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 Sujet du message : La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:17 
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Jean Froissart
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De toutes les campagnes militaires de l'empire, celle qui curieusement semble la plus oubliée est celle de 1813.

Les campagnes de 1805, 1806, 1812 ont fait couler beaucoup d'encre sans parler de celle de 1815.

Si l'on jette un œil aux publications de ces dernières années, on constate rapidement, mais c'était déjà vrai auparavant, que celle de 1813 reste dans l'ombre, sauf à lire le toujours génial "conscrit de 1813" d'Erckmann et Chatrian mais ça date un peu ...

Gamin, j'ai découvert les guerres de l'empire en lisant "le conscrit de 1813" qui reste peut-être le roman le plus épique écrit sur la période.

Ensuite, on lit Georges Blond qui en parle peu dans sa "Grande Armée", Tulard qui ne l'évoque que comme le commencement de la fin ... Ah oui, dans le monumental "Napoléon" écrit sous la direction de Jean Mistler, un général en retraite avait commis un article fort bien tourné qui avait attiré mon attention sur la guerre de 1813 mais il n'en restait finalement que l'image d'Epinal du pont de Leipzig s'effondrant sous les dernières unités en retraite et la mort héroïque du Maréchal Poniatowski.

Bref entre la catastrophe de 1812 et Waterloo le rêve était passé ...

Mouais ...

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


Dernière édition par La Saussaye le 26 Déc 2018 1:23, édité 1 fois.

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:18 
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Quand en novembre 1812 les débris de la Grande Armée, à peine 16 000 survivants sur une armée internationale de 525 000 hommes, repassent le Niémen vers l'ouest, la campagne de Russie prend fin et semble ouvrir le cœur de l'empire napoléonien à une armée impériale russe triomphante.

Il n'en est rien.

Les armées russes sont presque aussi affaiblies par leur offensive d'hiver que les français et leurs alliés par leur catastrophique retraite.

On le sait peu, mais certaines divisions russes arrivent sur le Niémen dans un état de délabrement physique proche des vaincus, et les effectifs ont subi de terribles coupes sombres. C'est que la grande poursuite a eu lieu à marche forcée, et les régiments du tsar, comme l'ennemi, n'avaient pas prévu d'affronter des froids de - 40° ...

Il va leur falloir près de six mois pour remonter en puissance, et être capables par leurs renforts de rentrer en Allemagne.

Le centre de l'Europe est en décembre 1812 un gigantesque creux militaire ...

En février 1813 la Prusse repart à l'attaque. La décision du général Yorck (pas encore von Wartenburg) de séparer son corps prussien des corps français est enfin validée par le Roi, qui accepte, sous la pression patriotique des généraux Scharnhorst et Gneisenau, de déclencher une mobilisation générale des volontaires contre l'empire français.

Encore faut-il en rabattre un peu quand à ce grand appel des volontaires : ils seront 45 000 à répondre et, pour reconstituer une armée prussienne de libération, on fait appel à la conscription qui a fait ses preuves en France depuis 20 ans.

Les autrichiens, qui avaient prudemment participé à la campagne de 1812 avec un corps d'armée d'observation commandé par le Maréchal Schwartzenberg, sont revenus sur leurs bases et attendent.

Napoléon, abandonnant sur place les débris de ses divisions, est rentré à Paris en novembre. Pas pour se reposer : pour reconstituer une armée.

Et cette armée reconstituée va faire trembler l'Europe des Princes.

Il va s'ensuivre une campagne militaire géante, qui va durer cinq mois et mettre le feu dans toute l'allemagne centrale.

Les russes sont épuisés par leur victoire, leurs régiments sont décimés. Il faut recomposer les divisions, reconstituer l'artillerie et remonter toute la cavalerie. Plusieurs mois sont nécessaires pour que l'empire envoie vers la Pologne tous les éléments nécessaires.

L'armée russe ne redevient opérationnelle qu'en avril 1813.

