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Message Publié : 02 Mars 2015 10:18 
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Caesar Scipio a écrit :
Les caricatures sont bien tardives pour leur accorder trop d'importance.

Elles sont présentes dès avant 89. Si l'essor du phénomène caricaturiste est effectivement un peu après, il ne faut certainement pas négliger l'impact direct que peut avoir une caricature sur l'opinion publique. D'ailleurs une seule suffit, dès lors qu'elle est claire, acide et bien diffusée ses effets peuvent être considérables.
À côté de cela, il faut évidemment considérer les lectures publiques qui, pour l'ouvrier qui ne sait pas lire, peut fort bien, au détour d'une rue, capter son attention sur un sujet qui lui aurait été a priori étranger.

De même, sur ce sujet il y a une réflexion à faire sur ceux qui haranguaient les foules.

Camille Desmoulins en faisait parti.

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Quidquid latine dictum sit, altum sonatur


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Message Publié : 02 Mars 2015 11:36 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Duc de Raguse a écrit :
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La révolution c'est surtout des acteurs urbains

Il ne faudrait pas oublier les campagnes qui savent aussi se mobiliser le cas échéant. C'est la "grande peur" de l'été 1789 qui conduit à la fin des privilèges, pas la prise de la Bastille. :wink:

Citer :
Comme Furet, je pense que tout est déjà dans 1789 et dans la constitution de 1791 dans laquelle la place faite au roi est deja une incongruité montrant bien que les révolutionnaires ont été beaucoup plus loin que ce que l'apparence disait.

Qu'est-ce que vous entendez par là ?


Oui, la grande peur a joué un rôle très important à ce moment. Mais les bataillons révolutionnaires qui font que le mouvement s'emballe et ne peut être stabilisé, c'est un certain peuple des villes (des petits bourgeois, des artisans, des ouvriers, pas les plus miséreux).

S'agissant de ma référence à Furet, je veux dire par là que je partage son point de vue selon laquelle les révolutionnaires sont allés très loin dès 1789, et qu'ils n'ont pas perçu tout de suite ou pas osé tout de suite en tirer toutes les conséquences. Le roi est abaissé au rang d'une sorte de fonctionnaire. Il n'aura même pas l'initiative des lois.
Et surtout, il n'y a pas un partage de souveraineté mais un transfert de souveraineté. L'assemblée nationale se place au dessus du roi et affirme incarner seule la nation.

On est allé bien plus loin que tout ce qui s'était fait ailleurs. En Grande-Bretagne, le roi restait dans les principes le souverain.

Et la suite de mon propos apportera des éléments de réponse complémentaires à furtif.

Il faut remonter sensiblement plus tôt que 1789 pour comprendre la rupture entre ce roi et son peuple. Il y a un climat de colère contre le pouvoir et des violences sporadiques. La guerre des farines, dès le début du règne de Louis XVI, marque déjà une évolution avec l'expression d'une forme de revendication politique.

Et surtout, un lien est fait entre d'une part le régime politique et le maintien viscéral des privilèges que le roi ne se résout pas à réformer, que la noblesse et les ordres privilégiés s'efforcent de renforcer dans les années précédant la révolution, et d'autre part les difficultés du peuple et notamment la crise frumentaire (avec le mythe des complots d'une aristocratie et même d'un roi accapateurs de grains, et même d'une aristocratie et d'un roi empoisonneurs quand le pain est de trop mauvaise qualité).

1789 est aussi l'aboutissement du discrédit et de l'incompétence établie du roi après 15 ans de règne, ainsi que du constat du refus viscéral de ce roi de faire des réformes qui paraîtraient en mesure de redresser la situation.


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Message Publié : 02 Mars 2015 13:24 
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Caesar Scipio a écrit :

Oui, la grande peur a joué un rôle très important à ce moment. Mais les bataillons révolutionnaires qui font que le mouvement s'emballe et ne peut être stabilisé, c'est un certain peuple des villes (des petits bourgeois, des artisans, des ouvriers, pas les plus miséreux).

