Pouzet a écrit :
Murat n'était pas un très bon général
Ce n’est pas la valeur militaire de Murat qui lui a fermé les portes de l’armée en 1815, mais sa trahison de l’année précédente.
Pour le Napoléon féru de what-if ? hélénien, un Murat à Waterloo aurait pu emporter la décision :
O’Meara : « Il s’en est fallu de bien peu, je vous assure, que je ne gagnasse la bataille. Enfoncer deux ou trois bataillons, et, selon toutes les probabilités, Murat y serait parvenu. »
-Las Cases : « Il nous eût valu peut-être la victoire, car que nous fallait-il dans certains moments de la journée ? enfoncer trois ou quatre carrés anglais ; or Murat était admirable pour une telle besogne ; il était précisément l’homme de la chose. »
-Bertrand : « Ce dernier trait de lâcheté [non remise de pension à Mme Walewska] m’indigna tellement qu’il combla la mesure dans mon esprit et m’empêcha probablement d’appeler Murat à Waterloo, où il eût commandé la cavalerie. Qui sait, s’il l’eût commandée, ce qui serait arrivé et l’influence que cela pouvait avoir sur mes affaires ! […]
Si Murat eût été là, peut-être la cavalerie, conduite autrement, eût-elle décidé de la victoire. »
-Montholon : « Si j’avais eu Murat, j’aurais gagné la bataille. »
Napoléon n’oubliait pas en effet que Murat était un cavalier d’exception au cœur de la fournaise :
O’Meara : « Murat était le meilleur officier de cavalerie du monde. […] Il n’y avait pas, je crois, deux officiers au monde tels que Murat pour la cavalerie, et Drouot pour l’artillerie. […]
Il n’était brave que devant l’ennemi ; là il était probablement l’homme le plus brave du monde. […]
Les Cosaques mêmes l’admiraient à cause de sa bravoure extraordinaire. […]
C’était un paladin, un vrai don Quichotte sur le champ de bataille. […]
Murat et Ney étaient les hommes les plus braves que j’aie jamais vus. »
-Gourgaud : « Murat [était] incomparable sur un champ de bataille. […]
Murat, lui aussi, était bien brave. »
-Las Cases : « Il était impossible à Murat et à Ney de n’être pas braves. […]
Jamais à la tête de l’armée d’une cavalerie on ne vit quelqu’un de plus déterminé, de plus brave, d’aussi brillant. […]
Murat avait un très grand courage. […] Il était difficile, impossible même, d’être plus brave que Murat et Lannes. […]
Le roi de Naples était vraiment sublime au feu, le meilleur officier de cavalerie au monde. Au combat c’était un “césar” »
-Bertrand : « Murat, Lannes et Ney étaient les trois plus braves de l’armée. »
Mais comme dit plus haut, ces qualités d’exception furent balayées en 1815 (sans parler de son entrée en guerre jugée prématurée) par la trahison de 1814.
L’Empereur n’en était pas à l’heure du pardon et à Sainte-Hélène la prose impériale fut sur ce point sans appel (et c’est sans parler de ses réflexions vengeresses sur les incapacités, voire la folie du Centaure de la Grande Armée) :
O’Meara : « Murat m’a deux fois trahi et ruiné. […]
Murat m’a fait plus de mal qu’aucun autre homme au monde. […]
Comme un fou, il attaqua les autrichiens avec sa canaille, et me ruina. […]
Il n’a jamais songé que sa défection de la première heure me serait si funeste ; sinon il ne se serait pas joint aux alliés.
On ne le plaindra pas : c’était un traître.
Il ne sera plaint par personne, quoique pourtant il fût loin d’être coupable de la double trahison qu’on lui impute. »
-Gourgaud : « Je puis bien assurer que c’est lui qui est la cause que nous sommes ici ! […]
Il avait intrigué avec Fouché avant mon second mariage. Je suis sûr qu’à Leipzig il me trahissait déjà. »
-Las Cases : « Il était dans la destinée de Murat de nous faire du mal. Il nous avait perdus en nous abandonnant, et il nous perdit en prenant trop chaudement notre parti. […]
J’ai été trahi par Murat, que de soldat j’avais fait roi, qui était l’époux de ma sœur. […]
Il est une des grandes causes que nous sommes ici. […]
[En 1815], il se perdit et contribua à nous perdre une seconde fois. »
-Bertrand : « Sans Murat, je ne serais pas ici. […]
La conduite de Murat à mon égard a été infâme. Il ne sait pas lui-même jusqu’à quel point il m’a fait du tort.
Dans la campagne de Russie, voyant [Cataneo, écuyer de Murat] démonté, je dis à Caulaincourt de lui donner un cheval. Il n’osa pas me remercier. Par là, je pouvais juger des sentiments personnels de Murat : sa haine et sa jalousie folle contre moi. […]
C’est, je crois, un mauvais homme : il s’est conduit de manière à le prouver, lorsque je réfléchis avec quelle bassesse il me flattait et m’a ensuite trahi. […]
Ce qui m’a porté le dernier coup, c’est d’avoir fait Murat roi de Naples. »
Le 19 avril 1815, Napoléon écrivait :
"M. Baudus doit partir sur-le-champ pour se rendre au Golfe Juan.
Il dira au roi de Naples que Sa Majesté désire qu'il choisisse une campagne agréable entre Grenoble et Sisteron pour y habiter jusqu'à l'arrivée de la reine et jusqu'à ce que les nouvelles de Naples soient arrêtées.
Il témoignera en termes honnêtes et réservés les regrêts que l'Empereur éprouve de ce que le roi a attaqué sans aucun concert, sans traité, sans aucune mesure prise pour pouvoir instruire les fidèles sujets d'Italie de ce qu'ils devaient faire, ni les diriger dans le sens de l'intérêt commun.
Le roi a décidé l'année dernière du sort de la France en paralysant l'armée d'Italie, puisqu'il en est résulté une différence de 60 000 hommes à notre désavantage.
Il est peu convenable que le roi vienne à Paris.
Le reine doit y venir avant lui, afin que le public s'accoutume à sa disgrâce.
M. Baudus le consolera et l'assurera que l'Empereur oublie tous ses torts, quelques graves qu'ils soient, pour ne voir que ses malheurs. Mais il désire ne le voir à Paris que lorsque tout ce qui le concerne sera arrêté."
Dans le Mémorial, Napoléon concluait son refus d’accueillir Murat ainsi :
"Je l'eusse amené à Waterloo ; mais l'armée française était tellement patriotique, si morale, qu'il est douteux qu'elle eût voulu supporter le dégoût et l'horreur qu'avait inspirés celui qu'elle disait avoir trahi, perdu la France. Je ne me sentis pas assez puissant pour l'y maintenir"