Les prussiens veulent se battre ... enfin, surtout leurs chefs dans un premier temps. Le grand appel aux armes et aux volontaires n'amène que 45 000 volontaires de janvier à mars 1813, alors la Prusse se lance dans la conscription et en moins de trois mois met sous les armes plus de deux cent mille hommes, mal formés, pas très bien armés et équipés, mais pour qui il s'agit de libérer le royaume de l'envahisseur français.

Et les français reviennent dans le centre de l'Allemagne, en Saxe.

C'est la stupeur lorsque l'on apprend que Napoléon, peu de mois après le grand désastre, est à moins de cent kilomètres de Berlin, et pas seul : avec plus de quatre cent mille hommes ...

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:19 
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De février à mars 1813, Napoléon a en effet recomposé à force une armée énorme constituée essentiellement d'une conscription géante. Plus de 200 000 jeunes français sont appelés sous les armes et enrégimentés en moins de quatre mois. On les appellera les "Marie-Louises".

Des renforts du grand empire sont rappelés également, mais ils viendront essentiellement du royaume d'Italie et des alliés allemands, car en Espagne ça brûle : Wellington et ses anglo-portugais font subir aux troupes d'occupation françaises de véritables désastres, et le royaume de Joseph s'effondre rapidement.

L'infanterie est reconstituée à une vitesse qui donne le tournis. L'artillerie est également recomposée, mais pose tout de suite un problème : si le matériel (bois des affuts et bronze des canons) peut être rapidement sorti des arsenaux français, les artilleurs eux-mêmes sont jeunes, mal formés comme leurs camarades fusiliers : on a pas le temps, on les équipe en quelques semaines et en avant vers l'Allemagne.

On a terminé de vider les arsenaux de Louis XVI des réserves de roues et d'affuts. Les nouvelles pièces de bois pour l'artillerie sont jeunes, fragiles : elles se brisent facilement. La moitié de l'artillerie française va finir sur le bord des chemins ...

Pour la cavalerie, c'est encore plus grave : on ne forme pas un cavalier de bataille en six semaines et, pire, il faut des années pour qu'un cheval soit opérationnel. La cavalerie française sera squelettique pendant la campagne de 1813 : peu de chevaux ou mauvais, pas assez de cavaliers.

Moyennant quoi, fin mars 1813, à la stupéfaction des alliés, une armée française géante est postée à moins de cent kilomètres de Berlin, prête à attaquer.

L'empire français n'est donc pas mort, il va falloir mettre la gomme pour tuer ce cadavre qui bouge encore et va brûler le centre de l'Allemagne pendant six mois.

L'armée russe est longue à rentrer en campagne. L'armée prussienne, très jeune dans ses enrôlements, n'est pas prête. Ils s'attendent ...

Ce délai des prussiens à attendre le grand renfort russe permet à Napoléon de se repositionner en plein centre de l'Allemagne, et d'empêcher stratégiquement toute jonction entre les russo-prussiens et les autrichiens, alliés de plus en plus incertains et même dangereux pour l'empire.

Ce n'est que lorsque les premiers corps d'armée russes passent les frontières du grand-duché de Varsovie et viennent se joindre aux divisions prussiennes que l'ensemble des coalisés s'ébranle pour rejeter une fois pour toutes les français de l'autre côté du Rhin.

Entretemps Napoléon a largement repris ses esprits, et avec pas moins de quatorze corps d'armée d'infanterie, il décide comme à son habitude de prendre l'offensive.

La première rencontre, le premier choc, va avoir lieu le 2 mai 1813 près des villages de Grossgörtchen et Lützen.

Ce premier choc va être terrible.

Ce matin là, le sixième corps français progresse quand il se heurte, sans repérage préalable par manque de cavalerie, sur les avant-gardes russes et prussiennes.

