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Message Publié : 24 Mars 2014 13:31 
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Polybe
Polybe

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Bonjour à tous

On peut considérer que la frontière sur le Rhin est une des conquêtes majeures de la Révolution, qui achève ainsi un vieux dessein de la monarchie ("Quand la Paris boira le Rhin, la Gaulle aura sa fin").

Napoléon lui-même est resté obsédé par cet acquis territorial de la Belgique et de la rive gauche du grand fleuve. Il considérait cette région comme indispensable à la sécurisation de Paris. De mémoire, il compare un moment son intérêt pour le Belgique à celui du Tsar pour la Pologne, affirmant qu'il préférerait faire une armée de femmes et d'enfants pour la défendre plutôt que de l'abandonner.

La question que je me pose est : cette frontière du Rhin était-elle si importante d'un point de vue stratégique ? Même après 14-18, voire 39-45, certains responsables français revendiquaient ce territoire comme une garantie contre l'Allemagne. Pourtant, le seul moment de l'Histoire où les français ont possédé en effet cette frontière, sous la Révolution et l'Empire, elle ne semble pas avoir fait la démonstration de son efficacité contre les invasions. Mais je ne suis pas un expert, et l'avis de personnes mieux renseignées serait fort utile pour lancer le débat :wink:


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Message Publié : 24 Mars 2014 14:27 
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Eginhard
Eginhard

Inscription : 27 Août 2012 15:49
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Dralastor a écrit :
La question que je me pose est : cette frontière du Rhin était-elle si importante d'un point de vue stratégique ? Même après 14-18, voire 39-45, certains responsables français revendiquaient ce territoire comme une garantie contre l'Allemagne. Pourtant, le seul moment de l'Histoire où les français ont possédé en effet cette frontière, sous la Révolution et l'Empire, elle ne semble pas avoir fait la démonstration de son efficacité contre les invasions. Mais je ne suis pas un expert, et l'avis de personnes mieux renseignées serait fort utile pour lancer le débat


Bonne question, je ne répondrais que pour la période impériale.
Est-elle importante ? oui. Est-elle suffisante ? Non.
Fin 1813, l'Empereur refuse d'opérer une grande retraite derrière le rhin car il ne veut pas perdre ses alliés ni abandonner les territoires aux coalisés. Dans son esprit, s'il concède une chose alors ses ennemies lui demanderont encore plus.
On connait la suite et elle se termine à leipzig, soit très loin du rhin. La disportion des forces est telle désormais qu'il est impossible de garder une frontière aussi longue que le rhin. D'ailleurs la dissémination des troupes ferait que les français serait faible partout. Quand on lit le début des opérations au printemps 1813 on voit que l'Empereur refusait de défendre tous les points de passages (comme proposé par Eugène il me semble) pour la raison que je viens d'évoquer.


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Message Publié : 24 Mars 2014 14:36 
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Dralastor a écrit :


("Quand la Paris boira le Rhin, la Gaulle aura sa fin").


"Quand la France boira le Rhin, toute la Gaule aura sa fin"

Dralastor a écrit :
La question que je me pose est : cette frontière du Rhin était-elle si importante d'un point de vue stratégique ? Même après 14-18, voire 39-45, certains responsables français revendiquaient ce territoire comme une garantie contre l'Allemagne. Pourtant, le seul moment de l'Histoire où les français ont possédé en effet cette frontière, sous la Révolution et l'Empire, elle ne semble pas avoir fait la démonstration de son efficacité contre les invasions. Mais je ne suis pas un expert, et l'avis de personnes mieux renseignées serait fort utile pour lancer le débat :wink:


Le propre d'une frontière naturelle est qu'elle est sans ambigüité et marquée par un aspect géographique (mer, montagne, fleuve) qui par définition la rend plus facile à défendre. Sur les autres frontières, des montagnes (Pyrénées, Alpes et Jura ) jouaient ce rôle et la politique des rois de France a été d'étendre le royaume jusqu'à leur ligne de crête. Celà a été définitivement fait en 1860, avec l'annexion de la Savoie.

