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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 04 Juil 2015 14:05 
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Eginhard
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Je pense qu'il faudrait tout de même replacer Guillemin dans son contexte. Et dans son parcours. Quand il a fait sa remarquable conférence sur Robespierre, ce dernier était (et l'est malheureusement toujours) traité comme une caricature par des gens qui racontaient n'importe quoi.

De même, son Napoleon etait "aussi" une réaction à une apologie de l'empereur dans les ouvrages destinés au grand public cultivé. Un coup de manivelle un peu trop appuyé, sans doute, mais salutaire. Guillemin etait un érudit engagé - pas un historien académique.

On doit lire et écouter Guillemin avec du recul. Comme on doit lire Bainville avec du recul. Guillemin détestait Napoleon et a fait preuve de mauvaise fois dans son pamphlet. D'autres ont fait exactement la même chose pour louer ce "grand homme" qu'était Napoleon et n'ont pas été insultés pour autant.

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 04 Juil 2015 14:35 
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Fustel de Coulanges
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Jefferson a écrit :
Un coup de manivelle un peu trop appuyé, sans doute, mais salutaire.


La malhonnêteté n'est jamais salutaire.

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 07 Juil 2015 11:09 
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Fustel de Coulanges
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Aigle a écrit :
Quant à l'homosexualité et à la syphilis .... Aucune preuve ni aucune refférence précise.


Sans doute s’agit-il là d’une allusion à l’ouvrage du commissaire prussien Waldbourg-Truchsess (Nouvelle relation de l’itinéraire de Napoléon, de Fontainebleau à l’île d’Elbe) :
« Une circonstance que je voudrais omettre, mais que ma qualité d'historien ne me permet pas de passer sous silence, c'est que notre intimité avec l'Empereur auprès duquel nous étions sans cesse dans la même chambre, nous fit découvrir qu'il était attaqué d'une maladie galante; il s'en cachait si peu, qu'il employait en notre présence les remèdes nécessaires; et nous apprîmes de son médecin, que nous questionnâmes, qu'il en avait été attaqué à son dernier voyage à Paris. »

Charras (Histoire de la campagne de 1815) s’en est fait également l’écho :
« Nous-même, jusqu'ici, nous n'avions pas cru devoir parler, même par allusion, d'une troisième maladie, accidentelle celle-là, qui gêna, incommoda beaucoup Napoléon; mais, puisqu'on a tant de peine à admettre qu'il ait pu être malade, nous serons moins réservé dans cette note spéciale : Napoléon, au retour de l'Ile d'Elbe, avait contracté la maladie dont mourut François 1er.
M. Thiers, qui a été fort avant, dit-on, dans l'intimité de Jérôme Bonaparte, ne peut ignorer cela; car l'ancien roi de Westphalie n'en a jamais fait mystère. Il y a onze ans, notamment, il en témoignait dans deux lettres que nous avons lues et qui existent sans doute encore. »

A noter que l’ouvrage de Waldbourg-Truchsess arraiva à Sainte-Hélène. Gourgaud interrogea Bertrand sur la question (Journal de Sainte-Hélène) :
« L’affaire galante est fausse, à moins que l’on n’ait cru que l’Empereur prenait du réglisse pour cela. »

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 08 Juil 2015 10:26 
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Fustel de Coulanges
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Aigle a écrit :
Quant à l'homosexualité... Aucune preuve ni aucune refférence précise.


Là encore, Guillemin, pour étayer ses croyances, farfouille dans les poubelles des pamphlétaires...
Etonnant qu'au côté de Laugier et Gourgaud (encore un bisexuel ? :rool: ), il n'ait pas évoqué le jeune garçon que certains se plaisent à mettre dans le lit de Bonaparte en Egypte...

Et dans tout ce fatras grand-guignolesque, il n'hésite pas à nous ressortir l'inceste avec ses trois soeurs.
Il n'aurait pas fallu qu'on lui dise à l'époque, que Roustam dans ses Souvenirs, rapportait que l'Empereur prenait bien de plaisir à tirer les cygnes de Joséphine, sans quoi on aurait assurément eu droit à un petit laïus sur la zoophilie de Napoléon...

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Août 2015 15:01 
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Jean Mabillon
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Pierre Branda dans les " secrets de Napoléon " fait un sort à ses légendes propagées par Guillemin. Par exemple pour l'épilepsie (simples malaises vagaux), la maladie vénérienne ( simple recension d'urine) ou l'inceste ...


