Bonjour,
@ Drouet Cyril :
Que voici un homme intelligent que ce Wellington... Sans parler de Louvois... Il n'est de bon sang que celui que l'on évite de faire couler.
Je vous remercie encore et votre citation, bien qu'elle soit au conditionnel me parait extraordinaire pour clore un débat. C'est toute la différence entre ceux qui savent et ceux qui croient.
Grand merci à vous.
Atlante a écrit :
Notre vision des "conquêtes" du passé, et en particulier des conquêtes napoléoniennes, est tout sauf objective.
Je me trouve assez objective mais le doute s'est insinué et là, la raison se paralyse.
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En effet, la vision d'un homme dépend avant tout du côté où l'on se trouve. Par exemple, l'image de Bismarck est plutôt négative en France, alors qu'elle est très positive en Allemagne (et pour cause, il a largement contribué à développer son pays).
Vous pouvez ajouter l'Autriche à la France. Mais tout ceci est compréhensible. L'Histoire est faite par des hommes qui ne sont pas au-dessus du commun. J'entends par là dans leurs qualités et défauts, dans leur vues, dans leurs politiques (au pluriel car bien souvent il est bon de savoir en changer). Une constante cependant : la fin justifie les moyens.
A partir de ceci, les moyens sont forcément sujets à débat et ainsi on remonte à ce qui devrait être analysé en premier : "la fin".
L'Allemagne s'est développée et Bismarck en est le principal acteur.
Cependant nous n'avons point la même image d'un Garibaldi ou d'un Cavour dont le but est aussi une unification sans laquelle aucune force constante, aucun but unique, aucune notion de patrie donc un rôle très secondaire et une difficulté dans l'établissement de structures durables.
Chacun oeuvre pour ce qui lui semble bon. Bismarck a beaucoup "oeuvré", un peu moins nous aurait fortement arrangé mais c'est ainsi.
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Il en est de même pour Napoléon, très positif en France, mais négatif dans les pays conquis (l'Allemagne avec ses états rhénans, par exemple).
Très positif, on en revient... Bien sûr il y a tous les paramètres de l'épopée si proche au coeur français repris et amplifiés par les grands romantiques mais bon, un champ de bataille n'a rien de romantique. Nous restons encore sur des clichés relayés par notre littérature.
Je reconnais que l'homme est unique mais aussi le contexte, la période et la vision très "française" de ce qui chez le voisin nous apparaitrait comme innommable. Je succombe aussi parfois à ces clichés mais l'Histoire n'est pas "se faire plaisir" (nous avons la littérature pour ça) mais aussi un constat, des bilans etc.
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Donc, Napoléon héros et méchant tsar oppresseur me semble une vision un peu simpliste de la situation...
Je vous l'accorde mais il faut croire que d'aucuns y croient encore. Faut-il y voir là, la fougue de la jeunesse, l'ivresse d'une France bombant le torse, j'essaie de comprendre comment encore de nos jours on peut appréhender un homme sans entrer dans un vrai débat et arriver par là-même à renforcer des clichés encore bien présents.
J'ai la tendance assez fâcheuse il est vrai d'essayer de comprendre les motivations des hommes ou tout au moins d'essayer de rééquilibrer les tenants et les aboutissants car rien ne me paraît pire que "tirer sur l'ambulance".
Alexandre Ier a su tirer leçon lors de Tilsit :
- Eylau, Friedland -Tilsit - Jean Thiry - Ed. Berger-Levrault
D'aucuns nous présentent un homme admiratif de Napoléon, déçu dans son amitié, immature et un brin instable. Je trouve qu'au contraire, il était on ne peut plus conscient et là encore l'Empereur a péché par un manque d'analyse de l'homme en face de lui. Ce problème, qui ne semble pas apparaître chez Bonaparte devient récurrent chez Napoléon. Mais d'une récurrence qui a parfois de fortes conséquences.
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En ce qui concerne l'hiver, certes, il était prévisible et... prévu. Sauf que Napoléon n'en avait pas imaginé le quart de la rudesse (Hitler s'y fera prendre lui aussi plus d'un siècle après). Même les grands hommes ne pensent pas à tout... Par ailleurs, ce que l'Histoire a moins retenu, c'est que l'hiver, certes, a fait des dégâts, mais surtout, il a porté le coup de grâce à une armée déjà très éprouvée par les maladies locales. La Russie est un pays de plaines plus ou moins humides, plus ou moins marécageuses. L'été y favorise la diffusion d'affections telles que la dysenterie ou, pire encore, le typhus véhiculé par les poux. Des soldats de la Grande Armée exhumés d'une fosse commune à Vilnius en Lituanie il y a quelques années ont bien mis en évidence cette réalité : les restes de leurs vêtements contenaient encore d'innombrables cadavres de poux.
