Nous sommes actuellement le 19 Avr 2024 23:56

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 47 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 21 Mai 2016 13:15 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
Message(s) : 681
Localisation : Kaamelott
Aigle a écrit :
C'est dans ce concept contradictoire de "paix glorieuse" (et donc victorieuse et sans concessions aux vaincus) que réside sans doute le drame (mortel) de la stratégie impériale.

1) existe-t-il une définition de "paix glorieuse" ? Sinon l'expression devient totalement subjective selon les individus (ex. : lorsque Louis XV voit une paix glorieuses parce-que pas une paix de "commerçant", on lui reprochera d'avoir "travaillé etc.") ; pour Napoléon la définition de "paix glorieuse" aurait été une paix évidemment suite à une victoire mais "sans concessions aux vaincus" ?
Je crois qu'il en fera tout de même quelques petites lors de Tilsitt, qu'en pensez-vous ?
2) je crois comprendre le "concept contradictoire" : gloire voudrait se voir dans l'absence de concessions ? Sinon que comprendre dans ce concept ? Je n'évoque pas la "victoire" qui va de soit ; il est rare de s'abstenir de "concessions aux vaincus" lorsque l'on est... vaincu. ;)
3) "... le drame (mortel) de la stratégie impériale." est-ce à dire que c'est dans ce concept contradictoire que réside la "stratégie impériale" ? Ce concept porterait -selon votre analyse- le coup "mortel" à l'Empire et à son représentant ?
Serait-il possible de développer ces points avec des exemples (c'est un peu scolaire, certes, mais plus "parlant" pour étayer et aussi -dans le choix- on prend note et on ne peut qu'abonder ou s'interpeler quant à votre vision des évènements) ?
Merci.

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 12:48 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
Le concept de "paix glorieuse" est un peu un topique de l'époque : il s'agit de terminer une guerre en n'ouvrant les négociations qu'en position de force. Pour le Directoire, puis le Consulat, il est inenvisageable de négocier autrement qu'après des victoires militaires. Ce n'est pas tant un problème de "sans concession" qu'un souci de préserver la fierté nationale, il me semble.

Quand à Bonaparte, la question de depart est trop vaste pour y répondre dans le cadre étroit de ce forum, mais s'il s'est imposé entre 1800 et 1804, c'est avant tout parce que les hommes de Brumaire ont trouvé en lui l'homme providentiel qu'ils attendaient depuis 1794 - capable de terminer la Révolution (quoique cela veuille dire), de revenir à l'ordre rêvé par la Constituante et de fonder une nouvelle dynastie qui permettrait de détruire une bonne fois pour toutes les prétentions des Bourbons au trône de France.

Je crois que les discussions au Tribunat au sujet de la promulgation de l'Empire reflètent bien l'état d'esprit de l'epoque : on veut une monarchie constitutionnelle, et Bonaparte fait très bien l'affaire. Ses ambitions entrent en résonance avec les aspirations des élites politiques du moment : ni droite, ni gauche, ordre, régime représentatif, propriété et exécutif héréditaire.

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 13:27 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 12 Nov 2009 21:20
Message(s) : 644
Localisation : 13
Jefferson a écrit :
les aspirations des élites politiques du moment : ni droite, ni gauche, ordre, régime représentatif, propriété et exécutif héréditaire.


Les thermidoriens puis les Brumairiens auraient été royalistes tout en étant hostiles aux Bourbons : c'est ça votre thèse . Il n'y aurait plus eu de républicains sincères après la chute de Robespierre ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 13:43 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
marc30 a écrit :
Jefferson a écrit :
les aspirations des élites politiques du moment : ni droite, ni gauche, ordre, régime représentatif, propriété et exécutif héréditaire.


Les thermidoriens puis les Brumairiens auraient été royalistes tout en étant hostiles aux Bourbons : c'est ça votre thèse . Il n'y aurait plus eu de républicains sincères après la chute de Robespierre ?


Mon dieu, je ne crois pas avoir affirmé qu'il n'y avait plus de républicain ! Pour preuve, au Tribunat, en 1804, il restait Carnot !

Je dis simplement que la plus grande part des élites françaises du moment est favorable à une monarchie constitutionnelle. Je ne crois pas avoir parlé de "royalistes". Et on peut être "républicain" et "favorable à l'hérédité du pouvoir exécutif". A l'époque, "monarchie républicaine" n'est pas encore une oxymore.

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 14:40 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
Message(s) : 681
Localisation : Kaamelott
marc30 a écrit :
Il n'y aurait plus eu de républicains sincères après la chute de Robespierre ?

Si mais ils sauront "s'ajuster" : je songe à Fouché.
Disons que les Républicains ont perdu en sincérité ce qu'ils ont gagné en sortant indemnes de la Révolution et le temps faisant les idéaux ont fait place à des compromis, des ambitions alors... des compromissions.
Concernant l'Empire constitutionnel, j'ai un peu de mal mais la France sait se montrer souple et inconstante à contretemps, un peu comme une valse avec Talleyrand... ;)

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 15:14 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
ezio-auditore a écrit :
marc30 a écrit :
Il n'y aurait plus eu de républicains sincères après la chute de Robespierre ?