Il est dix heures du matin quand les combats démarrent et sont tout de suite d'une extrême violence. Les artilleries font des coupes sombres dans les lignes des deux camps, car les deux armées sont formées de soldats peu entraînés, qu'il faut tenir serrés au coude à coude pour qu'ils tiennent leurs rangs.

Le sixième corps se met alors en carrés géants de régiments d'infanterie qui se font tuer par dizaines d'hommes, pour tenir la ligne, en attendant l'arrivée de renforts.

Pendant qu'en face le maréchal Blücher hésite à pousser son avantage, en face c'est Napoléon en personne qui arrive, à la tête de deux corps d'infanterie et du corps devenu hypertrophié de la garde impériale, dont sa division de marins de la garde.

Pour la première fois de l'histoire de France en effet, l'infanterie de marine va charger sur un champ de bataille terrestre.

Cette division de la garde de l'infanterie de marine très particulière est constituée de troupes de marines et d'unités d'équipage qui, inutiles en France compte tenu du blocus anglais, ont été retirées de leurs navires pour venir faire le coup de feu en Saxe.

Sur la marche du "pas de charge de la marine impériale", ces 12 000 hommes viennent alors renforcer les régiments du sixième corps qui souffre, et le soutiennent pendant que les régiments de grenadiers, chasseurs à pied, voltigeurs et tirailleurs de la garde, soutenus par leur propre artillerie, se déploient à leur tour.

La contre attaque française prend de plein fouet les prussiens, qui entament une retraite de plus en plus rapide et finalement abandonnent le champ de bataille.

Lützen est une victoire française, laborieuse, sanglante, mais victoire tout de même. Sauf qu'elle ne résout rien.

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:25 
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Quinze jours plus tard l'ensemble des masses des différentes armées a inondé la Saxe et le sud de Berlin.

Napoléon est pris en équerre : d'une part son objectif tactique reste de remonter vers le nord, vers Berlin afin de dégager les nombreuses garnisons françaises restées en arrière à la fin de la retraite de Russie. D'autre part il se méfie de son flanc sud, d'ou ses alliés autrichiens devraient intervenir, oui mais contre qui ?

Fin mai l'empereur sent qu'il tient enfin l'ennemi. Les troupes russo-prussiennes du général Witgenstein sont à portée de main. C'est le centre des coalisés.

De part et d'autre de la rivière Spree, le général russe a considérablement fortifié ses positions. Le 19 mai les généraux Barclay de Tolly et Yorck ont mis à mal le cinquième corps français, dont la division italienne a été démantelée par une attaque de nuit.

La bataille de Bautzen commence le 20 mai 1813 au petit matin. Le plan de l'empereur est de saisir l'ennemi au centre, et de le tenir jusqu'à ce que le maréchal Ney l'ait contourné par le flanc.

Des dizaines de pièces d'artillerie donnent, sur plusieurs endroits du champ de bataille. Le canon est lentement en train de voler la vedette à l'infanterie et la cavalerie ... Au centre du champ de bataille ce sont 60 canons français qui pilonnent les lignes russes pendant que le 6ème corps passe la rivière.

Au soir du 20 mai l'ensemble des corps français a prononcé sa progression. Les corps russes et prussiens ne parviennent pas à les freiner. Mais Ney est en retard et la manœuvre de débordement dont il devait être le maître d'œuvre échoue.

Bautzen est une victoire incontestable, mais coûteuse en vies humaines et qui, comme Lützen, ne résoud rien. Au soir de la bataille l'empereur apprend que les corps ennemis se sont repliés sans avoir vraiment pliés. Ils n'ont rien abandonné aux français que leurs morts et leurs blessés.

"Pas un canon, pas un drapeau ?" rage l'empereur qui a cette phrase : "Bon dieu, ces gens là ne me laisseront pas un clou !"

Ce qui va freiner les français et leurs alliés polonais, wurtembergeois et saxons (les bavarois se sont mis en retrait depuis le désastre de Russie, ils sont en train de changer leurs alliances politiques) relève de deux facteurs.

