Maumo a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Je pense ici tout particulièrement au « Mémoire sur la nécessité et les moyens de faire cesser les pirateries des états barbaresques » rédigé par Smith (qui fondera la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique) et dont voici quelques extraits :
Ce monsieur Smith avait l'air très avisé.
Voilà un propos bien opposé à l’opinion que pouvait formuler Bonaparte à Marmont dans sa lettre du 26 juin 1799 :
« Smith est un jeune fou qui veut faire sa fortune, et cherche à se mettre souvent en évidence.
[…]
C'est au reste un homme capable de toutes les folies, et auquel il ne faut jamais prêter un projet profond et raisonné. »
Il faut dire qu’à l’époque Bonaparte était encore sous le coup de son récent échec d’Acre ; échec où Smith avait eu toute sa part.
Lors du siège, on parla même de duel entre les deux officiers généraux. On peut à ce sujet se référer au Mémorial de Sainte-Hélène :
« On sait que sir Sidney ne s'occupait qu'à débaucher notre armée : les fausses nouvelles d'Europe, la diffamation du général en chef, les offres les plus séduisantes aux officiers et aux soldats, tout lui était bon : les pièces sont publiques, on connaît ses proclamations. Un moment elles inquiétèrent même assez le général français pour qu'il s'occupât d'y remédier; ce qu'il fit en interdisant toute communication avec les Anglais, et mettant à l'ordre du jour que leur commodore était devenu fou ;
[Voici l’écrit en question :
« Le commandant de la croisière anglaise devant Acre ayant en la barbarie de faire embarquer, sur un bâtiment qui avait la peste, les prisonniers français faits sur les deux tartanes chargées de munitions qu'il a prises près de Caïffa, dans la sortie qui a eu lieu le 18, les Anglais ayant été remarqués à la tête des barbares, le pavillon anglais ayant été au même instant arboré sur plusieurs tours de la place, la conduite féroce qu'ont tenue les assiégés eu coupant la tête à deux volontaires qui avaient été tués, doit être attribuée au commandant anglais ; conduite si opposée aux honneurs que l'on a rendus aux officiers et soldats anglais trouvés sur le champ de bataille, et aux soins que l'on a eu des blessés et des prisonniers.
Les Anglais étant ceux qui défendent et approvisionnent Acre, la conduite horrible de Djezzar, qui fait étrangler et jeter à l'eau, les mains liées, plus de deux cents chrétiens, naturels du pays, parmi lesquels se trouvait le secrétaire d'un consul français, doit également être attribuée à cet officier, puisque, par les circonstances le pacha se trouve entièrement sous sa dépendance.
Cet officier refusant d'ailleurs d'exécuter aucun des articles d'échange établis entre les deux puissances, et ses propos dans toutes les communications qui ont eu lieu, ses démarches depuis le temps qu'il est en croisière, étant celles d'un fou, mon intention est que vous donniez des ordres aux différents commandants du la côte, pour qu'on cesse toute communication avec la flotte anglaise actuellement en croisière dans ces mers. »]
ce qui fut cru dans l'armée, et désespéra sir Sidney Smith, qui, dans sa fureur, envoya un cartel à Napoléon. Celui-ci fil répondre qu'il avait de trop grandes affaires en tête pour s'occuper de si peu de chose ; que si c'était le grand Marlborough, encore passe, il verrait; mais que si le marin anglais avait absolument besoin de brétailler, il allait neutraliser quelques toises sur la plage, et y envoyer un des bravaches de l'armée; que là le fou de commodore pourrait débarquer, et s'en donner à cœur joie. »
aux écrits d’O’Meara (Napoléon dans l’Exil) :
« [Smith] répandit, parmi mes soldats, des proclamations qui certainement en ébranlèrent quelques-uns ; en conséquence, je publiai un ordre par lequel je le déclarai fou, et défendais toute communication avec lui. Quelques jours après, il m’envoya, en parlementaire, un lieutenant ou un enseigne de marine, avec une lettre par laquelle il me proposait un duel dabs un lieu qu’il désignait. Je ris de ce message, et lui fis dire que, quand il amènerait Marlborough pour se battre avec moi, je m’y trouverais. »
ou encore à ceux de Mailtland (Relation du capitaine Maitland, ex-commandant du Bellérophon, concernant l’embarquement et le séjour de l’Empereur Napoléon à bord de ce vaisseau) :
« Quand l'armée française était devant Saint-Jean-d'Acre, [Smith] fit répandre secrètement, parmi les officiers et les soldats, un papier où on les engageait à se révolter et à m'abandonner, ce qui me fit publier une proclamation dans laquelle je signalais le Commodore anglais comme un fou, et je défendais toute communication avec lui. Sir Sydney Smith en fut si piqué, qu'il m'envoya un cartel pour que je me battisse en duel avec lui sur la plage de Caïffa. Ma réponse fut que, quand Marlborough se présenterait pour cela, je serais à son service; mais que j'avais d'autres devoirs à remplir que de me battre eu duel avec un Commodore anglais. »
Desgenettes s’est fait également l’écho de cette anecdote dans ses Souvenirs :
« Le contre-amiral, fort de sa loyauté et des sentiments d’humanité qui l’ont toujours distingué, se livra à l’emportement quand il se vit reprocher de seconder les barbaries de Djezzar. Il déclara à son état major qu’il demanderait raison à Bonaparte, et les armes à la main, de cette injustice criante. Notre général en chef apprit à son tour l’effet qu’avait produit son ordre du jour ; et quant à la proposition du duel, il se contenta de dire froidement : « Sir Sidney n’est pas dégoûté… »
Les années passant, la « folie » dénoncée à dessein par Bonaparte n’avait pourtant pas été oubliée. Ainsi, confiait-il à O’Meara :
« Je crois qu’il est mezzo pazzo (moitié fou) »
Celui que Napoléon évoquait devant Maitland, encore à ses « rêves » orientaux, comme celui qui l’avait empêché de devenir « Empereur d’orient », ne fut cependant pas toujours dépeint aussi négativement. A l’heure du dernier exil, l’Empereur sut également en effet se montrer élogieux (je n’ai cependant pas le souvenir d’un avis prononcé sur le projet de Smith contre les Barbaresques):
« Après tout, Sidney Smith n'est point un méchant homme, j'en prends aujourd'hui une meilleure opinion »
(Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène)
« Smith est aussi juste qu’il est brave »
(Warden, Correspondance)
«Actif, intelligent, intrigant et infatigable
[…]
J’aime le caractère de cet homme
[…]
Quoique Sydney Smith m’ait maltraité, j’aurais cependant du plaisir à le voir. J’aimerais à recevoir la visite de ce gaillard-là. Il a quelques bonnes qualités et, comme vieil ennemi, j’aimerais assez à le voir. »
(O’Meara, Napoléon dans l’exil)