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Message Publié : 20 Fév 2017 8:33 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Lei Ming Yuan a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Cette remarque concernait la catégorie des prisonniers massacrés à Jaffa, à savoir les prisonniers de guerre, et permettait de rappeler que les ordres donnés à cette occasion ne sont pas représentatifs de la politique appliquée vis-à-vis des prisonniers de guerre par Bonaparte en Europe.

A quelle conclusion ce rappel est-il censé mener ?


Sur ce point, je ne peux répondre à la place d'Aigle.


Lei Ming Yuan a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Les « lois » dites de guerre invoquées (mensongèrement) ici pour justifier le massacre ne relèvent pas d’une législation quelconque, mais sont connues et, malgré tout, admises. J’ai à ce sujet évoqué l’ouvrage de Vattel : « Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains » (1758), et le chapitre « Du droit des nations dans la guerre, et ce qu’on est en droit de faire et de ce qui est permis , dans une guerre juste, contre la personne de l’ennemi » où on peut lire :
« Il est un cas cependant où l’on peut refuser la vie à un ennemi qui se rend, et toute capitulation à une place aux abois; c’est lorsque cet ennemi s’est rendu coupable de quelque attentat énorme contre le droit des gens, et en particulier lorsqu’il a violé les lois de la guerre. Le refus qu’on lui fait de la vie n’est point une suite naturelle de la guerre, c’est une punition de son crime; punition que l'offensé est en droit d’infliger. »

Il ne me semble pas que ce texte de Vattel puisse s'appliquer au cas du parjure qui avait promis de ne pas reprendre les armes après s'être rendu. Ce parjure ne rentre en effet pas vraiment dans la catégorie des "attentats énormes contre le droit des gens" qui semble plutôt concerner les viols, pillages, massacres et tortures. Mais évidemment quand le droit reste aussi vague, on peut lui faire dire ce qu'on veut. :'(


A « quelque attentat énorme contre les droits des gens », Vattel ajoute « et en particulier lorsqu’il a violé les lois de la guerre ». Vous me direz que cela reste vague, mais ne peut-on considérer la violation d'un serment lié à une capitulation comme une violation des lois de la guerre ? Vattel précise d’ailleurs que, dans le cadre de « l’observation des capitulations », « ces conventions faites pendant le cours de la guerre doivent être observées avec fidélité » et qu’il est « injuste et honteux de les violer ».
Réal est plus explicite sur ce point.

Lei Ming Yuan a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
A contrario, l’ultimatum lancé avant l’assaut et rejeté par le commandant de la place était lourd de menaces.

Quel était cet ultimatum ? Et dans quelle langue a-t-il été lancé ?


C’est aussi en page 1.
Le voici en entier :
« Dieu est clément et miséricordieux !
Le général en chef Bonaparte me charge de vous faire connaître qu'il ne s'est porté dans la Palestine que pour en chasser les troupes de Djezzar-Pacha, qui ne doivent pas y être, non plus que dans le fort d'El-A'rych, territoire d'Egypte; il a par l'occupation de ce fort, commencé lui-même les hostilités contre l'Égypte ;
Que la place de Jaffa est cernée de tous côtés ; que les batteries de plein fouet, à bombes et de brèche, vont, dans deux heures, culbuter la muraille et en ruiner les défenses ;
Que son cœur est touché des maux qu'encourrait la ville entière en se laissant prendre d'assaut ;
Qu'il offre sauvegarde à la garnison, protection à la ville ; qu'il retarde, en conséquence, le commencement du feu jusqu'à sept heures du matin. »

Pour la langue usitée, il y avait des interprètes à l’armée d’Orient.

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 24 Fév 2017 8:15 
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Fustel de Coulanges
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Guenifey a été évoqué plus haut. Dans une courte conférence (ici : https://youtu.be/_bWN2HDczTc ), il donne (parmi d’autres heureusement) une piste de compréhension des actes de violence pour le moins étonnante :
« Les pertes sont compensées par l’achat d’esclaves au Soudan qui viennent renforcer ; et d’ailleurs le corps expéditionnaire qui part en Syrie est à moitié soudanais en réalité ; ce qui peut aussi contribuer à la violence. »

Il est surprenant d’entendre une telle bêtise dans la bouche d’un historien tel que Guenifey.
Bonaparte a bien évoqué l’achat d’esclaves pour compléter ses troupes, mais la Correspondance ne parle pas de ce genre d’initiative avant la campagne de Syrie.