Pour ce qui est du Rhin, c'est un fleuve puissant, difficilement guéable et dont le nombre de ponts jusqu'au XIXème siècle était limité. C'était une excellente ligne de défense a une époque où il n'y avait, ni moteurs, ni avions. Le romains, eux mêmes, y avaient établi leur "limes". Si louis XIV en avait disposé de la frontière du Rhin, c'est sur ce fleuve que Vauban aurait établi sa ceinture de fer .Neuf-Brisach est là pour en témoigner

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C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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Message Publié : 24 Mars 2014 17:10 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Jan 2008 13:49
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Enfin, il faut relativiser cette idée que les frontières peuvent être naturelles et évidentes et surtout qu'il s'agisse d'une politique consciente des souverains français depuis le Moyen Âge. La frontière des Pyrénées ne passe pas par la ligne de crête (toute la Cerdagne devrait être en Espagne, alors). Quant à la frontière de l'est, le Rhône aurait pu continuer à être une frontière aussi "naturelle" que les Alpes.

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Ira principis mors est


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Message Publié : 24 Mars 2014 17:25 
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Eginhard
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Lettre de l’Empereur à Eugène relatif aux dispositions de ce dernier pour protéger l'Elbe, le 19 mars 1813.

« Par vos dispositions du 10, vous placez parfaitement vos troupes pour empêcher aux cosaques et aux troupes légères de passer la rivière. Vous placez votre armée comme une arrière-garde ou comme on placerait une avant garde, mais il n’y a point de dispositions réelles. »

« Il faut mettre en principe que l’ennemi passera l’Elbe où et comme il le voudra. Jamais une rivière n’a été considérée comme un obstacle qui retardât de plus de quelques jours et le passage n’en peut être défendu qu’en plaçant des troupes en force dans des têtes de pont sur l’autre rive, prêtes à prendre l’offensive aussitôt que l’ennemi commencerait son passage. Mais, voulant se borner à la défensive, il n’y a pas d’autre parti à prendre que de disposer ses troupes de manière à pouvoir les réunir en masse et tomber sur l’ennemi avant que son passage soit achevé ; mais il faut que les localités s’y prêtent et que toutes les dispositions soient faites d’avance ».

« Si le corps ennemi de droite, qui peut être de 25 000 hommes, et qu’il fera comme de raison passer pour 50 000 hommes, se portait sur Havelberg, et voulait passer l’Elbe, que feriez-vous ? L’ennemi aurait passé et serait déjà sur Hanovre avant que vous eussiez fait aucun mouvement. Si 40 à 50 000 hommes marchaient sur Dresde, se battrait-on dans la ville pour défendre le pont ? Et si l’ennemi passait l’Elbe du côté de Pilnitz, où cela est si facile, la rivière y étant si étroite, que ferait le Prince d’Eckmühl ? Enfin, si l’ennemi passait l’Elbe entre Magdeburg et Wittenberg, ce qu’il osera faire s’il ne voit nulle part de masses offensives, que deviendraient toutes les colonnes de l’armée coupées par les troupes légères, en ayant sur leurs derrières et ne pouvant jamais se rallier ? »

« Rien n’est plus dangereux que d’essayer de défendre sérieusement une rivière en bordant la rive opposée car, une fois que l’ennemi a surpris le passage et il le surprend toujours, il trouve l’armée dans un ordre défensif très étendu et l’empêche de se rallier ».

« Tous ces inconvénients sont encore bien plus grands dans la situation actuelle des choses, quand l’ennemi a tant de cavalerie et tant d’habitude de ces mouvements ».


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Message Publié : 24 Mars 2014 18:24 
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Une frontière naturelle n'a d'intérêt que si on dispose de troupes pour la défendre, sinon elle est, certes, un obstacle, mais on peut la franchir. La grande Bretagne a la mer comme frontière naturelle, mais qu'aurait valu cette frontière naturelle, s'il n'y avait pas eu la Royal Navy ? Les alpes n'ont pas empêché Hannibal et Napoléon de les franchir c'est pour celà qu'on trouve des fortifications sur ces frontières naturelles. L'Angleterre a eu certes la royal Navy, mais ça ne l'a pas empêché de s'entourer de Tours Martello pour protéger ses côtes ! il y a une foultitude de forteresses plus ou moins en bon état sur les frontières espagnoles, savoyardes et italiennes. On en a même face à la suisse. Mais il n'en reste pas moins qu'une frontière naturelle était une aide à la défense. On nous parles de 1814 ! Mais en 1814, malgré le Rhin, napoléon après la retraite de Russie et Leipzig n'avait plus les troupes nécessaires pour s'opposer à son franchissement