Si mais ils sauront "s'ajuster" : je songe à Fouché.
Disons que les Républicains ont perdu en sincérité ce qu'ils ont gagné en sortant indemnes de la Révolution et le temps faisant les idéaux ont fait place à des compromis, des ambitions alors... des compromissions.
Concernant l'Empire constitutionnel, j'ai un peu de mal mais la France sait se montrer souple et inconstante à contretemps, un peu comme une valse avec Talleyrand... ;)


Si on veut vraiment parler de républicains, il faut s'entendre sur les termes. J'ai un peu l'impression que dans l'esprit de certains intervenants de ce fil, les républicains sont associés aux jacobins, ou à leurs héritiers. La plupart de ceux qui votent en faveur de l'Empire sont des républicains, au sens qu'on donne à ce mot l'époque. Une république, c'est alors une constitution qui garantit la liberté, l'égalité civile et se fonde sur un régime représentatif. Après, c'est du tricotage.

On peut très bien avoir une république avec un premier magistrat héréditaire. A côté de cela, vous avez des républicains attachés au maintien du processus électif, mais dans un cadre étroit (les Idéologues de la Décade, par exemple), des républicains "avancés", ou "démocrates", attachés au suffrage, sinon universel, du moins le plus étendu possible (néo-jacobins, donc).

Il y a en 1800-1804 plusieurs conceptions de la république qui coexistent. La grande terreur des Brumairiens, et de ceux qui soutiendront ensuite la proclamation de l'Empire, c'est le processus électif - c'est dans sens qu'il faut entendre leurs grands discours sur le désordre ou l'anarchie révolutionnaires. L'élection, et pire encore l'entrée du peuple dans le processus électoral, est à leurs yeux indissociable de l'affrontement des factions, donc source de chaos, d'incertitude, et c'est ce dont ils ne veulent plus. L'hérédité du pouvoir exécutif le garantit, selon eux, des aléas de l'élection. Il n'est plus un enjeu des factions. Mais on a bien toujours une république, puisque la légitimité des législateurs (si on peut parler de législateurs pour les deux assemblées du Consulat, mais c'est un autre débat) provient d'en bas, du "peuple souverain", et que les libertés sont maintenues.

Bref, ne pas confondre république et démocratie. Dans l'esprit des agents de l'époque, ce sont deux choses très (mais alors très) différentes.

En tous cas, c'est bien dans ce sens que je soulignais que Bonaparte, loin de s'être fait tout seul, a rencontré l'esprit du temps - il s'est maintenu parce qu'il était celui qui semblait le plus à même de fonder cette nouvelle dynastie qui assurerait la stabilité de la république, et permettrait de tirer un trait définitif sur les ambitions des Bourbons. C'aurait pu être un autre, après tout.

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 16:30 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Jefferson a écrit :
Le concept de "paix glorieuse" est un peu un topique de l'époque : il s'agit de terminer une guerre en n'ouvrant les négociations qu'en position de force.


A la date où ces mots (« la pais est un mot vide de sens... ») sont prononcés, la bataille décisive d'Austerlitz a eu lieu et les négociations de paix franco-autrichienne sont en cours. La gloire militaire était donc très largement acquise et la paix entre Vienne et Paris sur le point d'être conclue. Restait donc à auréoler cette dernière d'une gloire nouvelle. Et cette gloire, ce fut celle apportée par le traité de Presbourg ; traité d'une très grande sévérité et qui suscita bien des rancœurs.
La paix fut donc acquise, mais le prix à payer par les vaincus (la gloire des vainqueurs ?) pouvait être considéré comme un élément hypothéquant la pérennité de ce dernière.

A propos de citations napoléoniennes et de gloire, il y a aussi celle-ci :
"J'aimais plus la puissance que la gloire"
(Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène)


Jefferson a écrit :
Pour le Directoire, puis le Consulat, il est inenvisageable de négocier autrement qu'après des victoires militaires.


On peut cependant se souvenir des négociations entamées entre Vienne et Paris durant l'hiver 1799-1800, avant les entrées en campagne.
Pour revenir aux négociations suite aux victoires militaires, celle-ci peuvent s'inspirer du « Vae victis », susceptible d'amener une paix dite « glorieuse » ; mais d'autres voies peuvent également être envisagées.
Ainsi, pour revenir à la campagne de 1805, Talleyrand proposa à l'Empereur, le 17 octobre, une alliance avec l'Autriche vaincue ; option à mille lieues des stipulations du traité de Presbourg.
Quelques mots tirés de la missive :
« Parvenir à une paix qui mérite ce nom, c’est-à-dire à une paix durable »
« La plus belle paix terminerait la guerre la plus glorieuse »

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 18:33 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
Message(s) : 681
Localisation : Kaamelott
Jefferson a écrit :
Si on veut vraiment parler de républicains, il faut s'entendre sur les termes. J'ai un peu l'impression que dans l'esprit de certains intervenants de ce fil, les républicains sont associés aux jacobins, ou à leurs héritiers.

On ne peut nier que dans les républicains, on risque de trouver des jacobins : vous évoquiez Carnot. Le 9 Thermidor est proche (un peu plus de 6 mois je crois) de l'épisode "Turreau" ; on connait la position de Carnot...
Je dirais plutôt que la seule issue pour les jacobins était de devenir républicains mais de là à accepter une république à n'importe quel prix, ce devait être un peu difficile. Cependant, en effet on retrouve chez Carnot une détestation de la division et du chaos et il est vrai que vu sa formation, un militaire au pouvoir ne pouvait que valider ce besoin de souffle et de stabilité. De là à imaginer Carnot glisser si loin à envisager un homme à la tête de l'Etat et de se mettre à rêver de nouvelle dynastie avec ce que le mot seul suppose : on peut avoir un peu de mal.
Maintenant qu'il ait vu dans le Consulat, une sorte de "moins pire" pourquoi pas, surtout s'il en est. On est toujours prêt à faire des concessions sur ses idées, moyennant une place qui cautionne que tous les idéaux d'hier ne sont pas passés à la poubelle. En ceci Carnot est un bon exemple, comme Fouché.
Citer :
La plupart de ceux qui votent en faveur de l'Empire sont des républicains, au sens qu'on donne à ce mot l'époque. Une république, c'est alors une constitution qui garantit la liberté, l'égalité civile et se fonde sur un régime représentatif.