Voici trois lettres :
« Je vous prie, citoyen, de me procurer 200 esclaves noirs d’un âge au-dessus de 16 ans pour en faire des soldats, et de me faire connaître à quel prix on les pourrait avoir. »
(Bonaparte à Poussielgue, 22 juin 1799)

« Je désirerais, Citoyen Général, acheter 2 ou 3 000 nègres ayant plus de seize ans, pour pouvoir en mettre une centaine par bataillon. Voyez s'il n'y aurait pas moyen de commencer ce recrutement en commençant les achats. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir l'importance de cette mesure. »
(Bonaparte à Desaix, 22 juin 1799)

« Je vous prie de renvoyer, par la première caravane, 2 000 esclaves noirs ayant plus de seize ans, forts et vigoureux ; je les achèterai tous pour mon compte. »
(Bonaparte à Abd-El-Rahmân, sultan du Darfour, 30 juin 1799)

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Message Publié : 24 Fév 2017 12:22 
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Hérodote
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Inscription : 31 Juil 2016 13:58
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Bonjour à vous,

Effectivement, sur " un autre forum " j'ai écrit, tout en restant mesuré, qu'il " me semblait qu'il y avait un parti prix un peu trop anti-bonaparte " au sujet des évènements de Jaffa. Ce qui ne veut évidemment point dire que je tomberais dans un manichéisme me laissant penser que l'action de Bonaparte fut " admirable, héroïque et dignes de louanges. " 8-| Cela veut simplement dire que le procès de ces évènements se fait uniquement à charge, ce qui n'est jamais ni sagace, ni surtout, juste.

Personne ne doit chercher à excuser l'inexcusable, mais à comprendre les motivations du natif d'Ajaccio. Nous connaissons les moeurs de l'Orient de cette époque. (Je ne sais plus qui disait: Avant d'aller en Orient, je me serais laissé tuer pour défendre les idées de Rousseau, mais maintenant je suis d'accord avec Voltaire: l'homme non-civilisé est un sauvage cruel et sanguinaire... )
Bonaparte a une petite armée dépourvue de tout. Son envoyé s'est fait décapiter. Parmi les prisonniers de cette nouvelle place prise, certains sont des parjures qui ont déjà tués des français, ce qui lui fait perdre confiance en la totalité des prisonniers. Il n'y a plus de nourriture et devant Saint Jean d'Acre, un peu plus tard, les Français devront moudre du blé sous plein soleil jusqu'à épuisement pour pouvoir survivre. Il n'y a même pas assez de munitions pour exécuter ces prisonniers qui sont en fait massacrés à la baïonnette... :oops:
Bonaparte n'est pas fier de ce qu'il a fait, d'où ses mensonges avérés ( ou " arrangements avec la vérité " ;) dans ses relations de cet épisode. Mais il ne l'a pas fait par sadisme, mais bien pour ce qu'il pensait être la protection de sa petite armée.

Par ailleurs, le fait que sur cette période ( 1796 - 1815 ) les critiques de Napoléon Bonaparte reviennent si souvent sur ces évènements isolés de Jaffa en terre plus qu'hostile me laisse à penser que le petit Tondu n'a pas commis tant d'exactions que cela. %1

Citer :
Patrice Gueniffey: [Les prisonniers] ne furent pas mis à mort pour la seule raison que "c'était plus commode", mais également "pour produire un effet" : Bonaparte espérait ainsi répandre une terreur telle qu'elle dissuaderait l'ennemi de poursuivre la combat."


Cet argument de Gueniffey ne me semble guère valide: effectivement le fait d'exécuter les prisonniers lorsqu'une place en siège est emportée, ne pouvait, au contraire, qu'encourager plus tard les assiégés de Saint Jean d'Acre à combattre avec encore plus d'ardeur.