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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 15 Août 2015 17:36 
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Fustel de Coulanges
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Aigle a écrit :
Pierre Branda dans les " secrets de Napoléon " fait un sort à ses légendes propagées par Guillemin. Par exemple pour l'épilepsie (simples malaises vagaux)


On trouve trace d’une « crise » dans « Le journal du voyage à Mayence » de Mme Vaudey de Vellexon, dame du Palais :
« Coblentz, 10 septembre [1804 ; à noter que Napoléon à cette date est à Aix-la-Chapelle et n’arrivera à Coblence que le 17]
Il paraît que Napoléon a eu cette nuit, une attaque violente de la maladie de nerfs ou d’épilepsie à laquelle il est sujet. Il a été longtemps très incommodé, avant que Joséphine, qui occupait la même chambre, ait osé demander du secours ; mais enfin, cet état de souffrance se prolongeant, elle a voulu avoir de la lumière. Roustam, qui couche toujours à la porte de l’Empereur, dormait si profondément qu’elle n’a pas pu le réveiller. L’appartement du préfet était si éloigné du luxe, qu’on n’y trouve pas même les objets de simple commodité. Il n’y avait pas une sonnette ; les valets de chambre étaient logés fort loin, et Joséphine, à moitié nue, a été obligée d’aller entrouvrir la porte de l’aide de camp de service, pour avoir de la lumière. Le général Rapp, un peu étonné de cette visite nocturne, lui en a donné ; et, après plusieurs heures d’angoisse, cette attaque s’est calmée.
Napoléon a défendu à Joséphine de dire un seul mot de son incommodité. Aussi a-t-elle imposé le secret à tous ceux ou celles auxquels elle l’a racontée ce matin. »

Constant, qui a retranscrit ce passage dans ses Mémoires, fait ce commentaire :
"Jamais l’empereur n’a été sujet à des attaques d’épilepsie : c’est encore là une de ces histoires dont on a tant débité sur son compte."


Une autre supposée (et fort douteuse) crise a été rapportée par Lewis Goldsmith, ex-interprète près les Cours de Justice et le Conseil des prises de Paris (Histoire secrète du cabinet de Napoléon Bonaparte et de la Cour de Saint-Cloud):
« Il y a quatre ans que mademoiselle Georges Weymar, célèbre actrice du Théâtre Français, passant la nuit avec Buonaparté à Saint-Cloud , le héros eut une attaque d'épilepsie. Mademoiselle Georges somma, appela à grands cris du secours ; toutes Ies personnes de service, et la bonne Joséphine, accoururent. Quand le tyran recouvra l'usage de ses sens, la première question qu'il fit fut comment l'impératrice et les gens de service se trouvaient dans sa chambre. Quand il sut qu'ils étaient venus aux cris de mademoiselle Georges , il se précipita sur elle, la battit outrageusement, et la jeta à la porte à demi-nue. Le lendemain elle eut ordre de quitter Paris, et partit pour Pétersbourg, où elle est encore. Buonaparté fit dire par les journaux français qu'elle avait décampé de Paris, déguisée en homme. »
Il convient de rappeler, qu’en vérité, Mlle George, couverte de dettes, quitta Paris pour rejoindre Benckendorff, qui, dit-on, lui avait promis le mariage avant de quitter la capitale.


Il y a également les Mémoires Talleyrand :
« Un accident de santé qu’eut l’empereur au début de cette campagne m’effraya singulièrement. Le jour même de son départ de Strasbourg [1er octobre 1805], j’avais dîné avec lui ; en sortant de table, il était entré seul chez l’impératrice ; au bout de quelques minutes il en sortit brusquement ; j’étais dans le salon, il me prit par le bras et m’amena dans sa chambre. M. de Rémusat, premier chambellan, qui avait quelques ordres à lui demander, et qui craignait qu’il ne partît sans les lui donner, y entra en même temps. A peine y étions-nous que l’empereur tomba par terre. Il n’eut que le temps de me dire de fermer la porte. Je lui arrachai sa cravate parce qu’il avait l’air d’étouffer. Il ne vomissait point, il gémissait et bavait. M. de Rémusat lui donnait de l’eau, je l’inondais d’eau de Cologne. Il avait des espèces de convulsions qui cessèrent au bout d’un quart d’heure. Nous le mîmes dans un fauteuil. Il commença à parler, se rhabilla, nous recommanda le secret et une demi-heure après, il était sur le chemin de Carlsruhe. »


Mais de là à parler d’épilepsie, il y a un pas que je ne suis certainement pas prêt de franchir…

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 01 Juin 2016 19:19 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Bonjour,

Je viens de découvrir M. Guillemin. Jusqu'ici, jamais entendu parler je l'avoue.
J'y suis arrivé par un lien proposé concernant Robespierre.
J'ai écouté, je n'ai trouvé de nouveau ou de bouleversant bref, un condensé de la vie et des idées et idéaux de Robespierre. J'ai trouvé le ton un peu "illuminé"... Je n'ai pas eu de mal à penser que manifestement le personnage de Robespierre inspirait M. Guillemin jusque dans sa narration. Le tout tenait tout de même de la vulgarisation et je m'attendais franchement à moins de ressenti et d'effets à l'audition de ce qui était dit.

