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Message Publié : 13 Août 2015 10:42 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 02 Nov 2006 21:00
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Moreau vainqueur à Hohenlinden termina mortellement bléssé dans les rangs alliés en 1813.
Ayant lu sa biographie par F. Hulot, ce dernier réhabilite le personnage (grand Français, grand capitaine, profond républicain dénoué d'ambition politique) comme Marcel Coz dans son ouvrage de 2008.
Quel est votre avis sur cet homme de la Révolution ?


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Message Publié : 13 Août 2015 10:52 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Qu'il ait été sincèrement Républicain dénué d'ambitions est très curieux. Dès 1803 je crois qu'il a des contacts avec les royalistes et surtout après un exil aux Etats-Unis, il rejoint les Alliés (comme Bernadotte) ce qui témoigne plus d'une ambition que d'un républicanisme sincère.


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Message Publié : 13 Août 2015 11:28 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 02 Nov 2006 21:00
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Ah bon? 8-|
avez vous lu la bio d'Hulot ou d'autres ouvrages pour etayer vos dires? ;)


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Message Publié : 13 Août 2015 14:48 
Aigle a écrit :
Qu'il ait été sincèrement Républicain dénué d'ambitions est très curieux. Dès 1803 je crois qu'il a des contacts avec les royalistes et surtout après un exil aux Etats-Unis, il rejoint les Alliés (comme Bernadotte) ce qui témoigne plus d'une ambition que d'un républicanisme sincère.
Ca ne s'explique pas forcément par un carriérisme personnel (d'autant que les perspectives étaient pour le moins vagues). Autant que je sache, il s'est surtout dit déçu voire indigné par Bonaparte. Je suppose que l'initiateur du fil va développer les vraies motivations puisqu'il n'est pas d'accord :wink: .

Au passage, il me semble que Moreau a été le premier maréchal de France à titre posthume (par Louis XVIII, ce que Napoléon n'a pas pensé à faire pour Desaix, Kléber, Marceau, Joubert, Championnet, etc.). Ca rend peut-être délicate la qualification de "traitre" (soit dit sans vouloir glisser des considérations politiques >:) ).


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Message Publié : 13 Août 2015 16:02 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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En. Tout cas on peut parler d'une incertitude de positionnement.

Patriote il meurt en combattant pour le Tsar.

Républicain il contribue au retour de la Royauté

Qu'un général soit dénué d'ambition, c'est vraiment curieux. Un militaire dénué d'ambition dépasse rarement le grade de capitaine :P et dénué d'ambition politique sous la Révolution aurait été particulièrement rare...


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Message Publié : 13 Août 2015 16:15 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Il n'y a pas de doute à avoir. En toute objectivité, bien qu'il ait été un des grands généraux de la république, Moreau est l'exemple parfait de l'homme qui trahit sa patrie et décide au final de lutter contre elle.

La France n'était pas occupée par l'ennemi. Les forces au service desquelles il a combattu contre son pays n'avaient aucun objectif justifiant qu'un patriote français combatte pour elles. Ce n'étaient rien d'autres que d'autres puissances impérialistes rivales, qui plus est visant à mettre à bas les valeurs des Lumières et de la révolution française.

Monarchiste légitimiste, Moreau aurait eu des excuses. Républicain, il n'en avait aucune. Tout juste la circonstance atténuante que Bonaparte lui a trop cherché noise.


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Message Publié : 13 Août 2015 17:19 
Caesar Scipio a écrit :
La France n'était pas occupée par l'ennemi. Les forces au service desquelles il a combattu contre son pays n'avaient aucun objectif justifiant qu'un patriote français combatte pour elles. Ce n'étaient rien d'autres que d'autres puissances impérialistes rivales, qui plus est visant à mettre à bas les valeurs des Lumières et de la révolution française.

Monarchiste légitimiste, Moreau aurait eu des excuses. Républicain, il n'en avait aucune. Tout juste la circonstance atténuante que Bonaparte lui a trop cherché noise.
Pourquoi ne serait-il pas devenu sincèrement royaliste ? Accessoirement, l'Empire n'était plus la République.

On ne peut pas dire que Bonaparte lui ait "cherché noise", ce n'était pas une opposition de personnes. Moreau était le général le plus prestigieux après lui, et autant que je sache il était disposé à le traiter selon son rang (jusqu'à lui proposer une de ses soeurs en mariage). Mais Moreau est entré dans l'opposition, forcément clandestine à ce moment, et s'est (peut-être) impliqué dans un projet de coup d'état. Cela ne s'appelle pas trahir ou alors le 18 Brumaire était une trahison.