Pour répondre à une autre de vos questions " Lei Ming Yuan " si les " admirateurs primaires de NB " se refusent à voir de la violence dans ces évènements, c'est évidemment parce qu'il leur en coûte de critiquer leur idole ( sauf pour dire: il fait des erreurs, cela prouve qu'il est humain :mrgreen: ) Sachez que je regrette votre bannissement de " cet autre forum ": je suis pour ma part pour la liberté d'expression avec pour seule limite le respect d'autrui.

Cdlt,

_________________
" Cet homme sait tout, veut tout et peut tout ! " Sieyès à propos de Bonaparte.


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Message Publié : 24 Fév 2017 16:05 
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Plutarque
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Inscription : 03 Juin 2014 16:37
Message(s) : 152
Drouet Cyril a écrit :
Guenifey a été évoqué plus haut. Dans une courte conférence (ici : https://youtu.be/_bWN2HDczTc ), il donne (parmi d’autres heureusement) une piste de compréhension des actes de violence pour le moins étonnante :
« Les pertes sont compensées par l’achat d’esclaves au Soudan qui viennent renforcer ; et d’ailleurs le corps expéditionnaire qui part en Syrie est à moitié soudanais en réalité ; ce qui peut aussi contribuer à la violence. »

Il est surprenant d’entendre une telle bêtise dans la bouche d’un historien tel que Guenifey.
Bonaparte a bien évoqué l’achat d’esclaves pour compléter ses troupes, mais la Correspondance ne parle pas de ce genre d’initiative avant la campagne de Syrie.

Voici trois lettres :
« Je vous prie, citoyen, de me procurer 200 esclaves noirs d’un âge au-dessus de 16 ans pour en faire des soldats, et de me faire connaître à quel prix on les pourrait avoir. »
(Bonaparte à Poussielgue, 22 juin 1799)

« Je désirerais, Citoyen Général, acheter 2 ou 3 000 nègres ayant plus de seize ans, pour pouvoir en mettre une centaine par bataillon. Voyez s'il n'y aurait pas moyen de commencer ce recrutement en commençant les achats. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir l'importance de cette mesure. »
(Bonaparte à Desaix, 22 juin 1799)

« Je vous prie de renvoyer, par la première caravane, 2 000 esclaves noirs ayant plus de seize ans, forts et vigoureux ; je les achèterai tous pour mon compte. »
(Bonaparte à Abd-El-Rahmân, sultan du Darfour, 30 juin 1799)


Cet amalgame avec des esclaves noirs fut-il effectif ?
Si oui a-t-on des retours sur les inévitables problèmes que cela peut causer, notamment la barrière de la langue, la maitrise de l'armement...


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Message Publié : 24 Fév 2017 16:37 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Mathieu Dampierre a écrit :
Il n'y a plus de nourriture


Voilà une assertion bien péremptoire qui, à y regarder, n'est pas si évidente.



Mathieu Dampierre a écrit :
Citer :
Patrice Gueniffey: [Les prisonniers] ne furent pas mis à mort pour la seule raison que "c'était plus commode", mais également "pour produire un effet" : Bonaparte espérait ainsi répandre une terreur telle qu'elle dissuaderait l'ennemi de poursuivre la combat."


Cet argument de Gueniffey ne me semble guère valide: effectivement le fait d'exécuter les prisonniers lorsqu'une place en siège est emportée, ne pouvait, au contraire, qu'encourager plus tard les assiégés de Saint Jean d'Acre à combattre avec encore plus d'ardeur.


Il n'en est cependant pas moins vrai que "l'exemple" (sic) de Jaffa fut utilisé par Bonaparte dans ses missives menaçantes dès le 9 mars...

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 24 Fév 2017 17:27 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Malicorne,

Quoiqu'en dise Gueniffey, les esclaves du Darfour ou du Senaar n'ont pas leur place dans un sujet sur le massacre des prisonniers de Jaffa ; j'ai donc ouvert un nouveau fil :
viewtopic.php?f=55&t=39826

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Message Publié : 25 Fév 2017 10:36 
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Salluste
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Inscription : 08 Fév 2017 21:50
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Localisation : Liège (Belgique)
Mathieu Dampierre a écrit :
Bonjour à vous,

Bonjour Mathieu,

Je commençais à perdre l'espoir que vous reveniez un jour faire un tour sur ce forum pour voir ce qu'il s'y passait, ce qui aurait été fort dommage. :wink:
Mathieu Dampierre a écrit :
Effectivement, sur " un autre forum " j'ai écrit, tout en restant mesuré, qu'il " me semblait qu'il y avait un parti prix un peu trop anti-bonaparte " au sujet des évènements de Jaffa.