D'un point de vue militaire, Napoléon est parfaitement conscient qu'il manque de cavalerie et d'artillerie.

La belle, la grande cavalerie de l'empire, a été scindée en deux en 1812. Pendant que la quasi-totalité des régiments de dragons étaient engagés en Espagne, les divisions géantes formées au printemps 1812 ont, plus rapidement encore que leurs sœurs de l'infanterie, disparu dans les plaines russes. L'artillerie, n'en parlons pas : pas une pièce de canon, forcément, n'a repassé le Niemen.

Il faut ramener de la cavalerie expérimentée d'Espagne, former de nouveaux régiments en France et en Allemagne, avec de jeunes cavaliers inexpérimentés et des chevaux trop jeunes pour le service en campagne.

Il faut reconstituer l'artillerie : depuis dix ans on n'a pas cessé de puiser dans les arsenaux de Louis XVI ou les éléments en bois des affuts et des charrois, soigneusement préparés depuis 40 ans, séchaient doucement jusqu'à devenir durs comme du fer.

Les arsenaux sont vides.

Les manufactures, mises à contribution dans l'urgence, vont parvenir en quelques mois à rééquiper l'armée de plus de 1 000 pièces, mais les affuts sont en bois vert (ils craquent et se fendent dans les défauts de terrain) et les charrois sont eux aussi fragiles. Baste, il faut des canons, et ces canons vont malgré tout arriver de plus en plus rapidement par Mayence vers la Saxe et les points de regroupement.

D'un point de vue politique et diplomatique, l'empire commence à se sentir dangereusement dépourvu d'alliés de grande ampleur. Particulièrement ici, il s'agit de l'Autriche.

Vaincue en 1809 à Wagram, l'Autriche a donné une impératrice à la France en 1810. En 1812, un corps de soutien (qui n'a rien soutenu) de plus de 45 000 hommes a couvert le front sud de l'armée géante entrant en Russie.

Napoléon se persuade que l'Autriche, pour des raisons dynastiques a priori logiques, va le soutenir dans l'épreuve.

Quand en mai le chancelier impérial Metternich propose à l'empereur des français une médiation et surtout un armistice temporaire, Napoléon accepte.

Il vient de commettre la plus grande erreur, peut-être la plus définitive de tout son règne.

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:26 
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Jean Froissart
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L'armistice de Pleiswitz, signé le 4 juin 1813, est un magnifique jeu de dupes diplomatique, mais ce sont les français qui vont en sortir totalement perdants.

Ni les prussiens ni les russes ne veulent la paix tant que les armées françaises n'auront pas au bas mot évacué toute l'Allemagne.

Mais Napoléon est à Dresde, en plein cœur de l'Allemagne précisément, avec encore plus de 300 000 hommes, et il attend ses renforts d'artillerie venant de France et de dragons revenant d'Espagne.

Son huitième corps d'armée, commandé par le Prince Poniatowski, et son cinquième corps de cavalerie sont formés de troupes polonaises.

Va-t-il abandonner cette Pologne pour laquelle depuis 1807 les français ont tant fait de sacrifices, et ces polonais qui depuis plusieurs années se dépensent sans compter pour la grande France et son empereur ?

Et puis, dans toute une série de places fortes maintenant isolées des lignes, ce sont plus de 50 000 soldats français et alliés, intacts car n'ayant pas participé à la campagne de Russie, qui sont encerclés et qu'il faudrait récupérer d'une manière ou d'une autre.

Le front nord et nord-est est donc très fragmenté, mais l'empereur pense encore le contrôler.

Il n'y a pas pour le moment de front sud, puisque l'Autriche ne pourrait quand même pas déclarer la guerre au gendre de son empereur. Vraiment ?

Du 4 juin au 10 août 1813 se déroule le congrès de Prague, censé permettre aux belligérants, sous l'amicale pression autrichienne, de trouver des solutions au conflit en cours.

