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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 13:24 
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Fustel de Coulanges
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Pouzet a écrit :
Murat n'était pas un très bon général




Ce n’est pas la valeur militaire de Murat qui lui a fermé les portes de l’armée en 1815, mais sa trahison de l’année précédente.
Pour le Napoléon féru de what-if ? hélénien, un Murat à Waterloo aurait pu emporter la décision :

O’Meara : « Il s’en est fallu de bien peu, je vous assure, que je ne gagnasse la bataille. Enfoncer deux ou trois bataillons, et, selon toutes les probabilités, Murat y serait parvenu. »

-Las Cases : « Il nous eût valu peut-être la victoire, car que nous fallait-il dans certains moments de la journée ? enfoncer trois ou quatre carrés anglais ; or Murat était admirable pour une telle besogne ; il était précisément l’homme de la chose. »

-Bertrand : « Ce dernier trait de lâcheté [non remise de pension à Mme Walewska] m’indigna tellement qu’il combla la mesure dans mon esprit et m’empêcha probablement d’appeler Murat à Waterloo, où il eût commandé la cavalerie. Qui sait, s’il l’eût commandée, ce qui serait arrivé et l’influence que cela pouvait avoir sur mes affaires ! […]
Si Murat eût été là, peut-être la cavalerie, conduite autrement, eût-elle décidé de la victoire. »

-Montholon : « Si j’avais eu Murat, j’aurais gagné la bataille. »



Napoléon n’oubliait pas en effet que Murat était un cavalier d’exception au cœur de la fournaise :

O’Meara : « Murat était le meilleur officier de cavalerie du monde. […] Il n’y avait pas, je crois, deux officiers au monde tels que Murat pour la cavalerie, et Drouot pour l’artillerie. […]
Il n’était brave que devant l’ennemi ; là il était probablement l’homme le plus brave du monde. […]
Les Cosaques mêmes l’admiraient à cause de sa bravoure extraordinaire. […]
C’était un paladin, un vrai don Quichotte sur le champ de bataille. […]
Murat et Ney étaient les hommes les plus braves que j’aie jamais vus. »

-Gourgaud : « Murat [était] incomparable sur un champ de bataille. […]
Murat, lui aussi, était bien brave. »

-Las Cases : « Il était impossible à Murat et à Ney de n’être pas braves. […]
Jamais à la tête de l’armée d’une cavalerie on ne vit quelqu’un de plus déterminé, de plus brave, d’aussi brillant. […]
Murat avait un très grand courage. […] Il était difficile, impossible même, d’être plus brave que Murat et Lannes. […]
Le roi de Naples était vraiment sublime au feu, le meilleur officier de cavalerie au monde. Au combat c’était un “césar” »

-Bertrand : « Murat, Lannes et Ney étaient les trois plus braves de l’armée. »



Mais comme dit plus haut, ces qualités d’exception furent balayées en 1815 (sans parler de son entrée en guerre jugée prématurée) par la trahison de 1814.
L’Empereur n’en était pas à l’heure du pardon et à Sainte-Hélène la prose impériale fut sur ce point sans appel (et c’est sans parler de ses réflexions vengeresses sur les incapacités, voire la folie du Centaure de la Grande Armée) :

O’Meara : « Murat m’a deux fois trahi et ruiné. […]
Murat m’a fait plus de mal qu’aucun autre homme au monde. […]
Comme un fou, il attaqua les autrichiens avec sa canaille, et me ruina. […]
Il n’a jamais songé que sa défection de la première heure me serait si funeste ; sinon il ne se serait pas joint aux alliés.
On ne le plaindra pas : c’était un traître.
Il ne sera plaint par personne, quoique pourtant il fût loin d’être coupable de la double trahison qu’on lui impute. »

-Gourgaud : « Je puis bien assurer que c’est lui qui est la cause que nous sommes ici ! […]
Il avait intrigué avec Fouché avant mon second mariage. Je suis sûr qu’à Leipzig il me trahissait déjà. »

-Las Cases : « Il était dans la destinée de Murat de nous faire du mal. Il nous avait perdus en nous abandonnant, et il nous perdit en prenant trop chaudement notre parti. […]
J’ai été trahi par Murat, que de soldat j’avais fait roi, qui était l’époux de ma sœur. […]
Il est une des grandes causes que nous sommes ici. […]
[En 1815], il se perdit et contribua à nous perdre une seconde fois. »

-Bertrand : « Sans Murat, je ne serais pas ici. […]
La conduite de Murat à mon égard a été infâme. Il ne sait pas lui-même jusqu’à quel point il m’a fait du tort.
Dans la campagne de Russie, voyant [Cataneo, écuyer de Murat] démonté, je dis à Caulaincourt de lui donner un cheval. Il n’osa pas me remercier. Par là, je pouvais juger des sentiments personnels de Murat : sa haine et sa jalousie folle contre moi. […]
C’est, je crois, un mauvais homme : il s’est conduit de manière à le prouver, lorsque je réfléchis avec quelle bassesse il me flattait et m’a ensuite trahi. […]
Ce qui m’a porté le dernier coup, c’est d’avoir fait Murat roi de Naples. »


Le 19 avril 1815, Napoléon écrivait :
"M. Baudus doit partir sur-le-champ pour se rendre au Golfe Juan.
Il dira au roi de Naples que Sa Majesté désire qu'il choisisse une campagne agréable entre Grenoble et Sisteron pour y habiter jusqu'à l'arrivée de la reine et jusqu'à ce que les nouvelles de Naples soient arrêtées.
Il témoignera en termes honnêtes et réservés les regrêts que l'Empereur éprouve de ce que le roi a attaqué sans aucun concert, sans traité, sans aucune mesure prise pour pouvoir instruire les fidèles sujets d'Italie de ce qu'ils devaient faire, ni les diriger dans le sens de l'intérêt commun.
Le roi a décidé l'année dernière du sort de la France en paralysant l'armée d'Italie, puisqu'il en est résulté une différence de 60 000 hommes à notre désavantage.
Il est peu convenable que le roi vienne à Paris.
Le reine doit y venir avant lui, afin que le public s'accoutume à sa disgrâce.
M. Baudus le consolera et l'assurera que l'Empereur oublie tous ses torts, quelques graves qu'ils soient, pour ne voir que ses malheurs. Mais il désire ne le voir à Paris que lorsque tout ce qui le concerne sera arrêté."