Effectivement, le propos restait mesuré et c'est ça qui fait l'intérêt de reprendre la discussion ici. S'il s'agissait d'un propos excessif, la probabilité que cela puisse déboucher sur un échange intéressant serait très faible.
Mathieu Dampierre a écrit :
Ce qui ne veut évidemment point dire que je tomberais dans un manichéisme me laissant penser que l'action de Bonaparte fut " admirable, héroïque et dignes de louanges. " 8-|

Je sais très bien que vous n'avez pas cette opinion du massacre de Jaffa. Mais sur le forum où vous aviez écrit la phrase que j'ai citée, certains membres semblent le penser ou du moins n'hésitent pas à l'écrire, même s'ils savent peut-être au fond d'eux-mêmes que ce n'est pas vrai. Il est donc peu probable que vous trouviez sur ce forum beaucoup d'interlocuteurs prêts à s'interroger pour savoir si ce qui est dit de Jaffa est un peu trop ou non anti-Bonaparte. ;)
Mathieu Dampierre a écrit :
Cela veut simplement dire que le procès de ces évènements se fait uniquement à charge, ce qui n'est jamais ni sagace, ni surtout, juste.

Dans la même discussion, vous avez ensuite cité le livre de Dominique Jamet Si j'avais défendu Napoléon qui prend délibérément le parti d'instruire tout le parcours de Napoléon uniquement à décharge. Dans ce cas, ce n'est pas la sagacité de l'auteur qui doit être remise en question. En effet, le choix de l'auteur d'adopter un tel parti-pris s'avère avoir été un bon calcul, puisque près de 15 ans après sa publication, certaines personnes comme vous continuent à parler de son livre, ce qui n'est pas mal pour un auteur qui écrit un livre sur un sujet dont il n'est nullement spécialiste et sur lequel les publications sont très abondantes. En revanche, en terme d'impartialité, on peut se poser de sérieuses questions sur ce livre, d'autant qu'au départ, l'auteur était plutôt quelqu'un qui avait relayé jusque-là des jugements négatifs sur Napoléon, comme il l'écrit lui-même dans sa préface. Pour écrire son livre, il a donc délibérément adopté un point de vue qui n'était pas le sien pour répondre à la demande d'un éditeur et satisfaire le public auquel il voulait s'adresser. Il ne faut donc sans doute pas y chercher la moindre justesse.
Mathieu Dampierre a écrit :
Personne ne doit chercher à excuser l'inexcusable, mais à comprendre les motivations du natif d'Ajaccio.

Chez beaucoup, il y a malheureusement une certaine confusion entre comprendre et excuser. (Comme d'autres peuvent parfois confondre exposer et dénoncer).
Mathieu Dampierre a écrit :
Nous connaissons les moeurs de l'Orient de cette époque.

C'est inexact. Nous ne connaissons pas les moeurs de l'Orient de cette époque. Nous avons simplement connaissance de ce que des observateurs en ont dit. Or un certain nombre de descriptions qui ont été faites et dont vous avez connaissance ont été écrites par les Français
Mathieu Dampierre a écrit :
(Je ne sais plus qui disait: Avant d'aller en Orient, je me serais laissé tuer pour défendre les idées de Rousseau, mais maintenant je suis d'accord avec Voltaire: l'homme non-civilisé est un sauvage cruel et sanguinaire... )