Ce congrès sera une comédie diplomatique, dont le chef d'orchestre sera le Chancelier impérial Metternich lui-même, car l'Autriche s'est réarmée lentement mais sûrement depuis 1810, et sa volonté politique est sans équivoque. Pour Metternich et l'empereur d'Autriche, gendre ou pas Napoléon et la France post-révolutionnaire doivent être mis à la raison une bonne fois.

Le résultat est de type arithmétique : quand le 10 août Metternich met fin dans des conditions scandaleuses au congrés par le déni pur et simple des propositions de paix françaises, les forces en présence sont dorénavant les suivantes :

Napoléon commande encore 300 000 hommes parfaitement positionnés d'un point de vue stratégique.

Au nord deux armées se sont formées : l'armée de Silésie, russo-prussienne, commandée par Blucher, dispose de 90 000 hommes. L'armée du Nord, commandée par Bernadotte devenu Prince héritier de Suède, compte 80 000 hommes.

A l'est le général Bennigsen arrive avec 80 000 russes et prussiens.

Et au sud une armée nouvelle, l'armée de Bohème, commandée par le maréchal Schwartzenberg qui va devenir le généralissime de la coalition, formée de troupes autrichiennes, russes et prussiennes, dispose de plus de 230 000 hommes en premier échelon.

Plus de 350 000 hommes constituent les deuxièmes échelons de ces armées, qui disposent ainsi de réserves inépuisables.

C'est en fait un ensemble inouï de près d'un million d'hommes dont les alliés disposent, mais en quatre armées très éloignées les unes des autres. Ces armées disposent de près de 1 600 pièces d'artillerie de tous calibres. Jamais dans l'histoire un tel ensemble humain n'a été créé pour faire la guerre.

Il leur faut réussir à organiser un regroupement géant de toutes ces forces pour vaincre "l'ogre".

Napoléon, pour sa part, est en position centrale dans un premier temps face à ces armées qui convergent lentement. Il peut, il doit les frapper l'une après l'autre et les empêcher à tout prix de se réunir.

Mais les alliés ont subi mais aussi observé les tactiques françaises depuis 1805, et de surcroît un homme, écouté par le Tsar Alexandre, lui fait part d'une remarque de bon sens.

Ces deux facteurs, une capacité tactique nouvelle apprise dans la douleur et le sang qui consiste à imiter les français trop souvent vainqueurs, et des conseils avisés, vont tout changer.

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 1:57 
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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 8:30 
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Pierre de L'Estoile
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Cette mémorable Campagne restera comme celle du triomphe du courage, inné dans la jeunesse Française
Napoléon

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 11:40 
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Jean Mabillon
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très intéressant cher Lassaussaye.

Je pense que si on parle peu de cette campagne en France c'est qu'elle se termine mal pour nous... mais aussi qu'elle est finalement assez peu "militaire" : à un contre deux les Français ne pouvaient pas gagner Leipzig.. Donc cette campagne était dominée par l'élément diplomatique : si l'Autriche était restée neutre, ou mieux encore était restée alliée à la France, la coalition prusso-russe n'aurait pu l'emporter ...mais l'Empereur ne pouvait raisonnablement résister à l'alliance des trois puissances continentales qu'il était toujours parvenu à diviser jusque là.

Rappelons les étapes successives (en laissant de côté les Anglais) : 1800 : Autriche seule. 1805 : Autriché et Russie. 1806-1807 : Prusse et Russie. 1809 : Autriche seule.

Les triomphes impériaux de 1800 à 1809 furent aussi (voire d'abord ?) le fruit des succès diplomatiques ayant empêché la création d'une coalition des trois puissances continentales. En 1813, les Coalisés l'ont emporté par leur masse et non par la finesse de leurs mouvements ...


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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 12:43 
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Merci du récit, La Saussaye!


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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 13:03 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Merci pour ce résumé clair et concis La Saussaye, très intéressant.

