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Disons qu'on retire les nobles, les prélats et les professions liberales.
Et pourquoi? Ne font-ils pas partis du peuple? Noble, sous l'Ancien Régime, ça veut tout et rien dire.... Si les grands nobles sont la plupart du temps intégré à l'appareil étatique, ce n'est pas le cas de tous les petits nobles.
Ca me rappelle un examen en fac d'Histoire dont le sujet était "l'Etat royal et la société sous le règne de Louis XIII". Les nobles et ecclésiastiques étaient bien évidemment à inclure dans la notion de "société", sinon on passait à côté d'une grosse partie de la question.
Ici, la société et le peuple sont-ils disincts?
Comment peut-on définir la notion de peuple? Est-elle à rattacher à la notion de prolétariat (anachronique pour la fin du XVIIIème siècle), de statut économique? de statut social?
La noblesse est un statut social, et non économique ou politique. Etre noble ne donne pas par essence du pouvoir ou de la richesse (même si dans les faits, c'est souvent le cas). Il ne faut pas oublier que la société d'Ancien Régime est une société de privilèges, mais ces privilèges sont loin d'être l'apanage des nobles ou ecclésiastiques. Toutes les villes, métiers, communautés (paysannes, religieuses, autres) avaient plus ou moins de privilèges acquis au fil du temps, et c'est cette mosaïque de cas particuliers que la Révolution a voulu faire sauter, par soucis d’égalité, mais aussi pour laisser les coudées franches à une économie libérale naissante.
Du coup, en effet, la notion de peuple est très floue. Je crois qu'il n'y a pas de rupture entre le peuple et les dirigeants dans la Révolution française, mais bien entre ceux à qui le régime profitait (et il pouvait profiter, selon les cas, à un paysan comme à un noble ayant des responsabilités dans l'appareil étatique) et ceux qu'ils bridaient (les tenants d'une économie libérale, les intellectuels héritiers des lumières, les non nobles ne pouvant pas accéder à certaines fonctions (encore que beaucoup d'offices étaient anoblissantes), et certaines communautés qui par le jeu des privilèges, se retrouvaient en infériorité...Etc. L'oppression étatique n'a finalement que peu de rapport avec tout ça, et n'a été qu'un prétexte, la Révolution française a avant tout des causes économiques).
Le peuple se définit-il en opposition à un Etat? Le truc, c'est que l'Etat s'appuie sur le peuple, il en est plus ou moins le reflet même quand il fonctionne à ses dépends.
Peut-on opposer la notion de peuple à celle d'élite? La Révolution a été engagée par une élite, mais s'est transformée en mouvement populaire (encore que les épisodes de Vendée et cas similaires montrent que le "peuple" était plus que partagé). On peut aussi voir la Révolution comme un conflit pas très différents des autres: une opposition entre des élites intellectuelles, politiques et économiques, et les autres qui sont ralliées/manipulées dans un camp ou un autre. Je ne suis pas sûr que la plupart des gens en France à cette époque en avaient réellement quelque chose à faire des grandes théories des Lumières et de la Révolution d'un côté ou de l'organisation de l'ancien régime de l'autre. Les révolutions, comme les guerres, en général sont le fruit des actes d'une poignée d'individus qui déclenchent des enchaînements d’événements dans lesquelles les masses sont prises et réagissent en fonction d'une foule de facteurs. Il y a de nombreuses campagnes qui sont passées de la révolte à la contre révolution en fonction des évènements, qu'on croit toujours contrôlés et conscients avec le recul (parce que c'est la vision que les contemporains ont cherché à donner) mais qui ne l'étaient pas du tout au moment M.
Le soucis majeur, dans un pays en grande majorité rural, est de savoir si la récolte va être bonne ou non. L'organisation de l'Etat, de la société, ça intéresse finalement très peu de monde (on retrouve exactement le même phénomène aujourd'hui), et peu ont une vision globale des choses. Ce qui importe, c'est ce qu'il y a dans l'assiette. Que ce soit un gouvernement royal ou républicain qui prend les décisions, ça a finalement très peu d'importance pour beaucoup. C'est là que l'Histoire a quelques limites: elle est la vision du passé d'une élite. "le peuple" là dedans, c'est un vaste assemblage d'individus, d'intérêts, de problèmes particuliers.
Les phénomènes de masses sont consécutifs à quelques événements déclencheurs, se mettent en place. La Révolution n'est pas un événement contrôlé ni même totalement conscient et il y avait un décalage manifeste entre les tentatives d'organisation politiques conduites par une élite et les mouvements populaires type prise de la Bastille, Grande Peur ou révolte de Vendée.