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Message Publié : 24 Mars 2014 21:16 
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Avant les premières tentatives de canaliser le Rhin entre Bâle et Strasbourg, ce fleuve se divise en un nombre importants de bras qui passent entre des îles dont l'emplacement peut changer d'une saison sur l'autre. En diverses périodes, le Rhin a pu être franchi par des troupes de cavaliers ou de piétons. Parfois à pied sec ... Surtout lorsque le fleuve est gelé. Mais, c'est aussi réalisable lors de certaines périodes très sèches. Donc, le Rhin n'est pas une garantie stratégique. Sauf si on prend des dispositions pour le fortifier en installant des forts et des troupes en armes, ou si on le canalise. Mais, c'était plus dur à faire qu'à dire.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 24 Mars 2014 21:57 
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Fustel de Coulanges
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Dralastor a écrit :
Napoléon lui-même est resté obsédé par cet acquis territorial de la Belgique et de la rive gauche du grand fleuve. Il considérait cette région comme indispensable à la sécurisation de Paris. De mémoire, il compare un moment son intérêt pour le Belgique à celui du Tsar pour la Pologne, affirmant qu'il préférerait faire une armée de femmes et d'enfants pour la défendre plutôt que de l'abandonner.

La question que je me pose est : cette frontière du Rhin était-elle si importante d'un point de vue stratégique ?


Vous faites ici référence à la lettre écrite le 26 août 1809, de Vienne, par le général Bronikowski au roi de Saxe, où sont retranscrits les mots tenus par l'Empereur, le 3 août précédent, face à une députation galicienne :
"Je me ferais tuer, et mes dix armées avec, pour défendre la Belgique ; de plus, j'en ferais une onzième armée d'enfants et de femmes pour combattre et défendre tout ce qui serait au préjudice de la France."

On pourrait dans le même genre citer les Mémoires de Ségur où Napoléon s'emporte face à Dolgorouki, peu de temps avant Austerlitz :
"Quoi ! Bruxelles aussi ; mais nous sommes en Moravie, et vous seriez sur les hauteurs de Montmartre, que vous n'obtiendriez pas Bruxelles !"

Il ne s'agit pas ici de s’arc-bouter sur une barrière militaire indispensable à la sauvegarde de l'Empire (ce que le Rhin ne constituait pas), mais de la défense d'une conquête territoriale consacrée par les traités et dont le maintien de l'intégrité a été promis lors du Sacre.

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 24 Mars 2014 23:45 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Juin 2013 18:20
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1° Le Rhin offrait un petit avantage défensif.
2° Avoir sa frontière sur le Rhin signifiait avoir la Belgique et la rive gauche du Rhin allemande fournissant des subsides et des soldats, au lieu de les avoir neutres ou fournissant leurs ressources à l'ennemi.
3° Cela donnait une plus grande profondeur défensive (Paris, coeur industriel et politique de la France se trouve ainsi plus loin de la frontière), et cela diminuait la profondeur défensive de l'ennemi.
4° Tant que la Belgique et la rive gauche allemande ne seraient pas perçues comme françaises, cela permettait de sentir que la guerre, même défensive, ne se ferait pas en France.


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Message Publié : 25 Mars 2014 7:57 
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Localisation : Myrelingues la brumeuse
Narduccio a écrit :
Avant les premières tentatives de canaliser le Rhin entre Bâle et Strasbourg, ce fleuve se divise en un nombre importants de bras qui passent entre des îles dont l'emplacement peut changer d'une saison sur l'autre. En diverses périodes, le Rhin a pu être franchi par des troupes de cavaliers ou de piétons. Parfois à pied sec ... Surtout lorsque le fleuve est gelé. Mais, c'est aussi réalisable lors de certaines périodes très sèches. Donc, le Rhin n'est pas une garantie stratégique. Sauf si on prend des dispositions pour le fortifier en installant des forts et des troupes en armes, ou si on le canalise. Mais, c'était plus dur à faire qu'à dire.