J'ai cliqué sur NB.
Ceci tenait de la fouille intime et d'une volonté qui n'est qu'à moitié assumée de déconstruction de l'homme.
On sent une violence presque une haine mal canalisée, un besoin de "raser" : dans le ton, le style, les comparaisons, les énumérations -à nausée- d'anecdotes qui tiennent du dessous de ceinture et n'apportent rien à l'Histoire. On sent une jubilation intérieure derrière le masque de M. Vérité. D'ailleurs il annonce qu'il va se faire des ennemis mais c'est pour notre bien et celui de l'Histoire. Qu'eut-ce été si la volonté avouée avait été de travestir cette même histoire ? Pire ? J'ai du mal à imaginer... Ces "vérités" sont faites "au nom du peuple" trop imbécile pour tirer des conclusions sans doute alors on en revient aux bonnes vieilles méthodes des caricatures : ça cause au commun. C'est dire combien le peuple doit se sentir estimé de se voir enseigné par un tel professeur.

"Prendre du recul"... il faut alors prendre autant de recul avec tous les sujets tel "Robespierre". Beaucoup de recul car si M. Guillemain traite ceux qu'il aime comme ceux qu'il semble avoir dans le nez : c'est un méchant handicap que d'être remarqué par lui.
Il semble que M. Guillemin soit passablement obsédé par les questions d'argent, tout autant que sa victime (un autre mot ne me vient pas... pour le coup !). En mettant en exergue les analyses de M. Guillemin, nous devons avoir à l'esprit que sa naissance dans un milieu etc. donne une prose malhonnête, orientée et violente. La violence déguisée ne porte pas à la plaisanterie pas plus qu'au recul. C'est un constat qu'il faut toujours avoir à l'esprit comme il faut savoir que l'on ne peut discuter avec ce style de personnage.
On a mal. Mal pour l'Histoire. Mal pour notre Histoire ; on ne sort pas indemne de ce style de prose "rouleau compresseur à charge" avec une voix qui ne nous épargne aucun effet dans la gamme de l'austère. Comme si ceci était une caution de vérité.
NB fait partie de notre Histoire et -pour ce qui me concerne- j'attends une sorte de parcours à la hauteur du piédestal créé, par lui-même, par d'autres, peu importe.
A une époque où nous évoquons les Bern, Ferrand, Deutsch en se pinçant le nez, force est de constater que s'ils vulgarisent l'Histoire, ils n'ont pas encore atteint ce point à la rendre tant indigeste et vulgaire.
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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 1:12 
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Eginhard
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J'ai à peu près dit toute ma pensée dans les messages précédents, mais en dépit de ses charges en dessous de la ceinture, je l'aime, moi, Guillemin. Avec tous ses effets de manche, sa mauvaise foi, ses sourires en coin avant de faire une "révélation", son humour, son élégance, sa maîtrise de la langue. Le comparer aux plumitifs que vous citez à la fin de votre message me semble hors de propos - s'il y a bien quelque chose que je n'aurais jamais pensé qu'on pouvait reprocher à Guillemin, c'est la vulgarité. Ces gens sont des gagne-petits, Guillemin était d'une autre trempe. C'était un penseur, un érudit, certes radicalement engagé à gauche. Ceci explique cela.

On rappellera que Guillemin n'est pas historien. Ça ne mange pas de pain. On rappellera aussi qu'il a accordé, quelques années plus tard, avoir un peu chargé la mule avec Napoléon.

Quant à sa conférence sur Robespierre, c'était en effet destiné à un public d'honnêtes hommes et pas de spécialistes. Il n'est pas étonnant qu'un connaisseur de la vie de Robespierre n'y apprenne pas grand chose. Mais c'est un beau texte, une pépite dans la mare de boue dans laquelle on enfonce trop souvent ce pauvre "Incorruptible".

