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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 04 Août 2014 20:05 
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Plutarque
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La fin de la piraterie barbaresque en Méditerranée (1801-1816) de Jean-Paul Pancracio
http://blogs.univ-poitiers.fr/jp-pancra ... iterranee/
Intéressantie synthèse, évoque l'action des Américains et de Washington en particulier.
Citer :
Le cadre
En Méditerranée, entre le XVe et le début du XIXe siècle, sévissent les pirates du pays berbère, l’actuel Maghreb. Par déformation, la Berbérie devient la Barbarie (nom resté attaché aux fruits de cactus que l’on appelle toujours « figues de Barbarie »). Et les pirates deviennent évidemment les Barbaresques. Leurs principaux ports de refuge sont Tripoli, Tunis (Sidi Bou Saïd), Alger. Ils agissent avec la complicité des pachas locaux, vassaux de l’empereur ottoman, le sultan d’Istanbul. Les pachas tirent évidemment bénéfice de cette activité. Si le navire ou son pays de pavillon refusent de payer tribut pour bénéficier d’un passage paisible, les Barbaresques l’attaquent, volent la cargaison et s’emparent des personnes trouvées à bord. Elles seront libérées contre
rançon ou vendues comme esclaves.
Pendant un temps, et bien que disposant d’une puissance navale considérable, l’Angleterre ne se résout pas à attaquer le phénomène de front. Elle accepte de payer chaque année un tribut au Dey d’Alger, le sultan, en échange duquel ses navires sont assurés de ne pas être inquiétés. En outre, durant la période des guerres de la révolution française et du Premier empire, la sécurité de la navigation commerciale en Méditerranée devient une préoccupation secondaire des marines de guerre. Elle est donc délaissée.
Dans le même temps, le commerce avec le Maghreb, assuré jusque-là pour l’essentiel par les ports français de la rive nord, décline fortement. Les pachas berbères – le Dey à Alger, le Bey à Tunis, le pacha de tripoli – se trouvent alors privés d’une source de revenus essentielle constituée par les taxes perçues sur les marchandises débarquées. Il en est de même pour les notables qui vivent autour d’eux (Voir Daniel Panzac, Les corsaires barbaresques. La fin d’une épopée, 1800-1820, CNRS éditions-Méditerranée, 1999, p. 63). Il leur faut compenser ces pertes. Dans le contexte des guerres de la Révolution et de l’Empire, la solution va encore être pour eux l’activité pirate.
Mais au fait, s’agit-il de pirates ou de corsaires ?
Il faut en effet se demander s’il s’agit de piraterie ou d’une activité corsaire. Certains historiens spécialistes de ce domaine, comme Daniel Panzac, considèrent qu’il s’agit d’une activité de course, donc de corsaires, plus que de piraterie. Par définition, des pirates agissent seuls, pour leur propre compte, dans l’unique but de s’enrichir. Au contraire, des corsaires agissent sur commande d’un monarque contre les navires d’une puissance ennemie clairement désignée. Le but est d’affaiblir sa puissance navale et de couper ses voies d’approvisionnement, tout en s’enrichissant aussi par les prises réalisées.
Alors ? Pirates ou corsaires, nos Barbaresques ? En droit, l’affaire est délicate. Certes, la plupart du temps, ils agissaient en accord avec leurs pachas régnant sur la rive sud de la Méditerranée. Leurs intentions n’étaient pas exemptes non plus de visées politiques, quand elles prenaient la forme d’une sorte de djihad naval.
Mais un autre aspect de la question peut nous inciter à les qualifier de pirates : le régime dits des capitulations ottomanes (terme issu du latin capitulum, tête de chapitre ou article d’un traité : rien à voir avec une défaite !). Tous ces pachas locaux étaient vassaux du Grand Seigneur, l’empereur ottoman d’Istanbul. Or ce dernier avait consenti aux puissances navales du Nord, chrétiennes – France, Angleterre, Pays-Bas… – toujours après une phase de négociations diplomatiques, un régime officiel d’immunité qui protégeait leur commerce en Méditerranée ainsi que leurs navires dans tous les ports de l’empire (Sur la nature juridique et la portée des capitulations ottomanes, voir Jean-Paul Pancracio, « L’évolution historique du statut international du chef d’Etat », in Le chef d’Etat et le droit international, Actes du colloque 2001 de la Société française pour le droit international, Paris, Pedone, 2002, pp. 21 et suiv.).
Ainsi, selon nous, le fait que ces attaques contre les navires des puissances chrétiennes aient pu perdurer et même se développer en dépit des capitulations accordées par l’empereur ottoman, auquel étaient soumis les pachas berbères, peut faire pencher vers la qualification de piraterie. Les marins barbaresques n’étaient pas couverts par le souverain, l’empereur, dont ils dépendaient via leur pacha.
L’entrée en jeu des Marines et de l’US Navy : 1801-1805
Aussi surprenant que cela paraisse, ce sont les Etats-Unis qui vont intervenir dans la lutte contre les pirates barbaresques durant la période de latence européenne due aux guerres de la révolution et de l’Empire. Le célèbre corps des marines doit sa naissance à la décision que prend la jeune nation de sécuriser son commerce méditerranéen. A la fin du XVIIIe siècle, le commerce maritime des Etats-Unis, déjà très actif en Méditerranée, ne peut s’accommoder de ces attaques. Jeune démocratie qui s’est formée contre le despotisme (constitution fédérale de 1787), les Etats-Unis perçoivent là une nouvelle manifestation de despotisme contre une liberté essentielle, vitale, celle des mers.
Thomas Jefferson va être l’artisan de la riposte. Lors d’une mission de négociation à Londres en 1785 aux côtés de John Adams, il apprend de l’envoyé du pacha de Tripoli que ceux qui refusent de payer tribut pour transiter en Méditerranée font offense aux pachas berbères et que le djihad maritime est dans ce cas prescrit par le Coran ! En 1801, les Etats-Unis rejettent une nouvelle fois une demande de tribut. Le pacha de Tripoli leur déclare alors ostensiblement la « guerre pirate », tandis que d’autres attaques venant de la côte algérienne se multiplient. La même année, les Etats-Unis déplorent la capture de la nouvelle frégate Philadelphia, fleuron de leur flotte, par les pirates de Tripoli.
Cette même année 1801, Jefferson organise la première opération américaine contre la
piraterie barbaresque. Il se passe de l’accord initial du Congrès tout en faisant à cette occasion la démonstration de l’utilité d’un pouvoir fédéral fort et de la nécessité pour le pays de disposer d’une marine de guerre puissante. Une escadre américaine bombarde par surprise Alger et Tripoli. Elle inflige de lourdes pertes et destructions à ces deux ports, reprend la frégate Philadelphia, et contraint les pachas à libérer tous les otages américains détenus. A posteriori, en 1802, le Congrès des Etats-Unis valide l’opération navale en même temps que la nécessité d’une présence durable de l’US Navy en Méditerranée.
Une nouvelle et audacieuse opération est menée en 1805. Débarqué en Égypte, à Alexandrie, un commando du nouveau corps des Marines, constitué à cet effet, parcourt 800 km par la voie de terre et atteint la ville de Derna. Il s’en empare le 27 avril 1805 avec l’aide des canons des navires américains qui suivent au large son cheminement. Le commando ne parvient toutefois pas à atteindre Tripoli. Reste que la puissance des pirates barbaresques ne sera plus jamais ce qu’elle était avant ces opérations. Un nouveau coup est porté aux Barbaresques par une escadre anglo-hollandaise (la flotte britannique était accompagnée de six navires hollandais) en 1816. Cette escadre attaquera également les refuges des pirates des Caraïbes. En 1830, la colonisation française de l’Algérie signe l’arrêt définitif de l’activité des pirates de la côte berbère.
Bibliographie :
Sur la piraterie barbaresque, voir en langue française les ouvrages majeurs et actuellement disponibles de : Daniel Panzac, Les corsaires barbaresques. La fin d’une épopée, 1800-1820, CNRS éditions-Méditerranée, 1999, 311 p. ; Roland Courtinat, La piraterie barbaresque en Méditerranée : XVIe-XIXe siècle, Paris, Gandini, 2003, 139 p. ; Emile Dupuy, Américains et barbaresques. La fin d’une épopée. 1776-1824, Paris, éditions Bouchesne, 2002, 256 p. (première parution en 1910). Voir aussi sur un autre registre, celui de l’esclavage mais lié à l’activité pirate, Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans. L’esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800), traduit de l’anglais, Paris, éd. Babel, 2006, 420 p. ; voir également un document ancien, numérisé : R. P. Fr. Pierre Dan, Histoire de barbarie et de ses corsaires des royaumes et des villes d’Alger, de Tunis, de Salé, et de Tripoli, Paris, Pierre Rocolet, 1649, 489 p.


