Jerôme a écrit :
En voyant ces visages asiatiques et ces armes médiévales, je comprends mieux la surprise et la peur des contemporains ...
Fustigeant leurs crimes, Napoléon écrivait le 21 février 1814 : "Tartares du désert, qui méritent à peine le mot d'hommes".
On peut à ce sujet (même si ici les troupes cosaques ou asiatiques sont confondues avec le reste des Alliés dans le terme générique d'ennemis) la lettre du même jour adressée à Savary :
« Il y a bien peu de ressources à la police. Elle sert bien mal. Au lieu des bêtises dont chaque jour on remplit les petits journaux, pourquoi n'avez-vous pas des commissaires qui parcourent les pays d'où nous avons chassé les ennemis et recueillent les détails des crimes qu'ils y ont commis ? Il n'y aurait rien de plus fort pour animer les esprits que le récit de ces détails. Dans ce moment il nous faut des choses réelles et sérieuses, et non pas de l'esprit en prose et en vers. Les cheveux me dressent sur la tête des crimes commis par les ennemis, et la police ne pense pas à recueillir un seul de ces faits. En vérité, jamais je n'ai été plus mal servi ! Il est des habitants connus dans les communes et dont les récits exciteraient la croyance. Des juges de paix, des maires, des curés, des chanoines, des évêques, des employés, des anciens seigneurs qui écriraient ce qu'ils nous disent: voilà ce qu'il faut publier. Or, pour avoir leurs lettres, il faudrait les leur demander. Il ne faut pour tout cela ni esprit ni littérature. Des femmes de soixante ans, des jeunes filles de douze ans ont été violées par trente et quarante soldats. On a pillé, volé, saccagé et brûlé partout. On a porté le feu à la mairie dans les communes. Des soldats et des officiers russes ont dit partout sur leur passage qu'ils voulaient aller à Paris, mettre la ville en cendres après avoir enlevé tout ce qu'ils y trouveraient. Ce n'est pas en faisant un tableau général que l'on persuadera; on fait des tableaux comme on veut avec de l'encre et du papier; mais ce n'est qu'en racontant simplement les faits avec détail que l'on persuadera.
[…]
C'est alors, après que tous les détails particuliers auront été signalés, que des articles bienfaits seront d'un bon résultat. Ce seront des tableaux faits sur des éléments dont tout le monde connaîtra la vérité. Les préfets sont en général des hommes connus et estimés; ils devraient écrire au ministre de l'intérieur, et celui-ci ferait imprimer leurs lettres. »
La réaction ne se fit guère attendre, et trois jours plus tard, le Journal de l’Empire publiait cet article :
« A mesure que l'ennemi se retire nous recevons des pays qu’il a occupés les informations les plus exactes sur tous les brigandages qu'il y a exerces. Il n'est point de crimes dont il ne se soit couvert; le pillage, l'assassinat, l'incendie, ont partout signalé son passage. L'indignation est à son comble; un cri universel de vengeance s'élève : tous les peuples courent aux armes.
Depuis trois jours nous avons reçu une multitude de lettres dont les détails font frémir. À Soissons, le pillage a duré six heures; les Russes, commandés par Wintzingerode, se sont livrés à leur fureur brutale et ont rempli d épouvante une ville dont tout le crime était d'être fidèle à son prince.
La plaine se refuse à tracer les horreurs dont Château-Thierry a été le le théâtre ( voyez l'article Château-Thierry (1) ). Rien n'a pu désarmer ces monstres, dont le souvenir est à jamais écrit en caractères de sang dans les annales de cette malheureuse ville. A Vieuxmaisons, les fermes, les châteaux ont été incendiés; des vieillards ont été massacrés et des enfants égorgés jusque dans leur berceau.
Nogent, Bray et tous les villages environnants ont été pillés de fond en comble. Ce n'était point assez pour les Russes : ils ont brûlé tout ce qu'ils n'ont pu détruire. Ce triste pays offre partout l'image de la dévastation et de la mort. Des militaires qui font la guerre depuis vingt ans écrivent que jamais ils ne furent témoins de pareilles horreurs qu'ils ne concevaient pas même qu'elles fussent possibles, et que les crimes des Russes et des Prussiens vont au-delà de tout ce que l’imagination peut enfanter de plus [illisible].
Il semblait que la Belgique nouvellement française dût être un peu plus ménagée que nos anciennes provinces mais ces barbares confondent tout dans leur fureur: il suffit d’avoir de l’or pour être leur ennemi. Tout homme qu'ils peuvent voler est un ennemi à leurs yeux. A Bruxelles, l'hôtel Bellevue a été saccagé, et une grande partie des boutiques ont été pillées.
Mais c'est surtout dans le Gâtinais que Platow et ses Tartares ouf épuisé tout ce que le brigandage a de plus atroce. Ces hommes qui, d'après leurs proclamations ne font point la guerre au peuple français se sont jetés sur cette province dans un instant où elle n'était pas défendue, et toutes leurs traces y ont été marquées par le crime et la destruction. Il n'est pas un village pas une ferme qu'ils n'aient ravagés. Ils déchiraient les oreilles des femmes en arrachant violemment les petites boucles d'or qui y étaient suspendues. A Lachau, auprès de Souppes, un cultivateur ayant pris une fourche pour défendre sa fille, a été massacré sur le corps de cet enfant à peine âgée de douze ans.