Citer :
Mais les alliés ont subi mais aussi observé les tactiques françaises depuis 1805, et de surcroît un homme, écouté par le Tsar Alexandre, lui fait part d'une remarque de bon sens.
Par curiosité ... qui?


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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 15:52 
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Marc Bloch
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Merci La Saussaye !
Mon fils étant à Dresde je me suis intéressé en dilettante à la bataille d'août 1813 qui fut la dernière victoire avant l'échec de Leipzig. Victoire qui n'a pas été mise à profit.
Un détail qui donne une idée de la qualité des troupes françaises qui pourtant comportaient beaucoup de "Marie Louise". Pour renforcer Gouvion Saint Cyr qui était menacé sur Dresde, Napoléon décida de le renforcer le 23 août.La Garde effectua 145 kms en 3 jours et deux corps de jeunes recrues ont effectué 200 kms en 4 jours. Et bien sûr à l'arrivée, pas question de se reposer mais aller à la bataille. Je suis toujours sans voix quand je vois la rusticité de ces troupes en pensant à la qualité de leurs chaussures et à l'inconfort et au poids de leur équipement, leur ravitaillement aléatoire :!: Honneur aux Anciens :!:

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" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "


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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 16:05 
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La Saussaye a écrit :
Pour effectuer un instant une incise dans mon blabla :

https://www.youtube.com/v/k1FHpw9txmY

Voici quelqu'un de bien plus étoffé que moi évoquant l'armistice de Pleiswitz et ses conséquences.

Très intéressante conférence.

Si je résume, les échanges diplomatiques durant l'armistice ont abouti à une résolution des alliés, verrouillée par les Anglais, de combattre Napoléon jusqu'à sa chute ? (Sauf peut-être pour l'Autriche, au moins formellement.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 26 Déc 2018 22:56 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Théodare a écrit :
Merci pour ce résumé clair et concis La Saussaye, très intéressant.

Citer :
Mais les alliés ont subi mais aussi observé les tactiques françaises depuis 1805, et de surcroît un homme, écouté par le Tsar Alexandre, lui fait part d'une remarque de bon sens.
Par curiosité ... qui?

Je dirais Jomini ou Bernadotte

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 27 Déc 2018 21:43 
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Jean Froissart
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En effet deux hommes ont alors planté les premiers clous sur le cercueil du premier empire : Jomini (bravo bourbilly) mais pas Bernadotte, qui avait bien autre chose en tête à ce moment : Moreau !

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 Sujet du message : Re: La campagne de 1813
Message Publié : 27 Déc 2018 23:13 
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D'un point de vue tactique en effet, après près de dix années de défaites constantes, les alliés ont enfin compris trois facteurs essentiels de la guerre moderne que les français leur avaient imposé : le regroupement des unités par corps d'armée, la rapidité de manœuvre et une accumulation de plus en plus impressionnante d'artillerie.

Les autrichiens n'ont pas oublié ce qu'ils ont subi à Wagram quand la grande batterie de cent pièces a écrasé leur centre sous son feu.

Les russes ont beaucoup appris du barrage roulant d'artillerie qui à Friedland en 1807 a pilonné au plus près leurs divisions, et du tonnerre de canons qui à Borodino (La Moskowa) en septembre 1812 a écrasé leurs redoutes.

Les prussiens ont reconstruit une armée en copiant le modèle de l'ennemi français, détesté mais de toute évidence efficace, et leur général en chef, Blucher, un cavalier, est convaincu par nature de l'importance essentielle d'aller vite, très vite.

Cette question de vitesse des unités a été l'essentiel de la manœuvre napoléonienne pendant plus de quinze ans. Quand Napoléon en 1805 disait à ses maréchaux : "chaussez tous vos bottes de sept lieues, la lenteur n'est source que de malheur", il théorisait une façon de faire la guerre qui allait tout bouleverser.

