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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 22 Fév 2017 10:42 
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Fustel de Coulanges
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Rigoumont a écrit :
DUFRAISSE Roger a écrit :
aux dépens s'il le fallait de l'économie des États du continent, ceux-ci étant véritablement considérés comme des colonies de la France destinés à lui fournir des matières premières et à absorber les produits de son industrie


On peut à ce sujet ce passage célèbre de la lettre de Napoléon à Eugène en date du 23 août 1810 :
« Mon principe est la France avant tout. Vous ne devez jamais perdre de vue que, si le commerce anglais triomphe sur mer, c'est parce que les Anglais y sont les plus forts; il est donc convenable, puisque la France est la plus forte sur terre, qu'elle y fasse aussi triompher son commerce, sans quoi, tout est perdu. »

A l’origine de cette mise au pas, était cette lettre d’Eugène du 14 août précédent concernant les exportations de soies :
« Il ne me reste plus qu'à entretenir Votre Majesté du dernier décret qu'il lui a plu de prendre sur la sortie des soies de son royaume d'Italie. Déjà, avant d'avoir reçu le décret, le besoin des manufactures du royaume joint au besoin de remonter les revenus du trésor, m'avaient porté, après avoir discuté l'affaire au conseil des ministres, à augmenter de beaucoup les droits de sortie des soies. J'y étais d'autant plus porté, que le ministre Marescalchi m'envoyait la copie d'une lettre du ministre de l'intérieur de l'empire, qui au nom de Votre Majesté réclamait qu'il fût pris des mesures à cet égard.
Le tableau ci-après fera connaître à Votre Majesté l'augmentation que nous avons cru nécessaire d'imposer aux droits d'exportation, et je la prie de vouloir bien la sanctionner de son approbation.
-Soies grises pour chaque livre : droit d’exportation du tarif : 77 centimes ; droit d’exportation fixé par le décret du vice-roi du 2 août 1810 : 2 francs.
-Soies en trame : droit d’exportation du tarif : 29 centimes ; droit d’exportation fixé par le décret du vice-roi du 2 août 1810 : 60 centimes.
-Soies teintes : droit d’exportation du tarif : 20 centimes ; droit d’exportation fixé par le décret du vice-roi du 2 août 1810 : 30 centimes.
-Soies teintes à coudre : droit d’exportation du tarif : 2 centimes ; droit d’exportation fixé par le décret du vice-roi du 2 août 1810 : 5 centimes.
Je dois pourtant observer à Votre Majesté que l'exécution de l'article de son décret qui ne veut point que cette augmentation de tarif ait lieu du côté de la France va occasionner une perte bien grande et un mécontentement général dans son royaume d'Italie. Le prix de 48 millions de soies qui s'exportaient de votre royaume d'Italie, Sire, sera donc fixé par le commerce de Lyon et à sa merci, car Votre Majesté, en ôtant la concurrence au commerce des autres pays, fait, il est vrai, un avantage au commerce français, mais elle consomme en même temps la ruine totale de ce genre d'industrie, seule ressource qui pourrait soutenir la passivité qu'éprouve le royaume d'Italie de tous les autres côtés. J'ose dire plus : Votre Majesté a dicté un traité de commerce avantageux à la France et nuisible au royaume d'Italie. Ce serait une injustice pour vos sujets italiens que d'aller au delà de ce même traité. Je prie donc en grâce Votre Majesté de vouloir bien permettre, au moins, que les soies portées dans ce tarif à 2 francs par quintal, pour la sortie sur tous les pays étrangers, soient réduites à 1 franc 50 centimes pour la sortie du côté de l'empire français. Je ne puis pas croire que Votre Majesté ne veuille pas se rendre à la justice de cette cause, et je la prie cependant de croire qu'en attendant sa décision, son décret a été sur-le-champ exécuté. »

