Tolan a écrit :
'ai l'impression que vous avez un peu d'aprioris sur l'ancien régime: "la Noblesse qui ait en tutelle les paysans." Comment ça?
L'expression n'est pas très "heureuse" : j'ai essayé de faire "court", pour une fois.
A vrai dire je m'interroge sur le rôle exact de la noblesse en province.
Vu que le "noble" n'a plus certains devoirs vis à vis des paysans parce-que les temps ont changé, il a dû -j'imagine- s'adapter. 10 % de rien, c'est rien donc le noble a tout intérêt à s'impliquer.
Je n'ai pas osé le mot "partenariat" mais il faut une interaction qui ne peut être bénéfique que pour les deux parties.
Oliviert a écrit :
Goubert n'est pas très clair sur ses estimations, "une bonne part" pouvant signifier entre 40% et 90%, et il ne donne pas, dans cet extrait, le taux global d'alphabétisation, donc on ne sait pas sur quel chiffre total s'applique la "bonne part". Et je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.
La phrase était : [... l'immense monde de ceux que l'on peut définir à l'instar de Goubert (3) etc.]
(3) dans sa synthèse sur
l'Ancien Régime.
Merci pour le lien. Nous avons les mêmes sources "redécouvertes et rajeunies (Maggiolo) et exploitées par Fleury et Valmary dans une article de "
Population" en 57.
Le questionnement même de Furet quant à la validation : savoir signer = savoir lire est évoqué. Et l'on peut -je ne m'avance que pour ma région- largement diviser par 2, de plus elle est évidente. Faire ensuite un sous-dossier : intérieur des terres, bord de mer et l'on constate que par exemple le bord de mer du Finistère est plus alphabétisé que l'intérieur des terres, c'est le contraire dans les Côtes d'Armor, c'est équivalent dans le Morbihan et en Ille et Vilaine c'est assez catastrophique. De nos jours encore, l'intérieur des terre (Le Coglès) présente de grosses difficultés.
Citer :
car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.
Pour être d'origine rurale, je puis vous dire que c'est le cliché type du citadin.
Le paysan sait dire le temps de demain à ses rhumatismes, il est roublard plus qu'intelligent pourquoi ? Sans doute parce-qu'il voit plus de renard et, à l'observation devient plus futé -car il a lu La Fontaine- quant aux champignons son bon sens lui dit d'éviter et qu'une bonne salade de pissenlits fera l'affaire.
Citer :
Ce qui n'est pas clair pour moi, c'est votre définition du mot "liberté" et la raison pour laquelle vous la mettez au centre de la révolution... J'adhère volontiers à l'idée exprimée par l'historien Hippolyte Taine ... selon lequel la révolution française fut principalement dirigée contre la famille royale...
Je pense plus que la Révolution fut dirigée -nous reviendrons sur "dirigée"- sur des symboles. C'est parlant à tous.
Dans un premier temps les symboles sont haïs et nait une épouvantable idée : et si l'on éliminait ces gens, le mal partirait...
Cette idée très simple, partagée, susurrée au début va prendre de l'ampleur d'autant qu'elle est alimentée lorsque la mayonnaise retombe. Il va falloir tenir. Se reconnaissant alors chez le voisin, assuré que plus loin "c'est pareil" etc. Il va y avoir débordement. Mais ceux qui déborderont les premiers seront les grands perdants de l'aventure.
La bourgeoisie produit et engrange. Va-t-elle un jour ne plus conceptualiser et risquer de tout perdre ? Sans avoir jamais goûté du gâteau ?
[
La classe dont le statut juridique est la roture qui -à la ville comme à la campagne- groupe ... ceux qui se situent en position de domination économico-sociale ... antagonistes des privilégiés non engagés dans ces mêmes rapports sociaux où elle postule consciemment ou inconsciemment (je n'en crois rien)
un autre appareil d'Etat et à la longue un autre cadre productif.]
Cette tranche est très pragmatique. Elle a lu les "Lumières" mais retient que "ceci peut servir" et songe que l'élimination touchera forcément certains, ce qui n'est pas pour déplaire du moment que ce soit le voisin. Alors la Révolution oui mais la canaliser, c'est mieux.
Les Lumières ont aussi eu leurs fan-club avec les despotes éclairés, ce n'est pas pour autant que les choses ont changé, on apprécie, on échange dans les salons, on discute et c'est d'autant plus excitant que c'est transgressif, on se gorge de mots sans voir que l'on côtoie l'abîme. C'est cette petite longueur d'avance qui va être optimisée.
C'est connu : la bourgeoisie est "voltairienne" et l'aristocratie "frivole". Nous n'allons pas abonder ce style de cliché.
Le monde paysan a-t-il une revendication "politique" ? Dans les cahiers le loyalisme monarchique est réaffirmé.
[...
"Le roi de France ne sera reconnu en Provence que sous la qualité de comte de Provence..." (Vitrolles) ... "
... aux bénéfices... SM présentera seulement des Catalans" (noblesse du Roussillon) etc.]
Les revendications sont centrifuges, les cahiers d'une partie de la noblesse et du clergé rejoignent parfois, en d'autres termes, ceux des paysans. L'attaque de l'absolutisme passe par la dénonciation de l'intendant, la condamnation du système judiciaire (arbitraire des lettres de cachet), fiscalité inégalitaire et irrationnelle. En ceci une convergence est évidente, simplement les mots sont différents.