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 05 Août 2014 14:42 
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Fustel de Coulanges
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Saladin a écrit :
Citer :
La piraterie et l'esclavage ont donné une justification morale aux puissances européennes en pleine phase d'expansion. Ils en profitent ensuite.


Je vous rejoins sur votre propos Isidore. Morale je ne sais pas, car les Etats européens ne sont pas plus moraux à la même période. Economique et politique sans aucun doute. Et effectivement, la politique de colonisation ne survient qu'après l'expédition d'Alger.


« Morale », c’est justement le terme employé par Talleyrand dans sa lettre à Joseph Bonaparte, en date du 19 février 1802. Ce document s’inscrit dans la correspondance entre le ministre des Relations extérieurs et Joseph, alors représentant de la France dans le cadre des négociations de paix avec l’Angleterre ; négociations qui devaient aboutir au traité d’Amiens :

« Pour ce qui concerne les Barbaresques, nommés dans l'article 9 proposé, il faut insister sur le concert à établir pour les forcer de renoncer à leur état habituel d'hostilités; et le premier Consul désire que vous fassiez insérer, à cet égard, au protocole, une note de la teneur suivante:
« Le soussigné est chargé d'insister sur la proposition qu'il a faite, tendant à ce que les quatre parties contractantes [France, Espagne, République batave et Royaume Uni] s'entendent pour mettre fin aux brigandages que les Barbaresques exercent dans la Méditerranée à la honte de l'Europe et des temps modernes.
La seule notification qui leur serait faite à cet égard de la volonté des puissances contractantes, donnerait la paix au commerce des États-Unis, du Portugal, du roi de Naples et de tous les autres États d'Italie; et, si quelque nation avait à redouter la concurrence qui deviendrait plus grande dans le commerce de la Méditerranée, ce sont, sans doute, la France et l'Espagne, qui, tant par leur position que par leurs rapports particuliers avec les Barbaresques, ont, dans tous les temps, le plus de sécurité et d'avantages dans ce commerce; ce sont donc elles qui feraient le plus grand sacrifice. Mais, dans une question qui intéresse la morale politique et la dignité des nations européennes, pourrait-on se conduire uniquement par des motifs d'intérêt personnel ? Dieu a donné la force aux puissances comme aux individus, pour protéger le faible : il serait consolant et glorieux de voir qu'une guerre, qui a produit tant de calamités, se terminât du moins par un grand acte de bienveillance envers toutes les nations commerçantes. »