La réponse fut la lettre du 23 août d’où j’ai tirée la citation donnée plus haut :
« Mon fils, je reçois votre lettre du 14 août. Les soies du royaume d’Italie vont toutes en Angleterre puisqu'on ne fabrique pas les soies en Allemagne. Il est donc tout simple que je veuille les détourner de cette route au profit de mes manufactures de France, sans cela mes fabriques de soies, qui sont une principale ressource du commerce de France, éprouveraient des pertes considérables; je ne saurais approuver les observations que vous faites. Mon principe est la France avant tout. Vous ne devez jamais perdre de vue que, si le commerce anglais triomphe sur mer, c'est parce que les Anglais y sont les plus forts; il est donc convenable, puisque la France est la plus forte sur terre, qu'elle y fasse aussi triompher son commerce, sans quoi, tout est perdu. Ne vaut-il pas mieux pour l'Italie de venir au secours de la France dans une circonstance importante comme celle-ci, que de se voir couverte de douanes, car ce serait mal voir que de ne pas reconnaître que l'Italie n'est indépendante que par la France; que cette indépendance est le prix de son sang, de ses victoires, et que l'Italie ne doit pas en abuser; qu'il serait surtout fort déraisonnable d'aller calculer si la France obtient ou non quelques avantages commerciaux. Le Piémont et le Parmésan ont aussi de la soie. J'en ai cependant défendu de même l'exportation pour toute autre destination que la France. Quelle différence doit-il y avoir entre le royaume d'Italie et le Piémont ? S'il devait y en avoir, ce serait en faveur du Piémont. Les Vénitiens ont combattu la France, les Piémontais l'ont aidée; ils étaient parvenus à former un parti contre leur roi; mais laissons tous ces faits. J'entends mieux que personne la politique de l'Italie. Il faut que l'Italie ne fasse pas de calculs séparés de la prospérité de la France; elle doit confondre ses intérêts dans les siens; il faut surtout qu'elle se garde bien de donner à la France un intérêt à la réunion; car si la France y avait intérêt, qui pourrait l'empêcher ? Prenez donc aussi pour devise : La France avant tout. Si je perdais une grande bataille, un million, deux millions d'hommes de ma vieille France accourraient sous mes drapeaux; toutes les bourses m'y seraient ouvertes, et mon royaume d'Italie lâcherait pied; je trouve donc singulier qu'on ait quelque répugnance à venir au secours des manufactures françaises, dans une mesure qui a aussi pour but de faire tort aux Anglais. Il y a beaucoup de soie dans les trois Légations, il y en a beaucoup dans le Novarais; par quels faits le royaume d'Italie a-t-il mérité ces accroissements de 700 000 et de 400 000 âmes ? et comment ces réunions peuvent-elles tourner contre mes intentions ? Au lieu de la moitié du droit, les marchandises françaises ne devraient rien payer à leur entrée en Italie. »


Cette politique fut désastreuse pour la soierie italienne. Selon les chiffres donnés par Branda (Le prix de la gloire), les ventes passèrent d’environ 14 millions de lires à un peu plus de 6 millions en 1811, et le nombre d’ouvriers chuta de 140 000 à 100 000. 100 manufactures sur 500 disparurent.

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 22 Fév 2017 14:54 
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Grégoire de Tours
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Il semble que la Hollande ait eu sa part :
"Aucune de mes affaires n'avance. Celle de la Hollande ne fait point un pas ; présentez une note au ministre des Affaires étrangères, conformément à ma lettre au roi ; dites-lui que je ne puis laisser cette nation l'auxiliaire de l'Angleterre ; tombez sur les mauvais conseillers du roi et insistez sur la nécessité de recourir à toute la puissance que Dieu m'a donnée pour faire du mal à l'Angleterre et pour nuire à son commerce dans l'alliance qu'il a contractée avec le commerce de Hollande"
(A Champagny, duc de Cadore, le 6 janvier 1810)

Afin d'étouffer des menaces de résistance qui se manifestaient, Oudinot sur ordre de l'empereur fait une proclamation : possession militaire est prise pour les pays entre la Meuse et l'Escaut. Résistance des Hollandais.

