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Message Publié : 08 Juin 2016 20:33 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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ezio-auditore a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
[/i]

[Tandis que Desaix pacifiait difficilement la haute-Egypte ... Bonaparte préparait une expédition en Syrie. Non comme il le prétendait à SH pour conquérir les Indes (avec 13 000 hommes !) mais plus prosaïquement pour rompre le blocus et attaquer une armée turque qui se concentrait dans cette région ... Mais son armée sans renfort s'affaiblissait. Des nouvelles alarmantes parvenaient d'Egypte : une armée turque se formait à Rhodes ... Bonaparte dut lever le siège. Il avait perdu 4 000 hommes et 160 officiers. La retraite fut épouvantable. L'armée épuisée, exaspérée par l'échec, était au bord de la sédition. On avait regroupé à Jaffa les soldats atteints de la peste ...]
Est-ce la réalité car je n'ai, là encore, pas de textes, que du rédactionnel ?
- La République bourgeoise, de Thermidor à Brumaire - D. Woronoff
Si rien n'est exagéré ou orienté, comment l'entourage de NB à SH pouvait prendre des notes de rêves revus sans risquer de blesser le narrateur ? Et comment en face, pouvait-on jouer cette comédie de l'écoute ? Quelle était la finalité ?


deux observations
- il faudrait en fait créer un fil sur Sainte Helene et la façon d'interpréter les récits de l'exil
- le livre de Woronof est vieux de 40 ans et ne traite que très marginalement de Bonaparte et de l'expédition d'Egypte. Il y a sans doute des références plus récentes et plus spécialisées


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Message Publié : 10 Juin 2016 17:37 
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Fustel de Coulanges
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ezio-auditore a écrit :
Comment se fait-il que Bonaparte n'ait pas tout de suite refusé ? Mieux, il semble adhérer :


L'expédition d'Angleterre était certes douteuse, mais aussi, en cas de succès, susceptible d'offrir à celui la menant une gloire sans pareille.
Ainsi, une semaine avant l'arrêté prescrivant le rassemblement sur les côtes d'une armée, sous l'appellation d'armée d'Angleterre, placée sous le commandement de Bonaparte, celui-ci écrivait à Talleyrand :
« Il faut que notre gouvernement détruise la monarchie anglicane, ou il doit s'attendre lui-même à être détruit par la corruption et les intrigues de ces actifs insulaires, le moment actuel nous offre un beau jeu. Concentrons toute notre activité du côté de la marine et détruisons l'Angleterre. Cela fait, l'Europe est à nos pieds. »

Pour ce qui est de son adhésion, il convient de la relativiser :
« Pour faire avec quelques probabilités l'expédition d'Angleterre, il faudrait:
1° De bons officiers de marine;
2° Beaucoup de troupes bien commandées, pour pouvoir menacer sur plusieurs points et ravitailler la descente;
3° Un amiral intelligent et ferme: je crois Truguet le meilleur;
4° Trente millions d'argent comptant. »
(Bonaparte au Directoire, 5 novembre 1797)


ezio-auditore a écrit :
[Le 8 février, Bonaparte partit inspecter les préparatifs d'invasion sur les côtes du Nord et le Pas de Calais. Le 23, il remettait au Directoire un rapport concluant que le projet était irréalisable.]
Comment comprendre cette volte-face ?



Pour pouvoir parler de « volte face » encore faudrait-il que Bonaparte ait exprimé avant de son rapport de février 1798 des opinions très arrêtées.
Concernant ledit rapport, voici ce qu'on y lit :
« Opérer une descente en Angleterre sans être maître de la mer est l'opération la plus hardie et la plus difficile qui ait été faite.
[...]
Pour cette opération, il faut de longues nuits, et dès lors l'hiver. Passé le mois d'avril, il n'est plus possible de rien entreprendre.
[...]
Notre marine est aujourd'hui aussi peu avancée qu'à l'époque où l'on a créé l'armée d'Angleterre, c'est-à-dire, il y a quatre mois.
[...]
L'expédition d'Angleterre ne paraît donc être possible que l'année prochaine; et alors il est probable que les embarras qui surviendront sur le continent s'y opposeront. Le vrai moment de se préparer à cette expédition est perdu, peut-être pour toujours.
[...]
S'il n'est pas possible de se procurer exactement l'argent demandé par le présent mémoire, ou si, vu l'organisation actuelle de notre marine, l'on ne pense pas qu'il soit possible d'obtenir cette promptitude dans l'exécution que les circonstances exigent, il faut alors réellement renoncer à toute expédition d'Angleterre, se contenter de s'en tenir aux apparences, et fixer toute son attention comme tous ses moyens sur le Rhin, afin d'essayer d'enlever le Hanovre et Hambourg à l'Angleterre.On sent bien que, pour parvenir à l'un et l'autre de ces buts, il ne faudrait pas avoir une armée nombreuse éloignée de l'Allemagne. Ou bien faire une expédition dans le Levant qui menaçât le commerce des Indes. Et si aucune de ces trois opérations n'est faisable, je ne vois plus d'autre moyen que de conclure la paix avec l'Angleterre. »