Ces barbares poussaient contre la capitale des hurlements féroces ; on en a vu plusieurs mettre des cendres dans leurs mains et les jeter au vent, en criant de toutes leurs forces : Paris !
Les villes qui ont eu la faiblesse d'implorer la générosité de l'ennemi n'ont guère moins souffert que les autres. En y entrant, les chefs recommandent une discipline sévère; mais, dès le lendemain, ils exigent d'énormes contributions qu'il est absolument impossible de payer, et ils annoncent que, si elles ne sont pas acquittées sous vingt-quatre heures, la ville sera livrée au pillage pendant deux jours.
Les habitants au désespoir épuisent, leurs ressources, portent leurs bijoux, leur argenterie, mais tous leurs sacrifices ne suffisant point pour compléter la somme qui leur est imposée, le pillage commence et toutes les horreurs s'en suivent. Voilà ce que les généraux ennemis nomment exécution militaire. Enfin l'heure de la vengeance nationale arrive; un cri de victoire s'est fait entendre sur les bords de la Seine et va retentir jusqu'aux rives du Rhin. Déjà les habitants de la Brie et de la Champagne, couverts des armes des vaincus, courent sur leurs assassins et ces brigands sont frappés du fer même dont ils ont déchiré la France. Le tocsin qui sonne dans les plaines de Troye sonnera bientôt dans celles de la Lorraine et de l'Alsace d'un bout de l'Empire à l'autre, il rallie tous les Français. Qu’il soit le signal de leur délivrance et que l'ennemi ne fuie les baïonnettes de nos soldats que pour tomber sous le fer de nos habitants. Français qui n'avez point vu l'ennemi dans vos murs, apprenez par les crimes dont il s'est couvert, le sort qu'il vous réserve ̃ s'il occupe vos provinces armez vous donc pour défendre vos biens, vos familles et votre honneur. Et vous qui gémissez sous le joug de l'étranger, soyez attentifs, quand vous verrez fuir les premières colonnes de l'ennemi saisissez vos armes, achevez sa défaite avant qu'il consomme votre ruine, n'attendez pas qu'il vous arrache les derniers débris qu’il vous a laissés.
Les représailles sont de droit contre ces hordes sanguinaires; que le souvenir de leur séjour dans nos heureux climats soit empoisonné par celui des maux qu'elles y auront soufferts, et si vous ne voulez point que leurs descendants viennent encore couvrir la France de deuil et de larmes, que ceux de ces barbares qui échapperont à La mort aillent épouvanter leurs contrées du tableau de leur défaite et de la destruction de leurs armées. »
(1) voici quelques extraits de l’article en question publié le même jour
« Dès leur rentrée dans la ville les ennemis avaient commencé à la piller. Le pillage ne fit que s'accroître pendant toute la nuit du 12 au 13; il se prolongea jusqu'à neuf heures du matin moment où ils furent obligés de sortir de nos murs. Les portes de la presque totalité des maisons ont été enfoncées, soit à coups de hache soit avec des solives. Tous ceux qui se trouvaient chez eux ont été pillés dans leur mobilier et dépouillés même sur leurs personnes. Un officier ennemi a enlevé de dessus les épaules d'un de nos ecclésiastiques sa soutane et son manteau. Une multitude de personnes ont été maltraitées et battues. Un pharmacien qui ne faisait cependant pas la moindre résistance, a été jeté par terre et tellement meurtri de coups de crosse de fusil, que l'on craint pour sa vie. Son épouse a été également battue et maltraitée quoiqu'elle se bornât à implorer la commisération de ces barbares en faveur de son mari. Beaucoup d'habitants, poursuivis par la soldatesque russe et prussienne, ont évité leur brutalité en escaladant les murailles, et en allant passer la nuit dans les champs ou dans des souterrains inconnus à ces forcenés. Une fille a été outragée par quatre soldats sous les yeux de sa malheureuse mère et jetée ensuite clans un précipice où elle est restée morte. Plusieurs femmes et filles s'étaient réfugiées dans l'église paroissiale, espérant que la sainteté du lieu les mettrait à l'abri de toutes violences mais elles en ont été arrachées le dimanche 13 au matin et insultées dans le vestibule de l'église même.
Ce qui est très remarquable, c'est qu'il y avait dans Château-Thierry, comme dans bien d'autres endroits, plusieurs personnes qui, séduites par les proclamations fallacieuses des ennemis, croyaient qu'il n'y avait point à s'effrayer de leur arrivée qu'ils ne pillaient point qu'ils payaient tout argent comptant etc. etc. Ces personnes ont été pillées et maltraitées comme les autres. Aujourd'hui, cruellement désabusées, elles ne respirent que la vengeance, contre un ennemi aussi perfide et aussi cruel. »