Pierma a écrit :
Je regardais "secrets d'histoire" de Stéphane Bern
hier soir. L'émission était consacrée à l'impératrice d'Autriche Marie-Louise.
Je pense que vous voulez évoquer l'
archiduchesse Marie-Thérèse. A placer donc dans le topic "
Les Lumières" car elle appartient au trio des "despotes éclairés".
La "pragmatique sanction" édictée par son père l'empereur Charles VI lui permet d'hériter des possessions autrichiennes, d'être "roi" de Hongrie et de "roi" de Bohême.
Une union est envisagée avec le duc François III-Etienne de Lorraine du vivant de Charles VI. François III-Etienne pourrait -au décès de Charles VI-, se présenter comme futur empereur. Louis XV fait savoir que jamais il n'acceptera que devienne empereur un prince qui règne déjà sur un territoire enclavé dans le royaume d'autant que François III est son vassal pour le Barrois-mouvant.
La condition ? Renoncer à la Lorraine, ce qui fut fait.
Le nom de "Lorraine" sera accolé à celui de Habsbourg, un retour aux sources.
Les conditions de passation des pouvoirs dans les duchés de Bar et de Lorraine furent un engagement de la France à respecter statut et privilèges des 3 ordres, verser à François-Etienne une pension de 3,5 millions de livres tournois jusqu'à ce qu'il entre en possession de la Toscane. François III-Etienne sera empereur du Saint Empire sous le nom de François Ier.
M-Thérèse et l'empereur François Ier sont donc les aïeux de François II et les bisaïeux de l'archiduchesse Marie-Louise.
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"Histoire des Habsbourg" ;
"La Lorraine des ducs"François II, père de M-Louise, ne verra aucun problème à ce que celle-ci épouse Napoléon Ier.
Les unions avec les Habsbourg passent mal en France, on se souvient de la fille de l'archiduchesse Marie-Thérèse. Epouse de Louis XVI, Marie-Antoinette était restée "l'Autrichienne".
Citer :
Napoléon a eu la chance de tomber dans une Europe "vide de souverains". Aurait-il eu affaire à la génération précédente : Frédéric II, la Grande Catherine et Marie-Thérèse, que les choses se seraient passées autrement.
Cette vision semble être devenue récurrente depuis un temps. Je la lis encore avec Cate :
[… point n'est besoin d'une exceptionnelle sagacité pour comprendre que ses triomphes éblouissants dans la guerre et la diplomatie avaient été rendus possible à Napoléon par le manque de coordination de ses ennemis. S'ils s'étaient vraiment unis contre lui, ils en auraient triomphé depuis longtemps. Au lieu de quoi, agissant de façon hésitante, décousue, ils avaient été vaincu l'un après l'autre. Maintenant … c'était le tour de la Russie d'affronter seule la plus grande puissance militaire que l'Europe continentale eût jamais connue.] (p. 37 -
"La campagne de Russie – 22 juin 14 décembre 1812").
Ceci est rappelé dans le livre de Bréjeon "
Napoléon et la Guerre d'Espagne, 1808-1814", dans "
L'épisode napoléonien, aspects extérieurs : 1799-1815" (J.Lovie/A. Palluel-Guillard qui date de 1972).
Pour ce qui est de Frédéric II, CNE a répondu et je plussoie. La guerre de Sept ans n'a pas été faite que de batailles gagnées, pas plus que celle de Succession d'Autriche pour ce qui concerne ce souverain.
Catherine II avait encouragé l'Autriche et la Prusse à attaquer le "
fléau révolutionnaire" sans y prendre part.
[Paul Ier, principal instigateur de la 2ème coalition avait réussi à s'assurer l'alliance de la Grande-Bretagne, de l'Autriche, du royaume de Naples, du Portugal et de l'empire ottoman … il s'était brouillé avec les Autrichiens et les Anglais … s'était allié avec la France... jusqu'à une soudaine brouille ...]. (
C. Cate)
Citer :
Cela donne deux questions en une :- tout d'abord un What-if. Est-ce si exact que cela, ou Napoléon, en introduisant une nouvelle manière de faire la guerre, aurait-il tout aussi bien battu les généraux de ces souverains ?
