Oliviert a écrit :
Par exemple, ce ne sont pas les Prussiens qui sont allés se battre contre la France vers 1800, mais c'est Napoléon qui est allé à la conquête de l'est et a envahi la Prusse au passage, et non pas le contraire la Prusse qui aurait envahi la France.
Sans doute pensez-vous ici à la campagne de 1806-1807. J'ai du mal à comprendre ce que vous voulez démontrer ici. Insinuez-vous que le roi de Prusse ne voulait pas en découdre ? Que pensez-vous de l'ultimatum prussien du 1er octobre 1806 ?
« Le soussigné, Ministre de S. M. Prussienne, par le même courrier porteur de la lettre à S. M. I, qu'il a eu l'honneur de transmettre aujourd'hui à S. Exc. M. le Prince de Bénévent, a reçu l'ordre de s'acquitter des communications suivantes. Leur but est de ne plus laisser en suspend la relation des deux Cours. Chacune d'elles est si éminemment intéressée à ne plus rester dans le doute sur les sentiments de l'autre, que le Roi s'est flatté de voir S. M. l'Empereur applaudir à sa franchise:
S. M. Prussienne a déposé dans la lettre susmentionnée sa pensée tout entière et l'ensemble des sujets de plainte qui d'un allié fidèle et loyal ont fait d'elle un voisin alarmé sur son existence et nécessairement armé pour la défense de ses intérêts les plus chers. Cette lecture aura rappelé à S. M. I. et R. ce que la Prusse fut depuis longtemps à la France. Le souvenir du passé pourrait-il n'être pas pour elle le gage de l'avenir ? et quel juge assez aveuglé pourrait croire que le Roi eût été neuf ans envers la France si conséquent et peut-être si partial, pour se placer volontairement avec elle dans un rapport différent, lui qui, plus d'une fois a pu la perdre peut-être, et qui ne connaît que trop aujourd'hui les progrès de sa puissance ?
Mais si la France a dans ses souvenirs et dans la nature des choses le gage des sentiments de la Prusse, il n'en est pas de même de cette dernière : ses souvenirs sont faits pour l'alarmer. Elle a été inutilement neutre, amie, alliée même. Les bouleversements qui l'entourent; l'accroissement gigantesque d'une puissance essentiellement militaire et conquérante, qui l'a blessée successivement dans ses plus grands intérêts, et qui la menace dans tous, la laissent sans garantie. Cet état de choses ne peut durer. Le Roi ne voit presque plus autour de lui que des troupes françaises ou des vassaux de la France prêts à marcher sur elle. Toutes les déclarations de S. M. I. annoncent que cette attitude ne changera point. Loin de là de nouvelles troupes s'ébranlent de l'intérieur de la France. Déjà les journaux de la capitale se permettent contre la Prusse un langage dont un Souverain tel que le Roi peut mépriser l'infamie, mais qui n'en prouve pas moins ou les intentions ou l'erreur du gouvernement qui le souffre. Le danger croît chaque jour. Il faut s'entendre d'abord, ou l'on ne s'entendrait plus.
Deux puissances qui s'estiment, et qui ne se craignent qu'autant qu'elles le peuvent sans cesser de s'estimer elles-mêmes, n'ont pas besoin de détours pour s'expliquer. La France n'en sera pas moins forte pour être juste, et la Prusse n'a d'autre ambition que son indépendance et la sûreté de ses alliés. Dans la position actuelle des choses, elles risqueraient tout l'une et l'autre en prolongeant leur incertitude. Le soussigné a reçu l'ordre en conséquence de déclarer que le Roi attend de l'équité de S. M. I.:
1° Que les troupes françaises, qu'aucun titre fondé n'appelle en Allemagne, repassent incessamment le Rhin, toutes sans exception, en commençant leur marche du jour même où le Roi se promet la réponse de l'Empereur, et en la poursuivant sans s'arrêter; car leur retraite instante et complète est, au point où en sont les choses, le seul gage de sûreté que le Roi puisse admettre.
2° Qu'il ne sera plus mis de la part de la France aucun obstacle quelconque à la formation de la ligue du Nord, qui embrassera sans aucune exception les états nommés dans l'état fondamental de la confédération du Rhin.
3° Qu'il s'ouvrira sans délai une négociation pour fixer enfin d'une manière durable tous les intérêts qui sont encore en litige; et que, pour la Prusse, les bases préliminaires en seront la séparation de Wesel de l'empire français, et la réoccupation des trois abbayes par les troupes prussiennes. Du moment où S. M. aura la certitude que cette base est acceptée, elle reprendra l'attitude qu'elle n'a quittée qu'avec regret, et redeviendra pour la France ce voisin loyal et paisible qui tant d'années a vu sans jalousie la gloire d'un peuple brave, et désiré sa prospérité. Mais les dernières nouvelles de la marche des troupes françaises imposent au Roi l'obligation de connaître incessamment ses devoirs. Le soussigné est chargé d'insister avec instance sur une réponse prompte, qui dans tous les cas arrive au quartier général du Roi le 8 octobre, S. M. conservant toujours l'espoir qu'elle y sera assez tôt pour que la marche inattendue et rapide des événements et la présence des troupes n'aient pas mis l'une ou l'autre partie dans l'obligation de pourvoir à sa sûreté.
Le soussigné a l'ordre surtout de déclarer de la manière la plus solennelle, que la paix est le vœu sincère du Roi; qu'il ne demande que ce qui peut la rendre durable. Les motifs de ses alarmes, les titres qu'il avait à attendre de la France en autre rapport, sont développés dans la lettre du Roi à S. M.I., et sont faits pour obtenir de ce monarque le dernier gage durable d'un nouvel ordre de choses.
Le soussigné saisit cette occasion pour renouveler à S. E. M. le Prince de Bénévent l'assurance de sa haute considération. »