Dans le Mémorial, Napoléon concluait son refus d’accueillir Murat ainsi :
"Je l'eusse amené à Waterloo ; mais l'armée française était tellement patriotique, si morale, qu'il est douteux qu'elle eût voulu supporter le dégoût et l'horreur qu'avait inspirés celui qu'elle disait avoir trahi, perdu la France. Je ne me sentis pas assez puissant pour l'y maintenir"

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 14:13 
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J'ai pas tout compris là ? La Saxe est un bon allié pour l'Empereur.


Sans doute, Napoléon se place ici avant le traité d'alliance.

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 14:35 
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Pierma a écrit :
Plus étonnant : il ne semble pas regretter d'avoir entrepris la campagne de Russie ? (A moins qu'une citation en ce sens m'ait échappé.)


Chez Bertrand :
"J'entreprendrais encore l'expédition de Russie"

Mais il poursuit ainsi : "...avec plus sagesse, je ferais moins de fautes, comme il arrive toutes les fois qu'on refait un chemin pour la deuxième fois."

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 14:59 
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Eginhard
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Drouet Cyril a écrit :
Sans doute, Napoléon se place ici avant le traité d'alliance


Je trouve ça étrange d'autant plus qu'il regrette aussi de ne pas avoir rayé de la carte la prusse à tilsit. La saxe ayant été forcé par la prusse à la rejoindre lors de la campagne de 1806, l'Empereur relache immédiatement les prisonniers saxons, preuve qu'il considère la saxe comme un probable allié, ce que l'avenir le confirmera du moins jusqu'en 1813.
Cela voudrait dire qu'il voulait renforcer l'autriche pour se prémunir contre une probable revanche (qui viendra en 1809). C'est logique mais c'est une logique à la talleyrand, jamais l'Empereur n'a fonctionné comme cela diplomatiquement.


Je pense également que la guerre contre la russie était inévitable, c'est véritablement l'espagne qui est une erreur d'un point de vue économique (pas de ristourne comme dans les guerres éclaires précédentes et difficulté à vivre sur le pays), diplomatique (au vue de la radicalisation de l'Empereur dans sa lutte), politique (poids de la conscription) et militaire (perte et effectif déployé).


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 16:21 
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Le principe de Bismarck, c'était que dans un jeu à cinq il faut toujours être du côté de trois. (Guillaume II commencera la Grande guerre dans la situation inverse.)

Pour Napoléon, si on considère que l'Angleterre est inaccessible et n'a pas d'armée sur le continent ((jusqu'à l'Espagne) on pourrait dire que dans un jeu à 4 il faut toujours avoir un allié, ou en tous cas ne jamais se trouver 1 contre 3. Mais comment compter sur l'alliance autrichienne s'il ne restitue pas à l'Autriche les territoires enlevés par traité ? L'Autriche a toujours une tribu d'archiduchesses à marier, un mariage ne suffit pas à créer une alliance.

Le destin de Napoléon s'est scellé le jour où ses trois adversaires ont décidé d'agir ensemble. Le plus étonnant c'est qu'il n'y aient pas pensé plus tôt.

Quelques mois après Eylau, Napoléon dit à Metternich :" Vous avez eu tort de ne pas m'attaquer l'hiver dernier. J'étais dans un fier embarras." Franchement, aller lui mettre cette idée en tête...

Intéressant aussi cette confidence de Napoléon sur le moment où il a vexé Metternich mortellement en lui demandant pour combien de millions il pouvait l'acheter. Ce jour-là il a peut-être scellé son destin en une phrase.

Avoir Talleyrand et Metternich comme ennemis mortels, ça fait beaucoup...

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 17:41 
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Je trouve ça étrange


Moi aussi.

On peut rappeler par ailleurs que l’on s’est retrouvé assez vite dans la logique d’une marche vers le traité de Posen que dans celle d’un morcellement de la Saxe (défendu par qui ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu quelque chose sur la question).


Proclamation à l’armée du 6 octobre :
« C’est la Saxe [que les Prussiens] veulent forcer, par une convention honteuse, à renoncer à leur indépendance. »

Proclamation du 10 octobre :
« Saxons ! Les Prussiens ont envahi votre territoire ; j'y entre pour vous délivrer. Ils ont dissous violemment le lien, qui unissait vos troupes, et ils les ont réunies à leurs armées. Vous devez répandre votre sang, non seulement pour des intérêts étrangers, mais même pour des intérêts, qui vous sont contraires. Mes armées étaient sur le point de quitter l'Allemagne, lorsque votre territoire fut violé ; elles retourneront en France, lorsque la Prusse aura reconnu votre indépendance, et renoncé au plan, quelle a formé contre vous.
Saxons ! Votre prince avait refusé jusqu'à ce moment, de former des engagements aussi opposés à ses devoirs ; s'il y a consenti depuis, c'est qu'il y a été forcé par l'invasion des Prussiens. Je fus sourd à la vaine provocation que la Prusse dirigea contre mon peuple ; j'y fus sourd aussi longtemps, qu'elle n'arma que dans ses états, et ce n'est qu'après qu'elle eut violé votre territoire, que mon ministre quitta Berlin.
Saxons ! Votre sort est maintenant dans vos mains. Voulez vous rester incertains entre ceux, qui vous mettent sous le joug, et ceux qui veulent vous protéger ? Mes armées assureront l'existence et l'indépendance de votre prince, de votre nation. Les succès des Prussiens vous imposeraient d'éternelles chaînes. Demain ils demanderaient la Lusace, et après-demain la rive de l'Elbe. Mais que dis-je ? N'ont-ils pas tout demandé ? N'ont-ils pas tenté depuis longtemps de forcer votre souverain, à reconnaître une souveraineté, qui vous étant imposée immédiatement, vous effacerait du rang des nations ? Votre indépendance, votre constitution, votre liberté, n'existeraient plus alors qu'en souvenir, et les mânes de vos ancêtres, des braves Saxons, s'indigneraient de vous voir réduits, sans résistance, par vos rivaux à un esclavage, préparé depuis si long temps, et votre pays abaissé jusqu'à devenir une province prussienne. »