Cependant, Bonaparte n'enterrait pas pour autant un tel projet de descente. Ainsi, moins de deux mois après ce rapport et un mois après s'être vu confié le commandement de l'expédition d'Egypte, Bonaparte écrivait au Directoire (13 avril 1798) :
« Nous aurions donc, au mois de septembre, 400 chaloupes canonnières à Boulogne, et 35 vaisseaux de guerre à Brest.
Les Hollandais peuvent avoir également, dans cet intervalle, 12 vaisseaux de guerre au Texel.
Nous avons dans la Méditerranée deux espèces de vaisseaux : 12 vaisseaux de construction française, qui peuvent, d'ici au mois de vendémiaire, être augmentés de 2 nouveaux; 9 vaisseaux de construction vénitienne. Il serait possible, après l'expédition que le Gouvernement projette dans la Méditerranée, de faire passer ces 14 vaisseaux à Brest et de garder simplement les 9 vaisseaux vénitiens ; ce qui nous ferait, dans le courant des mois de vendémiaire et de brumaire, 50 vaisseaux de guerre français à Brest et presque autant de frégates.
Il serait possible alors de transporter 40 000 hommes sur le point de l'Angleterre que l'on voudrait, en évitant même un combat naval si l'ennemi était plus fort, dans le temps que 40 000 hommes menaceraient de partir sur les 400 chaloupes et autant de bateaux pécheurs de Boulogne, et que l'escadre hollandaise et 10 000 hommes de transport menaceraient de se porter en Ecosse.
Exécutée de cette manière, et dans les mois de brumaire et frimaire, l'invasion en Angleterre serait presque certaine.
L'Angleterre s'épuiserait par un effort immense et qui ne la garantirait pas de notre invasion. »



ezio-auditore a écrit :
"Il faut aller en Orient, toutes les grands gloires viennent de là" (NB à Bourrienne)]
Comment se fait-il que l'analyse d'un tel plan se trouve résumé à cette phrase, est-ce de la naïveté ?



C'est vous, et non Bonaparte, qui le résumez ainsi en reproduisant les propos de Bourrienne.
La fascination exercée par l'Egypte à l'époque a pu nourrir les projets de Bonaparte, mais on peut aussi se référer à son rapport du 23 février pour voir qu'il existait de solides argument pour rejeter provisoirement l'expédition d'Angleterre ; mais aussi à celui de Talleyrand dix jours plus tôt pour voir que les avantages possibles d'une campagne en Egypte n'étaient pas négligeables. On peut les résumer, au regard de ce document, ainsi :
-S’emparer d’un territoire au potentiel agricole important (légumes, céréales, lin, coton, indigo, café) ; et développer des capacités exceptionnelles ;
-S’emparer d’un carrefour commercial entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie ;
-Concurrencer économiquement l’Angleterre ;
-Asseoir une colonie prospère alors que celles situées aux Amériques sont appelées à disparaître ;
-Compenser les pertes du commerce français au Levant ;
-S’assurer une conquête peu coûteuse et dont les dépenses seront très vite indemnisées ;
-S’assurer une conquête facile, par le fait que les Beys ne seront pas capables d’opposer une réelle résistance et que la Porte n’osera pas entrer en guerre contre la France ; et qu'enfin l’Angleterre sera plus occupée à la défense de ses îles ;
-S’offrir un marchepied à la conquête des Indes britanniques.



ezio-auditore a écrit :
Surtout Bonaparte craignait, en restant en France, d'user sa popularité …

comment et pourquoi sa popularité se serait-elle usée ?