A cette époque, les armées autrichiennes pour les prendre en exemple faisaient en moyenne 15 kilomètres par jour quand les divisions françaises en faisaient 40 ...

Cette vitesse de progression s'accompagnait pour les français d'une transmission des ordres qui prenait systématiquement de court leurs ennemis : le diable est dans les détails, et pour les adversaires des armées françaises, le détail était que les ordres parvenaient en pleine nuit aux commandants de corps et aux divisionnaires par un système d'état-major que nous allons expliquer, alors que l'adversaire, autrichien, prussien ou russe avait pour habitude de transmettre les ordres de marche et de manœuvre au petit matin.

En d'autres termes, lorsque les divisions françaises avaient pris la route depuis six ou sept heures du matin, elles savaient déjà quels étaient leurs objectifs alors même que l'ennemi n'avait pas encore replié ses bivouacs avant de se mettre en marche vers 09h00 du matin en moyenne : les français avaient souvent de trois à quatre heures d'avance sur l'ennemi, ce qui changeait tout au plus près des champs de bataille.

La vitesse est tout, rappelait sans cesse Napoléon à ses généraux : "activité, activité, vitesse ! je m'en remets à vous" écrit-il à ses maréchaux en 1809.

Si les prussiens de Blucher commencent à agir ainsi, les autres armées restent lentes au pas des fusiliers, mais elles sont tellement nombreuses en effectif ...

Et puis il y aura un homme qui va faire basculer les choses. C'est un suisse.

Pire, c'est un général de brigade de l'armée française. Encore pire, il a été pendant plusieurs années le chef d'état-major du Maréchal Ney.

Pire que tout, Napoléon l'a rencontré, l'avait jaugé et avait constaté que ce suisse pensait militairement comme lui, mais il n'en avait pas tenu compte.

En 1813, le Général Antoine Jomini, suisse au service de France, quitte ce service et se propose aux russes qui l'accueillent aussitôt. On lui a refusé en France le grade de général de division.

Jomini, qui combattait depuis près de quinze ans au sein des armées françaises, s'est senti blessé à juste titre par ce refus de reconnaissance de ses services et de ses talents.

Pour se donner une idée de la gaffe monumentale qui vient d'être commise, il suffit de se rappeler que c'est lui, Jomini, qui très âgé en 1859, conseillera à Napoléon III la manœuvre stratégique qui mènera au désastre les autrichiens à Magenta puis Solferino ...

Jomini devient rapidement le principal conseiller du Tsar Alexandre, et il lui donne, non pas un conseil, mais LE conseil qui va tout changer.

Puisque Napoléon est invincible sur le champ de bataille, et que la guerre en cours se développe sur un territoire immense avec plusieurs armées, il faut attaquer partout ou Napoléon est absent, et se replier dès qu'il intervient personnellement.

Jomini n'est pas le seul à donner ce conseil.

Le général Moreau, qui avait gagné en 1800 la bataille de Hohenliden, républicain qui s'était opposé à la montée au pouvoir de Napoléon, s'était exilé aux Etats-Unis puis avait regagné l'Europe en 1813.

Présenté à Alexandre par l'intermédiaire des anglais, vicieux mais loin d'être idiots, il lui a donné un conseil similaire, mais il va mourir à Dresde, frappé par un boulet français.

Etrange destin ... Son tombeau se trouve aujourd'hui encore à Saint Petersbourg, sur la perspective Nevski, et il fut fait Maréchal à titre posthume par Louis XVIII, lui qui avait toujours vomi la monarchie.

Alexandre Ier saisit immédiatement l'intelligence du propos, aidée par les énormes moyens disponibles, et fait valider par les commandants d'armée cette étrange tactique : on va attaquer les français de tous les côtés, se battre à outrance quand en face l'ennemi est commandé par des Maréchaux ou des généraux, et à l'inverse se replier à toute vitesse si jamais on apprend que Napoléon arrive en renfort de ses corps d'armée forcément disséminés sur un périmètre énorme.

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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