On peut également citer la lettre de Napoléon à Frédéric-Auguste (21 octobre) :
« Mon Frère, je reçois la lettre de Votre Altesse Sérénissime Électorale. L'estime que je lui porte est égale au désir que j'ai de voir le plus tôt possible les relations de paix rétablies et consolidées entre nous. Dans deux ou trois jours, je nommerai un ministre à cet effet, pour s'entendre avec la personne que Votre Altesse aura désignée. J'ai ordonné, toutefois, que les hostilités cessassent, et je la prie, en conséquence, de vouloir bien ordonner, de son côté, que toutes ces troupes soient rappelées de l'armée prussienne. Votre Altesse ne peut douter du plaisir que j'aurai de la voir et de faire sa connaissance, ainsi que celle de l'Electrice. »

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 28 Sep 2013 22:28 
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Pierma a écrit :
Quelques mois après Eylau, Napoléon dit à Metternich :" Vous avez eu tort de ne pas m'attaquer l'hiver dernier. J'étais dans un fier embarras." Franchement, aller lui mettre cette idée en tête...


Vous pensez que les autrichiens n'avaient pas déjà l'idée en tête ? Je pense qu'ils étaient bien plus découragés après 1809 qu'après 1805. Il suffit de voir les mesures qu'à pris l'Empereur tout au long de son avancée en allemagne et en pologne pour voir combien il aurait été dangereux pour l'autriche d'attaquer surtout avec un appareil militaire loin d'être optimal après la campagne de 1805.

Pierma a écrit :
Le destin de Napoléon s'est scellé le jour où ses trois adversaires ont décidé d'agir ensemble. Le plus étonnant c'est qu'il n'y aient pas pensé plus tôt.


C'est même pire que ça, non seulement les 3 ont décidaient d'agir ensemble mais ils ont été aidés par l'angleterre et surtout ses subsides, l'espagne, la suède...
Et a la limite cela n'aurait pas été impossible en situation "normal" mais après la campagne de russie et la guerre en espagne, l'appareil militaire n'est plus à son apogée comme en 1805-1806-1807.

Drouet Cyril a écrit :
Moi aussi.

On peut rappeler par ailleurs que l’on s’est retrouvé assez vite dans la logique d’une marche vers le traité de Posen que dans celle d’un morcellement de la Saxe (défendu par qui ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu quelque chose sur la question).


Merci pour ces précisions et ça me rassure que vous pensez aussi que cela est étrange.


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 10:04 
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Je pense qu'ils étaient bien plus découragés après 1809 qu'après 1805. Il suffit de voir les mesures qu'à pris l'Empereur tout au long de son avancée en allemagne et en pologne pour voir combien il aurait été dangereux pour l'autriche d'attaquer surtout avec un appareil militaire loin d'être optimal après la campagne de 1805.




La question Autrichienne a été sensible lors de cette campagne. Ulm et Austerlitz n’étaient finalement pas très loin, mais Vienne ne pouvait se montrer sourde face aux bouleversements qui s’opéraient au nord de son territoire.

Je pense en particulier aux mouvements indépendantistes qui secouèrent la Pologne lors de l’arrivée des troupes françaises.
La proclamation de Dombrowski, de l’avis de l’ambassadeur Andreossy, fut fort mal reçue. Le texte en question (écrit à Berlin, le 3 novembre 1806) disait ceci :
« Polonais,
Napoléon le Grand, l'invincible, entre dans la Pologne avec une armée de trois cent mille hommes. Sans vouloir approfondir les mystères de ses vues, tâchons de mériter sa magnanimité.
« Je verrai, nous a-t-il dit, si vous méritez d'être une nation. Je m'en vais à Posen ; c'est là que mes premières idées se formeront sur votre compte. »
Polonais ! il dépend donc de vous d'exister et d'avoir une patrie ; votre vengeur, votre créateur est là.
Accourez de tous les côtés au-devant de lui, comme accourent les enfants éplorés à l'apparition de leur père. Apportez-lui vos cœurs, vos bras. Agissez, et prouvez lui, que vous êtes prêts à verser votre sang pour recouvrer votre patrie. Il sait que vous êtes désarmés ; il vous fournira des armes.
Et vous, Polonais, forcés par nos oppresseurs de combattre pour eux et contre votre propre intérêt, venez ! ralliez-vous sous les drapeaux de votre patrie.
Bientôt Kosciuszko, appelé par Napoléon le Grand, vous parlera par ses ordres. En attendant, recevez ce gage de sa haute protection. Souvenez-vous que la proclamation par laquelle on vous appela pour former des légions en Italie, ne vous a pas trahis. Ce sont ces légions qui, méritant les suffrages de l'invincible héros de l'Europe, lui ont donné le premier indice de l'esprit et du caractère polonais. »


Les Autrichiens craignaient en effet qu’un tel appel provoque des mouvements en Galicie. Une ordonnance de mai 1807 punissait d’ailleurs de pendaison tout Galicien s’engageant dans les armées étrangères dans le cadre de la guerre actuelle.
Napoléon savait que la question de la Galicie était sensible à Vienne et opta pour la prudence tant il convenait de ménager l’Autriche, pour ne pas s’en faire un ennemi dangereux sur ses flancs ou ses arrières. Ainsi, le 1er décembre 1806, il écrivait à Andreossy :
« La Pologne entière se lève. Prêtres, nobles, paysans, tout est soldat. Il n'est pas en mon pouvoir d'empêcher cette explosion nationale. Il serait difficile de croire que la partie de la Pologne située sur la gauche de la Vistule a déjà 60,000 hommes sur pied. Je ne demandais pas mieux que de refroidir ce zèle par la suspension d'armes : le roi de Prusse n'a pas voulu ; les destins feront le reste.
Dans cette situation de choses, je conçois que la cour de Vienne doit être incertaine.
[…]
J'attends M. de Talleyrand demain ici; mais je ne veux pas perdre un moment à vous faire connaître mes intentions. Je veux la paix avec l'Autriche. Les mouvements d'Italie, vous devez les représenter comme deux corps formés pour entrer en Allemagne et rejoindre l'armée, si la Maison d'Autriche toutefois ne fait aucune menace; l'insurrection de la Pologne prussienne, comme une suite naturelle de la présence des Français. D'ailleurs, je n'ai jamais reconnu le partage de la Pologne ; mais, fidèle observateur des traités, en favorisant l'insurrection des Polognes prussienne et russe, je ne me mêlerai en rien de la Pologne autrichienne.
Si l'empereur sent lui-même la difficulté de maintenir la Pologne autrichienne au milieu de ces mouvements, et qu'il veuille admettre en indemnité une portion de la Silésie, vous pouvez déclarer que vous êtes prêt à entrer à pourparler pour cet objet. Ma conduite ne saurait être plus pacifique.