Sur le forum dont question ci-dessus (pour m'exprimer dans le clair parler des juristes ;) ), certains membres ont attribué cette citation à Napoléon lui-même. J'ignore si c'est exact, mais si ce n'est pas le cas, Cyril Drouet pourra certainement rectifier.
Cette citation est à divers points de vue problématique et est typique de l'attitude des Européens à l'égard des autres peuples, mais plus généralement de l'attitude des colonisateurs à l'égard des populations qu'elles veulent coloniser. L'auteur de cette phrase indique comme s'il s'agissait d'une vérité qu'il est civilisé et que l'autre ne l'est pas, du seul fait de ne pas appartenir à la même civilisation que lui. Ce genre de considération est à la base du racisme, qui n'est pas contrairement à ce que certains voudraient prétendre une invention de la seconde moitié du 19e siècle, mais une constante dans l'histoire de l'humanité. :(
Une fois posé le principe que l'autre n'est pas civilisé, on affirme ensuite qu'il est cruel et sanguinaire. Or, à Jaffa, s'il y a bien des hommes qui se sont montrés cruels et sanguinaires, ce sont d'abord et avant tout les Français qui, avant même l'exécution des prisonniers, ont massacré des femmes et des enfants lors de la prise de la ville, femmes et enfants qu'il est difficile d'accuser avec une certaine crédibilité d'être des sauvages cruels et sanguinaires.
Mathieu Dampierre a écrit :
Bonaparte a une petite armée dépourvue de tout. Son envoyé s'est fait décapiter. Parmi les prisonniers de cette nouvelle place prise, certains sont des parjures qui ont déjà tués des français, ce qui lui fait perdre confiance en la totalité des prisonniers. Il n'y a plus de nourriture et devant Saint Jean d'Acre, un peu plus tard, les Français devront moudre du blé sous plein soleil jusqu'à épuisement pour pouvoir survivre. Il n'y a même pas assez de munitions pour exécuter ces prisonniers qui sont en fait massacrés à la baïonnette... :oops:

C'est la configuration classique des guerres coloniales. Cortès et Pizarre s'étaient trouvés dans la même situation quand ils sont partis à la conquête du Mexique et du Pérou. D'autres colonisateurs se trouveront dans une situation comparable par la suite. C'est le principe même de la colonisation qui est problématique. Dès le moment où le but de départ est vicié, il est difficile de justifier les exactions qui en découlent au nom de la nécessité. On sait que Pizarre s'est emparé par traîtrise de la personne de l'Inca Atahualpa. On pourrait pour sa défense invoquer le fait que s'il n'avait pas procédé de la sorte, il n'aurait jamais pu conquérir le Pérou. Mais une telle argumentation n'a aucune valeur, puisque la conquête du Pérou n'était nullement légitime.
Mathieu Dampierre a écrit :
Bonaparte n'est pas fier de ce qu'il a fait, d'où ses mensonges avérés ( ou " arrangements avec la vérité " ;) dans ses relations de cet épisode.

D'où tirez-vous cette conviction ? Nulle part, Napoléon n'a écrit qu'il regrettait sa décision. Au contraire, des années après, il continue à dire qu'elle était pleinement justifiée, découvrant ou se rappelant de nouveaux motifs qu'il n'avait pas encore mentionnés. Et si ses explications ont pu changer, ce n'est pas parce qu'il avait des remords, mais parce qu'il savait qu'on l'avait critiqué sur ce point et qu'il estimait que ces reproches n'étaient pas fondés.
Mathieu Dampierre a écrit :
Mais il ne l'a pas fait par sadisme, mais bien pour ce qu'il pensait être la protection de sa petite armée.

Que cela ait été fait par sadisme ou non ne change rien à l'acte. Quant à la protection de sa petite armée, si c'était vraiment ça le souci de Napoléon, le meilleur moyen d'y parvenir était de ne pas quitter la France pour envahir l'Egypte. Ce massacre fait clairement partie d'une stratégie militaire. Tuer des prisonniers au lieu de les libérer est en effet un moyen imparable pour être certain de ne plus avoir à les affronter. Mais l'objectif était aussi peut-être de terroriser l'ennemi pour le décourager de se battre. Sur ce point, cependant, cette stratégie (si c'était bien cela le but poursuivi) a complètement échoué.
Mathieu Dampierre a écrit :
Par ailleurs, le fait que sur cette période ( 1796 - 1815 ) les critiques de Napoléon Bonaparte reviennent si souvent sur ces évènements isolés de Jaffa en terre plus qu'hostile me laisse à penser que le petit Tondu n'a pas commis tant d'exactions que cela.