Après, en 1813, les esprits les plus éclairés comprenaient qu'on avait impérieusement besoin de paix et que le chemin le plus court vers la paix passait par la défaite de Napoléon. Des "traitres", il y en a eu un paquet jusqu'à Fontainebleau.


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Message Publié : 15 Août 2015 11:54 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Je pense que ce débat est menacé par l'anachronisme : le patriotisme n'était pas défini avec la même exigence en 1813 qu'en 1914. Bien des nobles émigrés croyaient sincèrement ne pas été des traîtres mais au contraire des fidèles de leur Roi.

L'anomalie que nous rencontrons chez Moreau est qu'il se voulait républicain et patriote - ce qui rend absurde son engagement aux côtés des monarques ennemis de la France comme le note très bien Caesar Scipio. Engagement absurde qui témoigne au minimum d'une absence totale de sens politique voire un manque d'intelligence tout court.

L'explication traditionnelle est de dire que ce homme était un bon soldat mais assez influençable : par sa belle mère puis par les agents russes en Amérique. Probablement était il sensible à la flatterie !

Quant aux républicains anti bonapartistes, ils se montreront constamment patriotes et hostiles aux alliés. Auraient ils accueillis en triomphateur un général qui venaient des rangs enemis. On peut en douter sérieusement.


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Message Publié : 15 Août 2015 11:58 
Jerôme a écrit :
L'anomalie que nous rencontrons chez Moreau est qu'il se voulait républicain et patriote.
Un homme peut changer. Etait-il toujours républicain quand il s'associait à des royalistes ? Y a-t-il des déclarations de lui en ce sens ?


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Message Publié : 15 Août 2015 12:03 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Jean R adhère t il donc à la thèse habituelle de l'instabilité du général Moreau qui aurait été un homme influencée par sa belle mère ? :P


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Message Publié : 15 Août 2015 17:01 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Concernant les motivations de Moreau, sa correspondance peut apporter quelque éclaircissement :

Moreau, alors aux Etats-Unis, fut abordé par les Russes, par l’intermédiaire du comte Pahlen en 1807. Aux offres du Tsar, Moreau répondit par cette lettre écrite le 23 juin :
« Je n'aurais pas balancé à accepter les propositions généreuses de Sa Majesté Impériale de Russie, si elles m'étaient parvenues avant la guerre qu'elle s'est trouvée forcée de faire au gouvernement français. Il me semble qu'il ne conviendrait ni à la dignité de sa couronne, ni à ma délicatesse, de prendre du service dans son armée pendant la guerre actuelle. On ne considérerait plus cela comme un droit qu'a tout habitant d'un pays qu'il est forcé de quitter, de chercher une nouvelle patrie où elle lui est offerte; mais il serait facile à un gouvernement, seul maître de toutes les presses, de le faire envisager à mon égard comme un désir de vengeance contre mes compatriotes et à l'égard de Sa Majesté Impériale comme une subornation et une nécessité peu honorable pour elle et son armée.
En supposant même que je puisse accepter, dès à présent, le service qui m'est offert, les distances où je me trouve le rendraient inutile, la crise actuelle devant avoir une issue très prompte. Quelle que soit l'armée qui triomphe, la paix sera sans nul doute la suite des événements militaires. S'ils sont favorables aux Russes, il est probable que le chef du gouvernement français succombera, tant par le mécontentement de son armée que de l'intérieur. Et certes, cet événement serait hâté s'il était possible de faire connaître aux Français les intentions modérées et pleines de raison de Sa Majesté Impériale à leur égard. Mais on ne peut se dissimuler les difficultés de rien faire pénétrer dans ce malheureux pays. D'un côté, la surveillance est excessive, et de l'autre, la terreur est telle que trois personnes n'osent se communiquer leur pensée par la crainte d'avoir un traître parmi elles.
Il y a longtemps que j'ai quitté la France, et les correspondances intimes avec ce pays sont tellement difficiles, pour ne pas dire impossibles, que je ne puis dire ce qu'on doit attendre ou espérer des Français contre le petit nombre de scélérats qui les oppriment. Un voyage en Europe ne m'instruirait pas davantage ; les pays, sous la domination de Bonaparte, sont d'une telle étendue, que je ne serais guère plus rapproché que je ne le suis, et sans nul doute, la surveillance sur les amis que je puis y avoir serait beaucoup plus sévère. Ainsi placé sous sa domination, je serais plus occupé à me cacher qu'à toute autre chose, et parmi les ennemis de sa puissance, il lui serait facile de me faire perdre la popularité que je puis encore avoir en France et par conséquent me réduire à une entière inutilité.
Cependant, je ne dissimule pas la nécessité de faire connaître dans ce malheureux pays les intentions sages de Sa Majesté Impériale de Russie, que tout désir de partage et de conquête est loin de ses projets et de ses inclinations et qu'Elle laisserait la France se choisir le gouvernement qui lui conviendrait du moment où le tyran qui la gouverne cesserait de la tourmenter, ainsi que l'Europe. Quels que soient les événements qui suivront la crise actuelle de l'Europe, du moment où mon pays se trouve soumis à une oppression, que je ne veux ni servir, ni partager, je supplie Sa Majesté Impériale de croire que si mes services Lui étaient encore agréables, Elle peut compter sur mon entier dévouement. Mais Elle appréciera sûrement les motifs qui m'engagent à ne les Lui offrir que dans un moment où on ne pourrait attaquer ni ma délicatesse, ni la dignité de Sa couronne. »