[…]
L'insurrection de la Pologne est une suite de ma guerre avec la Russie et la Prusse.
L'Autriche veut-elle conserver la Gallicie ? Je ne m'en mêle en rien. Veut-elle en céder une partie ? Je suis prêt à donner toutes les facilités qu'elle peut désirer. Veut-elle traiter publiquement, secrètement ? Je suis prêt à faire ce qu'elle vent. Après ces manifestations, je dois dire que je ne crains personne. Je vous autorise à déclarer que, quoique je ne reconnaisse pas le partage de la Pologne, je ne veux cependant point toucher à la Gallicie, parce que je veux tenir toute la garantie que j'ai assurée aux Etats autrichiens par la paix de Presbourg. »


Deux semaines plus tôt, Talleyrand avait tenu à Andreossy les mêmes propos :
« J’ai l’honneur de vous envoyer une copie de l’armistice qui vient d'être conclue avec la Prusse. Comme les ratifications de cet acte ne sont point encore échangées, il ne conviendrait pas de lui donner aucune publicité ; mais vous pouvez dès ce moment en tirer quelques éléments de conversation avec le ministère autrichien et attendu que les conditions de cette armistice laissent un champ vaste aux combinaisons de la paix définitive, vous pourriez dans vos entretiens confidentiels avec M. de Stadion aborder légèrement la question d'un échange de la Galicie contre la Silésie.

Malgré quelque différence de population, cette seconde province présente par son industrie, sa culture, ses usines, ses fabriques, son commerce extérieur, des avantages qui ne peuvent manquer d'être appréciés à Vienne, où l’on ne peut d'ailleurs être insensible à l’idée de ressaisir cette portion de l'ancien héritage de la maison d'Autriche, qui a été l'objet de tant de regrets. Toute l'Europe a su dans le temps que la cour de Vienne n'avait participé en quelque façon que malgré elle aux partages successifs de la Pologne, particulièrement à celui qui a fait disparaître entièrement cette puissance et, en effet, du jour où cet Etat intermédiaire a été anéanti, l'Autriche s'est vu placée vis-à-vis de la Russie dans un contact immédiat qui ne pouvait manquer de la soumettre plus ou moins à l'influence de cette politique extravagante qui gouverne le cabinet de Pétersbourg et nous avons vu quels ont été pour l'Autriche les tristes résultats de cette influence. Il serait donc naturel de croire que la cour de Vienne mettrait quelqu'intérêt à voir rétablir dans le nord de l'Europe un système d'équilibre et une division d'Etats qui, sans nuire à sa puissance réelle, lui ôterait un voisinage, dont les conséquences ne peuvent être ni utiles ni honorables, et que si elle pouvait concourir elle- même à cet établissement, elle s'y prêterait d'autant plus volontiers que la Galicie est une province ouverte d'une défense presque impossible, tandis que la Silésie avec ses nombreuses places fortes et appuyée sur la Bohème, se lie bien mieux au système défensif de cette puissance.

Remarquez bien, général, que tout ceci ne doit avoir aucune apparence d'ouverture et qu'il s'agit au contraire de chercher à en provoquer quelqu'une de la part de l'Autriche ou à connaître du moins sa pensée. »



Andréossy donna la réponse de Vienne à Talleyrand dans sa lettre du 23 décembre :
« J'ai enfin vu aujourd'hui M. de Stadion. Ainsi que je l'avais prévu, ses réponses m'ont prouvé que la Cour de Vienne ne voulait rien faire pour nous, ni contre les autres puissances. S. M. a d'abord fait remercier de l'assurance donnée par l'Empereur Napoléon qu'il ne se mêlerait en rien de la Galicie et elle a semblé voir avec plaisir que c'était une preuve du désir de maintenir la bonne intelligence entre les deux Cours. Il m'a répété en beaucoup plus de mots, au sujet de l'échange de la Galicie, ce qu'il m'avait dit lors de la première ouverture que j'avais faite à ce Ministre ; il a ajouté que S. M. était bien aise de conserver des sujets qui étaient habitués à son administration et qu’il connaissait, plutôt que d'en acquérir de nouveaux et il a fini par dire que la moralité de souverain ne permettait pas à son Maître de passer une transaction pour un territoire dont la possession était encore vouée aux incertitudes de la guerre et n'était garantie par aucun traité avec la Prusse. Je lui ai représenté que, dans les circonstances d'une haute importance, la prévoyance était la première qualité d'un homme d'Etat et que c'était d'ailleurs une marque de bienveillance de S. M. que de garantir en quelque sorte la Galicie par un échange analogue malgré les événements qui pourraient survenir et qu'il ne serait pas en son pouvoir ni de prévenir ni d'arrêter, puisqu'elle ne prétendait se mêler en aucune manière de cette portion de l'ancienne Pologne.»



