Certes, mais pour la période révolutionnaire, qui nous occupe ici, on a bien des mouvements spontanés qui ont pris de court ces membres politisés que vous évoquez. Concernant le maximum, la lutte contre l'agiotage, la mobilisation contre l'ennemi extérieur, la mise en œuvre de la terreur, on sait que des anonymes, en grand nombre, ont pris les devants et agi de leur propre chef, montrant leur soutien sans que des cadres, élus ou auto-proclamés, ne les y invitent.
Je veux bien qu'on ne puisse pas dire que "petit peuple" et "sans-culottes" recouvrent une même réalité, que l'on puisse contester la validité des élections à mains levées, avec leur cortège de pressions et de menaces, tout cela est très juste, et pourrait faire l'objet d'une passionnante discussion, mais enfin, on a tout de même entre 1792 et 1794 à Paris une culture révolutionnaire très ancrée dans les mœurs. Et des émulsions populaires qui n'ont pas besoin qu'on donne le tocsin pour faire couler le sang.
Évidemment, il y a des tas de gens simplement effrayés, attentistes, discrets, qui essaient de survivre sans faire de vagues - mais est-ce que ce sont eux qui nous intéressent ici, pour notre propos ? Je ne crois pas. Ceux qui nous intéressent ici, ce sont ceux qui bougent. Non pas que les autres ne soient pas aussi intéressants à étudier, mais pas forcément dans le cadre de cette rivalité entre Girondins et Montagnards que Jérôme évoquait.
J'ai employé le terme de "peuple parisien" une seule fois, il me semble, lorsque j'ai écrit qu'il était favorable à cette "dictature jacobine" évoquée par Ezio. Pour le reste, j'ai bien précisé, selon les cas, "sans-culottes", "sections" ou "Commune de Paris".
Sur ce point précis, oui, il me semble que le peuple parisien (petits patrons, ouvriers, petites gens survivant comme ils pouvaient dans un climat de peur et d'insurrection), en brossant à grands traits, était favorable à un certain nombre de mesures qui allaient vers l'égalité sociale ou la mise en œuvre de pratiques brutales à l'encontre de ceux qui étaient désignés, à tort ou à raison, comme contre-révolutionnaires. Et si les coloquintes de leurs anciens chefs, salis par leurs adversaires ou emportés par leurs propres contradictions, glissaient dans un panier d'osier, à la bonne heure !
Évidemment, le boulanger qui se voyait obligé de vendre son pain à perte ne devait pas être très satisfait de la situation, mais il allait sans doute avec plaisir voir Hébert se faire raccourcir le lendemain en apprenant que ce dernier dînait régulièrement chez des banquiers d'affaire et se régalait de mets précieux pendant que le peuple crevait de faim (vrai ou faux, c'est sans importance évidemment). Le peuple parisien a ete politisé, intéressé aux affaires publiques, comme jamais dans son histoire pendant la première révolution française. Ça ne me semble pas une faute que de l'évoquer en mouvement, d'en parler comme d'une entité ou d'un idéal-type, quand le sujet de la conversation n'est pas le "peuple" lui-même - en y apportant des nuances, comme vous le faites très justement.
Quand à la façon dont les "élites" de l'époque employaient le mot "peuple", c'est une autre affaire. Ce n'était pas mon propos, mais j'abonde évidemment dans votre sens sur ce point. Mais on ne parlait pas forcément des représentations en politique.
Quant à pinailler, c'est tout l'intérêt des débats ! Je suis loin de maîtriser tous les éléments de la période. Je peux le confesser ici - aucune chance que mon directeur de mémoire ne me repère derrière mon pseudo
Vous remarquez que j'emploie beaucoup les guillemets dans mes interventions. C'est justement parce que j'ai conscience que certains mots doivent être pris avec des pincettes