Talleyrand reprenait ici quasiment mot pour mot les directives transmises le jour même par Bonaparte qui, lui, parlait de « sentiments de dignité d’hommes européens et de morale publique ».
Ce souhait de voir s’entendre diverses puissances afin de mettre fin à la piraterie barbaresque n’est pas sans faire penser à ce qu’écrivait Raynal (auteur admiré par le jeune Bonaparte) dès 1770 dans son « Histoire philosophique des deux Indes » :
« Mais à quel peuple est-il réservé de briser les fers que l’Afrique nous forge lentement, et d’arracher ces épouvantails qui glacent d’effroi nos navigateurs ? Aucune nation ne peut le tenter seule ; et si elle l’osait, peut-être la jalousie de toutes les autres y mettraient-elles des obstacles secrètes ou publics. Ce doit être l’ouvrage d’une ligue universelle. Il faut que toutes les puissances maritimes concourent à l’exécution d’un dessein qui les intéresse toutes également. Ces états que tout invite à s’allier, à s’aimer, à se défendre, doivent être fatigués des malheurs qu’ils se causent réciproquement. Qu’après s’être si souvent unis pour leur destruction mutuelle, ils prennent les armes pour leur conservation. La guerre aura été, du moins une fois, utile et juste. »

La constitution d’une force alliée contre les Régences, en marge du traité de paix d’Amiens, ne vit finalement pas le jour. Bonaparte agit donc seul et, cinq mois plus tard, l’opération visant à « mettre à la raison » le dey d’Alger était lancée (Cf. mon premier message relatif à la crise de 1802).


Pour revenir à la missive de Talleyrand, on est bien loin ici du rapport (Mémoire sur la situation de la République française considérée dans ses rapports extérieurs avec les autres puissances) qu’il avait présenté le 10 juillet 1798 (à cette date Bonaparte marchait sur le Caire (la bataille des Pyramide aura lieu trois jours plus tard) et Talleyrand s'illusionnait encore, relativement à l'expédition d'Egypte, sur la passivité prévue de la Porte, qui, finalement déclarera la guerre à la France et entraînera dans son sillage les Régences) :

« Je terminerai par une remarque sur les puissances barbaresques.
Ce sont peut-être les seules qui, pendant cette guerre, soient restées tout à fait fidèles aux liens qu'elles avaient avec la France, à l'époque même où les Anglais, maîtres de Toulon, dominaient dans la Méditerranée ; leur attachement pour nous a paru s'augmenter en proportion de nos disgrâces.
Qu'on juge ce qui doit résulter vis-à-vis d'elles de notre rétablissement à Malte, et combien leur intérêt va se trouver d'accord avec la prédilection d'habitude qu'elles nous ont témoignée.
C'est ici le lieu d'ajouter qu'il serait impolitique de s'abandonner en ce moment à des idées trop libérales, et de s'occuper soit à détruire la piraterie avouée des Barbaresques, soit à faire participer les Républiques d'Italie aux droits dont nous jouissons chez ces puissances [Talleyrand écrivait à ce sujet dans le même mémoire : « C'est par ce principe [« nous devons nous garder de faire des ingrats trop puissants »] que je persiste à croire que nous ferions mal d'accéder au vœu que témoignent ces trois républiques d'obtenir que leur pavillon soit respecté par les Barbaresques à l'égal du nôtre. Évitons de partager avec qui que ce soit cet avantage. Le sol de l'Italie donne déjà à l'industrie de ses habitants, si elle croît par la liberté, trop de moyens de rivaliser avec la nôtre pour que nous facilitions ses progrès et ses débouchés. »]. La Méditerranée doit être exclusivement la mer française. Son commerce entier nous appartient, et tout ce qui tend à en éloigner les autres nations doit entrer dans nos vues. Sous ce rapport, les Régences de la côte d'Afrique sont, en quelque sorte, nos auxiliaires, puisque leurs vexations atteignent tout le monde, excepté nous, et que notre pavillon, respecté, se trouve en temps ordinaire au-dessus de toute concurrence.
Notre intérêt est donc de maintenir les Barbaresques dans leur état actuel, au moins jusqu'à ce que notre domination soit établie sur la Méditerranée, de manière à ne plus craindre ni ennemis ni rivaux, ce qui aura lieu quand le commerce aura pris à notre avantage des habitudes dont on connaît la force, et que des siècles même ont peine à changer. »

Quatre ans plus tard, la paix espérée avec Londres (et malgré celle conclue avec Tripoli et Alger, ou prévue avec Tunis) offrait de nouvelles perspectives…