CNE a répondu pour la question "militaire".
Pour ce qui me concerne, je constate que devant d'autres tactiques qui excepte celle de la fameuse bataille décisive il semble que N. soit déstabilisé (Portugal, Espagne, Russie).
Citer :
Pourquoi et comment les coalisés ne se sont-ils pas coalisés plus tôt ?
Parce-que sur le nombre d'années que durent ces coalitions, chacun a des intérêts différents. On le notera lors du Congrès de Vienne.
Après Tilsit, les Anglais suspendent leur aide financière (1 250 000 livres pour chaque centaine de milliers d'hommes que la Russie pouvait mettre en campagne), en découvrant qu'Alexandre soutient la Prusse dans sa revendication sur le Hanovre, encore possession de la couronne mais occupé par les Français. Ceci donne un aperçu des problèmes initiés par les traités passés -en tant que vaincus- avec la France, comment ensuite pouvoir avoir une ligne diplomatique homogène ?
CNE EMB a écrit :
Je ne vois pas vraiment les choses comme ça. Déjà parce que Napoléon Ier a eu des adversaires déterminés et capables comme Alexandre Ier, dont la fermeté a été cruciale dans sa chute. On ne peut pas reprocher non plus à Pitt ou à Louise de Prusse de manquer d'esprit de suite à son égard et à celui de la France...
Alexandre Ier n'était ni déterminé ni capable : il suffit de "relire" Austerlitz ou mieux encore "
Alexandre Ier" - M-P Rey
La détermination viendra avec un peu plus de maturité cependant il a un atout : il connait ses limites et sait déléguer. Il a un caractère ouvert mais lorsque la coupe est pleine (le niveau lui est personnel, les enjeux de même et il faut ajouter que dos au mur, la coupe ne peut qu'être pleine), il bloque et là s'instaure une ligne qui ne sera pas franchie. Je dirais qu'il est ferme dans la dérobade, on le verra lors de la campagne de Russie. Jamais il ne sera offert à N. la fameuse bataille décisive. Ceci dit il fera de bons choix : Barclay de Tolly au lieu de Beningsen mais devant les remous des Petersbourgeois, il optera pour Koutouzov. De même, il se contentera de demander là où il peut être le plus "nécessaire" et donnera tout.
N. ne pouvait l'ignorer, Caulaincourt avait suffisamment été clair concernant le tsar tant au point de vue de son caractère que du fait qu'il irait jusqu'au bout en cas d'attaque. Caulaincourt avait aussi évoqué la Russie et chacun estimait que
"seuls les Russes pouvaient se battre en Russie..." mais non seulement, il fut reçu assez froidement mais ses avis ne furent pas entendus : à ceci on ne peut rien.
Citer :
Ce sont bien ses soldats qui les gagnent pour lui...
C'est vrai mais l'expression passe mal car les soldats donneront tout en Russie mais il faut avouer que les décisions ne seront pas à la hauteur. Idem en Espagne.
De plus, le soldat français est loin de se montrer "correct" en terrain conquis, ce qui est un gros problème car s'il est bien reçu, il finit par s'aliéner la population.
Citer :
Pour le dernier point, je n'aurais jamais pensé qu'on puisse croire que Napoléon a eu une chance insolente. Au contraire, tout s'est ligué contre lui et son entreprise institutionnelle et dynastique (la mort de Fox, la fermeté d'Alexandre Ier qui refuse d'entrer véritablement dans le système d'alliances français, la résistance inattendue avec des moyens inédits des Espagnols, etc., etc.).
Il semble un peu étrange d'évoquer "chance" ou "malchance" dans ces années où tout de même la paix était un luxe.
Pour ce qui concerne Fox, il est hors jeu dès 1797 : les Anglais ont tranché, tout au plus fera-t-il de la représentation.