Bref, encore une fois, pas de quoi secouer un chat. La postérité de l'illustre inventeur du Code civil n'a pas été assombrie par la mauvaise foi de Guillemin. Et Robespierre est toujours aussi détesté aussi bien par les historiens que par le grand public. Comme quoi, ce "moment" Guillemin n'a pas changé grand chose.

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 7:25 
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Marc Bloch
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les remarques d'ezio et Jefferson sont intéressantes en elles mêmes mais je voudrais les compléter car je pense qu'on peut aussi replacer Guillemin dans son contexte celui des années 68/69. Ne s'agit il pas pour lui de prendre par principe le contre-pied de l'histoire officielle ? de détruire les grands hommes du passé (par idéologie ou par simple jeu)? éventuellement de se moquer des grands hommes en général, surtout s'ils sont militaires et dictateurs (suivez mon regard vers un certain général de G ...) ?


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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 8:09 
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Eginhard
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Je suis tout à fait d'accord, Jérôme.

Ce que je remarque, toutefois, c'est que les intervenants attaquent beaucoup Guillemin sur la "petite histoire" : les dents gâtées de Joséphine, le temps de sommeil journalier de l'empereur, le nombre de ses maîtresses, que sais-je encore. Franchement, je me fiche comme d'une guigne de ces anectodes. Je ne parlerai que de ce que je connais, le Consulat, mais Guillemin a-t-il tout à fait tort quand il parle du goût de l'argent de Bonaparte ? Quand il parle de ses cadeaux aux fournisseurs aux armées ? De ses collusions avec les milieux financiers ? Quant il évoque le scandale de la création de la Banque de France ? Quant il fustige le non moins scandaleux rétablissement de l'esclavage par Bonaparte ? Son incapacité à gérer la crise de Saint-Domingue ? La magouille du Concordat ?

Que tous ces sujets soient des sujets de débats, fort bien ; Guillemin a peut-être tort, peut-être pas. Moi, voyez, je suis tout aussi scandalisé lorsque je lis sous la plume de Lentz ou de Gueniffey que la décision de Bonaparte de rétablir l'esclavage est "de son temps", que le critiquer sur ce sujet serait faire une sorte d'anachronisme. C'est un mensonge qui devrait faire honte à ces auteurs : Gregoire était aussi de son temps, tout comme les membres du groupe de La Décade, tous abolitionnistes. Bonaparte a choisi de s'entourer d'esclavagistes bornés et d'écarter les plus progressistes des Brumairiens.

Guillemin frappe là où ça fait mal. Un historien académique aurait abordé les choses différemment, cela va de soit. Guillemin mène une charge de cavalerie contre la sacro-sainte image de l'empereur véhiculée par Bainville ou Madelin. Il le fait à la hussarde. Mais certaines de ses attaques les plus violentes, je le répète discutables, et heureusement discutées, sont loin d'être toutes gratuites et futiles.

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 10:53 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Bonaparte et sa famille (surtout sa famille d’ailleurs) étaient très apres au gain ? Quel scoop !

Est-ce singulier ? Non, absolument pas. Dans la société de son temps comme dans celle des siècles et millénaires qui ont précédé, l’opulence était une des attributs de la légitimité à exercer le pouvoir et un moyen indispensable pour le conserver.

Même chose d’ailleurs pour la générosité envers les affairistes, les lieutenants, les fidèles serviteurs. On distribuait des terres et des droits au temps de l’économie agraire et de la féodalité. On distribuait davantage de numéraire au temps de l’économie monétaire et de l’industrialisation naissante.

Et c’était d’autant plus impératif pour Bonaparte ou pour quiconque se serait trouvé au pouvoir à sa place que la France avait été bouleversée, mise cul par-dessus tête, par 10 années de chaos politique ayant entraîné un chaos économique et social (les estimations sont que les troubles révolutionnaires et le climat de guerre civile ouverte ou larvée, ainsi que de guerre étrangère mal maîtrisée, ont avant le consulat conduit à une baisse de moitié du « PIB »).

Il fallait reconstruire une élite stable qui soit fidèle au nouveau pouvoir. Et dans ces conditions là, même avec beaucoup d’imagination, j’ai du mal à trouver une autre solution que la voie rapide et relativement peu regardante qu’a empruntée Bonaparte, en servant très généreusement au passage lui-même, son épouse, sa famille et ses soutiens.


