Ebelsberg est un petit village, surmonté d'un chateau médiéval, sur la Traun, rivière affluente du Danube.
Le matin du 3 mai 1809, la cavalerie légère du général Marulaz, en avant-garde du 4ème corps de Masséna, est en approche. Du côté français, le terrain est plat comme la main. Le pont sur la Traun est long, très long : 460 mètres.
Marulaz conclut immédiatement à l'impossibilité de passer facilement, car plusieurs corps de troupes autrichiens, des corps de Hiller, finissent leur franchissement, tout en ayant disposé des unités et de l'artillerie dans Ebelsberg pour protéger leurs retardataires.
Parmi eux, un jeune général du nom de Radetzky veille au franchissement des unités. Il deviendra célèbre bien des années plus tard.
Arrive alors, par la rive française, la première division du corps de Masséna, commandée par le général Claparède, et sa première brigade, commandée par le général Coehorn. Chauffés à blanc par les ordres de l'empereur ("passez les ponts") et sans attendre les directives de leur maréchal resté en arrière, les deux généraux, malgré les conseils de Marulaz, lancent leurs compagnies sur le pont.
Les pertes sont lourdes, mais les premiers bataillons français, dont les fameux tirailleurs corses, atteignent la porte d'Ebelsberg, la franchissent ... et se retrouvent plongés dans l'enfer d'un combat de rues, des rues en pentes qu'il faut gravir sous le feu des autrichiens.
La brigade Coehorn se dissout dans Ebelsberg, Claparède arrive avec sa deuxième brigade, et s'enferre à son tour dans le village, sans parvenir, ni à déboucher, ni à prendre le chateau transformé en redoute par l'ennemi. C'est maintenant toute la division Claparède qui est en train de s'anéantir littéralement.
Le général Legrand arrive en renfort avec la deuxième division du 4ème corps. Des batteries d'artillerie sont mises en position, mais leur tir, de l'autre côté de la Traun, est inefficace en raison de la déclivité et ne parvient pas à soutenir les fantassins qui, unités après unités, s'engouffrent dans Ebelsberg.
Pris de rage, les combattants des deux camps se livrent alors à une bataille sauvage dans une localité qui prend feu sous les tirs d'obusiers.
Finalement, les autrichiens pour qui ce combat n'avait rien d'essentiel se replient, ou du moins ce qu'il en reste. Legrand, qui a rejoint Claparède en pleine rue, l'a trouvé éperdu, devenu incapable de gérer des unités disloquées par les combats et l'incendie.
Les français ont pris Ebelsberg. Pour rien. Le spectacle horrifiera tous ceux qui passeront par cette position, entre le village ruiné et, surtout, tous ces morts calcinés par l'incendie et sur les cadavres desquels passent les convois d'artillerie en produisant d'abominables craquement sur les os des morts.
Masséna est moyennement heureux de cette imbecillité, mais couvre son divisionnaire. Napoléon apprécie peu cette boucherie inutile qui n'apporte rien à la gloire des aigles, mais baste : on continue à avancer vers Vienne, à marche forcée.
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
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