"Rendez-vous chez le roi pour lui faire connaître que s'il ne remédie pas à l'affront qui a été fait à mes troupes, je les ferai marcher sur Amsterdam et que je déclarerai la réunion de la Hollande à la France. Vous lui direz que mes troupes venaient occuper militairement ces places et que je suis le maître de les faire entrer dans Berg-op-Zoom et Breda qui ont toujours été dans les mains de mes armées ; que c'est à lui de prescrire des mesures sans quoi il sera responsable du sang qui coulera."
(A Clarke, duc de Feltre, 18 janvier 1810)

Il apparait pourtant que tout est scellé car dans des instructions secrètes, Napoléon faisait connaître à Oudinot sa pensée irrévocable de réunir les pays entre la Meuse et l'Escaut à la France.

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Le BC qui avait favorisé les industriels français en supprimant la concurrence étrangère avait privé les manufactures de matière première. Les filatures manquaient de coton et Napoléon était préoccupé de savoir s'il était préférable d'autoriser l'entrée en France des fils destinés au tissage ou bien du coton brut.
(A Montalivet, 30 décembre 1809)
L'empereur ne voulait pas laisser se développer l'industrie cotonnière au moment où la matière première risquait de faire défaut. Il se préoccupait d'étendre la culture du coton en Italie, envoyait les filateurs d'Alsace, Schlumberger et Dollfus-Mieg à Rome (Madelin : "La Rome de Napoléon"). Cependant les filateurs de soie de Lyon avaient fait des dépenses en équipement, imaginant des débouchés nouveaux.
La contrebande fonctionnait mieux.
Les métiers durent être arrêtés.

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 22 Fév 2017 15:31 
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Grégoire de Tours
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:oops: mauvais clic.

Concernant la Russie, Alexandre Ier à l'empereur, le 1er mars 1811 :

"Ni mes sentiments ni ma politique n'ont pas changé et je ne désire que le maintien et la consolidation de notre alliance. Ne m'est-il pas plutôt permis de supposer que c'est VM qui a changé à mon égard ? ...
VM m'accuse d'avoir protesté contre l'affaire d'Oldenbourg mais pouvais-je ne pas le faire ? Un petit coin de terre que possédait l'unique individu qui appartient à ma famille, qui a passé par toutes les formalités qu'on exigeait de lui, membre de la confédération, et par là sous la protection de VM, et dont les possessions se trouvent garanties par un article du traité de Tilsit, s'en trouve dépossédé sans que VM m'en ait dit un mot préalablement ?
...
VM suppose que mon oukase sur le tarif est dirigé contre la France ? ... Ce tarif m'a été impérieusement commandé par la gêne extrême du commerce maritime, par l'importation énorme par terre de marchandises de prix, par les droits excessifs mis dans les Etats de VM sur les produits russes et par la baisse effrayante de notre change. Il y a deux buts en vue : le premier c'est qu'en prohibant avec la plus grande sévérité le commerce anglais, d'accorder quelques facilités au commerce américain comme le seul par mer dont la Russie puisse se servir pour exporter les produits trop volumineux pour pouvoir l'être par terre, le second restreindre autant que faire se peut l'importation par terre, comme la plus déavantageuse pour notre balance du commerce..."

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 22 Fév 2017 16:52 
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Fustel de Coulanges
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ezio-auditore a écrit :
Il semble que la Hollande ait eu sa part :
"Aucune de mes affaires n'avance. Celle de la Hollande ne fait point un pas ; présentez une note au ministre des Affaires étrangères, conformément à ma lettre au roi ; dites-lui que je ne puis laisser cette nation l'auxiliaire de l'Angleterre ; tombez sur les mauvais conseillers du roi et insistez sur la nécessité de recourir à toute la puissance que Dieu m'a donnée pour faire du mal à l'Angleterre et pour nuire à son commerce dans l'alliance qu'il a contractée avec le commerce de Hollande"
(A Champagny, duc de Cadore, le 6 janvier 1810)

Afin d'étouffer des menaces de résistance qui se manifestaient, Oudinot sur ordre de l'empereur fait une proclamation : possession militaire est prise pour les pays entre la Meuse et l'Escaut. Résistance des Hollandais.