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Message Publié : 07 Août 2014 10:45 
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Fustel de Coulanges
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L'idée de s'unir dans le dessein de mettre fin à la piraterie barbaresque exprimée dans le cadre des négociations du traité de paix d'Amiens en février 1802, sera reprise en 1814 en marge du Congrès de Vienne.
Je pense ici tout particulièrement au « Mémoire sur la nécessité et les moyens de faire cesser les pirateries des états barbaresques » rédigé par Smith (qui fondera la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique) et dont voici quelques extraits :

« Pendant que l'on discute les moyens d'opérer l'abolition de la traite des Nègres sur la côte occidentale de l'Afrique, et que l'Europe civilisée s'efforce d'étendre les bienfaits du commerce, ceux de la sécurité des personnes et des propriétés dans l'intérieur de ce vaste continent, peuplé d'hommes doux, industrieux et capables de jouir au plus haut degré des avantages de la civilisation, il est étonnant qu'on ne fasse aucune attention à la côte septentrionale de cette même contrée, habitée par des pirates turcs, qui, non seulement, oppriment les naturels de leur voisinage, mais les enlèvent et les achètent comme les esclaves, pour les employer dans les bâtiments armés en course à arracher à leurs foyers d'honnêtes cultivateurs, de paisibles habitants des côtes de l'Europe. Ce honteux brigandage ne révolte pas seulement l'humanité, mais il entrave le commerce de la manière la plus nuisible, puisqu'un marin ne peut naviguer aujourd'hui dans la Méditerranée, ni même dans l'Atlantique, sur un bâtiment marchand, sans éprouver la crainte d'être enlevé par des pirates et conduit comme esclave en Afrique.
[…]
Il est inutile de démontrer qu'un tel état de choses est non seulement monstrueux, mais absurde, et qu'il n'outrage pas moins la religion que l'humanité et l'honneur. Les progrès des lumières et de la civilisation doivent nécessairement le faire disparaître.
Il est évident que les moyens militaires employés jusqu'à ce jour par les princes chrétiens, pour tenir en échec ceux des états barbaresques, ont été, non seulement insuffisants, mais ont eu le plus souvent pour résultat de consolider davantage le dangereux pouvoir de ces barbares. L'Europe a paru longtemps se reposer sur les efforts des chevaliers de Saint Jean de Jérusalem, et n'a point assez vu que cet ordre chevaleresque n'avait, dans les derniers temps, ni assez de pouvoir, ni peut-être assez d'énergie pour contrebalancer et repousser les agressions toujours renaissantes de ces nombreux pirates.
[…]
Maintenant, quels sont les moyens à employer ? Le soussigné voudrait pouvoir faire partager à toute l'Europe sa conviction, résultat de trente années d'étude et d'examen approfondi. Il n'a cessé, pendant son ministère à la cour ottomane, de s'occuper du sujet qu'il traite aujourd'hui; il s'en est occupé dans les camps, sur les flottes de cette même puissance, et pendant tout le cours de ses rapports assez connus avec les nations et tribus de l'Afrique et de l'Asie.
Cette conviction intime de la possibilité de faire cesser promptement le brigandage des états barbaresques, ne saurait être mieux prouvée que par l'offre qu'il fait de prendre la direction de l'entreprise, si l'on met à sa disposition les moyens nécessaires.
Animé par le souvenir de ses serments comme chevalier, et désirant exciter la même ardeur dans les autres chevaliers chrétiens, il propose aux nations les plus intéressées au succès de cette noble entreprise, de s'engager, par un traité, à fournir leur contingent d'une force maritime, et pour ainsi dire amphibie, qui, sans compromettre aucun pavillon, et sans dépendre des guerres ou crises politiques des nations, aurait constamment la garde des côtes de la Méditerranée, et le soin important de surveiller, d'arrêter et de poursuivre tous les pirates par terre et par mer. Ce pouvoir, avoué et protégé par toute l'Europe, non seulement rendrait au commerce une parfaite sécurité, mais finirait par civiliser les côtes de l'Afrique, en empêchant ses habitants de continuer leur piraterie au préjudice de leur industrie et de leur commerce légitime.
Cette force, protectrice et imposante, commencerait par un blocus rigoureux des forces navales barbaresques, partout où il pourrait s'en trouver. En même temps les ambassadeurs de tous les souverains et états de la chrétienté devraient se soutenir mutuellement, en représentant à la Porte Ottomane qu'elle ne peut qu'être responsable elle-même des actes hostiles de ses sujets, si elle continue de permettre dans ses états le recrutement des garnisons en Afrique qui ne lui sont d'aucune utilité, tandis que ces forces pourraient être mieux employées contre ses ennemis que contre les puissances européennes et amies, et en exigeant d'elle un désaveu formel et une interdiction authentique des guerres que ces chefs rebelles déclarent à l'Europe.
L'on pourrait engager la Porte Ottomane à donner de l'avancement et des récompenses à ceux des janissaires, capitaines de frégates, et d'autres marins algériens qui obéiraient à l'appel du sultan, et par ce moyen le dey se trouverait bientôt abandonné et sans grands moyens de défense.
Cette même influence pourrait être employée d'autant plus efficacement à Tunis, que ce pays est en guerre avec Alger, dont il a réellement tout à craindre. D'ailleurs, le chef du gouvernement tunisien est d'un caractère tout opposé à celui du dey d'Alger. Il se prêtera volontiers à tout ce qui pourra civiliser son état, et amener la prospérité de son empire. La paix entre Tunis et la Sardaigne, qui a tant souffert par l'enlèvement de ses sujets, doit être le premier anneau de la chaîne, et l'on ne doit rien négliger dès à présent pour l'obtenir. »