Le Rhin ne se limite pas à l'Alsace ! la frontière naturelle passait aussi par Mayence et Coblence, et là, le fleuve est autrement imposant :wink:

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Message Publié : 25 Mars 2014 13:19 
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Georges Duby
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Localisation : Montrouge
Dralastor a écrit :
La question que je me pose est : cette frontière du Rhin était-elle si importante d'un point de vue stratégique ? Même après 14-18, voire 39-45, certains responsables français revendiquaient ce territoire comme une garantie contre l'Allemagne. Pourtant, le seul moment de l'Histoire où les français ont possédé en effet cette frontière, sous la Révolution et l'Empire, elle ne semble pas avoir fait la démonstration de son efficacité contre les invasions. Mais je ne suis pas un expert, et l'avis de personnes mieux renseignées serait fort utile pour lancer le débat :wink:
La France semble avoir toujours recherché des frontières naturelles si on considère le polygone actuel avec les mers, le Rhin comme objectif, les montagnes.
En fait, c'est une apparence derrière laquelle se cache une volonté presque naturelle pour un pays de vouloir souvent porter ses frontières vers des fleuves et des lignes de crête quand on n'y est pas déjà. Il s'agit donc d' ambitions.
Pour le Rhin, vouloir la rive gauche jusqu'à la mer parait, de loin, naturel. En réalité, la demande est exorbitante car qui contrôle la rive la Belgique et une partie de la Hollande contrôle l'Allemagne et menace la GB; un bord de mer qui comporte de fait des ports puissants et nécessaires à l'Allemagne. On comprend que l'europe ait toujours redouté que la France s'étende dans cette direction et que la GB ait toujours été attentive à cet égard. Un casus belli évident.
Partout on retrouve des fleuves et des montagnes frontières, par commodité de présentation, mais aussi pour des raisons défensives plus ou moins valables.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 25 Mars 2014 14:28 
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Eginhard
Eginhard

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Alain.g a écrit :
En réalité, la demande est exorbitante car qui contrôle la rive la Belgique et une partie de la Hollande contrôle l'Allemagne et menace la GB; un bord de mer qui comporte de fait des ports puissants et nécessaires à l'Allemagne


C'était une menace que si c'était la France qui détenait ces territoires parce que sinon on ne comprendrait pas la création du royaume uni des pays-bas en 1815.


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Message Publié : 25 Mars 2014 16:31 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Elgor a écrit :
Narduccio a écrit :
Avant les premières tentatives de canaliser le Rhin entre Bâle et Strasbourg, ce fleuve se divise en un nombre importants de bras qui passent entre des îles dont l'emplacement peut changer d'une saison sur l'autre. En diverses périodes, le Rhin a pu être franchi par des troupes de cavaliers ou de piétons. Parfois à pied sec ... Surtout lorsque le fleuve est gelé. Mais, c'est aussi réalisable lors de certaines périodes très sèches. Donc, le Rhin n'est pas une garantie stratégique. Sauf si on prend des dispositions pour le fortifier en installant des forts et des troupes en armes, ou si on le canalise. Mais, c'était plus dur à faire qu'à dire.



Le Rhin ne se limite pas à l'Alsace ! la frontière naturelle passait aussi par Mayence et Coblence, et là, le fleuve est autrement imposant :wink:


Oui, mais c'était pour souligner la faible valeur stratégique du Rhin, du moins au XIXème siècle. On peut le franchir par divers ponts. Normal, ils sont faits pour cela et on peut défendre les abords d'un pont, à la limite en le détruisant. Mais, on peut le traverser en bateaux. Donc, un ou plusieurs corps d'armée peuvent choisir un endroit peu défendu ou peu défendable et traverser. Et dans le cas du Rhin, on pouvait le franchir à pied. Simplement à gué comme le firent les français de Turenne. Entre autres. Mais, aussi à pied secs dans certaines configurations particulières. Bref, il me semble que "l'intérêt stratégique" du fleuve cache d'autres intérêts. Il y a un intérêt stratégique qui est l'éloignement physique de la frontière des terres françaises qu'on veut protéger. Ces zones frontalières étant destinées à être les zones où l'on arrêterait l'invasion. Ce fut le cas de l'Alsace-Moselle entre 1870 et 1918. Ce qui fait douter pas mal de monde de la volonté d'intégration des peuples qui y habitaient à la grande nation allemande. Ces peuples se sentant souvent comme des citoyens de seconde zone. Mais, en fait, on repousse le problème, puisqu'une fois intégrée, il faut protéger les régions frontalières. L'intégration française à l’État-nation s'est souvent faite comme cela. On prend de nouveaux territoires. On donne des droits aux habitants de ces territoires. Et lorsqu'il y a des tensions avec les voisins, on pense que pour protéger ces territoires, il faut en conquérir d'autres.

De plus, tout cela peut aussi cacher des intérêts économiques.