Qu'est un républicain à cette époque ? Que garde-t-on de l'expérience républicaine et de ses suites ?
L'An I de la république en 92 s'assoit justement sur la monarchie constitutionnelle.
Vous évoquez une constitution, une monarchie et surtout une adhésion à une monarchie républicaine. Pour moi, le mot "monarchie" évoque la présence d'un monarque. Un monarque qui serait "républicain" ; il aurait donc adhéré à la constitution et n'aurait aucune attache avec les anciennes familles aristocrates, serait élu (c'est faisable) mais en prenant un militaire, croit-on vraiment à une "monarchie républicaine" durable dans les mots liberté etc. et plus encore avec un monarque qui serait le premier d'une nouvelle "dynastie". J'ai du mal à comprendre ceci, sans doute parce-que chacun connait le parcours de Bonaparte.
Ceux qui l'avaient suivi avaient tout de même une certaine connaissance de l'homme et de ses ambitions, peut-être pas encore l'Empire mais certainement pas un représentant de l'ancienne constitution où les mots "monarchies", "héréditaire" etc. tiennent de la vision exécrée de la royauté et où que l'on se tourne en Europe de trônes dont le "despotisme" est un joug d'autant plus lourd que l'hérédité entame tout espoir.
Comment voyez-vous donc une "monarchie républicaine" à ce moment ? Vu le contexte conflictuel avec l'extérieur, en tenant compte que le monarque est un militaire, comment être certain que les institutions seront consultées avant participation, qu'un budget militaire sera voté à hauteur des besoins, que les priorités seront discutées etc. Il est notoire que déjà Bonaparte avait -sans consulter le Directoire- pris des initiatives politiques lors de campagnes militaires. Le coup d'Etat de Brumaire apaise certains mais au moment de choisir le monarque, il est bon de se remémorer l'exacte volonté qui animait Bonaparte lors de ce coup de force.
Citer :
Il y a en 1800-1804 plusieurs conceptions de la république qui coexistent.

Ce sont déjà des factions. ;)
Il faut comprendre que la terreur de ces gens ayant le vieux rêve de la Constitution de 92 est le désordre. Que ces personnes qui rêvent encore d'égalité tirent un trait sur le peuple, ce même peuple qui a suivi et supporté toutes les errances des élus. Etait-ce donc ce peuple qui est à l'origine de la Terreur, des tribunaux d'exception ? Est-ce toujours lui qui a abondé les prisons, mis au goût du jour la délation etc. ? Est-ce même peuple qui a joué de la cherté du grain en dénonçant les affameurs, le tout pour garder une foule chaotique ? Et qu'en est-il du peuple de province, enfin du manant lambda, où le classer puisqu'on lui refuse le droit de voter ?
Le "peuple" tel que vous l'entendez, je ne le vois qu'au sein de grandes villes ; ces factions sont surtout alimentées par des courants politiques qui s'étripent entre eux et pas "pour le peuple" mais dans un dosage soigné d'explosions de factions suivant qui mène la danse.
Citer :
Bref, ne pas confondre république et démocratie.

En effet. 8-| Les mots convenus lors de la Révolution n'ont plus lieu d'être, voire n'ont jamais eu lieu d'être. L'égalité étant absente, comment évoquer la liberté ? Et il faudrait être bien ahuri pour se voir "gouverner" comme des enfants et adhérer à la "fraternité".
Citer :
En tous cas, c'est bien dans ce sens que je soulignais que Bonaparte, loin de s'être fait tout seul, a rencontré l'esprit du temps

Ceci a déjà été débattu, lui-même en plus de "l'esprit du temps" évoquait la "Fortune".
Citer :
il s'est maintenu parce qu'il était celui qui semblait le plus à même de fonder cette nouvelle dynastie qui assurerait la stabilité de la république,

Il s'est maintenu parce-qu'il s'en est donné les moyens à l'intérieur et que les coalitions extérieures étaient un terreau favorable à un militaire de génie.
Citer :
C'aurait pu être un autre, après tout.

Ceci aussi a été discuté et il apparait que non. A ce moment un militaire d'envergure était plus que nécessaire, ajoutez à ceci un tissu relationnel loin d'être à négliger, une union qui lui vaut le retour de certains émigrés, un trompe-l'oeil parce-que c'est devenu chose aisée surtout lorsque l'on assure que chacun gardera ses avoirs et fort de ces acquis sera ensuite grandi par le mérite, mérite dont les critères seront décidés ultérieurement.
Ce n'aurait pas pu être un autre parce-qu'il a su donner l'inflexion afin que chacun soit persuadé pour X ou Y raison de l'avoir choisi, lui et pour les récalcitrants on prendra des mesures. En homme de guerre, il sait convaincre d'autant qu'il n'a encore jamais été vaincu et ceci, pour cette époque, est un grand plus.
C'est la fameuse psychologie évoquée par Aigle concernant les Français, tout le gain des "paix glorieuses" dont on ne retient que l'adjectif puis que le mot "gloire". Preuve en est, au premier échec, les Français reverront leur copie.