Sa popularité se nourrissait de la gloire militaire et diplomatique acquise (et orchestrée à dessein) en Italie. A l'armée d'Angleterre, face à un projet douteux, relevant de paramètres qu'il ne maîtrisait pas et susceptible de traîner en longueur, l'ambition était fortement freinée.


ezio-auditore a écrit :
[Bonaparte avait songé dès octobre à regagner l'Europe. Le Directoire lui avait donné l'autorisation de laisser son commandement quand il le jugerait utile.]
Comment le Directoire a pu laisser une si grande latitude à NB ?



On nourrissait, à mon avis quelque peu aveuglément, quelque espoir de voir la question égyptienne réglée diplomatiquement avec Constantinople suite à la défaite de Mamelouks.
Dans cette optique, Bonaparte pouvait ainsi être imaginé oeuvrant à nouveau en Europe après avoir conquis l'Egypte.


ezio-auditore a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Je me permets de vous renouveler ma question de mon dernier message : "Quels sont les documents soutenant le fait qu’un plan combiné a bien été établi entre Paul et Bonaparte ?"

Aucun document, ceci apparaissait simplement dans le rédactionnel d'une biographie de Paul Ier.



Cela ne m'étonne guère...


ezio-auditore a écrit :
[Tandis que Desaix pacifiait difficilement la haute-Egypte ... Bonaparte préparait une expédition en Syrie. Non comme il le prétendait à SH pour conquérir les Indes (avec 13 000 hommes !) mais plus prosaïquement pour rompre le blocus et attaquer une armée turque qui se concentrait dans cette région ... Mais son armée sans renfort s'affaiblissait. Des nouvelles alarmantes parvenaient d'Egypte : une armée turque se formait à Rhodes ... Bonaparte dut lever le siège. Il avait perdu 4 000 hommes et 160 officiers. La retraite fut épouvantable. L'armée épuisée, exaspérée par l'échec, était au bord de la sédition. On avait regroupé à Jaffa les soldats atteints de la peste ...]
Est-ce la réalité car je n'ai, là encore, pas de textes, que du rédactionnel ?
- La République bourgeoise, de Thermidor à Brumaire - D. Woronoff
Si rien n'est exagéré ou orienté, comment l'entourage de NB à SH pouvait prendre des notes de rêves revus sans risquer de blesser le narrateur ? Et comment en face, pouvait-on jouer cette comédie de l'écoute ? Quelle était la finalité ?



Napoléon a conté la retraite de Syrie sous un jour bien plus favorable qu'il ne le fut réellement. Il ne reprenait en vérité que ce qui avait été permis de dire déjà à l'époque.
Concernant par exemple les pertes de la campagne de Syrie :

Moniteur universel du 22 octobre 1799 :
« Le corps de l'armée de l'expédition de Syrie a perdu, en quatre mois, environ 700 hommes, morts de maladie ; 500 tués dans les combats, et environ 1800 blessés, dont 90 amputés »

Bertrand (Guerre d'Orient. Campagnes d'Egypte et de Syrie) :
« Les appels faits avec soin donnèrent onze mille cent trente-trois hommes présents. Il manquait donc deux mille hommes. Cinq cents tués sur le champ de bataille, sept cents morts aux hôpitaux, six cents qui étaient en garnison à El-Arich et à Ratiéh, deux cents qui avaient précédé l'armée ; mais sur les onze mille présents, mille cinq cents étaient blessés, dont quatre-vingt-cinq amputés. »




marc30 a écrit :
- il faudrait en fait créer un fil sur Sainte Helene et la façon d'interpréter les récits de l'exil


Il faudrait alors ouvrir autant de fils que de thématiques abordées à Sainte-Hélène. Bon courage...
Mais pour revenir sur le sujet du présent fil, il faut bien préciser que les premiers propos relatant les « rêves orientaux » ne sont pas nés avec Sainte-Hélène.



marc30 a écrit :
le livre de Woronof est vieux de 40 ans et ne traite que très marginalement de Bonaparte et de l'expédition d'Egypte. Il y a sans doute des références plus récentes et plus spécialisées


On peut notamment (la bibliographie est riche) se référer pour la campagne d'Egypte aux travaux de Laurens (L'expédition d'Egypte), ou pour la campagne de Syrie (objet de fil en question) à ceux de Derogy et Carmel (Bonaparte en Terre Sainte)

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Message Publié : 11 Juin 2016 1:35 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Je remercie C Drouet de ses réponses très éclairantes. J'aimerais tout de même créer un autre sujet sur la façon dont les historiens doivent interpréter les écrits de sainte Helene. Car on retrouve toujours les mêmes questions : Napoleon était il sincère ? Ses propos ont ils été bien retranscrits par ses compagnons ?