Les français ont bâti un État-nation a partir de la fusion de divers peuples. Les Allemands vont se construire à partir de l'idée que les terres qui appartiennent ou où vivent des peuples d'origines germaniques sont destinées à devenir germaniques. Il y aura un débat tout au long du XIXème siècle dans les pays germaniques ou susceptibles de l'être sur cette question de l'appartenance ou non à l'Allemagne. Les Français ne peuvent prétendre occuper les terres des peuples français ou romands. Ils devraient annexer des terres appartenant à d'autres pays, en contradiction avec des traités qu'ils ont signé. Surtout que s'ils se limitent aux terres du peuple francs ... il faudrait en rendre un certain nombre qui ne furent jamais envahies par les Francs ... D'où, à certains moments, l'idée des "frontières naturelles" qui se baseraient sur un concept géographique et non pas historique.

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Message Publié : 25 Mars 2014 18:18 
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Fustel de Coulanges
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Etendre le territoire français jusqu'aux rives du Rhin apportait d'indéniables avantages. Malgré tout, les problèmes liés à ces accroissements n'étaient pas sans éveiller quelque inquiétude. Ainsi, Carnot, le 16 juillet 1794, présenta un mémoire dont voici quelques extraits :

« La rapidité de nos succès militaires et l'intrépidité des soldats de la République ne nous permettent pas de douter que nous pourrions, si nous le voulions, dans le cours de cette campagne, planter l'arbre de la liberté sur les bords du Rhin, et réunir à la France tout l'ancien territoire des Gaules ; mais, quelque séduisant que soit ce système, on trouvera peut-être qu'il est sage d'y renoncer, et que la France ne pourrait que s'affaiblir et se préparer une guerre interminable par un agrandissement de cette nature.
Quoique le Rhin soit une barrière des plus formidables, en se portant jusqu'à lui on augmenterait prodigieusement le développement des frontières, et il en résulterait une extrême dissémination des forces qui doivent les défendre. Dans l'étendue d'un aussi long cours, il faudrait une grande quantité de troupes et une vigilance des plus constantes pour empêcher qu'un ennemi habile ne vînt à bout de surprendre quelques passages, ne gagnât le derrière des armées, ne les forçât à abandonner précipitamment leurs conquêtes, et à revenir sur leurs anciennes limites, après des pertes immenses.
Il faudrait donc, si on se livrait à ce projet d'invasion, se résoudre à prolonger l'état de guerre, à continuer d'entretenir une grande force armée, et s'exposer à de nouvelles alternatives de revers et de succès, qui ne permettraient plus d'espérer la fin des crises politiques.
Ce système a encore l'inconvénient de contrarier le principe par lequel la France renonce à l'esprit de conquête. Il semble, en effet, que ce principe nous interdise tout agrandissement qui ne serait pas commandé par la nécessité d'assurer nos propres possessions : comme, par exemple, les places d'Ypres et de Nieuport, sans lesquelles il est impossible de couvrir efficacement Dunkerque et tout le département du Nord, depuis la mer jusqu'à la Lys.
Ajoutons que la plupart des peuples qu'il faudrait réunir à la France, pour aller jusqu'aux bords du Rhin, n'étant pas mûrs encore pour notre Révolution, les factions qui se formeraient dans l'intérieur de ces pays se joindraient aux ennemis du dehors, pour nous rendre victimes de nos propres succès.
Enfin, en éloignant nos limites du centre d'action du gouvernement, et en les rapprochant d'autant des centres d'action des gouvernements étrangers, on affaiblirait l'impulsion du premier et on se présenterait à un choc plus immédiat et plus intense de la part des autres, ce qui donnerait à ceux-ci un avantage immense.
Il paraît donc beaucoup plus sage de restreindre nos projets d'agrandissement à ce qui est purement nécessaire pour porter au maximum la sûreté de notre propre pays, pour rompre la Coalition, assurer notre commerce et réduire les ennemis à l'impuissance de nous attaquer dans la suite avec quelque apparence de succès »

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Message Publié : 25 Mars 2014 18:24 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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Localisation : Nanterre
En fait, faire d'un fleuve une frontière est complétement artificiel. Il a certes une fonction d'obstacle, mais pas absolue. Par exemple, le Rhin a gelé le 31 décembre 406, livrant passage aux hordes germaniques. Il peut être traversé parfois à gué, souvent par bateau.

Un fleuve définit surtout un bassin : sur les terres autour de ces deux rives, les habitants partagent une même culture, souvent distincte des autres régions. L'exemple le plus parfait en est l'Égypte.

Il faut la volonté d'un état centralisée pour établir une frontière pérenne sur un fleuve.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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