ezio-auditore a écrit :
Caesar Scipio a écrit :
... Ce n'est pas une trahison contre son pays que de lâcher son dirigeant quand celui-ci a accumulé les erreurs, les fautes, les échecs et les défaites, et que le salut du pays et de ce qu'il en reste, tout comme l'exigence de la coalition victorieuse, exigent le départ de ce dirigeant.
Merci de vos précisions. Murat peut-il entrer dans cette définition ?
D’une certaine manière ; à la différence, que Murat trahit l’Empereur non pas dans une optique prioritaire de la défense des intérêts de la France mais dans celle de la sauvegarde de son trône à Naples.
ezio-auditore a écrit :
Concernant Moreau, pouvait-il -à la lecture des documents de C. Drouet- estimer que "...le dirigeant etc. ?
Moreau, si l’on s’en tient à ce qu’il avança en 1807, n’avait pour but, dans l’éventualité d’une lutte aux côtés des alliés, que de mettre fin à la « tyrannie » de Napoléon.
A ce titre, il ne considérait certainement pas trahir son pays, mais œuvrer à son bien.
Tout est une histoire de point de vue…
ezio-auditore a écrit :
[... Il a fini par trahir comme les autres quand il a vu ma cause en péril, et, quand il l'a vue perdue, il a voulu conserver ses honneurs et tout ce qu'il me devait de richesses et de grandeur ; il m'a mal servi...] (Napoléon)
Il semble que l'Empereur n'ait pas eu la même "appréciation" ; c'est justement avec ce style d'appréciation que j'ai du mal -pour cette période historique- à évoquer les mots "trahison" et "traitre".
Napoléon, à Sainte-Hélène (il s’agit ici d’un passage de Récits de la Captivité de l'Empereur Napoléon à Sainte-Hélène, de Montholon), a souvent été injuste et ingrat.
Sans doute, concernant Davout, se souvenait-il (outre l’entretien glacial du 24 juin) de ce que lui avait dit Flahaut, ici rapporté par Fleury de Chaboulon (Mémoires pour servir à l'histoire de la vie privée, du retour et du règne de Napoléon en 1815) :
« Le prince d'Eckmühl se trouvait aux Tuileries au moment où M. de Flahaut s'y présenta. Il ne vit dans la mission de ce général qu'un subterfuge de l'Empereur pour différer son départ.
« Votre Bonaparte, lui dit-il avec le ton de la colère et du mépris, ne veut point partir; mais il faudra bien qu'il nous débarrasse de lui : sa présence nous gêne, nous importune; elle nuit aux succès de nos négociations. S'il espère que nous le reprendrons, il se trompe; nous ne voulons plus de lui. Dites-lui, de ma part, qu'il faut qu'il s'en aille; et que, s'il ne part à l'instant, je le ferai arrêter, que je l'arrêterai moi-même. »
M. de Flahaut, enflammé d'indignation, lui répondit:
« Je n'aurais jamais pu croire, M. le maréchal, qu'un homme qui, il y a huit jours, était aux genoux de Napoléon, pût tenir aujourd'hui un semblable langage. Je me respecte trop, je respecte trop la personne et l'infortune de l'Empereur pour lui reporter vos paroles : allez-y vous-même, M. le maréchal ; cela vous convient mieux qu'à moi. »
Le prince d'Eckmühl, irrité, lui rappelle qu'il parlait au ministre de la guerre, au général en chef de l'armée, et lui prescrivit de se rendre à Fontainebleau, où il recevrait ses ordres.
« Non, monsieur, reprit vivement le comte de Flahaut, je n'irai point, je n'abandonnerai point l'Empereur; je lui garderai, jusqu'au dernier moment, la fidélité que tant d'autres lui ont jurée.
— Je vous ferai punir de votre désobéissance !
— Vous n'en avez plus le droit. Dès ce moment, je donne ma démission. Je ne pourrais plus servir sous vos ordres sans déshonorer mes épaulettes. »
Il sortit. L'Empereur, à son retour, s'aperçut qu'il avait l'âme blessée ; il le questionna, et parvint à lui faire avouer ce qui s'était passé. Habitué, depuis son abdication, à ne s'étonner de rien, et à tout souffrir sans se plaindre, Napoléon ne parut ni surpris ni mécontent des insultes de son ancien ministre :
« Qu'il vienne! répondit-il froidement, je suis prêt, s'il le veut, à lui tendre la gorge. Votre conduite, mon cher Fiahaut, ajouta-t-il, me touche; mais la patrie a besoin de vous : restez à l'armée , et oubliez, comme moi, le prince d'Eckmühl et ses lâches menaces. »
A cette date, Napoléon avait déjà abdiqué. Certains pourraient cependant rétorquer que la trahison de Davout tient à ne pas avoir soutenu d’arrache-pied le trône de Napoléon II dont la proclamation comme empereur des Français était liée à l’abdication du père.
ezio-auditore a écrit :
Il semble que l'Empereur n'ait pas eu la même "appréciation" ; c'est justement avec ce style d'appréciation que j'ai du mal -pour cette période historique- à évoquer les mots "trahison" et "traitre".
Si on s’en tient au fait qu’une trahison revient à la violation d’un serment, on peut faire quand même quelque tri.
Le débat est d’ailleurs souvent faussé par le fait que ce terme est fréquemment employé à des fins partisanes. Ainsi, toutes les trahisons, selon les camps, ne se valent pas. Par exemple, les napoléonâtres tout en jouant les pleureuses en évoquant le triste sort de La Bédoyère, « oublient » systématiquement (et pour cause…) de nous dire que ce « martyr de la cause impériale » est aussi un traître.