de la Vendée]. »



Comme dit plus haut, Robespierre intervint également concernant le général en chef de l’armée des côtes de la Rochelle, Biron, et le subordonné de ce dernier le général sans-culotte Rossignol.

Le véritable début des déboires de Biron remontait à l’affaire qui l’opposa à Rossignol.
Le 29 juin, le général Westermann avait fait arrêter pour insubordination le général Rossignol, commandant de la 35e division de gendarmerie. Transféré ensuite à Niort, ce dernier y était emprisonné dès le lendemain sur ordre de Biron, général en chef de l’armée des côtes de la Rochelle.
Le 9 juillet suivant, la Convention était avertie de cette incarcération. Robespierre monta alors aux créneaux :
« C'est un acte arbitraire, qui ne doit plus exister dès qu'il est connu. Je demande que la Convention prononce la mise en liberté immédiate. »
L’assemblée décréta alors la libération provisoire de Rossignol et, non sans avoir proférer de véritables doutes sur la fidélité de Biron vis-à-vis de la République, renvoya au Comité de salut public l’examen de cette affaire. Celui-ci présenta son rapport, par la voix de Jeanbon Saint-André, deux jours plus tard. L’orateur y peignit un officier supérieur à la santé défaillante, état expliquant les lenteurs dont on accusait Biron relativement à la conduite des opérations. La Convention décréta alors le rappel du général en chef.
En Vendée, le même jour, les choses se compliquaient tragiquement pour le général en chef de l’armée des côtes de la Rochelle. Ainsi, Parrein, commissaire du Conseil exécutif auprès de l’armée des côtes de la Rochelle et Ronsin, adjoint du ministre de la guerre, écrivaient au Comité de salut public pour accuser Biron de trahison. L’initiative était relayée deux jours plus tard par les représentants du peuple qui déléguèrent à Paris leur collègue Choudieu. Biron y était accusé d’avoir désorganisé l’armée, d’avoir incarcéré Rossignol et de n’avoir pas mener une lutte efficace contre les insurgés.
Le décret de rappel connu, Biron quitta son commandement et fila sur Paris. Sur la route, il rencontra Rossignol ; ce dernier, suite au décret ordonnant sa libération, avait été appelé à Paris par le ministre de Guerre afin de s’expliquer ; il en revint blanchi (promu général de brigade le 12 juillet, de division dès le 15). Biron arriva à Paris le 19 juillet et écrivit de suite au Comité de salut public afin de l’avertir qu’il était prêt à rendre compte de sa conduite. Lendemain, il s’expliqua auprès du Conseil exécutif et obtint un délai pour préparer sa défense. Quelques jours plus tard, un mandat d’arrêt était malgré tout lancé contre lui et on l’enfermait à la prison de l’Abbaye.
Près d’un mois plus tard, le 3 septembre, Biron, qui avait rédigé un mémoire justificatif, écrivait à la Convention afin que sa conduite soit promptement examinée et jugée. Il lui fallut attendre encore de longs mois.
Le 25 décembre, Robespierre ; au nom du Comité de salut public, tenait ces mots :
« Le comité a remarqué que la loi n'était point assez prompte pour punir les grands coupables. Des étrangers, agents connus des rois coalisés, des généraux teints du sang des Français, d'anciens complices de Dumouriez, de Custine et de Lamarlière, sont depuis longtemps en état d'arrestation, et ne sont point jugés.
Les conspirateurs sont nombreux ; ils semblent se multiplier, et les exemples de ce genre sont rares. La punition de cent coupables obscurs et subalternes est moins utile à la liberté que le supplice d'un chef de conspiration.
Les membres du tribunal révolutionnaire, dont en général on peut louer le patriotisme et l'équité, ont eux-mêmes indiqué au comité de salut public les causes qui quelquefois entravent sa marche sans la rendre plus sûre, et nous ont demandé la réforme d'une loi qui se ressent des temps malheureux où elle a été portée. Nous vous proposerons d'autoriser le comité à vous présenter quelques changements à cet égard, qui tendront également à rendre l'action de la justice plus propice encore à l'innocence, et en même temps plus inévitable pour le crime et pour l'intrigue. Vous l'avez même déjà chargé de ce soin par un décret précédent.
Nous vous proposerons dès ce moment de faire hâter le jugement des étrangers et des généraux prévenus de conspiration avec les tyrans qui nous font la guerre. »

La Convention, en conformité avec le projet de décret présenté par Robespierre, décréta de suite la mise en jugement de Biron. Le 27 décembre, le procès s’ouvrait et, le 30, Biron était condamné à mort. Convaincu de conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, il était accusé d’avoir favorisé les rebelles en s’illustrant par une inaction coupable, en contrecarrant les plans des patriotes, en ne secourant pas des unités isolées et en divisant les forces de son armée dans le dessein de les voir périr. Biron fut exécuté le 31 décembre.