Les démarches russes furent renouvelées à la mi-mars 1813, cette fois, par l’intermédiaire de Daschkoff. Ce dernier avertit Romanzoff le 8 avril que Moreau n’hésiterait pas à quitter les Etats-Unis s’il n’était sans nouvelle de sa femme, alors en convalescence en France. A cette lettre était joint un mémoire où Moreau couchait ses idées sur la manière de poursuivre la guerre et sur la constitution d’un corps de 30 à 40 mille hommes, composé d’anciens prisonniers français, destiné à être débarqué en France ou dans les Flandres. Moreau terminait par ces mots :
« On doit donc se borner à proclamer la haine du Tyran, la paix, la modération et l'indulgence la plus complète pour toutes les opinions, quel que soit le gouvernement qu'on établisse. La France entière, qui abhorre l'état actuel des choses, n'a probablement pas d'opinion formée contre la probité de celui
qui entreprendra cette expédition.
Aucun motif d'ambition particulière ne le dirige. Rendre la paix à l'Europe et le bonheur à la France, est le but de ses projets; jouir à l'abri d'un gouvernement libéral du fruit de ses travaux est son seul désir. »

Le 6 mai 1813, Moreau confiait ses projets à Bernadotte :
« Mon cher général,
Ce n'est pas au prince royal de Suède que je m'adresse; je suis plein de respect pour lui, et je fais les vœux les plus sincères pour son bonheur particulier et la prospérité de la nation qu'il est destiné à gouverner.
Comme soldat, j'admire les soldats de Gustave et de Charles XII; comme Français, je dois de la reconnaissance aux Suédois d'avoir choisi un successeur parmi nos compatriotes.
C'est donc à cet ancien compagnon d'armes, à ce compatriote, que je crois devoir et pouvoir ouvrir ma pensée sur la situation présente de l'Europe.
D'après la honteuse défaite de l'armée française en Russie, son chef n'échappera pas au double reproche de folie et de lâcheté, et restant ainsi exposé à la risée de l'Europe et à l'indignation des Français, je n'imagine pas qu'il puisse conserver une autorité à la fois monstrueuse et inquiétante pour l'Europe, avilissante et tyrannique pour la France.
L'instant favorable dont nous avons souvent parlé pour débarrasser notre patrie de ce lâche et insolent usurpateur, paraît s'approcher, mais si on ne hâte pas la catastrophe et qu'on se borne à l'attendre, il peut encore faire bien du mal. Malgré ses folies, il sait la guerre mieux que les adversaires qui lui ont été opposés jusqu'à présent. En retirant presque toute son armée d'Espagne et y renvoyant Ferdinand VII, ce qui le dispenserait de laisser beaucoup de monde sur cette frontière, il peut rassembler au mois de juillet prochain deux cent cinquante à trois cent mille hommes, et opposer encore une terrible résistance, si surtout il est soutenu par la maison d'Autriche.
L'espoir de l'opposition à la nouvelle conscription, qu'on devrait regarder comme certaine, sans une force disponible pour la faire exécuter, cesse si le mouvement de l'année d'Espagne, traversant la France dans presque toutes les directions, se combine avec les levées de cette conscription; alors les vieilles bandes aguerries par quatre ans de guerre civile, renforcées par les recrues dont elles auraient forcé la levée, se précipiteraient au devant de l'armée russe et des alliés qu'elle aurait pu se faire en Allemagne.
Ne pensez-vous pas qu'il doit exister parmi les prisonniers français en Russie, une masse assez considérable d'officiers et soldats furieux d'avoir été sacrifiés nombre d'années à satisfaire l'ambition et l'avidité de leur chef ? La dernière campagne doit avoir ajouté le mépris à la rage, et je crois que c'est parmi eux qu'on doit chercher le noyau qui doit servir d'appui à la révolution qu'on doit tenter le plus promptement possible.
Je me rappelle l'affaire de Quiberon, entreprise avec des prisonniers, mais je crois que les circonstances sont bien différentes et infiniment plus favorables. Les premiers combattaient contre la liberté de leur pays, sous une bannière qu'ils détestaient; ceux-ci, au contraire, se battront pour arracher la France à la tyrannie la plus avilissante qui ait jamais pesé sur aucune nation moderne.
Doit-on avoir confiance dans la manière dont ils combattraient s'il fallait en venir à cette extrémité ?
Je conçois tout l'avantage d'un gouvernement établi depuis six années et la répugnance que peuvent avoir ceux qui l'attaquent, à combattre les troupes de l'autorité reconnue, quelque monstrueuse et quelque illégale qu'elle puisse être.
Mais si la haine qu'on porte à Bonaparte dans toutes les classes et dans toutes les parties de la France, est telle qu'on le rapporte, elle servira à entretenir l'animosité des prisonniers de Russie et à leur faire considérer les appuis du gouvernement impérial comme les ennemis de la nation.
