Les fameux « mariages républicains » apparurent sur le devant de la scène lors du procès du comité révolutionnaire de Nantes, 16 octobre 1794. Le premier témoin, le médecin Laennec fit cette déposition : « Il faut aussi vous parler du mariage républicain ; il consistait a attacher tout nu, sous les aisselles, un jeune homme à une jeune femme, et à les précipiter ainsi dans les eaux. […] Je n'ai point eu cet affreux spectacle sous les yeux: mais le citoyen Fratel, sa famille, ses voisins, attesteront la vérité du fait »
Fratel fut interrogé, mais d’après ce qu’en rapporta ensuite le Moniteur, il n’apporta aucune information sur les « mariages ».
Cependant, d’autres témoins évoquèrent ce point : Georges Thomas, officier de santé : « Vers la fin de brumaire, un batelier, nommé Perdreau, me demande une prise de tabac que je lui donne. « Je l'ai bien gagnée, me dit-il. Je Viens d'en expédier sept à huit cents. » Perdreau était ivre; alors, profilant de son état pour découvrir la vérité : « Comment donc, lui dis-je, vous y prenez-vous pour expédier tant de monde en si peu de temps ? - Rien de plus aisé, me répondit-il; lorsque je fais des baignades, je dépouille les hommes et les femmes; je les fouille, et je mets leurs vêtements dans un grand mannequin ; je les attache deux à deux par les bras et par les poignets; je les fais venir sur le bord de la Loire; ils montent deux à deux dans mon bateau ; deux hommes les poussent par derrière et les précipitent, la tête la première, dans l'eau. » Je lui observe que ces gens pouvaient nager sur le dos et se soustraire ainsi aux flots. « Nous y mêlions bon ordre, répond le batelier ; nous avons de grands bâtons avec lesquels nous les assommons; c'est ce que nous appelons le mariage civique. »
Fourrier, directeur de l’hospice révolutionnaire : « J’ai entendu parler de ces mariages qui se faisaient en attachant un vieillard et une vieille femme, et un jeune homme à une jeune fille ; on laissait pendant une demi-heure dans cette attitude ; on leur donnait des coups de sabre sur la tête, et ensuite, on les précipitait dans la Loire. »
Boutel, capitaine de navire : « ne dépose que de ouï-dire sur les noyades […] d’avoir entendu parler des mariages républicains. »
Phelippes, président du tribunal révolutionnaire de Nantes : « J'arrive à un nouveau genre de cruauté qui produira sans doute dans vos âmes le même mouvement d'indignation qu'il m'a fait éprouver ; je veux parler du mariage républicain, qui consistait à attacher un jeune homme à une jeune fille, sous les aisselles, à les garder ainsi accolés pendant une heure, et à les précipiter, dans cette situation, dans les flots, après leur avoir porté des coups de sabre sur la tête. » Finalement, Phelippes avoua qu’il n’en vait seulement « entendu parler ».
Outre ces témoignages de seconde main, on dispose également de la déposition du médecin Nicollon qui déclara avoir vu « les cadavres nus d'un homme et d'une femme, attachés ensemble, parmi les cadavres épars sur le bord du fleuve »
Les pièces n’incitent guère à rendre des conclusions définitives. L’affaire fut cependant relancée avec le procès Carrier.
Ainsi, le 11 novembre 1794, Romme présenta à la Convention le rapport de la commission des vingt-et-un : « Une foule de lettres parlent aussi de ce qu’on appelait à Nantes le mariage républicain ; il consistait à lier un jeune homme nu sur une fille, et à les précipiter ainsi dans les flots. » Le 25, l’acte d’accusation tombait : « 7e. d’avoir donné des pouvoirs illimités au nommé Lamberty, qui s’en est servi pour des noyades de prêtres, autres personnes, et pour des mariages qu’il appelait républicains, et qui consistaient à mettre nus un jeune homme et une jeune fille, les lier ensemble et les jeter ensuite à l’eau. »
Finalement, face aux doutes, les "mariages républicains" ne furent pas retenus dans le jugement final.
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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