Mais revenons à Rossignol. Le 24 juillet, il avait remplacé Biron suite à la destitution de ce dernier. Ce prestigieux poste ne le protégea pas et, le 22 août, les représentants Goupilleau et Bourdon suspendaient Rossignol pour incompétence, pillages et ivrognerie.
Les affaires allèrent cependant bon train pour Rossignol. Trois jours après la suspension, les représentants Richard, Choudieu, Moulin et Reubell désignaient leur collègue Bourbotte pour se rendre auprès du Comité de salut public afin de défendre la cause de Rossignol.
Le 28 août, deux jours après l'annonce de la suspension, Bourbotte, Rossignol à ses côtés, était à la Convention. Il y accusa Goupilleau d'avoir destituer le général en chef dans le seul but de protéger des intérêts familiaux menacés par l'exécution prochaine du décret incendiaire du 1er août. Le représentant fut secondé dans son discours par Tallien qui défendit Rossignol avec véhémence. La suspension fut alors annulée et Rossignol appelé à la barre. Au terme du court discours de ce dernier, Robespierre, président, tint ces mots :
« Rossignol, on connaît ton courage, on t'a vu au feu de la Bastille ; depuis ce temps, tu as marché ferme dans le sentier étroit du patriotisme. La Convention s'est empressée de te rendre justice, elle t'invite aux honneurs de la séance. »





En outre, un fil sur Robespierre et Carrier existe ici :
viewtopic.php?f=55&t=34226

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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 12:39 
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Dalgonar a écrit :
MM. Gauchet et Martin s'accordent sur le fait que Robespierre, sans être un "monstre total", porte bel et bien de lourdes responsabilités dans la tragédie qu'est la Révolution


Je ne suis pas un spécialiste de Robespierre, même si j'ai quelques connaissances sur le sujet, pour l'avoir débroussaillé au cours de mes études, mais je trouve néanmoins votre approche très orientée, Dalgonar. Je ne sais pas ce qu'est un "monstre total", je ne considère pas que la Révolution fut une "tragédie" (mais Gueniffey serait sans doute d'accord avec vous), et il me semble que vous prenez un peu ce qui vous arrange chez MM. Gauchet et Martin, qui replacent Robespierre dans son temps, ne nient pas ses responsabilités dans la mise en oeuvre de la violence révolutionnaire, mais jugent qu'il fut plus une autorité morale, à laquelle on se référait sans cesse, qu'un homme de pouvoir ou d'appareil. Des discours, beaucoup, qui accompagnent les grands épisodes de la Révolution, comme le rappelle Drouet Cyril, pour le cas particulier de la Vendée, mais quand à déterminer leur résonance et leur impact, c'est loin d'être évident.

Souvent, il fut plus suiviste, d'ailleurs, qu'initiateur des événements. Son rôle exact dans les processus est rarement clair. Responsabilités, personne ne dira le contraire, en dehors des Robespierristes les plus exaltés. "Lourdes responsabilités", je suis moins certain.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 13:30 
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Elzevir a écrit :
je trouve (...) votre approche très orientée. Je ne sais pas ce qu'est un "monstre total", je ne considère pas que la Révolution fut une "tragédie" (mais Gueniffey serait sans doute d'accord avec vous)... (Ils) jugent qu'il fut plus une autorité morale, à laquelle on se référait sans cesse, qu'un homme de pouvoir ou d'appareil.


Les mots que vous mettez entre guillements ne sont pas mes mots et je ne sais pas si Gueniffey parle de tragédie, mais c'est tout l'intérêt de l'échange entre ces deux historiens: JC Martin, qui, lui est un spécialiste, et Gauchet prononcent bien le mot de "tragédie", au sens grec. C'est à dire que Robespierre n'y est pas un démiurge, mais un acteur, pris dans un enchaînement.

C'est JC Martin qui déconstruit le terme de "Monstre", qui se retrouve dans le titre de son ouvrage, il dit que cela vient de la manipulation de Tallien. Ce sont aussi les intervenants qui parlent de totalitarisme pour en démontrer l'anachronie, même s'il y a une même manière de manichéiser le monde entre "crime" et "vertu".