"Rendez-vous chez le roi pour lui faire connaître que s'il ne remédie pas à l'affront qui a été fait à mes troupes, je les ferai marcher sur Amsterdam et que je déclarerai la réunion de la Hollande à la France. Vous lui direz que mes troupes venaient occuper militairement ces places et que je suis le maître de les faire entrer dans Berg-op-Zoom et Breda qui ont toujours été dans les mains de mes armées ; que c'est à lui de prescrire des mesures sans quoi il sera responsable du sang qui coulera."
(A Clarke, duc de Feltre, 18 janvier 1810)

Il apparait pourtant que tout est scellé car dans des instructions secrètes, Napoléon faisait connaître à Oudinot sa pensée irrévocable de réunir les pays entre la Meuse et l'Escaut à la France


On peut à ce sujet à la menaçante lettre du 21 décembre 1809 :
« Monsieur mon frère, je reçois la lettre de V. M. Elle désire que je lui fasse connaître mes intentions sur la Hollande; je le ferai franchement. Quand V. M. est montée sur le trône de Hollande, une partie de la nation hollandaise désirait la réunion à la France; l'estime que j'avais puisée dans l'histoire pour cette brave nation m'a porté à désirer qu'elle conservât son nom et son indépendance. Je rédigeai moi même sa constitution, qui devait être la base du trône de V. M., et je l'y plaçai. J'espérais qu'élevée près de moi, elle aurait eu pour la France cet attachement que la nation a droit d'attendre de ses enfants, et à plus forte raison de ses princes. J'espérais qu'élevée dans ma politique, elle aurait senti que la Hollande, qui avait été conquise par mes peuples, ne devait son indépendance qu'à leur générosité; que la Hollande, faible, sans alliance, sans armée, pouvait et devait être conquise le jour où elle se mettrait en opposition directe avec la France; qu'elle ne devait point séparer sa politique de la mienne; qu'enfin la Hollande était liée par des traités avec la France. J'espérais donc qu'en plaçant sur le trône de Hollande un prince de mon sang, j'avais trouvé le mezzo termine qui conciliait les intérêts des deux états, et les réunissait dans un intérêt commun, et dans une haine commune contre l'Angleterre; et j'étais tout fier d'avoir donné à la Hollande ce qui lui convenait, comme par mon acte de médiation j'avais trouvé ce qui convenait à la Suisse. Mais je n'ai pas tardé à m'apercevoir que je m'étais bercé d'une vaine illusion : mes espérances ont été trompées. V. M., en montant sur le trône de Hollande, a oublié qu'elle était Française, et a même tendu tous les ressorts de sa raison, tourmenté la délicatesse de sa conscience, pour se persuader qu'elle était Hollandaise. Les Hollandais qui inclinaient pour la France ont été négligés et persécutés; ceux qui ont servi l'Angleterre ont été mis en avant. Les Français, depuis l'officier jusqu'au soldat, ont été chassés, déconsidérés; et j'ai eu la douleur de voir, en Hollande, sous un prince de mon sang, le nom français exposé à la honte. Cependant je porte dans mon cœur, j'ai su soutenir si haut, sur les baïonnettes de mes soldats, l'estime et l'honneur du nom français, qu'il n'appartient ni à la Hollande ni à qui que ce soit d'y porter atteinte impunément. Les discours émanés de V. M. à sa nation se sont ressentis de ces mauvaises dispositions. On n'y voit que des allusions sur la France; au lieu de donner l'exemple de l'oubli du passé, ils le rappellent sans cesse, et par là flattent les sentiments secrets et les passions des ennemis de la France. Eh ! cependant, de quoi se plaignent les Hollandais ? n'ont-ils pas été conquis par nos armes ? ne doivent-ils pas leur indépendance à la générosité de mes peuples ? ne devraient-ils pas plutôt bénir la générosité de la France, qui a constamment laissé ouverts ses canaux et ses douanes à leur commerce, qui ne s'est servi de la conquête que pour les protéger, et qui n'a fait, jusqu'à cette heure, usage de sa puissance que pour consolider leur indépendance ? Qui a donc pu justifier la conduite, insultante pour la nation et offensante pour moi, qu'a tenue V. M. ? Vous devez comprendre que je ne me sépare pas de mes prédécesseurs, et que, depuis Clovis jusqu'au comité de salut public, je me tiens solidaire de tout, et que le mal qu'on dit de gaîté de cœur contre les gouvernements qui m'ont précédé, je le tiens comme dit dans l'intention de m'offenser. Je sais qu'il est venu de mode, parmi de certaines gens, de faire mon éloge et de décrier la France; mais ceux qui n'aiment pas la France ne m'aiment pas : ceux qui disent du mal de mes peuples, je les tiens pour mes plus grands ennemis. N'aurais-je eu que cette seule raison de mécontentement, de voir le mépris dans lequel était tombé le nom français en Hollande, que les droits de ma couronne m'autoriseraient à déclarer la guerre à un souverain, mon voisin, dans les états duquel on se permettrait des insultes contre mes peuples : je n'en ai rien fait.
