Bonjour Bartholoméo,
A l'occasion de mon mémoire de maîtrise qui portait sur la criminalité et les sociabilités dans la région de Thionville (fin XVIIe - XVIIIe siècle), j'ai pénétré plus d'une fois dans les cabarets du coin (via les sources, bien sûr !). En effet, je suis tombé sur un certain nombre d'affaires qui trouvaient leur origine dans ces lieux. Les interrogatoires des accusés et les dépositions des témoins permettent de se faire quelque idée à leur sujet. Quelques informations sur ce que j'ai trouvé dans ces sources judiciaires (série B aux Archives départementales) :
1. Configuration générale. Assez flou. Une salle principale flanquée éventuellement d'arrières-salles pouvant être réservées (louées ?) par des groupes de clients.
2. Décoration. Mystère sur ce point. Je ne me rappelle pas avoir rencontré de renseignements sur ce point précis.
3. Ce qu'on y consommait. Cela peut être variable selon les régions. Dans la région de Thionville, c'était essentiellement du vin. Ce qui corrobore ce qu'écrivait Robert Mandrou dans Introduction à la France moderne. Essai de psychologie historique (Albin Michel). Selon lui, la consommation de bière est relativement peu fréquente à l'époque moderne et, effectivement, je n'avais trouvé de mentions à ce breuvage qu'à deux ou trois reprises sur les quelque 140 années qui m'intéressaient. La bière semblait être, à l'époque, surtout consommée dans le Nord de la France et l'Alsace. Pour en revenir à la région thionvilloise, j'ai également remarqué quelques mentions d'eau-de-vie (ou brandevin) légèrement plus fréquentes que la bière, mais largement en-deça du vin. Enfin, quelques établissements dénommés "cafés" apparaissent à Thionville dans la première moitié du XVIIIe s. A ne pas confondre avec le sens "débit de boisson" que recouvre actuellement ce terme : à l'époque, un "café" est un établissement où l'on sert du café (boisson qui commence à se diffuser en France à cette époque, notamment en raison des cultures aux Antilles françaises).
4. Ce qu'on y faisait. Essentiellement parler, jouer... et boire ! Attention tout de même : dans un village d'Ancien Régime, le rôle du cabaret est sensiblement plus crucial que celui des "cafés" aujourd'hui. C'était un épicentre des sociabilités. Bien entendu, on s'y bat parfois. Peut-être plus qu'aujourd'hui, mais, pour autant, cela ne dégénérait pas tous les jours en castagne !).
5. A quoi on jouait ? D'après mes sources, il s'agissait essentiellement de jeux de cartes (le jeu exact n'est pratiquement jamais cité). Sont également évoqués des jeux de dés et, plus rarement, les jeux de quilles.
6. Quels types de personnages on pouvait y rencontrer ? La plupart du temps, des personnes issues de milieux "populaires" : paysans, artisans (la frontière entre ces deux catégories est souvent floue, au moins dans les campagnes et il n'est pas rare d'y rencontrer des vignerons-tonneliers, des manouvriers-menuisiers, etc.). Les "notables" s'y rencontrent bien moins fréquemment. A Thionville, de nombreux soldats fréquentent les cabarets en raison du fait que le ville comporte une importante garnison.
Bien entendu, je tiens à préciser que je tire ces quelques remarques essentiellement de ce que j'avais pu observer pour la région thionvilloise.
Pour ce qui est des lectures :
- Robert MANDROU, Introduction à la France moderne, Albin Michel.
- Jean-Pierre GUTTON, La Sociabilité villageoise dans l'ancienne France : solidarités et voisinages du XVIe au XVIIIe siècle, Hachette.
- L'article de Véronique NAHOUM-GRAPPE , « “Boire un coup” au XVIIIe siècle », publié dans la revue Terrain (Carnets du patrimoine ethnologique), n° 13, Octobre 1989, pages 72-80. (A dénicher en bibliothèque.)
- Sur les jeux, voir Jean-Michel MEHL, Les jeux au royaume de France, Fayard. Ce livre porte sur la fin du Moyen Âge et le XVIe s. mais on y trouvera sans doute quelques informations utiles.
PJ
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