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Message Publié : 14 Oct 2016 22:17 
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Fustel de Coulanges
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J’ai retranscrit plus haut un article tiré du Moniteur du 21 novembre 1798, où Volney affirme qu’il ne croit pas à une marche vers les Indes :
"En vain les gazettes font voyager à Jérusalem, Damas et Alep [Trois jours plus tôt, le 18 novembre, le Moniteur avait annoncé l’entrée de Bonaparte à Alep]. Il y a du Caire à Jérusalem 270 milles arabes, qui font plus de 100 de nos lieues, dont 55 dans un désert sans eau et sans herbe ; de Jérusalem à Damas il y a 34 lieues ; de Damas à Alep 70. Tout cela sans route percée ; et les armées ne voyagent pas sur le papier comme les nouvellistes. Que Bonaparte envoie quelques partis pour soulever la Syrie, cela est dans l'ordre ; mais il ne bougera pas de l'Egypte de tout l'hiver, et, s'il en sort au printemps, ce ne sera pas pour aller dans l'Inde. Il ne le peut par mer, il manque de vaisseaux, et l'ennemi prévenu est en défense. Il le peut encore moins par terre, car cette route des gazettes par l'Euphrate, les déserts de la Perse et de l’Indus, est une folie dont ne s'aviserait pas même une caravane d'Arabes, et une armée française vit à plus de frais"


L’auteur, imaginant ce que pourrait dire Bonaparte, poursuit ainsi :
« C'est vers l'Europe qu'il faut ramener le théâtre de la guerre, et puisque le Turc imprudent en a levé l'étendard, c'est dans Constantinople que je veux l'arracher de ses mains. Je mettrai l'Egypte en état de conservation et de défense ; je préparerai une expédition en m'affidant les Arabes, les Druses, les Maronites. Maître de la Syrie, j'y formerai mes garnisons et je protégerai par les montagnes ma marche rapide sur les frontières du désert. Arrivé aux montagnes de Cilicie; ma position n'en deviendra que plus forte; ma gauche s'appuiera à la mer, ma droite à l'Euphrate ; je communiquerai arec le Diarbekir et l'Arménie, pays de blé, sujet impatient de Turcs. J'appellerai les Bédouins, les Turkomans, les Kourdes, les Arméniens, les Persans, à la ruine de leur ennemi commun ; et formant un tourbillon de cavalerie, je franchirai rapidement les deux cents lieues qui me sépareront du Bosphore, et j'entrerai à Constantinople. Là s'ouvre une carrière nouvelle ; je rentre sur la scène de l'Europe et y forme un contrepoids à tous les pouvoirs. Je puis rétablir ou affermir la république de toute la Grèce. Par l'Albanie et Corfou, je touche l'Italie et à la France. Je puis relever des ses débris la Pologne et former un état qui rétablisse l'ancienne balance dans le Nord. L'Autriche, replacée entre deux ennemis, a de plus vives alarmes et craint l'affranchissement de la Hongrie ; la Prusse reprend son état naturel d'alliance avec la France et le nouvel empire de Byzance. Le Danemark et la Suède, soulagés du poids de la Russie, développent leurs moyens et leurs influences. Moskow, jaloux de Pétersbourg, réclame son indépendance. L'Angleterre, repoussée de l'Archipel, quitte la Méditerranée, et les gouvernements, las enfin de tant de guerres, de combats, d'incendies, de crimes et folies, se trouvent par accablement capables de recevoir la paix.
Puissé-je le voir, ce jour, le seul glorieux, et tracer au pied du grand obélisque de Constantinople cette inscription de gratitude :

A l'armée française, victorieuse
De l'Italie,
De l'Afrique,
De l'Asie.

A Bonaparte, membre de l'Institut national, pacificateur de l'Europe. »


Un peu plus d’un mois plus tard, Gillray produisait cette caricature reprenant quasiment mot pour mot les propos de Volney :
Image

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Message Publié : 14 Oct 2016 23:04 
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Pierre de L'Estoile
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Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m'élit roi, mon peuple m'aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.


Jean de La Fontaine, La laitière et le pot au lait.


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Message Publié : 15 Oct 2016 6:39 
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Fustel de Coulanges
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Il y a aussi celle-ci du cardinal de Retz : "A ceux qui en eussent été capables, les actions qu'ils n'ont pas exécutées paraîtront toujours supérieures à celles qu'ils ont accomplies."