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 19:23 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
ezio-auditore a écrit :
De là à imaginer Carnot glisser si loin à envisager un homme à la tête de l'Etat et de se mettre à rêver de nouvelle dynastie avec ce que le mot seul suppose : on peut avoir un peu de mal.


Un discours intéressant de Carnot, celui où il signifie son opposition à l'Empire :

« Citoyens tribuns,
Parmi les orateurs qui m'ont précédé, et qui tous ont appuyé la motion d'ordre de notre collègue Curée, plusieurs ont été au-devant des objections qu'on pouvait faire contre elle, et ils y ont répondu avec autant de talent que d'aménité : ils ont donné l'exemple d'une modération que je tâcherai d'imiter, en proposant d'autres observations qui m'ont paru leur avoir échappé. Et quant à ceux qui, parce que je combattrai leur avis, pourraient m'attribuer des motifs personnels indignes du caractère d'un homme entièrement dévoué à sa patrie, je leur livre pour toute réponse l'examen scrupuleux de ma conduite politique depuis le commencement de la révolution, et celui de ma vie privée.
Je suis loin de vouloir atténuer les louanges données au premier Consul : ne dussions-nous à Bonaparte que le Code civil, son nom mériterait de passer à la postérité. Mais quelques services qu'un citoyen ait pu rendre à sa patrie, il est des bornes que l'honneur autant que la raison imposent à la reconnaissance nationale. Si ce citoyen a restauré la liberté publique, s'il a opéré le salut de son pays, sera-ce une récompense à lui offrir que le sacrifice de cette même liberté ? et ne serait-ce pas anéantir son propre ouvrage, que de faire de ce pays son patrimoine particulier ?
Du moment qu'il fut proposé au peuple français de voter sur la question du consulat à vie, chacun put aisément juger qu'il existait une arrière-pensée et prévoir un but ultérieur.
En effet on vit se succéder rapidement une foule d'institutions évidemment monarchiques : mais à chacune d'elles on s'empressa de rassurer les esprits inquiets sur le sort de la liberté, en leur protestant que ces institutions n'étaient imaginées qu'afin de lui procurer la plus haute protection qu'on pût désirer pour elle.
Aujourd'hui se découvre enfin d'une manière positive le terme de tant de mesures préliminaires : nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition formelle de rétablir le système monarchique, et de conférer la dignité impériale et héréditaire au premier Consul.
Je votai dans le temps contre le consulat à vie ; je voterai de même contre le rétablissement de la monarchie, comme je pense que ma qualité de Tribun m'oblige à le faire : mais ce sera toujours avec les ménagements nécessaires pour ne point réveiller l'esprit de parti ; ce sera sans personnalités, sans autre passion que celle du bien public, en demeurant toujours d'accord avec moi-même dans la défense de la cause populaire.
Je fis toujours profession d'être soumis aux lois existantes, même lorsqu'elles me déplaisaient le plus : plus d'une fois je fus victime de mon dévouement pour elles, et ce n'est pas aujourd'hui que je commencerai à suivre une marche contraire : je déclare donc d'abord que tout en combattant la proposition faite, du moment qu'un nouvel ordre de choses sera établi, qu'il aura reçu l'assentiment de la masse des citoyens, je serai le premier à y conformer toutes mes actions, à donner à l'autorité suprême toutes les marques de déférence que commandera la hiérarchie constitutionnelle. Puisse chacun des membres de la grande société émettre un vœu aussi sincère et aussi désintéressé que le mien !
Je ne me jetterai point dans la discussion de la préférence que peut mériter en général tel ou tel système de gouvernement, sur tel ou tel autre ; il existe sur ce sujet des volumes sans nombre : je me bornerai à examiner en très peu de mots, et dans les termes les plus simples, le cas particulier où les circonstances nous ont placés.
Tous les arguments faits jusqu'à ce jour sur le rétablissement de la monarchie en France se réduisent à dire, que sans elle il ne peut exister aucun moyen d'assurer la stabilité du Gouvernement et la tranquillité publique, d'échapper aux discordes intestines, de se réunir contre les ennemis du dehors ; qu'on a vainement essayé le système républicain de toutes les manières possibles ; qu'il n'a résulté de tant d'efforts, que l'anarchie, une révolution prolongée ou sans cesse renaissante, la crainte perpétuelle de nouveaux désordres, et, par suite, un désir universel et profond de voir rétablir l'antique gouvernement héréditaire, en changeant seulement la dynastie. C'est à cela qu'il faut répondre.
J'observerai d'abord que le Gouvernement d'un seul n'est rien moins qu'un gage assuré de stabilité et de tranquillité. La durée de l'empire romain ne fut pas plus longue que ne l'avait été celle de la République. Les troubles intérieurs y furent encore plus grands, les crimes plus multipliés : la fierté républicaine, l'héroïsme, les vertus mâles, y furent remplacés par l'orgueil le plus ridicule, la plus vile adulation, la cupidité la plus effrénée, l'insouciance la plus absolue sur la prospérité nationale. A quoi eût remédié l'hérédité du trône ? Ne fut-il pas regardé par le fait comme l'héritage légitime de la maison d'Auguste ? Un Domitien ne fut-il pas le fils de Vespasien, un Caligula le fils de Germanicus, un Commode le fils de Marc-Aurèle ?
En France, à la vérité, la dernière dynastie s'est soutenue pendant huit cents ans ; mais le peuple fut-il moins tourmenté ? Que de dissensions intestines ! que de guerres entreprises au-dehors pour des prétentions, des droits de succession, que faisaient naître les alliances de cette dynastie avec les puissances étrangères ! Du moment qu'une nation entière épouse les intérêts particuliers d'une famille, elle est obligée d'intervenir dans une multitude d'événements qui, sans cela, lui seraient de la plus parfaite indifférence.
Nous n'avons pu établir parmi nous le régime républicain, quoique nous l'ayons essayé sous diverses formes plus ou moins démocratiques ; mais il faut observer que, de toutes les constitutions qui ont été successivement éprouvées sans succès, il n'en est aucune qui ne fût née au sein des factions, et qui ne fût l'ouvrage de circonstances aussi impérieuses que fugitives : voilà pourquoi toutes ont été vicieuses. Mais depuis le 18 brumaire il s'est trouvé une époque, unique peut-être dans les annales du monde, pour méditer à l'abri des orages, pour fonder la liberté sur des bases solides avouées par l'expérience et par la raison. Après la paix d'Amiens, Bonaparte a pu choisir entre le système républicain et le système monarchique ; il eût fait tout ce qu'il eût voulu ; il n'eût pas rencontré la plus légère opposition. Le dépôt de la liberté lui était confié, il avait juré de la défendre : en tenant sa promesse, il eût rempli l'attente de la nation, qui l'avait jugé seul capable de résoudre le grand problème de la liberté publique dans les vastes États ; il se fût couvert d'une gloire incomparable. Au lieu de cela, que fait-on aujourd'hui ? on propose de lui faire une propriété absolue et héréditaire, d'un pouvoir dont il n'avait reçu que l'administration. Est-ce là l'intérêt bien entendu du Premier Consul lui-même ? Je ne le crois pas.