Suite à Eylau, Napoléon ne se montra pas insensible aux risques d’entrée en guerre de l’Autriche et fit des ouvertures :
«Que veut la Maison d'Autriche? Je ne le sais pas. Veut-elle traiter pour garantir l'intégrité de la Turquie ? J'y consens. Veut-elle un traité par lequel, la Russie venant à acquérir un accroissement de puissance ou de territoire en Turquie, les deux puissances feraient cause commune pour obtenir l'équivalent ? Cela peut encore se faire. Enfin la Maison d'Autriche veut-elle gagner quelque chose dans tout ceci ? se mettre du côté de celui qui lui donnera de l'avantage ? Que veut-elle ? Je ne sais rien de tout cela. C'est à M. de Vincent à expliquer là-dessus ce qu'il veut, de manière que tout cela soit bien clair. Il faut aller plus loin : après avoir dit à M. de Vincent tout ce que je vous dis là, ajoutez que, si les a d'aires avec la Prusse ne s'arrangent pas, et que la Maison d'Autriche veuille faire cause commune avec nous, on pourrait lui donner une partie de la Silésie. Par ce moyen, elle aurait repris à la monarchie prussienne ce que cette monarchie lui a pris en d'autres temps. Mais cette dernière ouverture me parait bien hasardée. La Maison d'Autriche ne sait elle-même que faire, et dès lors il est bien difficile de la pénétrer. Faites-moi connaître votre opinion sur ce que veut la Maison d'Autriche, et ce qu'il faut faire pour se l'assurer. Ce doit être là mon premier intérêt. »
(Napoléon à Talleyrand, 3 mars)

«Le plan de l'Empereur dans les affaires actuelles est celui-ci : restituer au roi de Prusse son trône et ses Etats, et maintenir l'intégrité de la Porte. Quant à la Pologne, cela se trouve contenu dans la première partie de la phrase. Si ces bases de paix conviennent à l'Autriche, nous pouvons nous entendre. La tranquillité de l'Europe ne sera stable que lorsque la France et l'Autriche, ou la France et la Russie marcheront ensemble. Je l'ai proposé plusieurs fois à l'Autriche; je le lui propose encore. Quant à l'observation de M. de Vincent, que l'abattement de la Prusse est tel qu'elle ne peut pas se tirer d'affaire, elle est raisonnable. Vous pouvez dire à M. de Vincent que vous êtes autorisé à signer tout traité éventuel fondé sur ces bases.
Il faut également que vous écriviez dans ce sens à M. Andréossy, non pour qu'il provoque rien, mais pour qu'il s'en explique dans ces termes, lorsque M. de Stadion lui en parlera, mais avec lui seul. La fin de tout ceci sera un système entre la France et l'Autriche, ou entre la France et la Russie; car il n'y aura de repos pour les peuples, qui en ont tous besoin, que par cette union.
Dites aussi à M. de Vincent qu'il faut que, de son côté, il nous dise ce qu'ils désirent. Qu'ils voient que nous sommes prêts à les rassurer sur toute espèce Je craintes, et à nous expliquer franchement sur toutes les questions qu'ils nous posent. »

(Napoléon à Talleyrand, 9 mars)

Talleyrand rendit compte desdites ouvertures le 12 mars :
« Je vis hier au soir M. de Vincent : je lui fis connaître que V.M. était disposée à conclure avec l’Autriche un traité éventuel ; je lui dis sur quelles bases je pouvais être autorisé à le signer.
J’ai employé de mon mieux tous les raisonnements que V.M. m’a elle-même fournis.
S.M., lui ai-je dit, est depuis longtemps convaincue que l’Europe ne peut jouir d’une paix durable qu’autant que l’Autriche ou la Russie s’entendront avec la France pour y établir et y maintenir le repos. C’est dans cette vue qu’elle a proposé plusieurs fois et qu’elle propose encore à l’Autriche de s’unir avec elle. Une alliance de la France soit avec l’Autriche, soit avec la Russie, est commandée par le besoin du repos qui est devenu le besoin de tous les peuples. Elle en sera, pour ainsi dire, un effet nécessaire : et tôt ou tard elle aura lieu. S.M. préfère que ce soit avec vous. Si, par vos hésitations et vos incertitudes, vous vous mettez dans le cas de nous lier avec les Russes, j’ose vous dire que vous vous préparez d’amers regrets.
M. de Vincent m’a paru sentir dans son entier tout ce que je lui disais : mais il n’avait point de pouvoirs pour rien signer ; il ne pouvait que rendre compte et demander des ordres. Cependant, il ne m’a point caché que les bases proposées lui paraissaient satisfaisantes. Il a senti ce que l’une d’elles avait de rassurant pour l’Autriche, puisque la disposition où est V.M. de rendre au roi de Prusse son trône et ses Etats fait évanouir ses deux principaux sujets d’inquiétude.
J’ai pressé M. de Vincent de me faire connaître à son tour et avec la même franchise ce que voulait l’Autriche, ce qu’elle désirait ; il n’était pas préparé à cette question, il n’avait pas d’instructions d’après lesquelles il pût répondre catégoriquement. Il y avait néanmoins un point sur lequel il n’hésitait point à manifester l’opinion de sa cour. Le séjour de l’armée française en Allemagne après la paix de Presbourg, a été, m’a-t-il dit, le principal objet de la sollicitude de toutes les puissances ; si les cabinets de Berlin, de Pétersbourg et le nôtre même, vous étaient ouverts, vous verriez que rien ne les a plus occupés. Si le traité signé par M. d’Oubril a trouvé un grand nombre de partisans en Russie, si l’empereur Alexandre a voulu le ratifier, si l’Autriche a désiré qu’il fût ratifié, et s’il a fallu une puissante intrigue anglaise pour l’empêcher, c’est uniquement parce que l’évacuation de l’Allemagne y avait été stipulée. Tout cela me porte à croire que ma cour demandera, non pas que vous retiriez toutes vos troupes de l’Allemagne, mais que, la paix faite sur le continent, vous consentiez à n’y en laisser, jusqu'à la paix avec l’Angleterre, qu’un nombre déterminé.
M. de Vincent entrevoit plutôt des désirs que des demandes ou même des espérances relativement à la Dalmatie. Il est certain, m’a-t-il dit, que l’Autriche attacherait un grand prix à cette possession.
J’ai fait la question suivante à M. de Vincent : Si nous sommes une fois d’accord, vous joindrez-vous à nous pour conquérir la paix ? - Il m’a répondu : Nous voulons éviter tout engagement qui nous mènerait à la guerre, nous emploierons d’ailleurs tous nos moyens de persuasion et d’influence, mais nous ne voulons pas faire la guerre ; il a ajouté : si nous n’y sommes pas forcés. Pourquoi ai-je repris, si vous ne voulez pas faire la guerre, recrutez-vous avec tant d’activité ? - Nous ne voulons pas faire la guerre, m’a-t-il répondu, mais nous voulons être toujours prêts. - Au surplus, il m’a promis des réponses positives au retour de son courrier, qui est parti ce soir. J’ai informé le général Andréossy de l’état des choses et je lui ai adressé les instructions que V.M. m’a prescrit de lui donner.»