Cela établi, quels sont les moyens d'exécuter et peut-on se les procurer ? Trouvera-t-on parmi les prisonniers français un nombre d'hommes de bonne volonté suffisant pour tenter cette entreprise? — L'empereur de Russie consentira-t-il à le donner ? Devrait-on chercher à pénétrer en France sans l'appui de l'armée russe ou ne vaudrait-il pas mieux l'essayer par un débarquement sur les côtes de Picardie ou de Normandie ? Je considère le dernier moyen comme le plus avantageux.
Si par un malheur impossible à prévoir, ma femme n'avait pas été obligée d'aller en France pour rétablir une santé délabrée par la rigueur de ce climat, il y a longtemps que je serais parti pour aller près de vous chercher la solution de toutes ces questions, mais la crainte du traitement qu'elle pourrait éprouver m'a retenu. Je n'ai négligé aucune occasion de l'engager à hâter son retour, et comme il suffit qu'elle soit instruite de mes projets, du moment qu'une de mes lettres aura pu lui parvenir, je pars sans le moindre délai; ainsi la réponse que je vous demandais dans le premier double de la présente vers la mi-avril, n'arriverait ici que longtemps après mon départ pour Gothenbourg. L'empereur de Russie m'a fait proposer par son ministre ici de me rendre à Saint-Pétersbourg; il doit connaître maintenant les motifs qui ont retardé mon départ; j'en ai également parlé à Rapatel en lui disant de prendre d’avance les ordres de l'empereur sur les moyens de lever un corps de prisonniers pour agir en France dans le cours de la campagne prochaine.
Présumant que mon épouse aura reçu les avis que je lui ai envoyés dans le courant de juin, je compte partir d'ici vers la moitié du même mois, sur un navire qui se prépare à cet effet pour Gothenbourg. Je suis prêt à pénétrer, en France à la tête de troupes françaises, mais je ne vous dissimule pas ma répugnance d'y marcher à la tête de troupes étrangères.
Supposez-vous une grande résistance de la part de tous ces militaires, maréchaux et autres, que Bonaparte a gorgés de richesses et enlacés de cordons ? Vous avez sûrement conservé ou des relations dans l'armée française, ou le souvenir du degré de fidélité ou de mécontentement des différentes classes qui la composent. Les connaissances doivent influer sur l'opinion qu'on doit se former des obstacles qu'on rencontrera.
Quel gouvernement devrait-on établir si on détruit celui qui existe ? J'ignore quelles sont les opinions dominantes dans un pays royalisé depuis dix ans. Quant à moi, je suis parfaitement libre et sans préjugés; et si la nation désire les Bourbons, avec lesquels je n'ai jamais eu l'ombre de rapport, malgré la fameuse conspiration, je les verrais reprendre le gouvernement avec plaisir, sous des conditions qui assurassent la liberté personnelle des Français, garantie par quelques corps intermédiaires assez puissants pour arrêter l'ambition et l'avidité des courtisans; je crois même que c'est le seul moyen d'en finir. J'apprends qu'ils ont envoyé un agent à Saint-Pétersbourg, peut-être avec l'espoir d'y enrôler quelques Français : je ne désirerais nullement combattre sous cette bannière, qui jusqu'à présent n'a pas été heureuse en révolutions; et puis, je ne voudrais jamais me charger d'être l'instrument d'une vengeance particulière.
J'ai vu avec beaucoup de plaisir par l'exposé des négociations entre la France et la Suède, qu'il y a quelque probabilité de vous voir en guerre contre Bonaparte. Je trouve cela bien avantageux pour la France qui, sans nul doute, trouvera en vous un appui dès qu'elle sera débarrassée du chef qui la déshonore.
J'avais remis le premier double de la présente à un négociant américain se rendant pour affaire en Suède. Je vous priais de me faire envoyer un navire si vous jugiez ma présence nécessaire, et vous priais de me transmettre vos instructions sous le couvert de David Parish, à Philadelphie; mais ayant jugé que je ne pourrais être rendu que vers la fin de septembre, ce qui serait trop long pour agir cette année, je me suis décidé à partir dans le courant de juin, vers l'époque où je prévoirai que ma femme pourra quitter la France.
Le despotisme de M. Davoust, à Hambourg, a empêché M. Parish d'aller à Stockholm vous complimenter sur votre avènement, et la lettre que Rapatel m'a écrite après avoir eu l'honneur de vous voir, ne m'est pas parvenue. Ce n'est que sur une lettre de Mme de Staël à ses correspondants ici qu'elle charge de me dire que vous désiriez me voir à Stockholm, que j'ai cru devoir prendre la liberté de vous écrire et de vous faire part de ce que je projette contre notre ennemi commun, mais je crois essentiel que les puissances belligérantes, d'accord sur les bases de la paix, consentissent à ce qu'on la proclamât en France, du moment où le gouvernement impérial de Bonaparte serait détruit.
En assurant le prince royal de Suède de tout mon respect, j'espère que le général Bernadotte voudra bien agréer les sentiments de l'attachement le plus sincère avec lesquels je suis
Signé : Moreau »