Il est très-vrai qu'avant le 18 brumaire l'État tombait en dissolution, et que le pouvoir absolu l'a retiré des bords de l'abîme : mais que conclure de-là ? ce que tout le monde sait ; que les corps politiques sont sujets à des maladies qu'on ne saurait guérir que par des remèdes violents ; qu'une dictature momentanée est quelquefois nécessaire pour sauver la liberté. Les Romains qui en étaient si jaloux avoient pourtant reconnu la nécessité de ce pouvoir suprême par intervalles. Mais parce qu'un remède violent a sauvé un malade, doit-on lui administrer chaque jour un remède violent ? Les Fabius, les Cincinnatus, les Camille, sauvèrent la liberté romaine par le pouvoir absolu ; mais c'est qu'ils se dessaisirent de ce pouvoir aussitôt qu'ils le purent : ils l'auraient tuée par le fait même s'ils l'eussent gardé. César fut le premier qui voulut le conserver, il en fut la victime ; mais la liberté fut anéantie pour jamais. Ainsi tout ce qui a été dit jusqu'à ce jour sur le pouvoir absolu prouve seulement la nécessité d'une dictature momentanée dans les crises de l'État, mais non celle d'un pouvoir permanent et inamovible.
Ce n'est point par la nature de leur gouvernement que les grandes républiques manquent de stabilité ; c'est parce qu'étant improvisées au sein des tempêtes, c'est toujours l'exaltation qui préside à leur établissement. Une seule fut l'ouvrage de la philosophie organisée dans le calme, et cette république subsiste pleine de sagesse et de vigueur : ce sont les États-Unis de l'Amérique septentrionale qui offrent ce phénomène, et chaque jour leur prospérité reçoit des accroissements qui étonnent les autres nations. Ainsi il était réservé au nouveau monde d'apprendre à l'ancien qu'on peut subsister paisiblement sous le régime de la liberté et de l'égalité. Oui, j'ose poser en principe que lorsqu'on peut établir un nouvel ordre de choses, sans avoir à redouter l'influence des factions, comme a pu le faire le Premier Consul, principalement après la paix d'Amiens, comme il peut le faire encore, il est moins difficile de former une république sans anarchie qu'une monarchie sans despotisme. Car comment concevoir une limitation qui ne soit point illusoire dans un gouvernement dont le chef a toute la force exécutive dans les mains, et toutes les places à donner ? On a parlé d'institutions que l'on dit propres à produire cet effet : mais avant de proposer l'établissement du monarque, n'aurait-on pas dû s'assurer préalablement, et montrer à ceux qui doivent voter sur la question, que de pareilles institutions sont dans l'ordre des choses possibles ? que ce ne sont pas de ces abstractions métaphysiques qu'on rapproche sans cesse au système contraire ? Jusqu'ici on n'a rien inventé pour tempérer le pouvoir suprême, que ce qu'on nomme des corps intermédiaires ou privilégiés : serait-ce donc d'une nouvelle noblesse qu'on voudrait parler par ce mot d'institutions ? Mais le remède n'est-il pas pire que le mal ? car le pouvoir absolu n'ôte que la liberté, au lieu que l'institution des corps privilégiés ôte tout à la fois et la liberté et l'égalité ; et quand même dans les premiers temps les grandes dignités ne seraient que personnelles, on sait assez qu'elles finiraient toujours, comme les grands fiefs d'autrefois, par devenir héréditaires.
A ces principes généraux j'ajouterai quelques observations particulières. Je suppose que tous les Français donnent leur assentiment à la mesure proposée : mais sera-ce bien le vœu libre des Français, que celui qui résultera de registres où chacun est obligé de signer individuellement son vote ? Qui ne sait quelle est en pareil cas l'influence de l'autorité qui préside ? De toutes les parties de la France éclate, dit-on, le désir des citoyens pour le rétablissement d'une monarchie héréditaire ; mais n'est-on pas autorisé à regarder comme factice une opinion concentrée presque exclusivement jusqu'ici parmi les fonctionnaires publics, lorsqu'on sait les inconvénients qu'il y aurait à manifester une opinion contraire, lorsqu'on sait que la liberté de la presse est tellement anéantie, qu'il n'est pas possible de faire insérer dans un journal quelconque, la réclamation la plus respectueuse et la plus modérée ?
Sans doute il n'y aurait pas à balancer sur le choix d'un chef héréditaire, s'il était nécessaire de s'en donner un. Il serait absurde de vouloir mettre en parallèle avec le premier Consul, les prétendants d'une famille tombée dans un juste mépris, et dont les dispositions vindicatives et sanguinaires ne sont que trop connues. Le rappel de la maison de Bourbon renouvellerait les scènes affreuses de la révolution, et la proscription s'étendrait infailliblement, soit sur les biens, soit sur les personnes de la presque totalité des citoyens. Mais l'exclusion de cette dynastie n'entraîne point la nécessité d'une dynastie nouvelle. Espère-t-on, en élevant cette nouvelle dynastie, hâter l'heureuse époque de la paix générale ? Ne sera-ce pas plutôt un nouvel obstacle ? A-t-on commencé par s'assurer que les autres grandes puissances de l'Europe adhéreront à ce nouveau titre ? Et si elles n'y adhérent pas, prendra-t-on les armes pour les y contraindre ? Ou après avoir rabaissé le titre de Consul au-dessous de celui d'Empereur, se contentera-t-on d'être Consul pour les puissances étrangères, tandis qu'on sera Empereur pour les seuls Français ? Et compromettra-t-on pour un vain titre la sécurité et la prospérité de la nation entière ?
Il paraît donc infiniment douteux que le nouvel ordre de choses puisse offrir plus de stabilité que l'état présent : il n'est pour le gouvernement qu'une seule manière de se consolider ; c'est d'être juste, c'est que la faveur ne l'emporte pas auprès de lui sur les services ; qu'il y ait une garantie contre les déprédations et l'imposture. Loin de moi toute application particulière, toute critique de la conduite du gouvernement ; c'est contre le pouvoir arbitraire en lui-même que je parle, et non contre ceux entre les mains desquels ce pouvoir peut résider.
La liberté fut-elle donc montrée à l'homme pour qu'il ne pût jamais en jouir ? fut-elle sans cesse offerte à ses vœux comme un fruit, auquel il ne peut porter la main sans être frappé de mort ? Ainsi la nature qui nous fait de cette liberté un besoin si pressant aurait voulu nous traiter en marâtre ! Non, je ne puis consentir à regarder ce bien si universellement préféré à tous les autres, sans lequel tous les autres ne sont rien, comme une simple illusion. Mon cœur me dit que la liberté est possible, que le régime en est facile et plus stable qu'aucun gouvernement arbitraire, qu'aucune oligarchie.
Cependant, je le répète, toujours prêt à sacrifier mes plus chères affections aux intérêts de la commune-patrie, je me contenterai d'avoir fait entendre encore cette fois l'accent d'une âme libre ; et mon respect pour la loi sera d'autant plus assuré, qu'il est le fruit de longs malheurs, et de cette raison qui nous commande impérieusement aujourd'hui de nous réunir en faisceau contre l'ennemi implacable des uns comme des autres, de cet ennemi toujours prêt à fomenter nos discordes, et pour qui tous les moyens sont légitimes, pourvu qu'il parvienne à son but d'oppression universelle, et de domination sur toute l'étendue des mers.
Je vote contre la proposition. »