Au même moment (septembre 1814), Polignac présentait à Louis XVIII une « Note sur l'expédition projetée contre les barbaresques ». Se démarquant ici de Smith, l’opération prenait ici, en plus de la destruction de la piraterie barbaresques, des allures de conquêtes à visées colonisatrices :

« L’expédition projetée contre les barbaresques a une sorte d’analogie de grandeur avec les projets gigantesques de Bonaparte, mais la pensée qui lui donna naissance a cela de différente qu’elle est dirigée par un grand sentiment du bien, tandis que les plans de l'usurpateur étaient toujours enfantés par le génie du Mal
[…]
Elle présente une grande idée morale et politique : morale en ce qu’elle concourt à opérer la délivrance des chrétiens languissant dans l’esclavage le plus honteux ; politique en ce qu’elle tend à purger les mers de pirates qui inquiètent le commerce européen
Elle donne une direction d’utilité générale à cette humeur guerrière qui, tôt ou tard, servira les intérêts de quelque cabinet ambitieux
[…]
Enfin, elle peut procurer à la France, si elle mène cette expédition avec adresse, des ressources commerciales immenses et lui frayer un jour la route de l’Egypte. Ce dernier point demande une attention particulière : plus d’un motif doit nous porter à former des établissements en Afrique. »



Ces projets, l’un comme l’autre, même si le mémoire de Smith fit quelque bruit, n’eurent pas d’application immédiate.
Les positions européennes évoluèrent ensuite assez vite mais cela nous emmènerait en dehors des limites chronologiques du présent forum…

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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 07 Août 2014 18:06 
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Georges Duby
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C'est très intéressant de lire ces courriers qui donnent une idée des raisons qu'avaient l'europe et les EU de faire cesser les attaques en mer et les prises d'esclaves venant des ports de la région d'Alger.
Des attaques qui semblaient d'un autre âge au début du 19è siècle, les Régences étant semble t-il inconscientes de la puissance navale et militaire des nouvelles grandes puissances occidentales ou ne pouvant contrôler des entreprises soutenues par les Beys et la Porte, qui devaient beaucoup leur rapporter.
C'est cette inconscience du rapport de forces qui a provoqué les expéditions occidentales au Maghreb, puis en 1829-30 leur continuation sous une forme voulue comme définitive contre la piraterie et la mise en esclavage des blancs, mais aussi d'un autre type.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 21 Août 2014 12:15 
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Fustel de Coulanges
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Si le mémoire de Smith évoqué plus haut n’eut pas de suites immédiates, il bénéficia néanmoins d’une certaine publicité, notamment via la presse de l’époque. Ces menaces, écoutées et colportées, ne pouvaient laisser indifférent le Dey d’Alger. Suite au retour de l’Aigle, Caulaincourt en fit logiquement part à l’Empereur (lettre du 25 avril 1815) :
« Alger est de tous les Etats Barbaresques celui qu’il serait le plus important de nous concilier, parce qu’il a le plus de moyens de nous nuire. Ce peuple guerrier aura saisi avec avidité tout ce que le retour de Votre Majesté dans ses Etats présente de grand et d’héroïque, et s’il sera possible de donner à ces premières dispositions plus de développement et de consistance, en fixant l’attention de la Régence sur les dangers dont l’existence de ce pays était menacée par les opinions portées au Congrès de Vienne sur le course de Barbaresques. »

Quatre jours plus tard, Napoléon écrivait cette lettre au Dey :
“Illustre et Magnifique Seigneur, Vous aurez sans doute appris mon retour sur les côtes de France, mon entrée à Paris et le départ de la Famille des Bourbons, ce grand événement inscrit en caractères ineffaçables sur la table de lumière, a été l’effet d’une irrésistible puissance secondée par la volonté unanime d’une grande Nation qui connaît ses devoirs et ses droits. La Dynastie que la force avait rendue au Peuple Français n’était plus faite pour lui. Les Bourbons n’ont voulu s’associer ni à ses sentiments ni à ses moeurs ; la France a dû se séparer d’eux ; et ils ont quitté son territoire sans qu’il ait été tiré un seul coup de fusil, ni versé une goutte de sang pour leur défense.
La voix de mes Peuples m’appelait pour libérateur ; et du point où j’ai touché le rivage, leur amour m’a porté jusqu’au sein de ma Capitale. Le premier besoin de mon coeur est de payer tant d’affection par le maintien d’une honorable tranquillité ; et ma plus douce pensée est de concourir, par tous les moyens qui sont en mon pouvoir à l’affermissement du repos de l’Europe.
La France se plaît à proclamer avec franchise ce noble but de tous ses voeux. Jalouse de son indépendance, le principe invariable de sa politique sera le respect le plus absolu pour l’indépendance des autres Nations, toujours disposé à maintenir la meilleure intelligence entre nos deux gouvernements, c’est pour vous donner l’assurance de ces sentiments que je m’empresse de vous adresser cette lettre, témoignage sincère de notre affection et haute bienveillance pour votre Personne. Sur ce Nous prions Dieu, Illustre et Magnifique Seigneur, qu’il vous ait en sa sainte et digne garde”.