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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 11:04 
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Eginhard
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Vous avez raison, et je comprends tout à fait votre point de vue sur le sujet - mais je conteste absolument cette histoire "de son temps, c'était normal". Je lisais voici quelques semaines à peine le journal républicain "Journal des Hommes Libres" et ils étaient choqués du nouveau train de vie des sénateurs, prenaient très mal l'installation aux Tuilleries, le cadeau du domaine de Crone fait à Sieyes, et critiquaient très sérieusement cet appât du gain et les compromissions du nouveau gouvernement. Dire "c'était de son temps", c'est sous-entendre que c'était dans l'ordre des choses. Non, ça n'allait pas de soi. Il y avait des gens qui trouvaient que cette libéralité dans les finances publiques était un très mauvais signe donné par le nouveau régime.

C'est exactement comme l'esclavage. Guillemin critique quelque chose qui était déjà critiqué par certains acteurs de la vie publique du Consulat. Ce n'est donc pas anachronique. C'est exactement comme si on disait, dans un siècle, que les affaires de corruption de la Veme république, "c'était dans l'air du temps". Que ce soit vrai n'en fait pas quelque chose de moral. Quand un journal fait l'apologie d'Hamilton, qui avait quitté la vie politique aussi pauvre qu'il y était entré, il y a quelque chose.

Il y avait aussi des gens vertueux et sobres à l'époque, que l'on admirait pour leur probité, comme il y a des politiciens honnêtes de nos jours.

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 11:13 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
les estimations sont que les troubles révolutionnaires et le climat de guerre civile ouverte ou larvée, ainsi que de guerre étrangère mal maîtrisée, ont avant le consulat conduit à une baisse de moitié du « PIB »).


J'ai du mal à le croire dans la mesure ou l'activité économique à l'époque était essentiellement agricole.
Il y a peu de chances que la production agricole ait été divisée par deux (baisse de moitié), sinon il y aurait eu famine..... ;)

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 12:47 
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Fustel de Coulanges
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Jerôme a écrit :
je pense qu'on peut aussi replacer Guillemin dans son contexte celui des années 68/69. Ne s'agit il pas pour lui de prendre par principe le contre-pied de l'histoire officielle ? de détruire les grands hommes du passé (par idéologie ou par simple jeu)? éventuellement de se moquer des grands hommes en général, surtout s'ils sont militaires et dictateurs (suivez mon regard vers un certain général de G ...) ?


1969, c'est aussi l'année du bicentenaire de la naissance de Napoléon.
En 2005, Ribbe sortit son torchon à l'occasion du bicentenaire d'Austerlitz.

Jefferson a écrit :
Ce que je remarque, toutefois, c'est que les intervenants attaquent beaucoup Guillemin sur la "petite histoire"


Pas que...
Tenez, concernant un sujet comme la rupture de la paix d'Amiens, voici comment Guillemin résume l'affaire :
« Les Anglais ne souhaitaient pas la guerre ; et cette guerre, Bonaparte la souhaite. »

Jefferson a écrit :
C'est exactement comme l'esclavage. Guillemin critique quelque chose qui était déjà critiqué par certains acteurs de la vie publique du Consulat.


A ce propos, on peut même citer du Napoléon (Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène) :
« Ce pauvre Tobie que voilà, disait-il une fois, est un homme volé à sa famille, à son sol, à lui-même et vendu : peut-il être de plus grand crime dans d'autres !
[…]
Le forfait n'en est pas moins atroce ; car cet homme, après tout, avait sa famille, ses jouissances, sa propre vie. Et l'on a commis un horrible forfait en venant le faire mourir ici sous le poids de l'esclavage. »

On est loin de 1802...

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 Sujet du message : Re: Le Napoléon de Guillemin
Message Publié : 02 Juin 2016 16:17 
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Fustel de Coulanges
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Jefferson a écrit :
Moi, voyez, je suis tout aussi scandalisé lorsque je lis sous la plume de Lentz ou de Gueniffey que la décision de Bonaparte de rétablir l'esclavage est "de son temps", que le critiquer sur ce sujet serait faire une sorte d'anachronisme.


Lentz (Napoléon, l'esclavage et les colonies) :
"Si, évidemment, nous condamnons l'esclavage - sans que la loi ait d'ailleurs besoin de nous y contraindre-, nous tenterons de montrer que si Napoléon partageait avec son temps des préjugés raciaux, ses décisions concernant l'esclavage n'étaient pas de principe. Comme dans tous les domaines de son gouvernement, il se montra ici pragmatique, forgeant lentement ses convictions et, une fois fixé, allant jusqu'au bout de ses décisions."

Jefferson, Pouvez-vous nous dire ce qu'écrit exactement Gueniffey à ce sujet, s'il vous plait ?

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