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 20:20 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
Merci, Drouet. J'allais poster quelques mots de Carnot, vous m'épargnez :)

Alors. @ Ezio

Carnot s'opposa au consulat à vie en 1802, et il est le seul à s'opposer à l'hérédité de l'exécutif dans la famille de Bonaparte. Carnot me semble bien plus intègre que Fouché. Sa position en 1804 est extrêmement courageuse. Il a contre lui tous les autres tribuns, le gouvernement, et le premier consul, qui devrait, sauf miracle, devenir empereur dans les jours qui viennent.

La république, dans la bouche des acteurs de l'époque, c'est encore la res publica, la chose publique. L'institution de l'Empire avait justement pour but de maintenir, de figer même, les valeurs "républicaines". En France, ce que l'on veut, c'est la fin de la féodalité, la liberté, l'égalité civile, la protection de la propriété et un régime représentatif. Point. C'est tout. Rien d'autre. Du moins aucun des tribuns qui s'exprimeront pour défendre la motion de Curée - sauf Carnot. En fait, ils se fichent comme de leur première guigne qu'on appelle le nouveau régime une "république", ils n'aiment pas les "républiques". C'est bon pour les petits états, ça, pour la poussière des états italiens, pour les Américains au mieux.

Bon, là, la république, on l'a, alors on va la garder (je fais mon Guillemin, Drouet Cyril, je sais). Il y a des tas de gens qui ne comprendraient pas que le petit peuple soit allé verser son sang pour rien pendant toutes les guerres de la révolution, mais on va l'aménager la république. On va la rendre présentable.