On était bien loin des projets d’expédition élaborés quelques années plus tôt…


Pour mémoire, la dite missive fut portée à Alger par Dubois-Thainville nommé à nouveau à cette place comme consul général. Ce dernier arriva à destination le 30 mai suivant. Omar, nouveau dey depuis peu, répondit de suite afin de féliciter Napoléon en termes dithyrambiques et lui faire part de sa satisfaction de le voir de retour sur le trône de France. Malgré le fait que le pavillon tricolore était de nouveau reconnu, Dubois-Thanville dut faire face à des demandes anciennes de réparations financières concernant des pertes maritimes et l’exigence de présents. Ne répondant pas favorablement auxdites revendications, le consul, bien peu apprécié à Alger depuis son renvoi par les autorités locales l’année précédente, ne put mettre pied à terre et dut reprendre la mer pour faire voile vers Tunis.

Le 23 août suivant, l’aviso la Mouche apportait la nouvelle de Waterloo et de la seconde abdication…

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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 21 Août 2014 13:43 
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Plutarque
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Drouet Cyril a écrit :
Je pense ici tout particulièrement au « Mémoire sur la nécessité et les moyens de faire cesser les pirateries des états barbaresques » rédigé par Smith (qui fondera la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique) et dont voici quelques extraits :

Ce monsieur Smith avait l'air très avisé. Que sait-on de lui ?


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 21 Août 2014 16:33 
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Thucydide
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Maumo a écrit :
Que sait-on de lui ?
%1 indice : ce n'est pas Adam


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 21 Août 2014 19:22 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Maumo a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Je pense ici tout particulièrement au « Mémoire sur la nécessité et les moyens de faire cesser les pirateries des états barbaresques » rédigé par Smith (qui fondera la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique) et dont voici quelques extraits :

Ce monsieur Smith avait l'air très avisé. Que sait-on de lui ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Si ... _du_temple
Giigle 2mn montre en main.

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« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 22 Août 2014 13:06 
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Fustel de Coulanges
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Maumo a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Je pense ici tout particulièrement au « Mémoire sur la nécessité et les moyens de faire cesser les pirateries des états barbaresques » rédigé par Smith (qui fondera la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique) et dont voici quelques extraits :

Ce monsieur Smith avait l'air très avisé.


Voilà un propos bien opposé à l’opinion que pouvait formuler Bonaparte à Marmont dans sa lettre du 26 juin 1799 :
« Smith est un jeune fou qui veut faire sa fortune, et cherche à se mettre souvent en évidence.
[…]
C'est au reste un homme capable de toutes les folies, et auquel il ne faut jamais prêter un projet profond et raisonné. »



Il faut dire qu’à l’époque Bonaparte était encore sous le coup de son récent échec d’Acre ; échec où Smith avait eu toute sa part.
Lors du siège, on parla même de duel entre les deux officiers généraux. On peut à ce sujet se référer au Mémorial de Sainte-Hélène :

« On sait que sir Sidney ne s'occupait qu'à débaucher notre armée : les fausses nouvelles d'Europe, la diffamation du général en chef, les offres les plus séduisantes aux officiers et aux soldats, tout lui était bon : les pièces sont publiques, on connaît ses proclamations. Un moment elles inquiétèrent même assez le général français pour qu'il s'occupât d'y remédier; ce qu'il fit en interdisant toute communication avec les Anglais, et mettant à l'ordre du jour que leur commodore était devenu fou ;
[Voici l’écrit en question :
« Le commandant de la croisière anglaise devant Acre ayant en la barbarie de faire embarquer, sur un bâtiment qui avait la peste, les prisonniers français faits sur les deux tartanes chargées de munitions qu'il a prises près de Caïffa, dans la sortie qui a eu lieu le 18, les Anglais ayant été remarqués à la tête des barbares, le pavillon anglais ayant été au même instant arboré sur plusieurs tours de la place, la conduite féroce qu'ont tenue les assiégés eu coupant la tête à deux volontaires qui avaient été tués, doit être attribuée au commandant anglais ; conduite si opposée aux honneurs que l'on a rendus aux officiers et soldats anglais trouvés sur le champ de bataille, et aux soins que l'on a eu des blessés et des prisonniers.
Les Anglais étant ceux qui défendent et approvisionnent Acre, la conduite horrible de Djezzar, qui fait étrangler et jeter à l'eau, les mains liées, plus de deux cents chrétiens, naturels du pays, parmi lesquels se trouvait le secrétaire d'un consul français, doit également être attribuée à cet officier, puisque, par les circonstances le pacha se trouve entièrement sous sa dépendance.
Cet officier refusant d'ailleurs d'exécuter aucun des articles d'échange établis entre les deux puissances, et ses propos dans toutes les communications qui ont eu lieu, ses démarches depuis le temps qu'il est en croisière, étant celles d'un fou, mon intention est que vous donniez des ordres aux différents commandants du la côte, pour qu'on cesse toute communication avec la flotte anglaise actuellement en croisière dans ces mers. »]
ce qui fut cru dans l'armée, et désespéra sir Sidney Smith, qui, dans sa fureur, envoya un cartel à Napoléon. Celui-ci fil répondre qu'il avait de trop grandes affaires en tête pour s'occuper de si peu de chose ; que si c'était le grand Marlborough, encore passe, il verrait; mais que si le marin anglais avait absolument besoin de brétailler, il allait neutraliser quelques toises sur la plage, et y envoyer un des bravaches de l'armée; que là le fou de commodore pourrait débarquer, et s'en donner à cœur joie. »