S'agissant de ma référence à Furet, je veux dire par là que je partage son point de vue selon laquelle les révolutionnaires sont allés très loin dès 1789, et qu'ils n'ont pas perçu tout de suite ou pas osé tout de suite en tirer toutes les conséquences. Le roi est abaissé au rang d'une sorte de fonctionnaire. Il n'aura même pas l'initiative des lois.
Et surtout, il n'y a pas un partage de souveraineté mais un transfert de souveraineté. L'assemblée nationale se place au dessus du roi et affirme incarner seule la nation.

On est allé bien plus loin que tout ce qui s'était fait ailleurs. En Grande-Bretagne, le roi restait dans les principes le souverain.

Pour le "peuple des villes", je pense que vous faites allusion à ceux qui formaient les sections parisiennes. Il est vrai que leur rôle fut prépondérant pendant toutes les "journées chaudes" de 1789 à 1794.

Merci pour la précision au sujet de Furet. C'est ce que je pensais, mais je n'étais pas certain...
Je pense aussi qu'on est allé très loin d'un coup, sans aucune transition possible. Cependant il ne faudrait pas aller trop vite en besogne : la République n'était pas vue en 1789. Même un Robespierre était encore monarchiste en 1789...

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 02 Mars 2015 13:50 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Vous avez bien entendu raison sur la république. Notamment pour la raison que des gens qui vivent dans un univers monarchique depuis à peu près toujours ne peuvent du jour au lendemain envisager de supprimer leur cadre de référence.

Pour autant, ce qu'on ne mesure pas, ches les nouvelles élites politiques qui émergent en 1789, c'est l'éventuelle différence entre ce les discours assumés et les idées gardées par devers soi. Il y a quand même eu l'exemple de l'établissement de la république américaine, même si, tout du moins officiellement, tous les penseurs politiques écrivent ou disent que la république ne convient qu'à de petits Etats.

Robespierre était certes encore monarchiste en 1789. Mais le roi qui sort ne serait-ce que des premiers décrets constitutionnels issus de l'assemblée nationale constituante est-il encore un roi ? Il faudra que les monarchiens (auxquels Robespierre et les autres ne se rattachait pas) pèsent de tout leur poids pour que ce roi garde des pouvoirs significatifs. Tout était remis en cause dans les pouvoirs de la monarchie française, bien plus que cela n'a jamais été le cas dans la monarchie anglaise/britannique (si on exclut bien sûr la période de la guerre civile et de Cromwell).

Sur cette question du rôle du peuple, des villes, j'en viens à un autre aspect : celui, pour faire court, de l'opposition Paris-provinces.

La question du départ du roi en province se pose dès le lendemain du 14 juillet, et ce de manière récurrente. On verra rapidement Mirabeau travailler longuement Louis XVI par l'intermédiaire de La Marck pour le convaincre de s'éloigner et de s'appuyer sur la province contre Paris. Comme quoi, au début à tout le moins, il devait y avoir de très nettes différences d'appréciation entre le chaudron constitué de Paris et ses faubourgs et le reste du pays pour qu'un fin politique comme Mirabeau prône une telle stratégie politique afin d'arrêter (dans le sens de stabiliser) la révolution.

C'est en cela qu'il me paraît falloir manier avec beaucoup de nuances la notion de peuple au singulier.

A partir de Varennes, c'est différent.


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Message Publié : 02 Mars 2015 14:01 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Disons qu'on retire les nobles, les prélats et les professions liberales.


Et pourquoi? Ne font-ils pas partis du peuple? Noble, sous l'Ancien Régime, ça veut tout et rien dire.... Si les grands nobles sont la plupart du temps intégré à l'appareil étatique, ce n'est pas le cas de tous les petits nobles.