C'est très clair que Gauchet présente effectivement Robespierre comme une autorité morale, mais Martin, pas du tout. Martin au contraire dit qu'il y a une différence entre ses discours et ses actes. Il dit aussi que Robespierre était non seulement un homme de pouvoir (je ne sais pas quel historien nierait que Robespierre était un des hommes au coeur du pouvoir pendant la Terreur, ils étaient une poignée, avec leurs dissensions et luttes à mort) mais encore il va plus loin en ajoutant que Robespierre avait au printemps 94 tout l'appareil des institutions parisiennes à sa main, dont la Garde Nationale et le Tribunal Révolutionnaire, et qu'il s'apprêtait à faire une "épuration" politique. Ce projet fut avorté par sa chute. Le contexte est dressé clairement: une lutte politique à la mort entre les protagonistes.

"Réhabiliter" ou "condamner" Robespierre devrait importer bien peu aujourd'hui, en histoire. Pourtant, les réactions sur Robespierre, soit que l'on dise qu'il n'est pas responsable de la Terreur et que ce n'était ni une autorité morale (!), ni un homme politique puissant (!), soit qu'on le présente comme un dictateur (!), prouvent une chose: le titre de Marcel Gauchet est juste, Robespierre est un homme qui divise profondément aujourd'hui les familles politiques qui se disent héritières de la Révolution. Ni ange ni démon, ni falot ni tout-puissant, il est présenté par Gauchet et Martin comme un homme de son temps, un temps de guerre et de complotite aigüe.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 13:52 
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Dalgonar a écrit :
"Réhabiliter" ou "condamner" Robespierre devrait importer bien peu aujourd'hui, en histoire. Pourtant, les réactions sur Robespierre, soit que l'on dise qu'il n'est pas responsable de la Terreur et que ce n'était ni une autorité morale (!), ni un homme politique puissant (!), soit qu'on le présente comme un dictateur (!), prouvent une chose: le titre de Marcel Gauchet est juste, Robespierre est un homme qui divise profondément aujourd'hui les familles politiques qui se disent héritières de la Révolution.


Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il suffit de lire ce fil de discussion pour s'en convaincre. C'est donc une bonne chose qu'un historien et philosophe plutôt "conservateur", comme Marcel Gauchet, parvienne à évoquer cette figure clivante qu'est Robespierre en évitant les lieux communs hérités de deux siècles de légende, noire d'un côté, dorée de l'autre. Je n'ai pas encore lu son travail, par manque de temps, et je ne pourrai pas le lire avant un moment, mais à l'entendre parler, il a au moins évité toute caricature.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 15:30 
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Elzevir a écrit :
C'est donc une bonne chose qu'un historien et philosophe plutôt "conservateur", comme Marcel Gauchet

Vu de l'étranger, c'est parfois difficile à suivre, ces étiquettes "conservateur" ou "pas conservateur". Cela semble de nature à délégitimer une pensée avant de l'écouter. Est-ce l'EHESS qui est considérée comme conservatrice (Gueniffey et Gauchet sont de l'EHESS)? En tout cas dans cet entretien, je n'ai pas pas relevé de conservatisme particulier, ni dans les propos de M. Gauchet, ni dans les propos de M. Martin. Juste un échange intéressant.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 21 Nov 2018 15:49 
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Dalgonar a écrit :
Elzevir a écrit :
C'est donc une bonne chose qu'un historien et philosophe plutôt "conservateur", comme Marcel Gauchet

Vu de l'étranger, c'est parfois difficile à suivre, ces étiquettes "conservateur" ou "pas conservateur". Cela semble de nature à délégitimer une pensée avant de l'écouter. Est-ce l'EHESS qui est considérée comme conservatrice (Gueniffey et Gauchet sont de l'EHESS)? En tout cas dans cet entretien, je n'ai pas pas relevé de conservatisme particulier, ni dans les propos de M. Gauchet, ni dans les propos de M. Martin. Juste un échange intéressant.


Disons que Robespierre en France est aussi pas mal un clivage gauche et extrême-gauche/droite. Il ne s'agit pas de délégitimer une pensée, mais de relever que ce clivage existe pour comprendre une certaine historiographie, et qu'un historien de droite et un historien de gauche n'aborderont pas Robespierre de la même manière. C'est un peu le clin d'œil de M. Martin à M. Gauchet en ouverture de leur discussion, quand il le présente comme un "anti-robespierriste très robespierriste". On peut s'en fiche, mais les évolutions historiographiques sur la RF deviennent moins compréhensibles.

