Bonjour,
Jefferson a écrit :
Je crois au contraire que la bourgeoisie d'affaire a été la grande gagnante de la Révolution française. La bourgeoisie tout court, d'ailleurs ... Il y a eu un rendez-vous manqué, à mes yeux. Le pacte social, c'est à dire la dissolution des intérêts particuliers dans l'intérêt général, aurait pu suivre la Révolution.
La Révolution s'imposa au peuple et à ses mandataires. Le nombre qui n'avait rien à perdre -ou si peu- menaçait d'entraîner ses notables au-delà de leurs intérêts qui étaient ceux de groupes nantis non de la nation. La bourgeoisie des fonctions, de la terre, du commerce qui tentaient de gouverner et d'administrer se détache de l'action populaire.
Il y a une Révolution "d'en haut" (intentions, attitudes, réalisations...) et une Révolution "d'en bas" qui pousse tout devant elle.
Accélérateur et frein agirent sur le déroulement de cet épisode.
Les faveurs concédées à la propriété en encourageant l'individualisme agraire, la part que s'accorda la bourgeoisie dans la vente des biens d'émigrés provoqua des engagements politiques très conditionnels. En se marquant à "droite" le gouvernement ne pouvait compenser les défections de la gauche. Assurer la défense nationale et le ravitaillement du pays nécessitait des sacrifices de la part de tous : la mentalité collective acceptait ; individuellement ceci fut redouté.
Des constructions artificielles se plaquèrent sur la vieille société, ne fut bâtie en "dur" que l'armée.
L'entreprise nationale se vit pourvue et s'attacha les patriotes zélés (employés, fonctionnaires...) mais pour tenir la place, ils forcèrent l'attitude : soumission et conformisme seront -pour les gouvernants- un paravent aux véritables sentiments populaires.
Les ouvriers des ateliers d'armes et des arsenaux, sans-culottes éprouvés, trouvèrent dans leurs conditions de travail et leurs salaires maximés des raisons pour s'unir contre les exigences de l'Etat, ce qui favorisa l'éclosion d'une certaine conscience de classe. Les paysans furent plus sensibles à la taxation qu'aux réquisitions de denrées et aux levées d'hommes qui -chez les jeunes- résorbèrent le chômage et l'indigence.
Je pense qu'en effet le "petit peuple" fut le grand "perdant".
Outre la/les bourgeoisies, la grande gagnante fut l'espérance : jamais dans leurs projections sociales, les hommes ne s'étaient portés aussi loin. On put le mesurer aux réactions de l'étranger (suppression des loges maçonniques, interdiction des ouvrages suspects, vote de l'
alien bill...).