Décidé à regagner l'Europe, Moreau écrivit cette lettre à sa femme, peu de temps avant son départ :
« Ma bien chère amie, A ton arrivée ici, tu seras sans doute bien étonnée d'apprendre que j'ai quitté ce pays pour l'Europe, à moins qu'une des nombreuses lettres que je t'ai écrites depuis le mois de mars dernier, époque où j'ai reçu les propositions directes de la Russie et les invitations que m'a fait faire Bernadotte de me rendre en Europe ne te soit parvenue. Par la lettre que m'a remise M. Nérac, tu prévoyais ce cas, et rien ne m'a fait plus de plaisir, puisque c'était l'approuver. Les circonstances n'ont jamais été plus favorables pour rentrer dans notre pays; mais le désir d'empêcher que la France entière ne soit la victime de la vengeance étrangère, à la chute de Bonaparte, me fait désirer d'y contribuer.
J'ignore encore ce qu'on va faire. J'ai envoyé, il y a deux mois, un mémoire où j'exprime le désir qu'on me forme une petite armée des prisonniers français en Russie avec lesquels je tâcherais d'aborder en France et de donner un point d'appui aux mécontents. Je désirerais que Bonaparte tombât de la main des Français; cela serait bien avantageux et bien honorable pour eux. »

Le 25 juin, Moreau quittait les Etats-Unis pour Göteborg où il débarquait le 27 juillet. Le 6 août, Bernadotte l’accueillait à Stralsund. C’est là que Moreau rencontra son ancien aide de camp, Rapatel, qui lui apprit que son projet de constitution d’une troupe de prisonniers français ne pouvait être mené à bien. Moreau quitta Bernadotte le 10 août et parvint six jours plus tard à Prague où il rencontra les souverains alliés les jours suivants.
La campagne n’allait pas tarder à reprendre, et Moreau, aux côtés d’Alexandre, fut emporté par un boulet français le 27 août suivant.