Alexandre Ier, après Tilsit -il est vaincu, signe un traité avec ce que ceci laisse d'amertume- essaiera vraiment de faire vivre cette alliance. Mais il y a des impondérables :
- la Pologne dont N. -au final- se sert sans franchement éprouver une quelconque empathie pour les Polonais ;
- l'économie russe mise à mal par le blocus alors que la France, elle, s'en dispense par des mesures qu'elle refuse à la Russie (taxes etc.) ;
- un oukase paulien qui -pour faire équilibre à la loi pauline excluant toute femme du trône- donne à l'épouse du tsar toute latitude pour les unions de ses enfants. C'est ainsi, c'est la loi en Russie. Alexandre essaiera de négocier, Catherine pavlovna ne sera pas contre cette union étrangement, de ses 5 autres soeurs 3 sont décédées, seule reste Anna Pavlovna et une mère qui refuse obstinément une union en soulevant des questions auxquelles Alexandre n'avait pas songé. Catherine ne sera "mariée" qu'en 1809 ; Anna est vraiment trop jeune (née en
1795, elle épousera en
1816 Guillaume II des Pays-Bas).
Il existe encore bien d'autres sujets qui deviendront conflictuels car en coulisse, N. intrigue avec l'Autriche tout à fait compréhensive après Wagram.
Chacun a besoin de temps pour se "refaire", des traités sont passés et régulièrement dépassés.
Citer :
Au contraire, il joue de malchance en ayant face à lui des Britanniques d'une détermination d'acier qui veulent sa chute et sont prêts à hypothéquer la City pour ce faire. Ces inspirateurs des coalitions anti-françaises finissent par l'avoir à l'usure, alors qu'il combat successivement :
On ne peut imputer à l'Angleterre de refuser un encerclement. Dieu sait que la France a joué de cet argument avec les Habsbourg. Là, non seulement l'argument n'est pas fallacieux mais de plus le blocus met l'économie bien à mal, il y aura des soulèvements populaires, on ne peut donc tendre la main à une personne qui se présente comme "défenseur des acquis d'une Révolution", d'autant que l'on a vu de quoi cette révolution a accouché. Les Anglais aussi ont été "usés", la différence est qu'ils n'ont rien lâché sur la longueur, chose à laquelle le Français a du mal.
Je ne vais passer les coalitions une à une, elles ont été évoquées dans les liens donnés par Cyril. Les lire remet les choses dans leur contexte du moment. Je garde :
Citer :
alors qu'une bonne partie de son armée est déjà engluée en Espagne ;
Pour 1809... [… le guêpier espagnol qu'il avait soulevé de sa propre faute, se chargea de détruire le bel ensemble...]
(1)[… l'Espagne pèse 3 fois moins lourd que la France aussi bien en densité qu'en effectif … cette première campagne du Portugal est un succès militaire … mais aussi un fiasco politique. N. se sert du corps expéditionnaire -22 000 hommes, 3 divisions d'infanterie, 1 de cavalerie, de l'artillerie, du génie et de l'intendance- comme d'une force d'intimidation … visiblement N. ne prend pas au sérieux le risque d'un départ de la famille royale pour le Brésil. Il faut lui apprendre l'arrivée de la flotte de S. Smith devant Lisbonne pour lui ouvrir les yeux. … sur le plan politique le Portugal est désormais rattaché au sort réservé à l'Espagne. N. compte financer les débuts de son intervention militaire par des ponctions dans le Trésor portugais, ce qui se révèle très vite irréaliste … cette première campagne du Portugal résume et annonce les caractéristiques de la guerre d'Espagne :
- la déposition d'une dynastie légitime, une offense pour le peuple qui n'a pas été prise en compte
- l'engagement militaire dans un pays dont les Français méconnaissent … la géographie … les mentalités
- leur illusion de rallier assez d'indigènes " éclairés"…
- l'emploi et le comportement de troupes jeunes et peu aguerries habituées à vivre sur l'habitant ...
