Nebuchadnezar a écrit :
En tout cas, dans les armées, je n'ai jamais entendu parler de problème de langues qu'on peut trouver dans les armées d'empires multi-ethniques comme l'armée d'Autriche-Hongrie.
Il me semble que lorsque certains éléments de la IIème armée de la Loire se sont retrouvés avec des bataillons issus de l'Ouest de la France à l'automne 1870, la communication entre soldats n'était pas toujours aisée.
Il faudrait que je retrouve les sources.
En terme de renseignement sur l'alphabétisation au sein de l'armée française, celle-ci produit sa première étude statistique en 1827-1829. A cette date, 44, 8 conscrits sur 100 seulement savaient lire. Il n'y a pas de précisions sur la question de l'usage des patois et dialectes.
Pour la période révolutionnaire, l'usage de ces patois et dialectes a été source de problèmes politiques et sociaux pour la Convention montagnarde. Ils sont accusés de propager des idées contre-révolutionnaires. Barère en fait le constat en janvier 1794 dans son rapport du CSP :
Barère a écrit :
"Quatre points du territoire de la République méritent seuls de fixer l'attention du législateur révolutionnaire sous le rapport des idiomes qui paraissent les plus contraires à la propagation de l'esprit public et présentent des obstacles à la connaissance des lois de la République et à leur exécution.
Parmi les idiomes anciens, welches, gascons, celtiques, wisigoths, phocéens ou orientaux, qui forment quelques nuances dans les communications des divers citoyens et des pays formant le territoire de la République, nous avons observé (et les rapports des représentants se réunissent sur ce point avec ceux des divers agents envoyés dans les départements) que l'idiome appelé bas-breton, l'idiome basque, les langues allemande et italienne ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des praticiens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants, et peuvent favoriser les ennemis de la France."
L'abbé Grégoire est encore plus incisif quatre mois plus tard :
L'abbé Grégoire a écrit :
"Il n'y a qu'environ quinze départements de l'intérieur où la langue française soit exclusivement parlée ; encore y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit dans la prononciation, soit par l'emploi des termes impropres et surannés, surtout vers Sancerre, où l'on retrouve une partie des expressions de Rabelais, Amyot et Montaigne.
Nous n'avons plus de provinces, et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms.
Peut-être n'est-il pas inutile d'en faire l'énumération : le bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l'auvergnat, le poitevin, le limousin, le picard, le provençal, le languedocien, le velayen, le catalan, le béarnais, le basque, le rouergat et le gascon ; ce dernier seul est parlé sur une surface de 60 lieues en tout sens.
Au nombre des patois, on doit placer encore l'italien de la Corse, des Alpes-Maritimes, et l'allemand des Haut et Bas-Rhin, parce que ces deux idiomes y sont très-dégénérés. (...)
On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement encore moindre."
Le rapport de Barère entraine l'envoi d'instituteurs dans ces régions pour l'apprentissage du français.
On ne sait pas quel a été le résultat de cette politique d'instruction publique. Sans doute modéré en raison du manque des moyens offerts (les communes devant supporter l'essentiel des coûts) et du contexte politique et militaire du moment.
Loïc a écrit :
ainsi par exemple les Lyonnais (département à 70% alphabétisé vers 1820 quand la moyenne nationale était de 55%) auraient été incapables de comprendre les Marseillais (sic!)
Je pense également que cela est exagéré.
Le problème de l'instruction publique avant le Second Empire et, surtout, de la IIIème République est que la variété de sa mise en oeuvre dans les départements français est très importante, que les coûts sont trop importants pour la moitié des communes rurales - ce qui explique aussi le maintien des religieux -, que le clergé catholique exerce encore une forme de magistère sur celle-ci et est peu enclin aux réformes et qu'une grande partie des agriculteurs (majoritaires dans la population) n'envoient pas leurs enfants à l'école ou alors de manière ponctuelle. Pas évident dans ce contexte de faire progresser l'alphabétisation en français "correct".
La seule étude globale sur l'évolution de l'alphabétisation en France de Louis XIV à Napoléon III est contenue dans le rapport Maggiolo - à la méthode discutable de se fonder essentiellement sur les signatures des actes de mariage :
https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1957_num_12_1_5553Je n'ai malheureusement rien trouvé pour la période impériale, mais peut-être que Cyril dispose de quelques pistes.