Ca me rappelle un examen en fac d'Histoire dont le sujet était "l'Etat royal et la société sous le règne de Louis XIII". Les nobles et ecclésiastiques étaient bien évidemment à inclure dans la notion de "société", sinon on passait à côté d'une grosse partie de la question.

Ici, la société et le peuple sont-ils disincts?

Comment peut-on définir la notion de peuple? Est-elle à rattacher à la notion de prolétariat (anachronique pour la fin du XVIIIème siècle), de statut économique? de statut social?

La noblesse est un statut social, et non économique ou politique. Etre noble ne donne pas par essence du pouvoir ou de la richesse (même si dans les faits, c'est souvent le cas). Il ne faut pas oublier que la société d'Ancien Régime est une société de privilèges, mais ces privilèges sont loin d'être l'apanage des nobles ou ecclésiastiques. Toutes les villes, métiers, communautés (paysannes, religieuses, autres) avaient plus ou moins de privilèges acquis au fil du temps, et c'est cette mosaïque de cas particuliers que la Révolution a voulu faire sauter, par soucis d’égalité, mais aussi pour laisser les coudées franches à une économie libérale naissante.

Du coup, en effet, la notion de peuple est très floue. Je crois qu'il n'y a pas de rupture entre le peuple et les dirigeants dans la Révolution française, mais bien entre ceux à qui le régime profitait (et il pouvait profiter, selon les cas, à un paysan comme à un noble ayant des responsabilités dans l'appareil étatique) et ceux qu'ils bridaient (les tenants d'une économie libérale, les intellectuels héritiers des lumières, les non nobles ne pouvant pas accéder à certaines fonctions (encore que beaucoup d'offices étaient anoblissantes), et certaines communautés qui par le jeu des privilèges, se retrouvaient en infériorité...Etc. L'oppression étatique n'a finalement que peu de rapport avec tout ça, et n'a été qu'un prétexte, la Révolution française a avant tout des causes économiques).

Le peuple se définit-il en opposition à un Etat? Le truc, c'est que l'Etat s'appuie sur le peuple, il en est plus ou moins le reflet même quand il fonctionne à ses dépends.

Peut-on opposer la notion de peuple à celle d'élite? La Révolution a été engagée par une élite, mais s'est transformée en mouvement populaire (encore que les épisodes de Vendée et cas similaires montrent que le "peuple" était plus que partagé). On peut aussi voir la Révolution comme un conflit pas très différents des autres: une opposition entre des élites intellectuelles, politiques et économiques, et les autres qui sont ralliées/manipulées dans un camp ou un autre. Je ne suis pas sûr que la plupart des gens en France à cette époque en avaient réellement quelque chose à faire des grandes théories des Lumières et de la Révolution d'un côté ou de l'organisation de l'ancien régime de l'autre. Les révolutions, comme les guerres, en général sont le fruit des actes d'une poignée d'individus qui déclenchent des enchaînements d’événements dans lesquelles les masses sont prises et réagissent en fonction d'une foule de facteurs. Il y a de nombreuses campagnes qui sont passées de la révolte à la contre révolution en fonction des évènements, qu'on croit toujours contrôlés et conscients avec le recul (parce que c'est la vision que les contemporains ont cherché à donner) mais qui ne l'étaient pas du tout au moment M.

Le soucis majeur, dans un pays en grande majorité rural, est de savoir si la récolte va être bonne ou non. L'organisation de l'Etat, de la société, ça intéresse finalement très peu de monde (on retrouve exactement le même phénomène aujourd'hui), et peu ont une vision globale des choses. Ce qui importe, c'est ce qu'il y a dans l'assiette. Que ce soit un gouvernement royal ou républicain qui prend les décisions, ça a finalement très peu d'importance pour beaucoup. C'est là que l'Histoire a quelques limites: elle est la vision du passé d'une élite. "le peuple" là dedans, c'est un vaste assemblage d'individus, d'intérêts, de problèmes particuliers.