Les soulèvements ruraux existent tout autant que les soulèvements urbains mais... [
... la majorité patriote (je ne vois pas ce que vient faire le qualificatif)
n'ignore pas que c'est des "feux de la sédition" qu'elle tient son pouvoir...]. L'analyse politique est prompte alors à corriger l'impulsion de premier moment. Si le bourgeois est trop effrayé, il va retirer son argent, nerf de toute "guerre" et le cacher ; il faut donc avoir plusieurs discours ou plutôt un discours où chacun se retrouve. On est d'accord, il faut éliminer... Ce sera fait à tous niveaux et compris pour que chacun y trouve son compte tant dans le symbole que côté pragmatique : après les lois de Prairial, est anti-révolutionnaire celui dont je veux me défaire.
A ce moment, il faut un déclic "soft" mais ordonné, pensé pour que l'union se fasse autour d'une évidence. Il faut commencer par doser l'ampleur des réactions et ne pas encore évoquer le mot "chaos" ou "révolution" mais tumulte. Canaliser ceci pour reformer le front antiprivilégié propice à un nouveau droit bourgeois et la force immense de l'insurrection paysanne aidera à bien mener l'affaire. [...
comme le dit un député, ceci ne va pas sans quelque "magie", cela s'appelle la nuit du 4 août.]. C'était mon retour au PP "
dirigé".
C'est aussi pour ceci que le mot "Liberté" est pour moi, le seul. Pour le reste je n'y vois que manipulations et folie d'égo chez la plupart. Que dans des éclairs de sagesse, il en soit sorti du "bon", c'était bien la moindre des choses. Mais le grand perdant reste le paysan.
Citer :
... alors que le mot le plus important de la devise nationale pour les révolutionnaires me semble être le deuxième, qui est "égalité",
Citer :
...c'est assez évident et banal que les révolutionnaires promettent beaucoup au peuple et finissent par obtenir assez peu de bénéfices pour le peuple.
C'est un peu comme la foi, le père noël, le lapin de Pâques et autres. Chacun s'en détache pour diverses raisons à des âges divers, d'autres s'y attachent de la même manière. Elles sont toutes compréhensibles et à respecter tant que l'on est honnête vis à vis de soi-même.
Je ne crois pas à l'égalité, je pense n'y avoir jamais cru car il faut une bonne dose d'optimisme mâtiné d'espoir et de foi dans le genre humain. J'ai assez vite pigé qu'il existait un vaste chemin entre "
donner l'exemple" et "
exiger qu'on le reproduise".
On "ne donne pas l'exemple", on "
montre" l'exemple et ensuite on redevient ce que l'on est mais celui qui est dominé se doit d'exécuter la farce.
Ceci un enfant de 4 ans dans son : "
c'est pas juste", peut en faire la démonstration pour peu qu'on l'écoute.
Pierma a écrit :
La rédaction des cahiers de doléances a été largement collective. Il n'est pas besoin de savoir écrire pour exprimer son avis auprès du rédacteur du village ou du chef-lieu. (S'ils ne savent pas écrire, au moins savent-ils compter ce qu'on leur prend.)
Concernant les paysans, il est démontré que le bouche à oreille fonctionne, le colporteur laisse quelques feuilles et une majorité en écoute la lecture.
Pour exprimer un avis, il faut un certain nombre de mots au compteur, voici pourquoi -comme vous l'écrivez- les campagnes vont s'exprimer de manière brutale ce qui est bien souvent la seule manière pour se faire comprendre, faute de mots.
Les textes demandent parfois non une lecture brutale ou s'arrêtant au premier degré. Les nuances sont aussi très appréciées et très importantes pour un historien.
Les historiens à l'esprit que je qualifierais "d'un peu bourrin" (ceci va être compris puisque j'évite la nuance), on les retrouve toujours sur les mêmes terrains, sous les jupes de l'Histoire.
Citer :
J'ajouterai une chose : même analphabète, un paysan n'est pas forcément un cretin.
Laissez cette facilité... Ce qui va de soi n'a pas à être ajouté ou souligné.
Citer :
Ils ont parfaitement compris quelle mascarade représentait la nuit du 4 août - 5 jacqueries avant qu'on cède finalement à leurs exigences en août 1792. Analphabètes, mais capables de comprendre qu'on les prenait pour des dindons de la farce et que le mot liberté n'avait pas le même sens dans les salons parisiens que dans les campagnes.
Nous sommes bien d'accord.
Ils ont compris qu'ils étaient les dindons de la farce car hors Paris et accessoirement les grandes villes, si l'on s'inquiète de cette frange, c'est pour s'assurer d'être approvisionné en blé, en moutons à tondre, en excités lorsque le besoin s'en fait sentir, en potentiel à exploiter lorsque le moment viendra, en autant d'alouettes à qui l'on montrera des miroirs etc. Pour ces gens, il faudra du concret à petites doses pour ne pas laisser retomber le soufflé et l'octroi d'une liberté un peu primaire qui consistera à les laisser se jeter sur les symboles, détruire ce que l'on ne peut atteindre. Maintenant, on se gardera d'apprendre "la liberté", c'est bien, c'est mieux car le chemin sera plus long et on pourra d'autant plus canaliser, manipuler...
Lorsque le temps faisant, ceci ne sera plus guère d'actualité, on trouvera des ailleurs de majorités à "éduquer" selon le logiciel le plus "payant" pour une minorité.
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