L’Empereur répondit par ces mots (14 mars) :
« J'ai en Italie 80 000 hommes bien exercés, bien armés et bien équipés. J'en aurai 90 000 d'ici au 1er mai. Ces forces ne laisseront pas que d'en imposer à l'Autriche. Il lui faut au moins une armée de 120 000 hommes pour s'opposer à celle-là, ce qui exige des préparatifs et des dépenses immenses. Outre cela, il est probable que, dans un mois, je serai défait des Russes. Mes subsistances s'organisent. Nous marchons sur le beau temps. Ainsi donc, tout en désirant fort la paix avec l'Autriche, je ne me trouve pas dans une situation telle qu'elle ait à regarder longtemps. Toutefois je suis d'opinion qu'une alliance avec la Russie serait très avantageuse, si ce n'était pas une chose fantasque, et qu'il y eût quelque fond à faire sur cette cour. Une alliance avec l'Autriche, si elle est possible, donnerait du moins quelque temps de tranquillité. Je suis assez disposé à faire pour cela quelques sacrifices. L'évacuation de l'Allemagne est une chose toute simple et qui ne fera obstacle à rien, hormis, toutefois, des côtes qui sont relatives à ma guerre avec l'Angleterre. Toutefois vous avez fait ce qu'il fallait faire; il faut s'en tenir là. »

Les ouvertures se couplaient aux menaces. Napoléon savait en effet que, sous couvert d’échanges encourageants, l’Autriche pouvait franchir le Rubicon.
Les armements autrichiens continuaient :
« Tous les rapports venant des Gallicies disent que les Autrichiens se fortifient dans ces provinces. Ces rapports s’accordent avec les dépêches du général Andréossy, les lettres du général commandant à Braunau et ce que M. Dumoutiers m’écrit de Dresde en date du 3. D’après les avis qu’il reçoit et qui sont parvenus au cabinet de Dresde, on fait des enrôlements extraordinaires dans toute la monarchie autrichienne. »
(Talleyrand à Napoléon, 10 mars 1807)

« Le recrutement se poursuit en Autriche avec une activité extraordinaire. […]
On forme des magasins sur les confins de la Bavière et aux environs de Salzbourg. Des marchés considérables ont été passés pour des blés, des avoines et des charrois. L’archiduc Charles a dû répondre à un officier qui lui demandait une place dans un corps franc (corps que l’on ne forme qu’en temps de guerre) qu’il n’attendrait pas longtemps.
Tous ces mouvements, ces préparatifs semblent annoncer des dispositions guerrières, mais le général Andréossy pense qu’elles peuvent aussi ne prouver autre chose, sinon que l’Autriche est inquiète. Elle l’est de la marche des Turcs, elle l’est de la présence des Russes sur les flancs de la Hongrie et des Gallicies. Son commerce avec le Levant est interrompu, les ressources qu’elle tirait de la Moldavie pour les subsistances d’une partie des pays héréditaires est tarie »

(Talleyrand à Napoléon, 14 mars)

Le 19, il écrivait à son ministre :
« Monsieur le Prince de Bénévent, écrivez à M. Andréossy et répandez partout que, indépendamment de 140 000 hommes qui viennent d'arriver à mes dépôts en France, je viens de lever 80 000 hommes de la conscription de 1808 ; que je viens de créer en outre dix légions de réserve, composées chacune de cinq bataillons, qui sont destinées à la défense des frontières et des côtes; ce qui me mettra à même de faire marcher sur-le-champ toute l'armée de Bretagne et de Normandie en Bavière. Parlez de ces mesures à M. de Vincent. Dites-lui que cette nouvelle levée nous était inutile; que les levées .actuelles de l'Autriche m'y ont décidé; que, si elle nous donne de l'inquiétude, elle va avoir 40 000 hommes en Bavière; que j'attends sa réponse à mes ouvertures pour faire faire demi-tour à droite à mon année de Bretagne et de Normandie, qui sera, remplacée par les dix légions que je forme avec la conscription de 1808 et qui seront commandées par des généraux sénateurs, par Colaud, Sainte-Suzanne, Vaubois, Rampon, etc.; que cela aura deux résultats, de faire dépenser beaucoup d'argent à l'Autriche et à moi, et de tendre à accroître mon état militaire; tandis qu'il est bien plus simple que l'Autriche reste tranquille; que je ne me refuse à aucune proposition raisonnable, qu'elle a vu que j'ai été au-devant pour la rassurer sur tout ce qui pouvait l'inquiéter, mais que là se borneront mes complaisances; que, pour la rassurer, j'ai fait plus, j'ai fait démolir les places de Silésie; que j'ai arrêté le siége de Neisse, et que, si je le reprends, je ferai aussi démolir cette place; qu'après ces preuves de déférence l'Autriche serait bien folle d'attirer chez elle le théâtre de la guerre; et que, si l'on pouvait croire en Autriche que je suis embarrassé, je ne demande pas mieux de faire passer la revue de mon armée de Bretagne et de Normandie par un officier autrichien, qui verra par ses yeux combien de troupes je puis envoyer en Bavière dans un mois; et qu'avant un mois, temps auquel la saison permettra aux Anglais de faire quelque entreprise contre mes côtes, mes dix légions seront assez organisées pour pouvoir s'y opposer ; que, quant à mon armée d'Italie, elle est telle qu'elle n'a jamais été, et dans ce moment 20 000 hommes de la conscription de 1807 passent les Alpes pour la renforcer. Entre cette armée et celle qui se concentrerait à Zara et qui agirait contre eux, j'ai plus de 100 000 hommes. Il faut aussi que M. Andréossy parle dans ce sens, mais recommandez-lui de le faire doucement et avec prudence.
Vous porterez plainte à M. de Vincent sur une patrouille autrichienne qui a violé le territoire polonais et est venue à Sierock, et vous lui direz que tous les officiers du cordon ne dissimulent pas les dispositions hostiles où ils sont; que c'est une étrange et extraordinaire folie que de penser que, sans raison, lorsqu'elle est rassurée surtout, qu'elle peut jouer un beau rôle et consolider enfin le repos de l'Europe, l'Autriche veuille remettre tout en problème et se réengager dans une lutte où en réalité elle n'a ni l'argent ni les moyens de se maintenir; qu'il est tout simple que, lorsque les Russes la verront engagée, ils en seront fort aises et la laisseront détruire comme ils ont laissé détruire la Prusse; que des femmes et des enfants peuvent s'imaginer que l'Empereur ira s'enfourner dans les déserts de la Russie, et qu'il sera sans moyens pour parer à tous les événements; qu'en dernière analyse, tout cabinet qui voudra réfléchir sentira que le moment actuel est le moment de la paix, même pour l'Angleterre, qui n'a plus les moyens de suffire à ses énormes dépenses; que l'Autriche peut concourir à cette paix selon les ouvertures que je lui ai faites; qu'elle peut y avoir de l'avantage, mais qu'il faut qu'elle ne me donne point d'inquiétude et qu'elle ne me fasse aucune menace. »