Les phénomènes de masses sont consécutifs à quelques événements déclencheurs, se mettent en place. La Révolution n'est pas un événement contrôlé ni même totalement conscient et il y avait un décalage manifeste entre les tentatives d'organisation politiques conduites par une élite et les mouvements populaires type prise de la Bastille, Grande Peur ou révolte de Vendée.


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Message Publié : 03 Mars 2015 10:12 
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Citer :
Le soucis majeur, dans un pays en grande majorité rural, est de savoir si la récolte va être bonne ou non. L'organisation de l'Etat, de la société, ça intéresse finalement très peu de monde (on retrouve exactement le même phénomène aujourd'hui), et peu ont une vision globale des choses. Ce qui importe, c'est ce qu'il y a dans l'assiette. Que ce soit un gouvernement royal ou républicain qui prend les décisions, ça a finalement très peu d'importance pour beaucoup. C'est là que l'Histoire a quelques limites: elle est la vision du passé d'une élite. "le peuple" là dedans, c'est un vaste assemblage d'individus, d'intérêts, de problèmes particuliers.


C'est un peu réducteur non ?
La grande Peur a démontré aussi le ras-le-bol des masses rurales devant la réaction nobiliaire du XVIIIe- ils ont mis le feu aux châteaux et aux terriers.
Après 1791, et le début de l'affaire des biens nationaux, une bonne partie des campagnes redoute le retour des anciens propriétaires et s'est une question qui va agiter le monde rural pendant deux décennies ans.
Quant aux rapport avec la Révolution proprement dite- on a eu des zones plutôt blanches, des zones plutôt bleues- suivant des contextes locaux et régionaux. Si le Grand Ouest était plutôt contre- révolutionnaire dans ses campagnes, ce n'est pas le cas de l'Est ou de la région Lyonnaise- Isère. L'isère qui fut le département bleu par excellence par exemple. Il faudrait analyser chacune des situations pour voir ce qui agite les individus à chaque fois.


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Message Publié : 03 Mars 2015 11:04 
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Philippe de Commines
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Vous avez raison de souligner ce contexte tout de même assez exceptionnel d'un pays, la France, qui connaît tout au long du 18ème siècle un mouvement de réaction nobiliaire contre l'autorité monarchique, avec en particulier cette prétention récurrente des Parlements à représenter la nation tout en voulant à tout prix consolider et même renforcer les privilèges des 2 premiers ordres.

L'aspiration à la réduction voire à l'abolition des privilèges des deux premiers ordres est omniprésente. Dans un contexte de disette et d'inflation du coût de la vie plus rapide que celle des salaires, supporter une fiscalité dont la noblesse et le clergé sont exemptés et devoir en outre continuer d'acquitter de vieux droit qui sont des survivances d'un vieux passé, devient insupportable.

Même si elle était très réelle, je recontextualiserais tout de même la peur d'un retour des anciens propriétaires de biens nationaux acquis. Les biens nationaux d'Eglise ont surtout été acquis par des bourgeois, même s'il y a eu des "pools" ça et là qui se sont associés pour pouvoir enchérir et acquérir les grands lots de terres en lesquels les biens nationaux étaient en général découpés et offerts aux enchères.

C'est surtout la vente postérieure des biens des émigrés qui a été plus ouverte, notamment parce que les paysans ont su mieux se faire "entendre" des élites bourgeoises. Mais même là, ce ne sont pas les paysans qui ont eu la part majoritaire. Ils ne l'emportent en fait que dans les zones franchement éloignées des villes ou dans les zones pauvres.
Et ce sont loin d'être tous les paysans qui ont acquis des terres. Pour faire une acquisition dont on puisse vivre, encore faut-il avoir quelque épargne. Et aussi faut-il pouvoir se rendre en général dans le chef-lieu où se tiennent les ventes.


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