Avanceriez-vous le même argument à propos du général Dyer qui a ordonné de tirer sur la foule à Amristar le 13 avril 1919 provoquant la mort de 379 personnes (bien moins donc que les exécutés de Jaffa) ?
Mathieu Dampierre a écrit :
Citer :
Patrice Gueniffey: [Les prisonniers] ne furent pas mis à mort pour la seule raison que "c'était plus commode", mais également "pour produire un effet" : Bonaparte espérait ainsi répandre une terreur telle qu'elle dissuaderait l'ennemi de poursuivre la combat."

Cet argument de Gueniffey ne me semble guère valide: effectivement le fait d'exécuter les prisonniers lorsqu'une place en siège est emportée, ne pouvait, au contraire, qu'encourager plus tard les assiégés de Saint Jean d'Acre à combattre avec encore plus d'ardeur.

D'autres que Bonaparte ont appliqué avec succès cette stratégie de la terreur. C'est le cas notamment de Cortès. Accueilli par les habitants de la ville de Cholula, il se livre ensuite au massacre des notables de la ville, sous prétexte d'un complot de ces notables qui auraient planifié de massacrer traîtreusement les Espagnols, profitant du relâchement provoqué par ce bon accueil (certains historiens supposent que ce complot n'a jamais existé et que Cortès l'aurait inventé pour justifier le massacre). Suite à ce massacre, les autres villes renoncent à se défendre. Bonaparte espérait donc peut-être grâce au massacre de Jaffa obtenir le même effet. Ce ne serait pas la seule fois que Napoléon aurait fait une erreur d'évaluation sur la volonté de résistance des populations des pays qu'il envahissait. Il a commis cette erreur en Espagne et l'a répétée en Russie où il supposait que les moujiks verraient en lui un libérateur.
Mathieu Dampierre a écrit :
Pour répondre à une autre de vos questions " Lei Ming Yuan " si les " admirateurs primaires de NB " se refusent à voir de la violence dans ces évènements, c'est évidemment parce qu'il leur en coûte de critiquer leur idole ( sauf pour dire: il fait des erreurs, cela prouve qu'il est humain :mrgreen: )

Les motivations des admirateurs inconditionnels de Napoléon restent complexes. A cela s'ajoutent les particularités de la communication sur Internet où des gens adoptent parfois un comportement très différent de celui qu'ils ont quand on les rencontre en vrai.
Mathieu Dampierre a écrit :
Sachez que je regrette votre bannissement de " cet autre forum ": je suis pour ma part pour la liberté d'expression avec pour seule limite le respect d'autrui.

Malheureusement, ni vous ni moi ne sommes consultés pour donner notre avis sur la manière dont on pourrait améliorer le fonctionnement des forums et la réponse à donner à ceux qui considèrent que la liberté d'expression ne doit s'appliquer qu'à eux et qu'il faut faire taire tous ceux qui ne partagent pas leurs avis ou qui les dérangent dans l'étalage de leur petite personne. :(


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Message Publié : 25 Fév 2017 10:58 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Lei Ming Yuan a écrit :
Mathieu Dampierre a écrit :
(Je ne sais plus qui disait: Avant d'aller en Orient, je me serais laissé tuer pour défendre les idées de Rousseau, mais maintenant je suis d'accord avec Voltaire: l'homme non-civilisé est un sauvage cruel et sanguinaire... )

Sur le forum dont question ci-dessus (pour m'exprimer dans le clair parler des juristes ;) ), certains membres ont attribué cette citation à Napoléon lui-même. J'ignore si c'est exact, mais si ce n'est pas le cas, Cyril Drouet pourra certainement rectifier.


« Jusqu’à seize ans je me serais battu pour Rousseau contre tous les amis de Voltaire. Aujourd’hui, c’est le contraire ! Je suis surtout dégoûté de Rousseau depuis que j’ai vu l’Orient. L’homme sauvage est un chien…»
(Roederer, Oeuvres)



Lei Ming Yuan a écrit :
D'autres que Bonaparte ont appliqué avec succès cette stratégie de la terreur. C'est le cas notamment de Cortès.


Comme déjà dit, on peut se référer à un événement bien plus proche : le siège de Jaffa survenu 23 ans seulement avant celui mené par Bonaparte.

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Message Publié : 06 Août 2017 9:20 
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Fustel de Coulanges
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Une autre caricature de Gillray en référence à Jaffa :
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