Finalement, l’Autriche ne bougea et la possibilité d’alliance avec Vienne fut oubliée.

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 14:46 
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Polybe
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Ce fil est passionnant ;)

Ce qui est étonnant, quand on remarque les erreurs de Napoléon en politique étrangère, c'est de le voir s'aveugler alors même qu'il dispose des conseils du plus clairvoyant des ministres, en la personne de Talleyrand. Quand on lit les lettres du prince Bénévent à l'empereur, on a l'impression qu'il lui livrait clefs en main, si je puis dire, les moyens d'asseoir durablement son pouvoir.

Le projet d'alliance avec l'Autriche, dans la lettre du 17 Octobre 1805 (http://www.le-prince-de-talleyrand.fr/projetpaix.html), est défendu avec une telle intelligence et une telle simplicité, qu'on se demande où l'Empereur avait la tête quand il l'a refusé. Ou plutôt, on sait qu'il avait la tête à la Russie. Mais comment a-t-il pu sérieusement que cette alliance serait durable alors qu'il entretenait l'ambiguïté sur la Pologne et qu'il refusait à Moscou l'accès à Constantinople ?
En même temps, son alliance russe faisant peur à la Porte, il ne sera même pas assuré du soutien des ottomans dans sa campagne de 1812.

Napoléon, de mémoire, se plaint dans le mémorial que la France n'ait pas eu d'alliés fidèles, mais la faute lui en incombe entièrement. Plus on étudie son cas, plus on est frappé par les disproportions entre son génie militaire et administratif et sa nullité politique.

Par ailleurs, quelqu'un sait-il comment Napoléon a justifié face à Talleyrand sa constitution du corps germanique ? Et plus précisément quels ont été ses réponses aux reproches de Talleyrand d'aller à l'encontre de la stratégie séculaire de la France sur la division des Allemagnes ?


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 15:01 
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Moui, enfin, le 17 octobre 1805, on est en plein dans la manoeuvre d'Ulm qui va rendre l'Autriche aussi menaçante qu'un chiot nouveau-né, et on est deux mois avant Austerlitz, trois avant Presbourg, qui fait de la France napoléonienne la puissance hégémonique incontestée de l'Europe continentale.

Cela change tout et rend toute architecture diplomatique antérieure caduque. Campé dans une posture défensive agressive - comme Louis XIV dans les années 1680 - Napoléon a la volonté d'assurer la pérennité de son empire en abaissant la puissance relative des autres puissances tant qu'elles n'ont pas désarmé leurs préventions à l'encontre de la France.

Il est extrêmement facile de juger cette posture 200 ans après, mais cela était de toute évidence loin d'être aussi simple sur le moment !
La première erreur est l'Espagne, qui ne représentait pas une menace et se gardait des entreprises britanniques toute seule (surtout avec un Portugal mis au pas). La seconde est la Russie, qu'il fallait pousser à la guerre mais pas agresser. Tout le reste n'est que subi par Napoléon (l'hostilité de la Prusse qui débouche sur une guerre indésirée en 1806, avec l'intervention de la Russie en 1807 ; l'agression autrichienne de 1809 ; l'écroulement du système en 1813).

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 15:54 
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Polybe
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Citer :
Il est extrêmement facile de juger cette posture 200 ans après, mais cela était de toute évidence loin d'être aussi simple sur le moment !


Je trouve que votre reproche d'anachronisme s'applique mal ici, puisque les reproches rétrospectifs que l'on fait aujourd'hui à Napoléon étaient déjà formulés par son principal conseiller diplomatique. L'empereur a reconnu lui-même d'ailleurs que s'il avait gardé Talleyrand il serait mort sur son trône.

Citer :
le 17 octobre 1805, on est en plein dans la manoeuvre d'Ulm qui va rendre l'Autriche aussi menaçante qu'un chiot nouveau-né, et on est deux mois avant Austerlitz, trois avant Presbourg, qui fait de la France napoléonienne la puissance hégémonique incontestée de l'Europe continentale.

Cela change tout et rend toute architecture diplomatique antérieure caduque.


Pourquoi cela ? Austerlitz permet de défaire la coalition mise sur pied par l'Angleterre, avant qu'une autre ne se forme quelques années après. Comme Napoléon ne démembre pas l'Autriche, celle-ci reste une des principales puissances continentales, le fond de l'analyse de Talleyrand demeure.

Votre comparaison avec la situation de Louis XIV est intéressante, mais je pense qu'elle illustre au contraire l'intelligence stratégique de Louis XIV par rapport à Napoléon.

Louis XIV a toujours su se garantir le soutien d'au moins une puissance européenne dans ses guerres, même lorsqu'il doit faire face au reste de l'Europe. Dans la guerre de la ligue d'Augsbourg, son alliance avec l'Empire ottoman (dont le déclin relatif est alors bien moindre que sous l'Empire) permet de détourner une partie des efforts du Saint-Empire vers la frontière oriental.

Pendant la guerre de succession d'Espagne, le soutien de l'appareil d'Etat, mais surtout du sentiment national espagnol, sont acquis à la France. On est à front renversé par rapport à l'invasion de Napoléon : le roi soleil a pris soin de s'assurer du soutien castillan à l'hypothèse française avant d'accepter le testament, et a renforcé le parti français à Madrid par la mission de l'habile ambassadeur. d'Harcourt

Si l'on pousse la comparaison plus loin, on peut noter la finesse du roi soleil, qui a modéré ses exigences à Ryswick en 1697 afin de ménager la susceptibilité espagnol et de donner ses chances à une future entente ; et au contraire la balourdise de Napoléon, qui humilie l'Autriche à plaisir avant de prétendre lui tendre la main au Traité de Schönbrunn.