Mais V. M. s'est fait illusion sur mon caractère; elle s'est fait une fausse idée de ma bonté et de mes sentiments envers elle. Elle a violé tous les traités qu'elle a faits avec moi; elle a désarmé ses escadres, licencié ses matelots, désorganisé ses armées ; de sorte que la Hollande se trouve sans armée de terre ni de mer, comme si des magasins de marchandises, des négociants et des commis pouvaient consolider une puissance. Cela constitue une association ; mais il n'est pas de roi sans finances, sans moyens de recrutement assurés, et sans flotte.
V. M. a fait plus; elle a profité du moment où j'avais des embarras sur le continent pour laisser renouer les relations de la Hollande avec l'Angleterre, violer les lois du blocus, seul moyen de nuire efficacement à cette puissance. Je lui ai témoigné mon mécontentement de cette conduite, en lui interdisant la France, et je lui ai fait sentir que sans le secours de mes armées, en fermant le Rhin, le Weser, l'Escaut et la Meuse à la Hollande, je la mettais dans une position plus critique que si je lui eusse déclaré la guerre, et je l'isolais de manière à l'anéantir.
Ce coup a retenti en Hollande. V. M. a imploré ma générosité, et en a appelé à mes sentiments de frère, a promis de changer de conduite: j'ai pensé que cet avertissement serait suffisant; j'ai levé la prohibition de mes douanes; mais bientôt V. M. est revenue à son premier système. Il est vrai qu'alors j'étais à Vienne, et j'avais une pesante guerre sur les bras. Tous les bâtiments américains qui se présentaient dans les ports de Hollande, tandis qu'ils étaient repoussés de ceux de France, V. M. les a reçus. J'ai été obligé une seconde fois de fermer mes douanes au commerce hollandais : certes, il était difficile de faire une déclaration de guerre plus authentique. Dans cet état de choses, nous pouvions nous regarder réellement en guerre. Dans mon discours au corps-législatif, j'ai laissé entrevoir mon mécontentement, et je ne vous cacherai pas que mon intention est de réunir la Hollande à la France, comme complément de territoire, comme le coup le plus funeste que je puisse porter à l'Angleterre, et comme me délivrant des perpétuelles insultes que les meneurs de votre cabinet ne cessent de me faire. En effet, l'embouchure du Rhin et celle de la Meuse doivent m'appartenir. Le principe, en France, que le thalweg du Rhin est notre limite, est un principe fondamental. V. M. m'écrit, dans sa lettre du 17, qu'elle est sûre de pouvoir empêcher tout commerce de la Hollande avec l'Angleterre; qu'elle peut avoir des finances, des flottes, des armées; qu'elle rétablira les principes de la constitution en ne donnant aucun privilège à la noblesse, en réformant les maréchaux, grade qui n'est qu'une caricature et qui est incompatible avec une puissance du second ordre; enfin qu'elle fera saisir les entrepôts de marchandises coloniales et tout ce qui est arrivé sur des bâtiments américains qui n'auraient pas dû entrer dans ses ports. Mon opinion est que V. M. prend des engagements qu'elle ne peut pas tenir, et que la réunion de la Hollande à la France n'est que différée. J'avoue que je n'ai pas plus d'intérêt à réunir à la France les pays de la rive droite du Rhin, que je n'en ai à y réunir le grand duché de Berg et les villes hanséatiques. Je puis donc laisser à la Hollande la rive droite du Rhin, et je lèverai les prohibitions données à mes douanes, toutes les fois que les traités existants et qui seront renouvelés, seront exécutés. Voici mes intentions.
1° L'interdiction de tout commerce et de toute communication avec l'Angleterre.
2° Une flotte de quatorze vaisseaux de ligne, de sept frégates, et de sept bricks ou corvettes armées et équipées.
3° Une armée de terre de vingt-cinq mille hommes.
4° Suppression des maréchaux.
5° Destruction de tous les privilèges de la noblesse, contraires à la constitution que j'ai donnée et que j'ai garantie.
V. M. peut faire négocier sur ces bases avec le duc de Cadore, par l'entremise de son ministre; mais elle peut être certaine qu'au premier paquebot, qu'au premier bâtiment qui sera introduit en Hollande, je rétablirai la défense des douanes; qu'à la première insulte qui sera faite à mon pavillon, je ferai saisir à main armée, et pendre au grand mât, l'officier hollandais qui se permettra d'insulter mon aigle. V. M. trouvera en moi un frère, si je trouve en elle un Français; mais si elle oublie les sentiments qui l'attachent à la commune patrie, elle ne pourra trouver mauvais que j'oublie ceux que la nature a placés entre nous. En résumé, la réunion de la Hollande à la France est ce qu'il y a de plus utile à la France, à la Hollande, au continent; car c'est ce qu'il y a de plus nuisible à l'Angleterre. Cette réunion peut s'opérer de gré ou de force. J'ai assez de griefs contre la Hollande pour lui déclarer la guerre. Toutefois je ne ferai pas de difficulté pour me prêter à un arrangement qui me cédera la limite du Rhin, et par lequel la Hollande s'engagera à remplir les conditions stipulées ci-dessus. »