La façon dont la RF résonne dans le débat public aujourd'hui serait sans doute un sujet de discussion très passionnant, mais tout à fait hors sujet sur ce fil.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 26 Nov 2018 21:45 
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Elzevir a écrit :
Jerôme a écrit :
Je recommande à tous ce débat très fouillé entre Gauchet et Guenifrey sur Robespierre, l'homme, son époque et son image postérieure. À lire ici : https://www.causeur.fr/robespierre-gauc ... ise-156073


Article réservé aux abonnés, semble-t-il. Aucun des deux intellectuels n'est spécialiste de Robespierre, apportent-ils quelque chose de neuf à ce très vieux débat historiographique ?


En résumant le débat à grands traits, on pourrait avancer que les deux auteurs convergent vers l'idée d'un paradoxe ou d'un contraste qui rend la personnalité de Maximilien peu lisible.

Sur le plan des idées, il aurait été en fait relativement modéré. Son idéal était une république démocratique de petits propriétaires honnêtes et patriotes professant une religion assez vague. Finalement un projet pas très éloigné de celui des rad socs de 1900!

Sur le plan politique, il a pris soin de "coller" aux courants dominants de l'opinion parisienne , manipulant adroitement la convention, divisant ses ennemis et surtout recourant sans faiblir à la violence et à la mort pour gagner. Des méthodes aux antipodes de son idéal pacifique !

Sans oublier qu'une lecture " de droite" du personnage serait possible en insistant sur son patriotisme intransigeant et son refus de la corruption. Bref en en faisant un homme d'ordre. C'est la lecture de Bonaparte par exemple.


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 26 Nov 2018 21:57 
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Jerôme a écrit :
ans oublier qu'une lecture " de droite" du personnage serait possible en insistant sur son patriotisme intransigeant et son refus de la corruption. Bref en en faisant un homme d'ordre. C'est la lecture de Bonaparte par exemple.


viewtopic.php?f=55&t=34249

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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 22 Déc 2018 17:09 
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Une autre contribution au débat ici : https://s3.amazonaws.com/academia.edu.d ... rnemen.pdf


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 24 Déc 2018 12:56 
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Marc Bloch
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Jerôme a écrit :
Une autre contribution au débat ici : https://s3.amazonaws.com/academia.edu.d ... rnemen.pdf


Un extrait du discours de Maximilien en février 1794 qui positionne le gouvernement révolutionnaire par rapport aux concepts de Montesquieu selon lesquels la terreur est le ressort du despotisme. On pensera ce qu on veut du fond mais quel style !

« Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. [...]

On a dit que la terreur était le ressort du gouvernement despotique. Le vôtre ressemble-t-il donc au despotisme ? Oui, comme le glaive qui brille dans les mains des héros de la liberté, ressemble à celui dont les satellites de la tyrannie sont armés. Que le despote gouverne par la terreur ses sujets abrutis ; il a raison, comme despote. Domptez par la terreur les ennemis de la liberté ; et vous aurez raison, comme fondateurs de la république. Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. »


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 24 Déc 2018 15:25 
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Jean Froissart
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Jérôme a écrit :
Une autre contribution au débat ici


Votre lien que je n'ai pas recopié dans la citation ne fonctionne pas. il y a une erreur, c'est en tout as ce que nous affiche la page internet... :rool:

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 24 Déc 2018 15:32 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Oulligator a écrit :
Jérôme a écrit :
Une autre contribution au débat ici


Votre lien que je n'ai pas recopié dans la citation ne fonctionne pas. il y a une erreur, c'est en tout as ce que nous affiche la page internet... :rool:


Oui cher Jérôme...c'est agaçant ..


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 Sujet du message : Re: Maximilien de Robespierre.
Message Publié : 24 Déc 2018 18:48 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Cela dit si vous avez un compte Academia.eu, en faisant la recherche "Robespierre et la théorie du gouvernement révolutionnaire", on trouve ce qui doit être le texte (en *.pdf) mis en lien par Jérôme.

Il s'agit-je suppose- de "Construire une nouvelle catégorie politique : Robespierre et la théorie du gouvernement révolutionnaire" de Hervé Leuwers, paru dans Elsa Forey, Jean-Jacques Clère, Bernard Quiriny (dir.), La pensée constitutionnelle de Robespierre, Paris, la mémoire du droit, 2018, pp. 183-198

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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