Bonjour,
Drouet Cyril a écrit :
L'affaire espagnole (tant du point de vue militaire que politique et géopolitique) donna en effet bien du grain à moudre pour les bellicistes et revanchards autrichiens qui rongeaient leur frein depuis l'humiliation Presbourg. Pour ce qui est du Tsar (même si on resta pas en Russie indifférent à ce nouveau coup d'écalt de Napoléon), l'appétit de la France dans la péninsule ibérique pouvait rappeler que celui de Saint-Petersboug vis à vis de l'Empire ottoman était toujours aussi grand ; d'où les félicitations et la reconnaissance du nouveau roi de la part de l'allié de Tilsit, alors que Vienne, qui n'était pas dans la configuration d'une Russie pensant encore sortir de grands bénéfices des accords de 1807, fourbissait ses armes.
Telle une estafette essoufflée, j'arrive au grand galop, porteuse de nouvelles oubliées après la Bérézina.
Je reprends votre interrogation, terminée par un magnifique
qui allait bien entendu me donner du fil à retordre.
A qui donc la faute : aux deux mon capitaine, chacun essayant de son côté de plomber l'autre... J'en suis la première et émerveillée par tant de cautèle félonie des deux côtés.
Napoléon de retour à Paris :
- Histoire du Consulat à l'Empire - Eclaircissements inédits de Cambacérès d'après Thiers."
Nous fumes seuls pendant plusieurs heures. L'Empereur l'avait voulu ainsi afin de m'entretenir à loisir d'une foule d'objets... Pendant cet entretien, Napoléon me parut préoccupé de sa grandeur ; il avait l'air de se promener au milieu de sa gloire. Ce qu'il dit avec un caractère de hauteur qui me fit craindre de ne plus obtenir de lui aucun de ces ménagements délicats dont il avait lui-même reconnu la nécessité pour conduire un peuple libre ou qui veut paraitre tel..."
1809 : Napoléon sent que les rapports avec la Russie se refroidissent. Le tsar n'est en rien satisfait du traité de Vienne et s'en ouvre à Caulaincourt, s'avouant mal remercié de sa loyauté et d'avoir secondé l'Empereur pendant les négociations (rapports de Caulaincourt - Octobre 1809).
Romanzof à Caulaincourt explique que le tsar n'a pas la pleine indépendance de ses décisions :
"
... L'Empereur Napoléon et en général tout le monde chez vous se trompe sur ce pays-ci... Il croit qu'un signe du souverain peut tout faire... L'Impératrice Catherine connaissait si bien ce pays qu'elle cajolait toutes les opinions..." (Caulaincourt - Novembre 1809)
Romanzof demande un traité propre à rallier les esprits, à "nationaliser l'alliance". Caulaincourt perd un temps précieux en attente d'instructions de son Empereur.
Après la victoire de Wagram, Napoléon s'accroche à l'alliance russe car isolé et dans une perspective d'alliance "plus profonde", une union russe après un divorce déjà décidé.
Kourakine demande l'autorisation de contracter un emprunt pour la Russie : accepté !
A contrario l'attitude de l'Empereur vis à vis de la Prusse est bien plus ferme (menées de Schill et surtout entrées en masse de marchandises anglaises). Hauterive se doit d'abonder l'Empereur en analyses écrites.
On est dans une logique de paix.
Chaptal écrit dans ses "Souvenirs" : "...Quoique la France payât ses conquêtes de son sang et de ses trésors, elle était loin d'être insensible à ces succès. L'orgueil national était flatté, la nouvelle de chaque victoire reçue avec enthousiasme... Napoléon au retour des camps se retrouvait réconcilié avec l'opinion publique."
Talleyrand et Fouché goûtent du banc de touche...
Pendant qu'Alexandre tergiverse sur la possibilité d'un mariage russe (sa mère y est totalement opposée), Metternich confirme à Laborde l'éventualité d'un mariage autrichien.
La Prusse porte son armée à 42 000 hommes tout en protestant de sa bienveillance, Napoléon ne se laisse pas abuser.
Kellermann et Berthier avancent les difficultés de la guerre d'Espagne.
Caulaincourt est invité à presser le Tsar pour une réponse.
L'Espagne semble calmée après la victoire d'Ocana et la balance équilibrée entre la Russie et l'Autriche.
Paris se montre hostile à un mariage autrichien et le Tsar continue sa politique ambigüe. Pendant ce temps, balade d'Oudinot en Hollande. Napoléon se tourne vers l'Autriche et Scharwenberg se dit prêt à signer le contrat de mariage.
Napoléon fait expédier un courrier en Russie pour expliquer son choix tout en rassurant au sujet de la Pologne. Alexandre pense alors que Napoléon a changé d'alliance. Caulaincourt est consterné de voir l'effet produit par l'annonce du mariage autrichien et Napoléon se montre irrité des plaintes russes. Retour de bâton, Labouchère envoyé à Londres pour une tentative de paix se voit montrer le chemin du retour prestement. La Russie commence à revoir sa position vis à vis de l'Angleterre.
Les négociations reprennent pour la Pologne. L'emprunt russe est un échec et l'Espagne redevient mouvante.
Joseph souhaite abandonner le trône d'Espagne pendant que Bernadotte est élu par la diète suédoise. La marine d'Empire s'accroit et le tsar lutte ouvertement contre la diplomatie française. Napoléon songe alors à se servir de la Pologne.
Alexandre laisse entrer des marchandises anglaises en Russie alors que Napoléon s'évertue à faire chauffer le blocus.
La Russie intrigue à Vienne, Metternich y met un point qu'il croit final mais elle intrigue aussi à Paris, l'Empereur échange avec le tsar mais Caulaincourt demande son rappel en France.
Napoléon est empêtré en Espagne et Bernadotte accueillit en Suède où d'emblée il se montre très ambigü vis à vis de la France.
Ukase de 1810 qui frappe de droits élevés les produits français. Alexandre se prépare pour une guerre.
Il est à noter que Napoléon avec le mariage autrichien signe là la fin de l'alliance avec la Russie mais déjà bien en amont, le traité de Tilsit sitôt ratifié on peut voir les deux hommes mener des politiques diplomatiques parallèles et loin d'être convergentes.
A la question de Drouet Cyril qui demandait "
Qui fut dupe de qui ?" je ne puis répondre que là encore ce sont les évènements si simples soient-ils dont personne n'est le maître qui fossoie cette alliance avec peut être un attachement trop profond d'Alexandre aux avis de sa mère et la même chose pour Napoléon aux avis de Metternich.
La guerre d'Espagne n'est qu'une toile de fond, bien rouge certes mais tout se joue entre les deux hommes chacun se croyant dupe de l'autre car chacun mesurant l'autre à son aulne, ce qui était ma foi dans la mesure des choses et des hommes.
Un plus pour Napoléon et son union que le tsar ne verra pas venir... C'est l'Empire triomphant, le haut du capitole qui est atteint, la chute tarpéienne suivra...
Bien à vous et merci de votre interrogation qui m'a fait faire des recherches. Je ne suis pas encore bien certaine de mon jugement et j'espère de votre analyse ainsi que de celle des autres intervenants.
En espérant ne pas avoir trop plombé le lien par la longueur du post sinon je m'en excuse auprès des modérateurs.
Cordialement.
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