- un corps d'officiers supérieurs trop occupés à s'enrichir et qui a souvent négligé ses tâches de commandement
- le commandement suprême remis à un homme qui n'en avait pas toutes les compétences ...
enfin et surtout, le fait que tout est pensé et décidé par l'empereur … ses exigences … ont privé le commandement local de toute initiative...]
(2)Rien donc que Napoléon lui-même aurait pu corriger avant d'aller s'enfoncer plus encore.
[Metternich tire des conclusions : "
La guerre contre l'Espagne nous divulgue un grand secret : celui que Napoléon n'a qu'une armée, sa grande armée … les revers des Français sont importants à observer parce-qu'ils prouvent que des milliers de conscrits français livrés à eux-mêmes … ne valent pas mieux que de nouvelles recrues de toute autre nation..." ... dès septembre 1808, l'empereur décide la mobilisation des exemptés des classes 1806-1809 puis la levée anticipée de la classe 1810.
Ainsi dispose-t-il de 180 000 hommes supplémentaires qu'il reste à instruire. N. entrera donc en Espagne avec ses
"vieilles bandes" qu'il fait revenir d'Allemagne. … La campagne d'Espagne est une des plus courtes de N..
Entré en Espagne le 4 novembre 1808, il en repart le 19 janvier 1809, c'est aussi une des plus remarquables … du côté français,
les effectifs engagés sont considérables. A l'armée d'Espagne proprement dite qui atteint 110 000 hommes viennent s'ajouter les 6 corps d'armée amenés de tout l'empire et des états vassalisés soit 243 000 hommes.
Ainsi aux troupes jeunes … vont être associés des effectifs aguerris, bien équipés, bien commandés et qui n'ont jamais ou presque connu la défaite … Le commandement réunit … Bessières, Jourdan, Lannes, Lefebvre, Moncey, Mortier, Ney, Soult, Victor … Sébastiani, Belliard, Pinot, Souham, Lagrange, Suchet, L.-Desnouettes, Lassalle …]
(3)Cependant il semble que N. ait oublié qu'il pouvait y avoir des "
patriotes" aussi chez "
les Barbares" ; à ceci nul n'y peut.
Il semblerait que cette erreur soit récurrente face à la Russie. L'empereur avait été prévenu de cette campagne par les "vieux" mais il n'était plus capable d'évaluer les risques. Vous le démontrez vous-même avec cette épine de l'Espagne, l'éloignement qui aurait pu causer l'entrée en guerre de la Prusse ou de l'Autriche voire des deux alors que N. était à Moscou.
C'était, en effet "le début de la fin" (Talleyrand). Moi je l'aurais mise déjà avec l'Espagne, sachant la Russie plus sur la même longueur d'onde et en droit d'estimer
"Tout pour la Russie", l'Autriche plus que louvoyante et le Royaume-Uni toujours bien présent, les deux royaumes pouvant tout autant estimer du même.
Je n'ose croire que N. a compté sur son union -accordée par l'Autriche pour respirer- et un nourrisson sensé initier une dynastie qui allaient décider du sort des peuples et de leurs dirigeants asservis, qui savaient -eux- ce que le mot
"dynastie" peut représenter. On ne crée pas une dynastie avec des concepts issus d'une Révolution, en tenant compte des hommes qui l'ont faite et du bilan. On le verra en France avec l'éjection tant de Charles X que des Orléans : on ne s'impose pas, pas plus que l'on impose un régime à des peuples dont le joug fait prendre conscience des mots "
liberté", "
patrie", "
fédération", "
nation".
(1) "La Campagne de Russie" - C. Cate
(2) (3) "Napoléon et la guerre d'Espagne" - J-Joël Brégeon
Désolée pour la longueur : difficile est la connection...
PS : on attend d'un bon général qu'il gagne, si N. avait eu Wellington en Espagne au lieu de Soult -par exemple-, il en aurait été bien aise.
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