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Message Publié : 22 Oct 2016 13:07 
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Fustel de Coulanges
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L’avis d’un ancien de la campagne d’Orient : le général Desvernois (Mémoires) :

« Après le désastre d'Aboukir, en effet, comme Belenus, Bonaparte devait se frayer un chemin vers l'Inde, avec sa nombreuse et invincible armée. C'était cette grande expédition qu'il méditait, en se créant des intelligences parmi les principaux souverains de l'Indoustan, en faisant transporter à Suez, à dos de chameaux, des frégates démontées et des bâtiments de transport pour 20 000 hommes. Il voulait débarquer à leur tête sur le territoire indou et appeler à l’indépendance les belliqueuses populations de ces contrées : le Bengale était le but qu'il marquait à ses efforts.
La fortune ne lui a pas permis de l’atteindre. Depuis lors, j'ai souvent pensé à son projet et voici comment j'en ai conçu la réalisation.
La conquête de l’Inde par une armée française, marchant parterre, exigerait 100 000 hommes et 50 000 chameaux dont 25 000 de charge et 25 000 légers ; 100 millions de francs : quatre mois et demi. L'armée pourrait partir de Bade, de Varsovie ou de Constantinople. Les chameaux seraient tirés des royaumes de Barca, de la Syrie et de l'Egypte où ils abondent et amenés, sous la propre responsabilité des vendeurs, au point de départ des troupes.
Cette armée se dirigerait, soit entre la mer Noire et la mer Caspienne, par Oschakow, Precaw et Azof, soit par le Bosphore et Erzeroum, Bagdad et Ispahan, pour monter de là, par Candahar, sur Agra et rayonner ensuite jusqu'aux extrémités de l’Inde, jusqu'au cap Cochin.
Remontant alors le golfe du Bengale, cette armée fomenterait la révolte de Ceylan et de la côte d'Orissa, dont les populations verraient en nous de généreux libérateurs : elle s'étendrait ensuite dans la péninsule par Pondichéry, Golconde et Chandernagor jusqu'à l’Aracan.
Les déserts qu'il faudrait traverser ne sont ni très difficiles, ni très étendus : les contrées ayant des ressources où l’on remplacerait les provisions de bouche consommées dans les précédents trajets, les coupent de la façon la plus heureuse.
A chaque séjour, on distribuerait à tous les hommes une tablette de tamarin pour entretenir, pendant les marches, la fraîcheur de la bouche et la liberté du ventre : cette précaution est prise par tous les caravanistes qui entreprennent de longs voyages.
L'armée pourrait faire douze lieues par jour et se reposer tous les cinq jours. Elle serait composée de dix divisions, de 10 000 hommes et de 5 000 chameaux chacune, dont 2 500 de charge et 2 500 légers. Chaque division serait subdivisée en deux brigades de 5 000 hommes et 2 500 chameaux, tant de charge que légers, et chacune de ces brigades subdivisées en cinq cohortes de 1 000 hommes et 500 chameaux de l’une et l'autre espèce. Chacune de ces divisions aurait son numéro et son guidon particulier, auquel se rattacheraient les couleurs et la forme des guidons des brigades et des cohortes qui en font partie.
En marche et par les plaines, l’armée conserverait l’ordre des divisions, des brigades et des cohortes entre elles ; elle pourrait former ses carrés aussi aisément que l'infanterie, avec cette différence, si avantageuse pour elle, que chaque front de carré serait un retranchement formé par les montures. Les chameaux légers portant des numéros pairs, seraient en première ligne devant les chameaux de charge, qui auraient les numéros impairs.
Dans les combats et selon l'occurrence, la moitié des hommes qui sont sur les chameaux de charge seraient répartis, comme les grenadiers, aux angles des carrés, ou réunis en colonne.
Dans les marches, chaque chameau, léger ou de charge, portera deux hommes armés, se tournant le dos, soit en colonne, soit en ligne déployée : dans les plaines, par deux divisions de front ; dans les pays plus resserrés par brigade ; dans les défilés par cohorte, pour se reformer ensuite sur plusieurs de front, d'après la configuration du terrain.
En campant dans les plaines, l’armée devra être invariablement formée sur deux lignes de cinq divisions chacune. Chaque chameau occuperait douze pieds de long et quatre de large : il faudrait en ajouter trois en colonne, pour rendre la marche libre et aisée.
D'après ce calcul rigoureux qu'on doit toujours avoir présent à la mémoire, la profondeur de 250 chameaux est 3 750 pieds ou 625 toises et le front de quatre chameaux, avec les intervalles tant pleins que vides, de 32 pieds ou 5 toises 1/3 : ce qui servira de base constante.
On ajoutera de doubles distances et de doubles intervalles quand les divisions, marchant sur deux lignes dans l'un ou l'autre cas, auront à les observer entre leurs brigades et leurs cohortes respectives.
Au surplus, les dispositions de marche, d'attaque et de défense étant du ressort du commandant en chef, c'est à lui d'en assurer en tout temps et en toutes circonstances l'exécution précise et littérale.
J'ai seulement voulu consigner dans ce manuscrit les réflexions que m'a suggérées mon séjour en Egypte. »