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 15 Août 2015 17:27 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 02 Nov 2006 21:00
Message(s) : 55
Jean R a écrit :
Aigle a écrit :
Qu'il ait été sincèrement Républicain dénué d'ambitions est très curieux. Dès 1803 je crois qu'il a des contacts avec les royalistes et surtout après un exil aux Etats-Unis, il rejoint les Alliés (comme Bernadotte) ce qui témoigne plus d'une ambition que d'un républicanisme sincère.
Ca ne s'explique pas forcément par un carriérisme personnel (d'autant que les perspectives étaient pour le moins vagues). Autant que je sache, il s'est surtout dit déçu voire indigné par Bonaparte. Je suppose que l'initiateur du fil va développer les vraies motivations puisqu'il n'est pas d'accord :wink: .

Au passage, il me semble que Moreau a été le premier maréchal de France à titre posthume (par Louis XVIII, ce que Napoléon n'a pas pensé à faire pour Desaix, Kléber, Marceau, Joubert, Championnet, etc.). Ca rend peut-être délicate la qualification de "traitre" (soit dit sans vouloir glisser des considérations politiques >:) ).

En fait sur le sujet je n'ai aucune opinion.
J'ai vraiment posé le débat sans aucune arrière pensée, pensant que les personnes qui y répondraient pourraient apporter des informations qui me permettrait d'avoir une opinion.
J'ai juste lu l'ouvrage de Monsieur Hulot qui lui, et j'insiste bien lui,, le considère comme un grand français qui n'a jamais trahi son pays (pour lui on ne s'en ait tenu qu'à la version napoleonienne et la vision d'historiens non objectif depuis deux cents ans).Cet version des faits semble ce confirmer dans un ouvrage introuvable, et peut-etre que certains l'ont lu, sorti en 2008, et prenant pour sources (ce qui en fait sa force et son originalité) des rapports/sources/correspondances américaines, allemandes, françaises et russes de Mr Marcel Coz sur le général Moreau (il s'agit d'une biographie).
Après, personnelement, si Hulot m'a un peu conquis (je ne le nie pas) je lui reproche de ne jamais citer des sources lorsqu'il apporte un fait sur l'opinion du général à tel ou tel époque, sa pensée etc.Il cite une importante bibliographie mais met très très rarement des lettres en avant qui justifieraient un accte ou une penséel...par exemple il dit que Moreau ne voulait être qu'un conseiler technique et militaire que du tzar et que la France conserve ses frontières de 1814 âprès la défaite de Napoleon (d'ailleurs pour Hulot c'est une des raisons pour lesquelles les Alliés furent très clément envers la France en 1814)..Très bien mais qu'elle est la source? : lettre, correspondance, mémoires d'un militaire ou civil sorti 20 30 ans après je en sais pas...
J' espère avoir été clair..;ce qui est moins sûr! :mrgreen:


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Message Publié : 15 Août 2015 17:51 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 02 Nov 2006 21:00
Message(s) : 55
je viens de retrouver le titre éxact de l'ouvrage de marcel Coz: Moreau citoyen de France et d'Europe et qui fait 513 pages.Apparement, cet universitaire français, établit aux USA prendrait le contre pied complêt de ce que l'historiographie a laissé et garder du général....mais comme je ne l'ai pas lu je ne peux pas vous en dire plus! :mrgreen:


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Message Publié : 16 Août 2015 12:55 
Jerôme a écrit :
Jean R adhère t il donc à la thèse habituelle de l'instabilité du général Moreau qui aurait été un homme influencée par sa belle mère ? :P
Les influences qu'il a pu subir sont-elles importantes ?* (je ne sais pas forcément quelles influences j'ai pu subir moi-même :wink: ). Je vois qu'il faisait surtout une fixation contre Napoléon, sur un plan politique et non personnel (Bonaparte entendait a priori le traiter selon son rang), au point que le reste est passé pour lui au second plan. A partir de là, jusqu'à preuve du contraire (je ne le connais pas si bien que ça) et tenant compte de la présomption d'innocence, il me semble qu'on peut parler si on veut d'erreur de jugement mais pas de trahison intéressée.

* Je sais bien qu'un certain Robert Edward Lee était contre l'esclavage, contre la Sécession, mais a suivi l'opinion de sa famille, qu'un certain Napoléon Bonaparte n'était pas du tout chaud pour rétablir ce même esclavage mais a, de son propre aveu, cédé à son épouse, etc. Autres sujets, on pourrait en faire un fil "général".


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Message Publié : 16 Août 2015 13:42 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4433
Localisation : Versailles
Je crois que Napoleon a dit (à Sainte Hélène) que l'opposition de Moreau était due à l'influence et sa belle mère, une monarchiste déterminée !

A t on des détails sur les liens de Moreau avec Pichegru et Cadoudal : s'agissait il d'un montage de Fouché ?


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