aux écrits d’O’Meara (Napoléon dans l’Exil) :
« [Smith] répandit, parmi mes soldats, des proclamations qui certainement en ébranlèrent quelques-uns ; en conséquence, je publiai un ordre par lequel je le déclarai fou, et défendais toute communication avec lui. Quelques jours après, il m’envoya, en parlementaire, un lieutenant ou un enseigne de marine, avec une lettre par laquelle il me proposait un duel dabs un lieu qu’il désignait. Je ris de ce message, et lui fis dire que, quand il amènerait Marlborough pour se battre avec moi, je m’y trouverais. »


ou encore à ceux de Mailtland (Relation du capitaine Maitland, ex-commandant du Bellérophon, concernant l’embarquement et le séjour de l’Empereur Napoléon à bord de ce vaisseau) :
« Quand l'armée française était devant Saint-Jean-d'Acre, [Smith] fit répandre secrètement, parmi les officiers et les soldats, un papier où on les engageait à se révolter et à m'abandonner, ce qui me fit publier une proclamation dans laquelle je signalais le Commodore anglais comme un fou, et je défendais toute communication avec lui. Sir Sydney Smith en fut si piqué, qu'il m'envoya un cartel pour que je me battisse en duel avec lui sur la plage de Caïffa. Ma réponse fut que, quand Marlborough se présenterait pour cela, je serais à son service; mais que j'avais d'autres devoirs à remplir que de me battre eu duel avec un Commodore anglais. »


Desgenettes s’est fait également l’écho de cette anecdote dans ses Souvenirs :
« Le contre-amiral, fort de sa loyauté et des sentiments d’humanité qui l’ont toujours distingué, se livra à l’emportement quand il se vit reprocher de seconder les barbaries de Djezzar. Il déclara à son état major qu’il demanderait raison à Bonaparte, et les armes à la main, de cette injustice criante. Notre général en chef apprit à son tour l’effet qu’avait produit son ordre du jour ; et quant à la proposition du duel, il se contenta de dire froidement : « Sir Sidney n’est pas dégoûté… »




Les années passant, la « folie » dénoncée à dessein par Bonaparte n’avait pourtant pas été oubliée. Ainsi, confiait-il à O’Meara :
« Je crois qu’il est mezzo pazzo (moitié fou) »



Celui que Napoléon évoquait devant Maitland, encore à ses « rêves » orientaux, comme celui qui l’avait empêché de devenir « Empereur d’orient », ne fut cependant pas toujours dépeint aussi négativement. A l’heure du dernier exil, l’Empereur sut également en effet se montrer élogieux (je n’ai cependant pas le souvenir d’un avis prononcé sur le projet de Smith contre les Barbaresques):

« Après tout, Sidney Smith n'est point un méchant homme, j'en prends aujourd'hui une meilleure opinion »
(Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène)

« Smith est aussi juste qu’il est brave »
(Warden, Correspondance)

«Actif, intelligent, intrigant et infatigable
[…]
J’aime le caractère de cet homme
[…]
Quoique Sydney Smith m’ait maltraité, j’aurais cependant du plaisir à le voir. J’aimerais à recevoir la visite de ce gaillard-là. Il a quelques bonnes qualités et, comme vieil ennemi, j’aimerais assez à le voir. »
(O’Meara, Napoléon dans l’exil)

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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 23 Août 2014 13:35 
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Plutarque
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A votre avis, dans quelle mesure ce qui lui a été reproché à St Jean d'Acre est-il vrai ?


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 23 Août 2014 18:45 
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Fustel de Coulanges
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Il serait sans doute bon pour qu'on l'on puisse répondre à votre question que vous ouvriez un autre fil. :wink:

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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 25 Août 2014 15:29 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Drouet Cyril a écrit :
« Morale », c’est justement le terme employé par Talleyrand dans sa lettre à Joseph Bonaparte, en date du 19 février 1802. Ce document s’inscrit dans la correspondance entre le ministre des Relations extérieurs et Joseph, alors représentant de la France dans le cadre des négociations de paix avec l’Angleterre ; négociations qui devaient aboutir au traité d’Amiens :

« Pour ce qui concerne les Barbaresques, nommés dans l'article 9 proposé, il faut insister sur le concert à établir pour les forcer de renoncer à leur état habituel d'hostilités; et le premier Consul désire que vous fassiez insérer, à cet égard, au protocole, une note de la teneur suivante:
« Le soussigné est chargé d'insister sur la proposition qu'il a faite, tendant à ce que les quatre parties contractantes [France, Espagne, République batave et Royaume Uni] s'entendent pour mettre fin aux brigandages que les Barbaresques exercent dans la Méditerranée à la honte de l'Europe et des temps modernes.
La seule notification qui leur serait faite à cet égard de la volonté des puissances contractantes, donnerait la paix au commerce des États-Unis, du Portugal, du roi de Naples et de tous les autres États d'Italie; et, si quelque nation avait à redouter la concurrence qui deviendrait plus grande dans le commerce de la Méditerranée, ce sont, sans doute, la France et l'Espagne, qui, tant par leur position que par leurs rapports particuliers avec les Barbaresques, ont, dans tous les temps, le plus de sécurité et d'avantages dans ce commerce; ce sont donc elles qui feraient le plus grand sacrifice. Mais, dans une question qui intéresse la morale politique et la dignité des nations européennes, pourrait-on se conduire uniquement par des motifs d'intérêt personnel ? Dieu a donné la force aux puissances comme aux individus, pour protéger le faible : il serait consolant et glorieux de voir qu'une guerre, qui a produit tant de calamités, se terminât du moins par un grand acte de bienveillance envers toutes les nations commerçantes. »