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 23 Fév 2017 14:50 
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Grégoire de Tours
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Savez-vous que vous m'enragez par vos sources ! Une chance, vous savez les partager. :wink:

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 23 Fév 2017 14:59 
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Eginhard
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ezio-auditore a écrit :
Savez-vous que vous m'enragez par vos sources ! Une chance, vous savez les partager. :wink:


J'ai déjà eu l'occasion de le dire : Drouet Cyril n'existe pas. C'est une sous-routine du forum, connectée à 250 000 bases de données à travers le monde. Une Intelligence Artificielle conçue par un informaticien japonais fou, fasciné par l'histoire du Premier Empire, voici une dizaine d'années.

Seule l'équipe de modération connaît les limites exactes des ses possibilités - et encore, je crois qu'ils sont eux-mêmes dépassés. Certains en ont perdu le sommeil.

Pour l'instant, ils ne fonctionne que sur une période historique restreinte - 1794-1815 - mais tremblez que son champ de recherche ne s'étende. Vous ne pourrez plus dire un mot sur le forum sans déclencher une réaction automatique immédiate qui forcerait les intervenants à plus de rigueur dans leur argumentation.

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 23 Fév 2017 20:58 
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Grégoire de Tours
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Comment vous croire ?
J'ai vu le Drouet Cyril bugger et je puis vous assurer qu'il avait des perceptions et des réactions très humaines. S'il étend son champ, nous saurons nous adapter. Maintenant si un hacker pouvait me refiler ses logiciels : quel rêve !
:wink:

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 24 Fév 2017 11:00 
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Pierre de L'Estoile
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Jefferson a écrit :
Drouet Cyril n'existe pas.