En France, en 1804, on veut une monarchie constitutionnelle qui maintienne les acquis "républicains" de la Constituante, et rien d'autre. Oui, ça semble contradictoire, mais c'est ainsi. Mais en fait, quand on y réfléchis bien, la république, en 1789, en 1791, personne n'en voulait ! Camille Desmoulins disait qu'en 1790, à Paris, il n'y avait pas plus de dix républicains, lui compris ! Sauf qu'en 89, il défendait encore Louis XVI, Camille.

Les brumairiens veulent une "république" (on continuera à appeler ça une république, tout au moins), mais sans élections, et avec un pouvoir autoritaire. Peut-on encore parler de république, direz-vous ? Et bien oui ! Les acteurs de l'époque n'hésitent pas, eux, à parler de république. Et on devrait donc faire comme eux. Comme quand à Rome on donnait la dictature à un consul, on était encore en république. Sauf que là, la dictature, elle sera permanente.

Ecoutons Joubert, tiens. 30 avril 1804 : "La vérité que le temps avait consacrée, c'est qu'un grand état ne peut éviter les déchirements qu'avec un pouvoir exécutif héréditaire. Le système électif, n'est en quelque sorte qu'une théorie effrayante de révolutions. Chaque mutation fait éclater les ambitions particulières, nourrit l'esprit de faction, ouvre des chances à l'intrigue [...] En France, la doctrine de l'hérédité est nationale. J'en appelle aux 14 siècles qui nous ont précédé, et à ces cahiers des cahiers bailliagères, véritable expression de la volonté nationale [...] Que voulions-nous en 1789 ? L'intervention de nos délégués dans la création de l'impôt, l'abolition du régime féodal, l'anéantissement de toute distinction outrageante pour les vertus et les talents, la réforme des abus, le culte de toutes les idées libérales, la garantie de notre prospérité au-dedans et de notre considération au-dehors, et tous les Français avaient bien senti que ce voeu ne pouvait s'accomplir qu'avec un trône héréditaire".

Et le tribun Lahary, même jour. "Est-ce nous donner un Roi féodal, sous le titre d'Empereur ? Non, car la dignité impériale n'a rien d'inconciliable avec l'existence d'une république". Et plus loin, lui qui se prétend un "vrai républicain", évoquant les divers régimes qu'a connu la France depuis 1789, il évoque le quatrième, le Consulat : "Enfin, sous le quatrième et dernier régime on nous disait que nous avions une vraie République, mêlée des seuls éléments de la monarchie qui peuvent s'amalgamer ou se concilier avec elle ; une République dont le Gouvernement était franc, loyal, libéral et généraux, puissant et juste".

Bref, je peux vous en faire vingt pages. Tous les acteurs se proclament républicains, tous sont pourtant favorables à l'Empire. Parce que dans leur tête (et vous devez penser comme eux pour comprendre), la forme de l'exécutif n'a aucune importance, du moment que les autres institutions sont maintenues.

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 23 Mai 2016 20:56 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4452
Localisation : Versailles
Je remercie et je félicite Jefferson et Cyril pour leurs indications très détaillées mais je voudrais poser quelques questions supplémentaires.

À propos de Carnot, n'était il pas favorable au rétablissement de la Royauté sous le Directoire et n'a t il pas été fructidorisé pour ce motif ?

À propos des élites favorables à la "monarchie républicaine" : ne pensez vous pas que ce sentiment est en faut limité à une fraction de la bourgeoisie qui notamment à Paris a misé à fond sur la Révolution mais qu'en fait la majorité des classes éduquées, notamment en province, aurait bien aimé retrouvé la dynastie traditionnelle , quitte à l'associer à une constitution anglaise ? Je crois que ce fut la thèse développée par Waresquiel.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 24 Mai 2016 15:28 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
Message(s) : 681
Localisation : Kaamelott
@ Cyril Drouet :
Merci... C'est beau comme du Carnot... :wink:

Citer :
La république, dans la bouche des acteurs de l'époque, c'est encore la res publica, la chose publique. L'institution de l'Empire avait justement pour but de maintenir, de figer même, les valeurs "républicaines".

Je peux me mettre dans n'importe quelle tête et continuer de jouer sur les mots comme ce fut fait à l'époque.
Je pense comme Carnot.
Il faudra un peu plus de dix années pour que ce qui était incontournable advienne. Alors on verra ces mêmes hommes sortir la tête du sable et prêts à tous les compromis du moment qu'on les débarrasse de celui qui hier semblait un sauveur. Au mieux les notables pensaient tenir l'homme, alors que NB avait déjà le poing sous leur gorge.
Une révolution pour ceci ? Il faut donc considérer les tribuns de cette révolution soit comme autant de charlots illuminés ou de quidam tenant pour la politique du chien crevé au fil de l'eau, ou encore les ahuris remerciés de tant de grands faits et de grandes idées alors qu'ils se rendaient à Versailles bien encombrés de leurs cahiers et bien mal assurés de revenir en ayant quelque chose à proposer au "peuple".
Quelle aventure ! Une révolution est toujours une aventure, il semble que les révolutions tiennent d'un amateurisme ahurissant que seul sauve un timing qui tient du destin, doublés de paramètres qui -pour un peu- pourraient être attribués au divin.