L'hiver russe est en effet un effroyable linceul pour la grande armée. Les hommes ne pouvant s'arrêter pour des besoins dus à la dysentrie : s'arrêter était mortel donc l'armée se vidait dans tous les sens du terme dans sa marche épuisante.
Il n'y au pas que la neige, la fameuse raspoutitza et l'effort demandé afin de soulever une jambe prise jusqu'au genou pour faire un pas demande un minimum de calories. L'intendance ne suivait pas. Combien dans cette boue infernale ont dû laisser leurs chaussures. Ceci peut paraitre anecdotique mais c'est le début de la fin. Le bout des membres gelés, le corps affaibli, les maladies, les poux, la gale, le moral et surtout cette immensité...
Un pareil hiver sur un autre pays eut été sans doute gérable mais là... Bien sûr on peut ne pas penser à tout mais là encore, il faut savoir reculer et ce fameux hiver devait être connu et raconté car bien symptomatique de ce pays. Maintenant que l'Empereur ait fait des erreurs d'estimation quant à son avance, le temps etc. Il arrive un moment où ceci ne tient plus. Il arrive un moment où il faut savoir dire stop, reculer voire tourner les talons afin de se refaire.
Cette volonté d'avancer me dépasse venant d'un homme dont tous les Historiens s'accordent à reconnaitre le génie. Ceci m'étonne d'autant plus que ce paraît être une simple équation mathématique voire même des décisions relevant du plus élémentaire bon sens. On avance et c'est la mort, on bat en retraite et l'on peut espérer sans même traiter sauver une grande partie de l'armée.
A ceci on me rétorque que les Français n'auraient "pas compris". Je crois qu'à ce moment la seule espérance des Français était l'arrêt de l'hémorragie des conscriptions et enfin un peu de paix. Quel qu'en soit le prix.
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Enfin, comme vous le soulignez, les Russes ne se sont pas battus de façon rangée mais en pratiquant la politique de la terre brûlée. Napoléon, gonflé du poids de ses victoires passées, n'avait pas non plus imaginé affronter ce genre d'adversaire.
J'entends bien mais au bout d'un moment, constatant la récurrence de l'absence d'ennemi en face et de constantes attaques des arrières-gardes par les Cosaques, il est temps de tirer certaines conclusions. Devant on gèle et on tombe, au milieu on remplace ceux de devant, c'est une longue colonne de souffrances et de morts constamment harcelée alors il arrive un moment où même un enfant peut estimer la situation.
Napoléon fut-il mal renseigné ? Je n'arrive pas à le croire j'irais même dans le sens où lors de concertations certains devaient noircir le tableau si tant est qu'il pouvait être encore noirci... Je ne comprends pas cette volonté totalement ahurissante d'avancer, comme pour conjurer quelque chose puis vient enfin la retraite... A savoir, avancer dans l'autre sens ni plus ni moins. J'imagine...
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Trouver là-dedans les bons et les méchants... c'est bien difficile. Les vrais héros, ce sont ceux qui se sont battus sur le terrain, voire ceux qui y ont laissé leur peau. Les autres, ma foi...
Il y a eu des erreurs avec des conséquences effroyables au niveau des décisions impériales.
Dans un épisode comme celui-là, il n'y a pas de héros. Pour ceux qui en sont revenus, c'était déjà plus qu'héroïque. Je doute fort que là, Napoléon a tiré quelques oreilles en disant : "...Vous en étiez et l'on dira, c'était un brave..."
Là encore les mots passent à la postérité dans un certain contexte mais là encore Napoléon aurait dû se souvenir de ses propres mots : "...du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas..." pas franchit allègrement mais les mots "sublime" et "ridicule" ne trouvent plus de résonance lorsqu'il s'agit de la vie de quantité d'hommes, que l'Empereur avec un certain cynisme nommait "sa rente".
L'exposé brillant et exact d'un ministre après Tilsit "... est accueilli avec transports par les députés du Corps législatif. La gloire et la puissance de l'Empereur était au zénith mais l'Angleterre restait maîtresses des mers, le peuple allemand et bientôt le peuple espagnol allaient bientôt se soulever, l'Autriche était hésitante, mais dans le fond de son coeur hostile, l'alliance russe était peu sûre et Napoléon resté homme malgré son génie, sa ténacité, sa gloire allait être saisi par une ambition démesurée qui peu à peu l'entraînerait dans des entreprises qui ruineraient progressivement son oeuvre, entraînant sa chute..." En effet, derrière le génie, un homme va se laisser déborder dans une sorte d'épouvantable course, mais contre quoi ? Ou après quoi ?
Je vous remercie pour cet échange.
Bien à vous.
G.