Inscription : 12 Juil 2003 17:54 Message(s) : 570
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Extrait de la relation du duc de Croÿ de l'exécution de Damiens :
"[...] Vers trois heures, il fut mené, dans le tombereau, à Notre-Dame, faire amende honorable. De là, avant quatre heures à la Grève. Il y avait un monde affreux partout où il passait, mais le peuple et les Parisiens ne parurent que badauds, à leur ordinaire, et d'ailleurs indifférents. Ils ne témoignèrent ni haine, ni pitié.
Arrivé à la Grève, il examina tout, il alla à l'Hôtel de Ville, où il ne fut qu'une demi-heure. Il y dit nettement qu'il demandait pardon à Dieu, au roi, à la justice et à M. l'archevêque de tous les mauvais propos qu'il avait tenus contre lui. Il assurait d'ailleurs nettement qu'il n'y avait ni complot, ni complice. C'est par où il finit, et s'y tint sans chercher à retarder son supplice, et au contraire à finir.
On le mena vers quatre heures et demie, au milieu de la place de Grève, où l'on avait fait une forte barrière, laissant un espace d'un demi-arpent, au milieu duquel était une petite table basse, fortement scellée en terre par six grosses pierres. Il n'y avait, autour de lui, que dix bourreaux et les deux confesseurs. Il aida lui-même à se déshabiller, ne témoignant ni crainte, ni étonnement mais envie de finir (on se souvient qu'il voulait se tuer, souvent.)
On l'étendit sur cette espèce de table où des cercles de fer de tous sens fixèrent son corps, deux en travers, un en fourche, laissant le cou libre, et un entre les cuisses, et tout se rejoignant au milieu, et se serrant par de gros écrous sous la table, de sorte que le tronc était absolument fixé. On lui attacha la main droite à une menotte exprès, on la lui brûla au feu de soufre, ce qui lui faisait jeter des cris horribles, ensuite on lui lia très fortement les bras et les cuisses, d'abord en haut, et, de là, en tournoyant husqu'au poignet et au pied, et l'on attacha ces cordes aux harnais de quatre grands chevaux qui étaient placés aux quatre coins de la table, et, le signal étant donné par le bourreau, on fit tirer les quatre chevaux par secousses qui n'emportèrent rien, mais lui firent faire des cris affreux.
On redoubla les secousses sans pouvoir l'emporter, et ces cris affreux perçaient malgré le bruit du nombre prodigieux de spectateurs. On le fit tirer ainsi plus d'une heure que ses cris ne discontinuèrent pas.
Pour tâcher de l'emporter, on ajouta les deux chevaux du tombereau sur ses cuisses en tirant en écartant, et les six chevaux à la fois. Cela ne servit qu'à faire redoubler les cris qui se soutenaient avec la même force, tant cet homme était fort. Les bourreaux, ne sachant que faire, furent demander à l'Hôtel de Ville. On dit qu'il fallait qu'il fût écartelé. On recommença les secousses. Les cris continuèrent, mais les chevaux se rebutèrent de toujours tirer sans avancer. Alors les juges permirent qu'on le dépiéçât, le bourreau lui taillada le haut des cuisses, en faisant tirer les chevaux. Il levait encore la tête pour voir ce qu'on lui faisait, et lui, qui était jureur, ne jura pas, mais il jetait souvent la tête du côté du crucifix et le baisait. Les confesseurs lui parlaient.
Enfin, après une heure et demie passée de ces souffrances sans exemple pour la longueur, la cuisse gauche partit la première. A quoi le peuple battit des mains. Jusque là, il n'avait paru que curieux et indifférent. Ensuite, à force de taillader, l'autre cuisse partit. Les cris continuèrent avec la même force. Ensuite, on taillada une épaule, qui partit enfin. Les cris continuèrent, mais en baissant beaucoup de force, et la tête continua à aller. Enfin, on taillada la quatrième partie, c'est-à-dire l'autre épaule, et ce n'est que là que la tête tomba, quand elle fut emportée, ne restant que le tronçon. On le défit des cercles de fer, et l'on dit qu'il palpitait encore quand on le plaça sur le bûcher, où on brûla le tout.
Telle fut la fin de ce misérable qui souffrit, à ce que l'on croit, le plus grand supplice que jamais homme ait essuyé, pour la longueur des grandes douleurs. [...]"
Dans une relation anonyme de la même exécution, on lit :
"[...] Pendant ce temps, les deux bourreaux qui avaient les bistouris lui divisèrent les membres ce qui ne dura que quatre minutes; il cria moins pendant cet intervalle, mais il était très attentif à chaque membre qu'on lui coupait, il les voyait partir en les suivant des yeux; il expira au dernier bras coupé qui était le bras gauche, la tête retournée vers celui qui le lui coupait et son tronc resta dans le même état qu'il y avait été assujetti. On remarqua après la division de ses membres qu'il était resté très peu de sang sur la table. Le curé de Saint-Paul, après la division des membres s'était encore approché, le bourreau lui dit qu'il était mort, il se retira sur le champ avec l'autre confesseur et messieurs du Parlement partirent de l'Hôtel de Ville aussitôt que le feu fut mis au bûcher sur lequel on avait jeté ses membres et son tronc. Il n'y eut que le greffier qui resta pour terminer le procès verbal d'exécution. Pendant toute cette exécution où Damiens souffrit des douleurs horribles, il montra une grande fermeté et ne proféra pas un seul jurement."
Montesson a écrit : J'ai bien une relation de cette exécution... mais c'est celle de Casanova, et je crois raisonnable de l'interdire aux moins de seize ans.
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