Si, mais comme rat de bibliothèque ou comme Anachorète en Cappadoce mais avec la Fibre !!!

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 24 Fév 2017 13:10 
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Si on revenais au sujet ....

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 Sujet du message : Re: Blocus continental
Message Publié : 26 Fév 2017 15:27 
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Fustel de Coulanges
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ezio-auditore a écrit :
Concernant la Russie, Alexandre Ier à l'empereur, le 1er mars 1811 :

"Ni mes sentiments ni ma politique n'ont pas changé et je ne désire que le maintien et la consolidation de notre alliance. Ne m'est-il pas plutôt permis de supposer que c'est VM qui a changé à mon égard ? ...
VM m'accuse d'avoir protesté contre l'affaire d'Oldenbourg mais pouvais-je ne pas le faire ? Un petit coin de terre que possédait l'unique individu qui appartient à ma famille, qui a passé par toutes les formalités qu'on exigeait de lui, membre de la confédération, et par là sous la protection de VM, et dont les possessions se trouvent garanties par un article du traité de Tilsit, s'en trouve dépossédé sans que VM m'en ait dit un mot préalablement ?



Je me permets de retranscrire en entier le passage de la lettre d’Alexandre concernant l’Oldenbourg :
« Votre Majesté m'accuse d'avoir protesté contre l'affaire d'Oldenbourg. Mais pouvais-je ne pas le faire ? Un petit coin de terre que possédait l’unique individu qui appartient à ma famille, qui a passé par toutes les formalités qu'on a exigées de lui, membre de la Confédération, et par là sous la protection de Votre Majesté, dont les possessions se trouvent garanties par un article du traité de Tilsit, s'en trouve dépossédé sans que Votre Majesté m'en ait dit un mot préalablement ! De quelle importance ce coin de terre pouvait-il être pour la France ? Et ce procédé prouvait-il à l'Europe l'amitié de Votre Majesté pour moi ? Aussi toutes les lettres écrites de partout à cette époque prouvent qu'on l'a envisagé comme un désir que Votre Majesté a eu de me blesser. Quant à ma protestation, la manière dont elle est rédigée sert de preuve irrécusable que je mets l'alliance de la France au-dessus de toute autre considération, et j'y énonce clairement qu'on se tromperait beaucoup si on en déduisait que mon union avec Votre Majesté se trouve relâchée. »

Ces mots répondaient à la lettre écrite par Napoléon le 28 février précédent :
« Je charge le comte de Czernitchef de parler à Votre Majesté de mes sentiments pour elle. Ces sentiments ne changeront pas, quoique je ne puisse me dissimuler que Votre Majesté n'a plus d'amitié pour moi. Elle me fait faire des protestations et toutes espèces de difficultés pour l'Oldenburg, lorsque je ne me refuse pas à donner une indemnité équivalente et que la situation de ce pays, qui a toujours été le centre de la contrebande avec l'Angleterre, me fait un devoir indispensable, pour l'intérêt de mon Empire et pour le succès de la lutte où je suis engagé, de la réunion d'Oldenburg à mes États. »

On trouve la réaction de Napoléon à la missive d’Alexandre dans le rapport que rédigea Czernitchef le 17 juin :
« Là où Votre Majesté Impériale lui parle du duché d’Oldenbourg, il dit, qu’il ne l’avait pas prévenue de cette réunion, parce qu’il croyait qu’Elle ne pouvait y attacher d’autre intérêt que celui d’y avoir un prince allié de Sa Maison à qui qui par égard pour Elle il avait offert ce qu’il avait de mieux ; qu’il ne s’était décidé à l’effectuer qu’à cause que ce pays étant placé entre la France et l’Angleterre, aurait nécessairement donné lieu dans tous les temps à des discussions et démêlés avec la Russie et que certainement il n’y aurait pas touché, s’il s’était trouvé dans la Méditerranée ou dans le cœur de l’Allemagne ; qu’au surplus, si l’on voulait faire d’un petit intérêt un grand, aucun raisonnement de sa part ne pouvait être valable. »

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