Aigle a écrit :
Sur le plan géopolitique , je pense que Les Britanniques adhéraient à une conception plus souple (hypocrite?) et ne voyaient sans doute dans ce traité non pas un accord sincère et durable mais simplement un élément ponctuel d'un dispositif plus flou mais plus large.
Sur « l'esprit » du traité tel que vu par les Anglais, on peut citer la lettre qu'écrivit Hawkesbury à Whitworth, le 9 février 1803 :
« En réponse à la dépêche de Votre Excellence du 27 Janvier relativement à la demande qui vous a été faite par le gouvernement français, au sujet de Malte, je ne puis-avoir de difficulté à vous assurer, que Sa Majesté a toujours eu le plus sincère désir que le traité d'Amiens pût être exécuté pleinement et complètement; mais il ne Lui a pas été possible, de considérer ce traité comme ayant été fondé sur des principes différents de ceux qui ont été appliqués invariablement à tout autre traité ou convention antérieures, c'est-à-dire, qu'il n'a jamais été négocié de paix, qu'en se référant à l'état connu de possession des différentes parties, et aux traités ou engagements publics qui les liaient à l'époque où elles concluaient la paix.
Si cet état connu de possession et d'engagements est altéré par le fait de l'une ou de l'autre des parties, d'une manière assez forte pour affecter la nature du pacte commun lui-même, l'autre partie a le droit, suivant le droit des gens, d'intervenir, afin d'obtenir satisfaction ou des compensations pour toute différence essentielle qui peut en être résultée subséquemment dans leur situation respective. Et s'il a jamais été un cas auquel ce principe puisse s'appliquer avec une justice particulière, c'est celui du dernier traité de paix ; car la négociation a été conduite sur une base qui n'a pas été proposée seulement par Sa Majesté, mais qui a été admise et reconnue dans une note officielle par le gouvernement français, savoir, que Sa Majesté garderait quelques-unes de ses conquêtes comme compensation des acquisitions importantes de territoire que la France avait faites sur le continent. C'est là une preuve suffisante qu'il était bien entendu que le traité avait été conclu en se référant à l'état de choses existant alors, puisque les compensations que Sa Majesté gardait étaient calculées par rapport aux acquisitions de la France à cette époque. Et si l'interposition du gouvernement français dans les affaires générales de l'Europe, depuis cette époque; si son interposition par rapport à la Suisse et à la Hollande, dont l'indépendance leur était déjà garantie à l'époque de la conclusion de la paix; si les annexions qui ont été faites à la France de différents côtés, mais surtout en Italie, ont étendu le territoire et augmenté le pouvoir du gouvernement français, Sa Majesté serait autorisée, par l'esprit du traité de paix à demander des équivalents pour ces acquisitions, comme contrepoids à l'augmentation du pouvoir de la France.
Cependant, Sa Majesté jalouse de prévenir toute cause de malentendus, et désirant consolider la paix générale de l'Europe, autant qu'il est en son pouvoir, aurait consenti à renoncer aux prétentions de cette nature qu'Elle pouvait avoir le droit d'avancer; et comme les autres articles du traité définitif s'exécutaient successivement de Sa part, Elle était de la même manière prête à exécuter l'article X, suivant l'esprit et la lettre; mais son exécution est devenue impraticable par des circonstances que Sa Majesté ne pouvait pas empêcher. En conséquence il allait être préparé des instructions pour Votre Seigneurie, d'après ces dispositions, si la publication très extraordinaire du rapport du colonel Sébastiani au Premier Consul, n'avait attiré l'attention du gouvernement de Sa Majesté.
Il est impossible à Sa Majesté de considérer ce rapport autrement que comme une publication officielle; car sans rappeler particulièrement les explications qui ont été données à plusieurs reprises au sujet des publications du Moniteur, l'article en question, étant intitulé Rapport d'un Agent accrédité au Premier Consul, puisqu'il paraît avoir été signé par le colonel Sébastiani lui-même, et étant publié dans le papier officiel, avec un titre officiel en tête, doit être regardé comme autorisé par le gouvernement français. Ce rapport contient les accusations et les insinuations les plus dénuées de justice contre l'officier qui commandait Ses forces en Egypte, et contre l'armée britannique dans cette partie du monde; accusations qui seules autoriseraient Sa Majesté à demander l'espèce de satisfaction, que, dans des occasions de cette nature, des puissances indépendantes, en état d'amitié, ont droit d'attendre les unes des autres. Il découvre, en outre, des vues dangereuses au dernier point aux intérêts des états de Sa Majesté, directement opposées et entièrement incompatibles avec l'esprit et la lettre du traité de paix conclu entre Sa Majesté et le gouvernement français : et Sa Majesté croirait manquer à ce qu'Elle doit à la dignité de Sa couronne, et aux intérêts de Ses états, si Elle pouvait voir avec indifférence un système comme celui-ci se développer et être avoué ouvertement.
Sa Majesté ne peut donc regarder la conduite du gouvernement français en diverses occasions, depuis la conclusion du traité définitif; les insinuations et les accusations contenues dans le rapport du colonel Sébastiani, et les vues que ce rapport découvre, sans ressentir qu'Elle doit déclarer, qu'il Lui sera impossible d'entrer dans aucune discussion ultérieure relativement à Malte, à moins qu'Elle ne reçoive des explications suffisantes au sujet de ce que je vous communique aujourd'hui.
Votre Seigneurie est priée de saisir la plus prompte occasion d'expliquer pleinement les sentiments de Sa Majesté que je viens d'énoncer au gouvernement français. »