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Message Publié : 26 Oct 2016 6:10 
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Une idée dans l’air du temps...

Le 10 septembre 1798, le n°4 du Courrier de l’Egypte publiait une lettre présentée comme appartenir à un membre de l’équipage d’une frégate anglaise échouée sur la côte tunisienne. La missive était destinée à un membre de la Chambre des Communes :

« L’Egypte est irrévocablement au pouvoir des Français qui peuvent en cinquante jours avoir réponse de leurs dépêches aux Indes. Ils relèveront l’espérance de leurs partisans, fomenteront le mécontentement de nos ennemis ; ils attireront par Souès tout le commerce. Que dis-je ? Qui sait à l’heure qu’il est où ils sont déjà ? Pourquoi cette armée qui a traversé les Alpes Juliennes et Noriques, route inconnue dans l’histoire moderne, pour s’élancer dans le coeur de l’Allemagne, ne ferait-elle pas ce qu’ont fait les Romains et les Macédoniens ? Et si seulement l’ombre de cette armée invaincue jusqu’à cette heure y arriverait, que deviendrait la puissance anglaise… Elle aurait été. »



Cette missive fort douteuse fut ensuite reprise dans le Moniteur le 18 décembre suivant.

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Message Publié : 26 Oct 2016 9:25 
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Signé: Bonaparte. lol


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Message Publié : 30 Oct 2016 18:28 
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"30 messidor (18 juillet). La troupe est en général mécontente et il est des brigades entières qui l'ont témoigné hautement. Le général en chef, en ayant été instruit, harangua avec force et personne ne dit mot.
En passant auprès d'une d'elles, des soldats lui demandèrent :
-Eh bien, général, nous mènerez-vous aux Indes ?
Il leur répondit :
-Ce n'est pas avec de pareils soldats que j'entreprendrai le voyage."
(Belliard, Journal)

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Message Publié : 03 Nov 2016 20:49 
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Malicorne a écrit :
Signé: Bonaparte. lol


D'ailleurs, ces références antiques ne sont pas sans rappeler la proclamation du 19 mai 1798 à Toulon :

"Vous avez fait la guerre de montagnes, de plaines, de sièges ; il vous reste à faire la guerre maritime.
Les légions romaines, que vous avez quelquefois imitées, mais pas encore égalées, combattaient Carthage tour à tour sur cette même mer, et aux plaines de Zama. La victoire ne les abandonna jamais, parce que constamment elles furent braves, patientes à supporter la fatigue, disciplinées et unies entre elles.
Soldats, l'Europe a les yeux sur vous ! vous avez de grandes destinées, à remplir, des batailles à livrer, des dangers, des fatigues à vaincre; vous ferez plus que vous n'avez fait pour la prospérité de la patrie, le bonheur des hommes et votre propre gloire.
[...]
Le génie de la liberté, qui a rendu, dès sa naissance, la république l'arbitre de l'Europe, veut qu'elle le soit des mers et des nations les plus lointaines."


ou encore celle du 30 juin suivant face aux côtes égyptiennes :

"La première ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre : nous trouverons à chaque pas de grands souvenirs, dignes d'exciter l'émulation des Français."

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Message Publié : 03 Nov 2016 21:19 
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Bonaparte était imprégné d'histoire antique, mais comme tout gentilhomme sérieux de son temps.


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Message Publié : 05 Nov 2016 8:04 
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Malicorne a écrit :
Bonaparte était imprégné d'histoire antique, mais comme tout gentilhomme sérieux de son temps.


Bourrienne dans ses Mémoires nous liste d’ailleurs les ouvrages de la petite bibliothèque de camp que Bonaparte comptait emmener avec lui en Egypte. Les références antiques y sont logiquement présentes.
On y trouve notamment Plutarque, Polybe, Arrien, Tacite, Tite-Live, Thucydide, Homère, Virgile.

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