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Message Publié : 29 Sep 2013 16:03 
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Dralastor a écrit :
Je trouve que votre reproche d'anachronisme s'applique mal ici, puisque les reproches rétrospectifs que l'on fait aujourd'hui à Napoléon étaient déjà formulés par son principal conseiller diplomatique. L'empereur a reconnu lui-même d'ailleurs que s'il avait gardé Talleyrand il serait mort sur son trône.


Et quand Napoléon fait cette intéressante analyse ? Au moins dix ans après. CQFD...

Dralastor a écrit :
Pourquoi cela ? Austerlitz permet de défaire la coalition mise sur pied par l'Angleterre, avant qu'une autre ne se forme quelques années après. Comme Napoléon ne démembre pas l'Autriche, celle-ci reste une des principales puissances continentales, le fond de l'analyse de Talleyrand demeure.


Trop simple.
Comment voulez-vous promouvoir en allié indéfectible un ennemi que vous venez d'écraser militairement en deux coups de cuiller à pot (en fait, que vous écrasez régulièrement depuis treize ans...) ? LAutriche ne paraît-elle pas à bout de souffle et incapable de prendre sa place dans un système européen (là où, trois mois avant et quelques désastres militaires en moins, elle était peut-être plus crédible) ? Est-ce que l'opinion publique comprendrait une telle reculade ?
Bref, vous décontextualisez les raisons qui ne faisaient pas de l'Autriche un choix naturel ou même juste crédible fin 1805.

Dralastor a écrit :
Votre comparaison avec la situation de Louis XIV est intéressante, mais je pense qu'elle illustre au contraire l'intelligence stratégique de Louis XIV par rapport à Napoléon.


Merci, et plutôt d'accord sur la suite de votre message. Mais je pense qu'on occulte trop fréquemment que Napoléon a été obligé à une fuite en avant qu'il ne pouvait pas éviter - ou très difficilement. L'état de guerre lui a été plus imposé qu'il ne l'a imposé, et s'il avait pu figer l'Europe en 1807 en étant assuré de la paix, il l'aurait fait, je gage. La cavalerie de Saint-George et des décisions erronées en ont fait autrement.

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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 16:21 
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Polybe
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Inscription : 19 Déc 2007 18:08
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Citer :
Et quand Napoléon fait cette intéressante analyse ? Au moins dix ans après. CQFD...


Je vous accorde que l'opinion et Napoléon lui-même n'étaient pas favorable à l'alliance autrichienne. Mais des "experts" diplomatiques la conseillaient déjà en 1805, d'où ma contestation des reproches d'anachronisme.

Citer :
Est-ce que l'opinion publique comprendrait une telle reculade ?


Le moins qu'on puisse dire, c'est que Napoléon n'a jamais été gêné par les contradictions de l'opinion publique.

Citer :
Mais je pense qu'on occulte trop fréquemment que Napoléon a été obligé à une fuite en avant qu'il ne pouvait pas éviter - ou très difficilement. L'état de guerre lui a été plus imposé qu'il ne l'a imposé, et s'il avait pu figer l'Europe en 1807 en étant assuré de la paix, il l'aurait fait, je gage. La cavalerie de Saint-George et des décisions erronées en ont fait autrement.


Nous sommes d'accord. La fuite en avant de Napoléon est essentiellement dûe à sa lutte avec l'Angleterre. Quand il part à Moscou, c'est Londres qu'il a en tête. Son échec s'explique par son incapacité à se concilier un allié sûr dans cette lutte. Pour ce faire, il fallait choisir franchement l'Autriche ou la Russie, mais l'entre-deux dans lequel il a voulu se maintenir, notamment à Erfurt, lui a coûté cher. La maladresse des habiles.


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 16:36 
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Talleyrand était un adepte de l'équilibre des puissances un peu à l'anglaise mais avec une France jusqu'au rhin. Pour lui tout ce qui était au dela du rhin n'était pas destiné à être ou devenir français.
Ainsi on comprend mieux pourquoi il modéra toujours l'Empereur. Mais il était impensable qu'il (l'Empereur) soit toujours généreux avec l'autriche alors même que cette dernière ne lui en sera pas reconnaissant après les 2 premières paix très douce : Campo Formio (bien qu'il n'était que général, il l'a mené) et la paix du Lunéville.
Ne pas être sévère avec l'autriche aurait été un blanc seing laissé à des futures agressions non puni. Ce n'était ni dans le tempérament de l'Empereur ni dans l'intérêt de la France. D'ailleurs il aurait été sans doute préférable de rayer de la carte la prusse et de démembrer l'autriche-hongrie au lieu de mettre ces puissances dans un état intermédiaire de constante volonté de revanche.
Il ne faut pas oublié non plus qu'à la différence de Louis XIV, la France sous l'Empire est, au yeux des cours européennes, la continuation de la Révolution.
C'est un élément extrêmement important, l'Empire et de l'Empereur ne tient qu'à ses victoires. Il y a une sorte de guerre perpétuelle entre l'Europe monarchique et la France, les paix ne sont que des trêves. Pour obtenir une possible paix général, il faut s'attaquer à l'angleterre, source de toutes les coalitions et le moyen trouvé est le blocus continental. Cette solution explique toute la politique de l'Empereur.

Pouvait-il faire autrement ? Là est la question mais il est peu probable l'Europe monarchique accepte un voisin si puissant et si "différent".


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 Sujet du message : Re: Les fautes de Napoléon...
Message Publié : 29 Sep 2013 16:50 
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Plutôt d'accord avec le bonapartiste, si ce n'est que mentionner l'Autriche-Hongrie avant l'Ausgleich de 1867 est également un anachronisme...

Pour le reste, Napoléon pouvait faire autrement, mais penser qu'il n'a pas pensé son système et n'en a pas pesé les avantages et les inconvénients, c'est peu équitable ; c'est également douter de la détermination et de l'intelligence de ses adversaires.

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