Talleyrand reprenait ici quasiment mot pour mot les directives transmises le jour même par Bonaparte qui, lui, parlait de « sentiments de dignité d’hommes européens et de morale publique ».
Ce souhait de voir s’entendre diverses puissances afin de mettre fin à la piraterie barbaresque n’est pas sans faire penser à ce qu’écrivait Raynal (auteur admiré par le jeune Bonaparte) dès 1770 dans son « Histoire philosophique des deux Indes » :
« Mais à quel peuple est-il réservé de briser les fers que l’Afrique nous forge lentement, et d’arracher ces épouvantails qui glacent d’effroi nos navigateurs ? Aucune nation ne peut le tenter seule ; et si elle l’osait, peut-être la jalousie de toutes les autres y mettraient-elles des obstacles secrètes ou publics. Ce doit être l’ouvrage d’une ligue universelle. Il faut que toutes les puissances maritimes concourent à l’exécution d’un dessein qui les intéresse toutes également. Ces états que tout invite à s’allier, à s’aimer, à se défendre, doivent être fatigués des malheurs qu’ils se causent réciproquement. Qu’après s’être si souvent unis pour leur destruction mutuelle, ils prennent les armes pour leur conservation. La guerre aura été, du moins une fois, utile et juste. »

La constitution d’une force alliée contre les Régences, en marge du traité de paix d’Amiens, ne vit finalement pas le jour.




A Sainte-Hélène, Napoléon est revenu dans ses conversations avec O’Meara (Napoléon dans l’exil) sur les négociations d’Amiens :

« A Amiens, j’ai proposé à votre gouvernement de se joindre à moi, pour détruire entièrement ces nids de pirates, ou du moins pour détruire leurs vaisseaux et leurs forteresses, et les forcer à cultiver leurs terres et à renoncer au brigandage ; mais vos ministres n’ont pas voulu y consentir, par une basse jalousie contre les Américains avec qui les Barbaresques étaient en guerre. Je voulais les anéantir, bien que cela ne m’importât pas beaucoup, car ils respectaient généralement mon pavillon et faisaient un commerce considérable avec Marseille. »

Dans le même genre, il confiait à Montholon (Récits de la captivité de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène) :
« La destruction des Barbaresques était un de mes projets; je n'ai jamais compris comment les puissances maritimes de l'Europe se soumettaient à payer des tributs à ces barbares. »

Dans le même élan, l’Empereur affirmait à O’Meara : « C’est une honte pour les puissances de l’Europe de laisser subsister tant de repaires de voleurs. »
Concernant les défenseurs de la Régence, Napoléon usa également de l’expression « ces bêtes de musulmans » (Gourgaud, Journal de Sainte-Hélène)

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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 14 Mars 2016 18:10 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
Au mois d’août 1779, Napoléon Bonaparte a 10 ans, il a au moins connaissance ou assiste probablement aux festivités qui ont lieu dans toute la Corse pour fêter la libération et le retour des esclaves prisonniers corses rachetés à Tunis et à Alger.
Les tractation pour cette libération ont été menées par la France, ces festivités se sont faites en grandes pompes pour des raisons politiques de l’époque.

Les insulaire ont eu le plus à pâtir de la course en méditerranée, sur leur littoral mais aussi et surtout sur les voies maritimes.
Imaginons que nous ne puissions pas prendre l’avion sans risquer un détournement suivit d’un emprisonnement pour une durée indéterminée jusqu’au paiement d’une rançon.
Pour une île c’est intenable.

Dans tous ces faits on peut avoir des doutes sur l’importance des motivations morales, il y avait bien des esclaves barbaresques en Europe qu’Alger et Tunis devaient aussi racheter pour les libérer.
Les hommes, les femmes et les enfants étaient considérés comme de la marchandise négociable.
L’objectif était, certes la sécurité de navigation, mais aussi la suprématie en méditerranée.


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 Sujet du message : Re: Expéditions d'Alger
Message Publié : 18 Mars 2016 17:22 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Kurnos a écrit :
Dans tous ces faits on peut avoir des doutes sur l’importance des motivations morales.


Comme il a été dit depuis le début de ce fil, les directives du Premier Consul puis de l'Empereur reposaient sur de nombreuses composantes de nature notamment politique, économiques et stratégique.

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Message Publié : 20 Nov 2016 16:21 
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Eginhard
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Inscription : 12 Mai 2012 3:13
Message(s) : 775
Bonsoir,

Connaîtriez-vous des échanges entre Napoléon Bonaparte et le dey d'Alger ou du bey de Tunis (voir le sultan du Maroc) au sujet des attaques barbaresques ?

Napoléon a-t-il entrepris concrètement des expéditions contre eux ? A-t-il payé une somme pour que les bateaux français soient tranquilles en Méditerranée ?

Après quelques lectures, il semble que Napoléon était farouchement contre les Barbaresques mais je ne sais pas si cela s'est traduit par des actions concrètes.

Cordialement.


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