Réponse à Carnot du citoyen Carrion Nises :
- https://books.google.fr/books?id=R6pWAAAAMAAJ&pg=PA1165&lpg=PA1165&dq=carnot+et+la+royaut%C3%A9&source=bl&ots=54jjb-jAnC&sig=p1HTDzdA3ArLuEet_5doP9OnlDI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjertWJ9vLMAhWJ3SwKHbzyDHoQ6AEIJjAE#v=onepage&q=carnot%20et%20la%20royaut%C3%A9&f=false
ou aller à "Carnot et la royauté".

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 24 Mai 2016 15:56 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
Je pense que juger ces gens est le meilleur moyen de ne pas les comprendre. La plupart des ces tribuns avaient survécu à quinze années d'instabilité politique, de guerres, de crimes, de trahisons, de bouleversements sans précédents. Les prendre de haut comme vous le faites, c'est de la téléologie. 1815 n'est pas inscrit dans 1804, tout comme 1804 n'est pas tout entier dans 1799.

Boissy d'Anglas avait écrit, en 1795, je cite de memoire, "nous avons consommé six siècles en six années". Je crois qu'il avait raison, et je crois, comme les tribuns de 1804 le disaient dans leurs discours, que la France avait besoin de repos. Elle ne l'a pas eu, mais ces gens là y ont certainement cru. Bonaparte, sauveur ? Il aurait pu l'être.

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 24 Mai 2016 16:10 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 14 Avr 2011 21:37
Message(s) : 890
Jerôme a écrit :
Je remercie et je félicite Jefferson et Cyril pour leurs indications très détaillées mais je voudrais poser quelques questions supplémentaires.

À propos de Carnot, n'était il pas favorable au rétablissement de la Royauté sous le Directoire et n'a t il pas été fructidorisé pour ce motif ?

À propos des élites favorables à la "monarchie républicaine" : ne pensez vous pas que ce sentiment est en faut limité à une fraction de la bourgeoisie qui notamment à Paris a misé à fond sur la Révolution mais qu'en fait la majorité des classes éduquées, notamment en province, aurait bien aimé retrouvé la dynastie traditionnelle , quitte à l'associer à une constitution anglaise ? Je crois que ce fut la thèse développée par Waresquiel.


Pour ce qui est de Carnot, il a été évincé à cause de sa compromission avec les clichyens. Son projet d'une alliance entre les républicains modérés et la droite favorable à une monarchie constitutionnelle ne faisait pas de lui un royaliste. La droite était alors une nébuleuse aux projets très divers. Le coup d'état à brassé très large.

Pour ce qui est de Waresquiel, je ne l'ai pas lu. Toujours est-il que le Tribunat n'est pas "parisien". Peut-on établir une rupture entre Paris et la Province ? Les royalistes étaient dans l'entourage de Bonaparte, entre ceux qui l'avaient sincèrement rallié, ceux qui espéraient le manipuler, ceux qui espéraient un retour des Bourbons, etc. Bonaparte satisfaisait tout au moins leurs aspirations du moment : régime héréditaire et la fin des désordres révolutionnaires. Quant à la monarchie à l'anglaise, elle apparaissait sans doute séduisante à certains, mais on n'en était plus à importer des régimes de l'étranger, en 1802-1804. Ma fréquentation des sources (pas exhaustive) montre une profonde détestation, en France, pour ce que l'on appelle alors "l'esprit de parti" - l'alternance du gouvernement anglais, avec ses deux factions se déchirant pour accéder aux plus hautes fonctions, était une horreur pour les élites françaises du Consulat. On ne voulait plus d'élections, plus d'esprit de parti, plus de factions. Donc une monarchie à l'anglaise, oui, mais pour les Anglais.

Après tout dépend de ce qu'on appelle une monarchie à l'anglaise - si c'est un roi au-dessus des partis, c'est plus ou moins ce que les élites françaises, celles qui etaient favorables à l'empire, attendaient. Proclamer l'hérédité du pouvoir exécutif dans la lignée de Bonaparte, c'était justement pour le placer en dehors de la valse des partis.

Vous pouvez nous en dire plus sur cette thèse de Waresquiel, Jérôme ?

_________________
"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Napoléon au pouvoir
Message Publié : 24 Mai 2016 16:31 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Avr 2015 15:58
Message(s) : 681
Localisation : Kaamelott
Jerôme a écrit :
... ne pensez vous pas que ce sentiment est en faut limité à une fraction de la bourgeoisie qui notamment à Paris a misé à fond sur la Révolution mais qu'en fait la majorité des classes éduquées, notamment en province, aurait bien aimé retrouvé la dynastie traditionnelle , quitte à l'associer à une constitution anglaise ?

Dans quel livre, Waresquiel développe-t-il cette thèse ?

Citer :
À propos de Carnot, n'était il pas favorable au rétablissement de la Royauté sous le Directoire et n'a t il pas été fructidorisé pour ce motif ?

Il semblerait qui oui, le tout s'inscrivant dans un choix de Barras dont Bonaparte semble assez proche à ce moment.
Pour la vision d'un "monarchie parlementaire" ou "à l'anglaise", vous avez :
La Convention divisée et épurée (vous aviez initié le sujet) ; Le rôle du peuple à la RF ; Les causes des guerres de la Révolution et de l'Empire (posts de Jefferson) ; Louis XVI et le Tiers Etat ; Louis XVI et la Révolution ; Louis XVI et la Révolution : pouvait-il comprendre ? ; Une Révolution contradictoire...

_________________
"L'histoire remplit le vide du présent et se transforme elle-même en espérance !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 47 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 45 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB