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10 août 1792
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Auteur :  bourbilly21 [ 06 Jan 2017 16:05 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Jefferson a écrit :
Le 10 août est ce moment, l'une des grandes journées qui ont fait la France (avec un clin d'œil à la célèbre collection de Gallimard), où la populace décide de prendre son destin en main, agit et obtient un résultat

Au prix de combien d'assassinés ?

Auteur :  AnonymeJ [ 06 Jan 2017 16:33 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

bourbilly21 a écrit :
Jefferson a écrit :
Le 10 août est ce moment, l'une des grandes journées qui ont fait la France (avec un clin d'œil à la célèbre collection de Gallimard), où la populace décide de prendre son destin en main, agit et obtient un résultat

Au prix de combien d'assassinés ?


De mémoire, 1000 morts ? Dont 600 Suisses et 400 Parisiens. Des Parisiens sont morts aussi. Et sans doute quelques Marseillais et Bretons.

D'autres journées, moins glorieuses, ont dévoré un nombre d'hommes bien plus conséquent. Et peut-on parler "d'assassinés" ? Ne devrait-on pas parler de "morts" ? Les Suisses se sont battus. Le 10 août, ce n'est pas les "Massacres de Septembre". Là, oui, il y a bien des assassinats.

Auteur :  Drouet Cyril [ 06 Jan 2017 16:56 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Témoignage de Napoléon :
« Au 10 Août, voyant enlever le château des Tuileries et se saisir du Roi, j'étais assurément bien loin de penser que je le remplacerais, et que ce palais serait ma demeure.
Et s'arrêtant sur cette journée du 10 Août, il a dit :
« Je me trouvais, à cette hideuse époque, à Paris, logé rue du Mail, place des Victoires. Au bruit du tocsin, et de la nouvelle qu'on donnait l'assaut aux Tuileries, je courus au Carrousel, chez Fauvelet, frère de Bourrienne, qui y tenait un magasin de meubles. Il avait été mon camarade à l'école militaire de Brienne. C'est de cette maison, que, par parenthèse, je n'ai jamais pu retrouver depuis, par les grands changements qui se sont opérés, que je pus voir à mon aise tous les détails de la journée. Avant d'arriver au Carrousel, j'avais été rencontré dans la rue des Petits-Champs, par un groupe d'hommes hideux, promenant une tête au bout d'une pique. Me voyant passablement vêtu, et me trouvant l'air d'un monsieur, ils étaient venus à moi pour me faire crier vive la Nation ! ce que je fis sans peine, comme on peut bien le croire.
Le château se trouvait attaqué par la plus vile canaille. Le Roi avait assurément pour sa défense au moins autant de troupes qu'en eut depuis la Convention au 13 vendémiaire, et les ennemis de celle-ci étaient bien autrement disciplinés et redoutables. La plus grande partie de la garde nationale se montra pour le Roi : on lui doit cette justice. »
Ici le grand-maréchal a observé qu'il était précisément d'un des bataillons qui se montrèrent les plus dévoués. Il avait failli être massacré plusieurs fois par le peuple, en regagnant isolément sa demeure. Nous observions, de notre côté, qu'en général la garde nationale à Paris avait constamment montré les vertus de son état : l'amour de l'ordre, le dévouement à l'autorité, la crainte du pillage et la haine de l'anarchie; et c'était aussi l'opinion de l'Empereur.
« Le palais forcé, et le Roi rendu dans le sein de l'Assemblée, a-t-il continué, je me hasardai à pénétrer dans le jardin. Jamais depuis, aucun de mes champs de bataille ne me donna l'idée d'autant de cadavres, que m'en présentèrent les masses des Suisses; soit que la petitesse du local en fît ressortir le nombre, soit que ce fût le résultat de la première impression que j'éprouvais en ce genre. J'ai vu des femmes bien mises se porter aux dernières indécences sur les cadavres des Suisses. Je parcourus tous les cafés du voisinage de l'Assemblée, partout l'irritation était extrême ; la rage était dans tous les cœurs, elle se montrait sur toutes les figures, bien que ce ne fussent pas du tout des gens de la classe du peuple ; et il fallait que tous ces lieux fussent journellement remplis des mêmes habitués ; car bien que je n'eusse rien de particulier dans ma toilette, ou peut-être était-ce encore parce que mon visage était plus calme, il m'était aisé de voir que j'excitais maints regards hostiles et défiants, comme quelqu'un d'inconnu ou de suspect. »
(Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène)

Il y a aussi ce passages des "Mémoires et correspondance politique et militaire", de Joseph :
« Napoléon se trouvait au 10 août à Paris; il avait été présent à l'action. Il m'écrivit une lettre très détaillée, que je lus à mes collègues du directoire du département ; voici les deux traits principaux : « Si Louis XVI se fût montré à cheval, la victoire lui fût restée : c'est ce qui m'a paru, à l'esprit qui animait les groupes le matin.
Après la victoire des Marseillais, j'en vis un sur le point de tuer un garde du corps ; je lui dis : « Homme du Midi, sauvons ce malheureux ! Es-tu du Midi ? –Oui. -Eh bien, sauvons-le ! »

La sanglante journée a inspiré l'imaginaire de Maurice Réalier-Dumas :
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Auteur :  Cornelis_ [ 06 Jan 2017 17:18 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Intéressant comme Napoléon, selon Joseph, se revendique d'une identité "méridionale", susceptible d'unir par une relation de "pays" un Marseillais et un Corse, se parlant sans doute en français. Aurait-on d'autres exemples de l'idée de la Corse comme faisant partie - ou du moins comme étant suffisamment proche du Midi pour créer une sentiment commun ?

Auteur :  Drouet Cyril [ 06 Jan 2017 17:24 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Version Job :
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Auteur :  Drouet Cyril [ 06 Jan 2017 17:29 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Cornelis_ a écrit :
Intéressant comme Napoléon, selon Joseph, se revendique d'une identité "méridionale", susceptible d'unir par une relation de "pays" un Marseillais et un Corse, se parlant sans doute en français. Aurait-on d'autres exemples de l'idée de la Corse comme faisant partie - ou du moins comme étant suffisamment proche du Midi pour créer une sentiment commun ?


Il faut se montrer prudent avec cette histoire contée par Joseph.
Concernant la Corse, il y a cette déclaration faite à Gourgaud (Journal de Sainte-Hélène) :
"De toutes les injures qui étaient répandues contre moi dans tant de libelles, celle qui m'était le plus sensible était de m'entendre appeler Corse. L'Ile de Corse, au fond, n'est pas la France, quoiqu'on y parle français."

Auteur :  AnonymeJ [ 06 Jan 2017 18:01 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

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Le célèbre tableau de Jacques Bertaux, exposé un an après les événements, au Salon de Peinture et de Sculpture de 1793.

Intéressant, car il fait une part belle aux vaincus, qui résistent vaillamment. Et il montre un combat, pas seulement un massacre. Chemises rouges, chemises bleues et civils jonchent le sol.

Auteur :  Drouet Cyril [ 06 Jan 2017 18:07 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Plus symbolique : Le Lion de Lucerne :
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Auteur :  AnonymeJ [ 06 Jan 2017 21:41 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Ce n'était pas à propos du 10 août que Bonaparte (ou Napoléon) avait évoqué Louis XVI en disant de lui que c'était un "couillon" ? Qu'à sa place, il aurait fait disperser la canaille à coups de canons ?

Auteur :  Caesar Scipio [ 06 Jan 2017 22:15 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

N'était-ce pas plutôt à l'occasion de la journée du 20 juin et de la scène du bonnet phrygien ?

Auteur :  AnonymeJ [ 06 Jan 2017 23:17 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Caesar Scipio a écrit :
N'était-ce pas plutôt à l'occasion de la journée du 20 juin et de la scène du bonnet phrygien ?


Ha oui ! Je crois que vous avez raison.

Auteur :  Drouet Cyril [ 07 Jan 2017 9:02 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Jefferson a écrit :
Caesar Scipio a écrit :
N'était-ce pas plutôt à l'occasion de la journée du 20 juin et de la scène du bonnet phrygien ?


Ha oui ! Je crois que vous avez raison.



C’est un mot que Bourrienne (Mémoires) place en effet au 20 juin :
« Pendant ce temps d'une vie un peu vagabonde, arriva le 20 juin, sombre prélude du 10 août ; nous nous étions donné rendez-vous pour nos courses journalières, chez un restaurateur, rue Saint-Honoré, prés le Palais-Royal. En sortant, nous vîmes arriver du côté des halles une troupe que Bonaparte croyait être de cinq à six mille hommes, déguenillés et burlesquement armés, vociférant, hurlant les plus grossières provocations , et se dirigeant à grands pas vers les Tuileries. C'était, certes, ce que la population des faubourgs avait de plus vil et de plus abject. Suivons cette canaille, me dit Bonaparte. Nous prîmes les devants, et nous allâmes nous promener sur la terrasse du bord de l'eau. C'est de là qu'il vit les scènes scandaleuses qui eurent lieu. Je peindrais difficilement' le sentiment de surprise et d'indignation qu'elles excitèrent en lui. Il ne revenait pas de tant de faiblesse et de longanimité. Mais lorsque le roi se montra à l'une des fenêtres qui donnent sur le jardin, avec le bonnet rouge que venait de placer sur sa tête un homme du peuple, l'indignation de Bonaparte ne put se contenir. Che coglione, s'écria-t-il assez haut, comment a-t-on pu laisser entrer cette canaille? Il fallait en balayer quatre ou cinq cents avec du canon, et le reste courrait encore.
Dans le tête-à-tête, à notre dîner, que je payai, comme cela m'arrivait le plus souvent, car j'étais le plus riche, il parla constamment de cette scène ; il discutait avec un grand sens les causes et les suites de cette insurrection non réprimée. Il en prévoyait et développait avec sagacité toutes les conséquences. »

A ce sujet, il y a aussi « Les campagnes d’un avocat », de Lavaux :
« J'allais sans aucun but dans le jardin des Tuileries au milieu du tumulte causé par la populace armée des faubourgs qui inondait le château. Je fus tiré de ma rêverie par M. P., ingénieur des Ponts-et-Chaussées. Nous déplorâmes ensemble l’outrage fait à la justice royale, lorsque nous fûmes interrompus par un jeune homme qui m’aurait inspiré de la défiance sans l'accueil qu'il reçut de M. P. Il avait le ton soldatesque, les yeux vifs, le teint bilieux, un langage commun, un nom étranger ; Il s'expliqua librement sur le désordre dont nous étions occupés et dit que s’il était roi, cela ne se passerait pas de même. Je fis peu d’attention à ce propos ; mais les événements postérieurs l’ont rappelé à mon souvenir, car l’interlocuteur était Bonaparte. »

Moins sujette au doute, il y a la Correspondance :
« Les jacobins sont des fous qui n’ont pas le sens commun. Avant-hier, sept à huit mille hommes, armés de piques, de haches, d’épées, de fusils, de broches, de bâtons pointus, se sont portés à l’Assemblée pour y faire une pétition. De là ils ont été chez le roi. Le jardin des Tuileries était fermé et 15 000 grades nationaux le gardaient. Ils ont jeté bas les portes, sont entrés dans le palais, ont braqué les canons contre l’appartement du roi, ont jeté à terre quatre portes, ont présenté au roi deux cocardes, une blanche et l’autre tricolore. Ils lui ont donné le choix. Choisis donc, lui ont-ils dit, de régner ici ou à Coblentz. Le roi s’est bien montré. Il a mis le bonnet rouge. La reine et le prince royal en ont fait autant. Ils ont donné à boire au roi. Ils sont restés quatre heures dans le palais. Cela a fourni ample matière aux déclarations aristocratiques des Feuillantins. Il n’en est pas moins vrai cependant que tout cela est inconstitutionnel et de très dangereux exemple. Il reste bien difficile de deviner ce que deviendra l’empire dans une circonstance aussi orageuse. »
(Napoléon à Joseph, 22 juin 1792)

Auteur :  AnonymeJ [ 07 Jan 2017 9:31 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Merci, Drouet Cyril !

Auteur :  Drouet Cyril [ 07 Jan 2017 15:59 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

Encore du Job (pas ici du copiage de l'oeuvre symbolique de Maurice Réalier-Dumas, mais une scène inspirée du Mémorial) :
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Bonaparte au 10 août croqué ici par Charlet :

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Auteur :  AnonymeJ [ 07 Jan 2017 16:17 ]
Sujet du message :  Re: 10 août 1792

De la bonne propagande ! Le peuple laid, sale, colérique, agressif au-delà de toute raison. Et le témoin du temps, tout en sérénité, comme un roc au milieu d'un océan déchaîné. Déjà habité par sa future fonction.

C'est magnifique :)

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